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  1. title: Le municipalisme libertaire : qu'est-ce donc ?

  2. url: https://www.revue-ballast.fr/le-municipalisme-libertaire-quest-ce-donc/

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  4. 

  5. <p align="justify"><span><i>On reproche </i><i>régu­liè­re­ment</i><i> aux par­ta­geux de cri­ti­quer sans pro­po­ser. Le muni­ci­pa­lisme liber­taire (ou com­mu­na­lisme), né </i><i>au début des </i><i>années 1970 sous la plume de l’écologiste états-unien Murray Bookchin, consti­tue pour­tant l’un des pro­jets de socié­té les plus struc­tu­rés au sein du mou­ve­ment anti­ca­pi­ta­liste. Mais un pro­jet mécon­nu. Fort de</i><i>s</i><i> trois échecs </i><i>du siècle der­nier </i><i>(le com­mu­nisme mon­dial, l’anarchisme </i><i>local</i><i> et le réfor­misme </i><i>par­le­men­taire</i><i>), le muni­ci­pa­lisme liber­taire pro­pose, par un pro­ces­sus </i><i>révo­lu­tion­naire social et éco­lo­gique, </i><i>de </i><i>« </i>rem­pla­cer l’État, l’urbanisation, la hié­rar­chie et le capi­ta­lisme par des ins­ti­tu­tions de démo­cra­tie directe et de coopé­ra­tion<i> »</i><i>. </i><i>Ce fut l’œuvre de Bookchin ; ce fut même, confia-t-il, le but de s</i><i>on exis­tence </i><i>et sa seule «</i> rai­son d’espérer <i>»</i><i>. </i><i>On aurait rai­son de </i><i>s</i><i>e méfier des </i><i>théo­ries radieuses et des </i><i>hori­zons </i><i>clés en main ; on aurait tort de les railler </i><i>à l’ère du dérè­gle­ment cli­ma­tique, de la sixième extinc­tion de masse, </i><i>de l’abstention galo­pante</i><i>, de </i><i>la<span> pou</span>ssée</i><i> natio­na­liste, de l’é­pui­se­ment pro­chain des réserves de pétrole et de la </i><i>concen­tra­tion tou­jours plus inouïe </i><i>des richesses — huit per­sonnes sur la pla­nète pos­sé­dant autant que la moi­tié la plus pauvre de la popu­la­tion mon­diale</i></span><sup/><span>. </span>☰ Par Elias Boisjean</p><hr/><p align="justify"><picture class="wp-image-39064 size-full alignleft">

  6. <source type="image/webp" data-lazy-srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/08/ml7.jpg.webp 300w" srcset="data:image/svg+xml,%3Csvg%20xmlns='http://www.w3.org/2000/svg'%20viewBox='0%200%20300%20300'%3E%3C/svg%3E" data-lazy-sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px"/>

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  8. </picture>

  9. <noscript><picture class="wp-image-39064 size-full alignleft">

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  12. </picture>

  13. </noscript>Murray Bookchin est mort cinq ans après l’écroulement du World Trade Center et douze mois avant l’éclatement de la crise des <em>sub­primes</em>. Théoricien de pre­mier plan de l’écologie sociale et fon­da­teur du muni­ci­pa­lisme liber­taire, il vou­lut, selon les mots de sa bio­graphe <a href="https://www.revue-ballast.fr/janet-biehl-bookchin-a-ete-marginalise/">Janet Biehl</a>, « <i>res­sus­ci­ter la poli­tique dans le sens ancien du terme </i>». Autrement dit : la <i>polis</i>, en grec, la Cité, la com­mu­nau­té de citoyens libres et auto­nomes.</p>

