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<title>Bernard Stiegler : comment créer une communauté économique territoriale plus intelligente (archive) — David Larlet</title>
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<article>
<header>
<h1>Bernard Stiegler : comment créer une communauté économique territoriale plus intelligente</h1>
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<a href="/david/" title="Aller à l’accueil">🏠</a> •
<a href="https://www.philomag.com/les-idees/bernard-stiegler-comment-creer-une-communaute-economique-territoriale-plus-intelligente" title="Lien vers le contenu original">Source originale</a>
</p>
</nav>
<hr>
<main>
<p><strong>Bernard Stiegler :</strong> Je vous remercie beaucoup du temps que vous nous accordez pour cet entretien, que je vous ai proposé sur la base de travaux qui ont été publiés dans <i>Bifurquer </i> et réalisés par le Collectif Internation, constitué en 2018. Pour aller à l’essentiel à travers un exemple, nous posons qu’une société industrielle est <i>avant tout</i> une économie qui s’appuie sur des données scientifiques – l’artisan y devient l’ingénieur, les producteurs y sont scolarisés, etc. Tout ce qui est produit et mis en circulation l’est à partir de dispositifs <i>garantissant</i> la rationalité de la proposition. Ainsi, quand Airbus fabrique un A380, l’avion doit être certifié par des ingénieurs connaissant les lois de la gravitation, de l’inertie, de la résistance des matériaux, de l’aérodynamique, etc., confirmant que cet avion <i>peut</i> voler. Tout ce que l’on fait industriellement, dans tous les domaines – la construction des bâtiments, les médicaments, la qualification des enseignants et des élèves –, absolument <i>tout</i> est <i>certifié</i> par des diplômes, des jurys, des agences, des cabinets spécialisés, des experts-comptables, etc. </p>

<p>Telle est la condition de la confiance et du crédit sans lesquels une société ne peut pas fonctionner. Cependant, nous soutenons dans le Collectif que lorsque l’on certifie un Airbus A380, on ne tient pas compte de toutes les dimensions de la physique. Si on l’intégrait la thermodynamique non seulement au niveau des réacteurs, mais au niveau du carburant, l’avion ne devrait pas voler. Il peut voler, mais, à moyen terme, il ne devrait pas pouvoir voler, parce qu’il est consommateur à très haute dose de ses propres conditions de vol – à savoir des hydrocarbures – et parce que si l’on intègre en outre le point de vue d’Erwin Schrödinger sur le vivant en situation thermodynamique, il intoxique humains et animaux, détruisant la biodiversité. Il ne <i>devrait</i> pas voler <i>en droit</i>, même s’il peut voler <i>en fait</i>. C’est ce qu’aujourd’hui tout le monde sent. Et c’est pourquoi l’actuelle économie industrielle est vouée à l’échec : <i>elle n’inspire plus confiance. </i></p>

<p>Nous soutenons dans <i>Bifurquer</i> qu’il faut adopter de nouveaux processus de certification et de nouvelles modalités de comptabilité en conséquence, et donc de nouvelles règles de calculs de risque, de crédit, d’investissement et d’amortissement. Il faut repenser toute l’économie sur cette nouvelle base. Le problème est que le champ transdisciplinaire qui est ainsi requis n’est pas encore constitué. Il faut le constituer comme programme de recherche scientifique et technologique, et il faut le faire avec des méthodes de recherche exceptionnelles, à la hauteur de l’état d’extrême urgence, et capables d’opérer des transferts non seulement vers le monde économique, comme cela se fait dans le champ de l’innovation technologique, mais vers la société en totalité, et comme innovation sociale. </p>

<p>Ce que j’appelle ici « la société », nous l’abordons d’abord comme diversité de territoires, et cela parce qu’Erwin Schrödinger a montré que la lutte contre l’entropie ne peut être organisée que d’un point de vue local – dans un temps limité (par la mort) et dans un espace limité (formant un organisme en rapport avec d’autres organismes formant une espèce au sein d’une niche – cependant que chez l’homme, il n’y a pas de niches, mais des cultures).</p>

<p>Vous dirigez le groupe Crédit du Nord, qui est une fédération de banques au service d’agents économiques locaux, et c’est notamment à ce titre que nous voulions vous soumettre nos thèses et nos méthodes de travail (comme nous le faisons également avec la Caisse des Dépôts et Consignations et sa Banque des territoires). Une économie qui repose sur la lutte contre l’entropie suppose de changer les processus de certification et de comptabilité, et nous posons que cela doit se faire par des expérimentations territoriales : ce qui est néguentropique pour un territoire peut être entropique pour un autre territoire. En conséquence, la conservation de la valeur néguentropique à un niveau holistique suppose des négociations à travers des changements d’échelles de localités – la biosphère en totalité étant elle-même la plus ample localité du vivant dans le système solaire. </p>

<p>Pour cela, il faut travailler avec les acteurs des territoires à diverses échelles de localités, en impliquant, <i>avec les habitants invités à s’engager dans le processus