  14. <h2 align="center">Dépasser le marxisme, l’anarchisme et le réformisme</h2><p align="justify">Bookchin fut tour à tour membre du Parti com­mu­niste (années 1930), mili­tant trots­kyste (années 1940), porte-dra­peau de l’anarchisme (années 1950 à 1980) puis voix cri­tique de ce der­nier : cette évo­lu­tion lui per­mit d’appréhender, de l’intérieur, ce qu’il tenait pour les forces et les fai­blesses de cha­cune de ces tra­di­tions poli­tiques, phi­lo­so­phiques et éco­no­miques. Que repro­cha-t-il, à grands traits, aux mar­xismes ? Leur cen­tra­lisme, leur foca­li­sa­tion fan­tas­mée sur le pro­lé­ta­riat d’usine, leur avant-gar­disme, leur auto­ri­ta­risme léni­niste, leur dés­in­té­rêt pour l’é­thique, leur désir émi­nem­ment car­té­sien de sou­mettre la nature, leur lec­ture linéaire de l’Histoire, leur appé­tit pro­duc­ti­viste. Que repro­cha-t-il, même­ment, aux anar­chismes ? Leur condam­na­tion prin­ci­pielle du pou­voir, leur aven­tu­risme, leur indi­vi­dua­lisme, leur dog­ma­tisme, leur rejet de tout sys­tème élec­to­ral, leur mépris du prin­cipe majo­ri­taire. Quant au réfor­misme — autre­ment dit la voie par­le­men­taire et l’accession au pou­voir par les urnes —, il le tenait pour fon­da­men­ta­le­ment inca­pable de mettre fin au mode de pro­duc­tion capi­ta­liste, à la tyran­nie de la crois­sance, à l’impératif com­pé­ti­tif et à la dévas­ta­tion des éco­sys­tèmes.</p>

  15. <h2 align="center">L’écologie sociale contre l’écologie profonde</h2><blockquote><p>« L’espèce humaine n’est pas l’en­ne­mi : la mino­ri­té pos­sé­dante en son sein, si. »</p></blockquote><p align="justify">La lutte éco­lo­gique n’est pas, en elle-même, garante d’un quel­conque pro­jet col­lec­tif éman­ci­pa­teur : du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupement_de_recherche_et_d%27%C3%A9tudes_pour_la_civilisation_europ%C3%A9enne"><span class="caps">GRECE</span></a> au récent désir, for­mu­lé par l’une des têtes des Républicains, de construire «<em> une éco­lo­gie de droite</em><sup/> », du trop fameux « capi­ta­lisme vert » au loca­lisme iden­ti­taire sou­cieux de « <em>tra­di­tions ances­trales </em>» et de se « <em>réen­ra­ci­ner</em> » contre les nomades autour de «<em> l’amour du ter­roir</em><sup/> », la liste des éco­lo­gistes contre-révo­lu­tion­naires n’a pas fini de s’étendre. Murray Bookchin prit donc soin d’arrimer l’écologie qu’il défen­dait à l’épithète « sociale » : de gauche, anti­ca­pi­ta­liste et inter­na­tio­na­liste. Née au début des années 1970, l’écologie dite <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cologie_profonde">« pro­fonde »</a> fut l’une de ses cibles de pré­di­lec­tion : il l’accusa, avec sa vigueur cou­tu­mière, d’être irra­tion­nelle, mys­tique, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Malthusianisme">mal­thu­sienne</a>, misan­thrope, pas­séiste et pos­si­ble­ment raciste et fas­ciste. «<em> Presque tous les pro­blèmes éco­lo­giques sont des pro­blèmes sociaux </em>», expli­qua-t-il ain­si dans son essai<em> Remaking Society</em>. L’espèce humaine n’est pas l’en­ne­mi : la mino­ri­té pos­sé­dante en son sein, si ; les outils tech­no­lo­giques ne sont pas un dan­ger : ne pas les mettre au ser­vice de l’autonomie popu­laire, si<sup/>. Le muni­ci­pa­lisme liber­taire — ou com­mu­na­lisme — enten­dit donc répondre à cette double exi­gence sociale et envi­ron­ne­men­tale.</p>

  16. <h2 align="center">Mettre en place les municipalités</h2><p align="justify">En 1998, l’essayiste Janet Biehl publia, avec l’aval de Bookchin, le mani­feste <i>Le Municipalisme liber­taire </i>: une « <i>solu­tion de rechange </i>» au sys­tème capi­ta­liste, oppres­seur de la Terre et de l’immense majo­ri­té de ses habi­tants, humains ou non. Autorisons-nous, à des fins péda­go­giques, ce périlleux saut dans l’a­ve­nir : à quoi res­sem­ble­rait la pro­chaine révo­lu­tion ?</p><p align="justify">Il s’agira, au com­men­ce­ment, de fon­der un petit groupe muni­ci­pa­liste sur son lieu de vie. Une fois struc­tu­ré, poli­ti­que­ment mûr et humai­ne­ment sou­dé, il devra s’élargir et s’adresser aux habi­tants du quartier/bourg/village/arrondissement puis de la ville (par­ti­tion­née, à terme, en diverses <i>muni­ci­pa­li­tés </i>selon sa superficie<sup/>) afin de deve­nir une force poli­tique. Ce groupe — ados­sé à un règle­ment et pre­nant gra­duel­le­ment la forme d’un mou­ve­ment — opte­ra pour un nom simple à mémo­ri­ser et affi­che­ra une iden­ti­té poli­tique acces­sible au tout-venant ; il s’agira de convaincre les citoyens alen­tours sur la base de deux ou trois points essen­tiels : les enjeux de proxi­mi­té (vie quo­ti­dienne et tra­vail), la démo­cra­tie directe et l’écologie. L’identité cultu­relle et his­to­rique locale pour­ra au besoin colo­rer ledit mou­ve­ment. L’éducation popu­laire sera au cœur de ce <em>pro­ces­sus</em> d’élargissement : un jour­nal et un logo seront créés, des tracts dis­tri­bués dans les espaces de socia­bi­li­té ordi­naire, des affiches pla­car­dées et des confé­rences don­nées — les cafés et les bars devien­dront des espaces incon­tour­nables ; une culture et un bouillon­ne­ment poli­tiques jailli­ront. Des mani­fes­ta­tions seront orga­ni­sées afin de lut­ter contre les pro­jets locaux délé­tères ; un maillage avec les coopé­ra­tives exis­tantes, notam­ment ali­men­taires, sera mis en place. Le muni­ci­pa­lisme liber­taire aura voca­tion à s’adresser au plus grand nombre, et non aux mili­tants ou aux citoyens déjà au fait des enjeux démo­cra­tiques et envi­ron­ne­men­taux.</p><div id="attachment_41123" class="wp-caption alignnone"><img aria-describedby="caption-attachment-41123" class="wp-image-41123 size-full" src="" alt="" data-lazy-srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1.jpg 960w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-300x188.jpg 300w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-600x375.jpg 600w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-150x94.jpg 150w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-768x480.jpg 768w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-700x438.jpg 700w" data-lazy-sizes="(max-width: 960px) 100vw, 960px" data-lazy-src="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1.jpg"/><noscript><img aria-describedby="caption-attachment-41123" class="wp-image-41123 size-full" src="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1.jpg" alt="" srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1.jpg 960w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-300x188.jpg 300w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-600x375.jpg 600w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-150x94.jpg 150w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-768x480.jpg 768w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu1-700x438.jpg 700w" sizes="(max-width: 960px) 100vw, 960px"/></noscript><p id="caption-attachment-41123" class="wp-caption-text">Benjamin Zank</p></div><p align="justify">Le temps pas­sant et la mobi­li­sa­tion mili­tante opé­rant, le mou­ve­ment s’imposera comme un acteur clé de la vie jour­na­lière du quar­tier ou de la ville. La base ins­ti­tu­tion­nelle des futures muni­ci­pa­li­tés démo­cra­tiques sera <i>l’assemblée</i> : l’ensemble de la popu­la­tion d’un espace déli­mi­té sera convié à s’y retrou­ver afin de déli­bé­rer et de prendre en charge les ques­tions d’intérêt com­mun — le citoyen per­dra ain­si son sta­tut de « <em>mineur incom­pé­tent </em>», sou­mis à la tutelle de l’État, et devien­dra enfin « <em>majeur </em>» à mesure que la poli­tique devien­dra la « <em>pro­vince des ama­teurs, des gens ordi­naires </em>». Ces assem­blées seront l’es­pace de la «<em> recor­po­ra­li­sa­tion des masses </em>», de la for­ma­tion du corps poli­tique ; elles se réuni­ront à inter­valles régu­liers dans divers lieux pos­sibles : cour d’école, audi­to­rium, théâtre, église, salle des fêtes, etc. Leur durée sera fixée en amont et un règle­ment adop­té afin d’encadrer, notam­ment, les moda­li­tés de prises de déci­sion. Le bon dérou­lé de chaque assem­blée, mobi­li­sée autour d’un ordre du jour, sera ren­du pos­sible par un per­son­nel révo­cable à tout ins­tant en cas de vio­la­tion dudit règle­ment. La liber­té d’expression devra être « <i>la plus com­plète </i>», et ce quelles que soient les diver­gences idéo­lo­giques, éthiques ou par­ti­daires. Les déci­sions seront prises, après débats, par vota­tion et à la majo­ri­té — la mino­ri­té aura à s’y confor­mer, sans quoi la vie sociale «<i> se </i><i>désintégre[ra]</i><i> dans une caco­pho­nie d’individus har­gneux</i> ». Elle pour­ra sans contre­dit conti­nuer d’exprimer ses désac­cords et cher­cher à convaincre la majo­ri­té de révi­ser son juge­ment ; les dis­si­dents devront exis­ter : sans désac­cords, une socié­té ne pour­rait être libre, vouée qu’elle serait à « <i>sombr[er] dans la stag­na­tion </i>».</p><blockquote><p align="justify">« Le temps pas­sant et la mobi­li­sa­tion mili­tante opé­rant, le mou­ve­ment s’imposera comme un acteur clé de la vie jour­na­lière du quar­tier ou de la ville. »</p></blockquote><p align="justify">Ces assem­blées interclassistes<sup/> pas à pas mises en place, deux voies s’offriront. Le mou­ve­ment, fort de l’intérêt crois­sant de la popu­la­tion locale pour la démo­cra­tie directe, sol­li­ci­te­ra le conseil muni­ci­pal exis­tant (pré­si­dé, en France, par le maire) et exi­ge­ra de lui qu’il recon­naisse, léga­le­ment, la légi­ti­mi­té du muni­ci­pa­lisme liber­taire et sa par­ti­ci­pa­tion effec­tive à la vie poli­tique. « <i>I</i><i>l est hau­te­ment impro­bable </i>», avance tou­te­fois Biehl, que les repré­sen­tants de l’État y consen­ti­ront ; les mili­tants muni­ci­pa­listes devront dès lors se pré­sen­ter à chaque élec­tion muni­ci­pale afin de pou­voir, un jour, prendre la main sur le conseil muni­ci­pal puis, par déci­sion majo­ri­taire, confé­rer les pleins pou­voirs aux assem­blées muni­ci­pa­listes liber­taires. Dans les pas de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mikha%C3%AFl_Bakounine">Bakounine</a>, esti­mant que l’é­lec­tion com­mu­nale honore «<em> la volon­té popu­laire </em>» et rend « <em>le contrôle </em>» pos­sible à cette échelle, Bookchin esti­mait qu’il était vain et contre-pro­duc­tif de par­ti­ci­per aux plus amples scru­tins. Les cam­pagnes élec­to­rales offri­ront une tri­bune sup­plé­men­taire : un pro­gramme concis sera dif­fu­sé, arti­cu­lant en toute occa­sion les reven­di­ca­tions locales avec le pro­jet, plus abs­trait, de trans­for­ma­tion glo­bale de la socié­té et du monde (les <i>demandes mini­males </i>et les <i>demandes maxi­males</i>, indexées à de brèves, moyennes et longues échéances). Parmi les pre­mières mesures mini­males, on lirait par exemple : inter­dic­tion des centres com­mer­ciaux (cor­ré­lée, en mesure maxi­male, à l’abolition de l’économie de mar­ché) ; pro­tec­tion d’espaces à forts enjeux éco­lo­giques ; créa­tion de gar­de­ries et de foyers pour femmes bat­tues.</p><p align="justify">Bien que Bookchin ait recon­nu aux cadres et aux lea­ders leur légi­ti­mi­té his­to­rique et orga­ni­sa­tion­nelle, les can­di­dats ne par­le­ront jamais en leur nom propre : ils repré­sen­te­ront le muni­ci­pa­lisme liber­taire et auront à répondre, devant le mou­ve­ment, de leurs faits et gestes. Il convien­dra de se mon­trer pru­dent avec les médias de masse — très cer­tai­ne­ment hos­tiles — et de pri­vi­lé­gier les dis­po­si­tifs « com­mu­nau­taires » et les espaces où la parole ne sera pas sys­té­ma­ti­que­ment tron­quée et indi­vi­dua­li­sée. Les pre­miers échecs élec­to­raux — inévi­tables — ne seront pas un frein et n’auront à sus­ci­ter nulle amer­tume ; il se n’agira pas tant de gagner que de «<i> gran­dir len­te­ment et orga­ni­que­ment </i>», de créer une vaste, solide et pro­fonde toile sur l’ensemble du ter­ri­toire. Se pré­oc­cu­per des résul­tats lors des soi­rées élec­to­rales ne pré­sen­te­ra donc, les pre­miers temps, que peu d’intérêt : il fau­dra plu­tôt s’armer de « <i>beau­coup de patience</i> ». Ni Grand Soir ni suc­ces­sion de réformes, donc : le muni­ci­pa­lisme liber­taire aspire à s’appuyer sur le <i>déjà-là</i> (les conquis éman­ci­pa­teurs) tout en éten­dant et en radi­ca­li­sant la démo­cra­tie.</p><div id="attachment_41124" class="wp-caption alignnone"><img aria-describedby="caption-attachment-41124" class="wp-image-41124 size-full" src="" alt="" data-lazy-srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2.jpg 960w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-300x188.jpg 300w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-600x375.jpg 600w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-150x94.jpg 150w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-768x480.jpg 768w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-700x438.jpg 700w" data-lazy-sizes="(max-width: 960px) 100vw, 960px" data-lazy-src="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2.jpg"/><noscript><img aria-describedby="caption-attachment-41124" class="wp-image-41124 size-full" src="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2.jpg" alt="" srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2.jpg 960w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-300x188.jpg 300w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-600x375.jpg 600w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-150x94.jpg 150w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-768x480.jpg 768w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu2-700x438.jpg 700w" sizes="(max-width: 960px) 100vw, 960px"/></noscript><p id="caption-attachment-41124" class="wp-caption-text">Benjamin Zank</p></div>

  17. <h2 align="center">Mettre en place le confédéralisme</h2><p align="justify">Les assem­blées fini­ront pas obte­nir les pleins pou­voirs dans un cer­tain nombre de muni­ci­pa­li­tés du (ou des) pays. Un <i>c</i><i>ongrès de délé­gués, </i>dit<i> conseil fédé­ral,</i><i> </i>sera mis en place via une <i>assem­blée confé­dé­rale — </i>une « Commune des com­munes », en somme. Ces délé­gués ne seront pas des repré­sen­tants mais des <i>exé­cu­tants</i> élus révo­cables à tout ins­tant ; ils ne par­le­ront pas à la place du peuple mais appli­que­ront les déci­sions actées à échelle muni­ci­pale. Le conseil fédé­ral aura voca­tion à coor­don­ner les muni­ci­pa­li­tés, à régler les ques­tions impos­sibles à trai­ter loca­le­ment (la construc­tion d’une route tra­ver­sant le pays, par exemple) et à exa­mi­ner les éven­tuelles dérives locales (si une muni­ci­pa­li­té, embour­bée dans on ne sait quel esprit de clo­cher, en venait à déci­der majo­ri­tai­re­ment de dis­cri­mi­ner les homo­sexuels, l’ensemble des délé­gués du conseil vote­ra pour savoir si cette muni­ci­pa­li­té pour­ra pour­suivre dans cette voie). C’est que le muni­ci­pa­lisme liber­taire, riche de l’hé­ri­tage prou­dho­nien, n’entend pas sacra­li­ser le local ; il n’ignore rien des dérives pos­sibles <i>—</i> pré­sen­te­ment régu­lées, il est vrai, par la cen­tra­li­sa­tion des États de droit capi­ta­listes <i>—</i> et réfute l’autarcie autant que l’illusoire auto­suf­fi­sance locale. D’où le second étage de l’échafaudage : le confé­dé­ra­lisme. Les muni­ci­pa­li­tés liber­taires — qui, pré­ci­sait Bookchin, devront être assez rap­pro­chées pour pas­ser à pied de l’une à l’autre — for­me­ront des confé­dé­ra­tions régio­nales puis, à mesure de leur essor, consti­tue­ront un vaste réseau inter­con­nec­té sur tout le ter­ri­toire natio­nal, puis inter­na­tio­nal : Bookchin appe­la à créer « <i>une Internationale dyna­mique, soli­de­ment enra­ci­née dans une base locale </i>». Cette arti­cu­la­tion local/national/international consti­tue­ra pour­tant la réserve essen­tielle d’<a href="https://www.revue-ballast.fr/olivier-besancenot/">Olivier Besancenot</a> et <a href="https://www.revue-ballast.fr/michael-lowy/">Michael Löwy</a>, dans <em>Affinités révo­lu­tion­naires — Nos étoiles rouges et noires</em><sup/> : si le tan­dem mar­xiste liber­taire salue, non sans admi­ra­tion, la clair­voyance, la force pré­mo­ni­toire et la cohé­rence de l’œuvre de Bookchin, ils prennent leur dis­tance avec ce qu’ils nomment son « <em>culte du loca­lisme</em> » et rap­pellent l’im­pé­rieuse néces­si­té d’une poli­tique pla­ni­fi­ca­trice.</p>

  18. <h2 align="center">Municipaliser l’économie</h2><blockquote><p>« Les classes for­tu­nées seront expro­priées ; les impé­ra­tifs de crois­sance et de concur­rence seront rem­pla­cés par les notions de limite et d’équilibre. »</p></blockquote><p align="justify">Le muni­ci­pa­lisme liber­taire trace une troi­sième voie entre la natio­na­li­sa­tion et la pro­prié­té pri­vée : la muni­ci­pa­li­sa­tion. Les coopé­ra­tives ne peuvent à elles seules garan­tir une sor­tie du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste ; il importe, dès lors, de rendre la pro­prié­té <i>publique </i>: celle-ci sera pla­cée sous le contrôle des citoyens via les assem­blées. Ce sera là, selon Bookchin, le moment d’« <i>enle­ver l’économie à la bour­geoi­sie </i>». La terre, les usines et les moyens de pro­duc­tion (bureaux, banques, trans­ports col­lec­tifs, etc.) devien­dront la pro­prié­té de la com­mu­nau­té et la vie éco­no­mique sera orga­ni­sée, en fonc­tion des besoins com­muns, par les tra­vailleurs et les citoyens eux-mêmes. Les classes for­tu­nées seront expro­priées ; les impé­ra­tifs de crois­sance et de concur­rence seront rem­pla­cés par les notions de limite et d’équilibre ; l’homogénéisation des reve­nus — condi­tion néces­saire à toute démo­cra­tie authen­tique — sera ins­tau­rée dans des pro­por­tions à défi­nir.</p>

  19. <h2 align="center">« <em>Vider </em>» l’État et armer le peuple</h2><p align="justify">Le muni­ci­pa­lisme liber­taire ren­voie dos à dos les deux moda­li­tés his­to­riques de l’émancipation : consti­tuer des îlots auto­gé­rés et prendre le pou­voir (par les urnes ou par les armes). Il s’agit pour lui d’ériger un <i>contre-pou­voir </i>à l’État-nation, de croître au nez et à la barbe du gou­ver­ne­ment. Mais, nul n’en doute, ce der­nier ne ver­ra pas sem­blable expan­sion d’un bon œil <i>—</i> d’autant que les muni­ci­pa­li­tés affran­chies assu­me­ront sans détour cette conflic­tua­li­té : il ne sera pas ques­tion de frayer avec les ins­tances éta­tiques ni de les pro­vo­quer phy­si­que­ment, mais bien de pro­gres­ser en paral­lèle. Le pari de Bookchin <i>—</i> car c’en est un <i>—</i> est le sui­vant : la pro­pa­ga­tion libre et volon­taire des muni­ci­pa­li­tés démo­cra­tiques entraî­ne­ra de nom­breux bien­faits tan­gibles et redon­ne­ra un sens aux exis­tences de mil­lions de citoyens jusqu’alors ané­miés, assu­jet­tis, pri­va­ti­sés, abru­tis par le mar­ché de l’emploi et dépos­sé­dés de tout pou­voir, excep­té celui de consom­mer ; ses sym­pa­thi­sants, deve­nus majo­ri­taires au sein de la popu­la­tion, déser­te­ront pro­gres­si­ve­ment les struc­tures sta­to­na­tio­nales au pro­fit de la révo­lu­tion muni­ci­pa­liste ; l’État en vien­dra à perdre sa légi­ti­mi­té et ce qu’il lui reste d’aura.</p><p align="justify">Travailler à son auto-dés­in­té­gra­tion ne suf­fi­ra pour­tant pas. Les pos­sé­dants et le régime cher­che­ront à entra­ver, par la force armée, l’extension du muni­ci­pa­lisme liber­taire ; rai­son pour laquelle chaque muni­ci­pa­li­té devra consti­tuer des <i>milices</i> armées<sup/>, non sans avoir dis­sous les corps de police et d’armée pré­sents sur son ter­ri­toire, en vue d’assurer la défense des citoyens et de la démo­cra­tie nais­sante (« <em>substitue[r] à l’ar­mée et à la police sépa­rées du peuple l’ar­me­ment direct et immé­diat du peuple lui-même</em><sup/> », écri­vait déjà Lénine en 1917, avant qu’il ne prenne le pou­voir). Cette milice (ou <em>garde civique</em>) ren­dra des comptes à l’assemblée et comp­te­ra des offi­ciers élus. Il n’est pas exclu, en plus d’assauts éta­tiques cir­cons­crits et plus ou moins spo­ra­diques, qu’une confron­ta­tion glo­bale vio­lente ait lieu : la ques­tion du pou­voir trou­ve­ra alors sa réponse. Puisque le pou­voir ne sau­rait être détruit <i>—</i> voi­là une bévue théo­rique et une impasse pra­tique, esti­mait Bookchin <i>—</i>, ne reste d’autre alter­na­tive que de l’arracher à l’État pour le remettre au peuple. À la condi­tion d’avoir réuni ces trois condi­tions (orga­ni­sa­tion des muni­ci­pa­li­tés, large sou­tien de la popu­la­tion et délé­gi­ti­ma­tion de l’État capi­ta­liste), la révo­lu­tion muni­ci­pa­liste pour­rait «<i> éli­mi­ner sans trop de dif­fi­cul­tés </i>» le gou­ver­ne­ment décon­si­dé­ré et ses appa­reils affi­liés : colosse aux pieds d’argile qu’un ultime coup ren­verse… L’État dis­pa­ru, la socié­té sans classes <i>—</i> que Bookchin appe­la éga­le­ment « com­mu­niste liber­taire » <i>—</i> sera tout entière aux mains des com­munes coor­don­nées de bas en haut par la Commune : le temps de tra­vail sera réduit ; l’agriculture devien­dra inté­gra­le­ment bio­lo­gique ; les com­bus­tibles fos­siles et les pes­ti­cides seront éli­mi­nés. Mais le défi pros­pec­tif s’arrête ici : la socié­té future ne peut « <i>être décré­tée par les théo­ri­ciens du muni­ci­pa­lisme </i>», pré­cise Biehl, puisqu’elle sera l’œuvre du peuple éman­ci­pé.</p><div id="attachment_41125" class="wp-caption alignnone"><img aria-describedby="caption-attachment-41125" class="wp-image-41125 size-full" src="" alt="" data-lazy-srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3.jpg 960w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-300x188.jpg 300w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-600x375.jpg 600w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-150x94.jpg 150w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-768x480.jpg 768w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-700x438.jpg 700w" data-lazy-sizes="(max-width: 960px) 100vw, 960px" data-lazy-src="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3.jpg"/><noscript><img aria-describedby="caption-attachment-41125" class="wp-image-41125 size-full" src="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3.jpg" alt="" srcset="https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3.jpg 960w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-300x188.jpg 300w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-600x375.jpg 600w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-150x94.jpg 150w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-768x480.jpg 768w, https://www.revue-ballast.fr/wp-content/uploads/2018/09/mu3-700x438.jpg 700w" sizes="(max-width: 960px) 100vw, 960px"/></noscript><p id="caption-attachment-41125" class="wp-caption-text">Benjamin Zank</p></div>

  20. <h2 align="center">Une inspiration pour le Rojava</h2><p align="justify">Bookchin a répé­té à l’envi qu’il n’existait aucun modèle mais seule­ment des ins­pi­ra­tions : Athènes, les com­munes de l’Europe médié­vale, la Nouvelle-Angleterre, le Paris révo­lu­tion­naire ou l’Espagne anar­chiste. Si le muni­ci­pa­lisme liber­taire n’est, du vivant de son créa­teur, pas par­ve­nu à s’ancrer au sein de l’Europe et de l’Amérique du Nord, il a trou­vé un écho inat­ten­du en Turquie puis en Syrie. En 2005, le cofon­da­teur du <span class="caps">PKK</span>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdullah_%C3%96calan">Abdullah Öcalan</a>, opé­ra du fond de son cachot, selon ses propres mots, un « <i>tour­nant idéo­lo­gique et poli­tique </i>» : la mino­ri­té kurde oppri­mée n’aspirait plus à l’indépendance natio­nale mais à l’autonomie au sein des fron­tières his­to­riques ; la créa­tion d’un État était aban­don­née au pro­fit d’un pro­jet confé­dé­ral visant, à terme, le «<i> triomphe</i> » sur l’État cen­tra­li­sé ; le mar­xisme-léni­nisme était écar­té en vue de construire un néo­so­cia­lisme com­mu­nal et éco­lo­giste. Cette nou­velle doc­trine avait — et a — pour nom « confé­dé­ra­lisme démo­cra­tique ». C’est qu’Öcalan avait lu Bookchin, se disait l’un de ses <a href="http://www.ecologiesociale.ch/2016/08/01/de-bookchin-a-ocalan-a-rojava/">« <em>étu­diants </em>»</a> et lui avait écrit afin d’entrer en rela­tion avec lui ; ce der­nier, à l’approche de la mort, s’excusa de ne pou­voir hono­rer pareille invi­ta­tion mais se féli­ci­ta de ravi­tailler la pen­sée éman­ci­pa­trice kurde. En 2014, en pleine guerre civile syrienne, le Rojava — ter­ri­toire du nord-syrien, mixte et à majo­ri­té kurde — publia son Contrat social, pièce maî­tresse d’un fra­gile pro­ces­sus révo­lu­tion­naire bâti sur les <em>can­tons</em> : il consa­crait la « <em>jus­tice sociale</em> », la vie démo­cra­tique, l’égalité des sexes devant la loi et « <em>l’équilibre éco­lo­gique</em> ».</p><p align="justify">« <em>Je n’ex­clus pas non plus la pos­si­bi­li­té de l’é­chec. Mais s’il existe une rai­son d’es­pé­rer, c’est l’ap­proche muni­ci­pa­liste liber­taire qui nous la four­nit </em>», disait Bookchin lors d’un entre­tien à la fin de l’an­née 1996 : sans quoi, « <em>[le capi­ta­lisme] détrui­ra cer­tai­ne­ment la vie sociale </em>».</p>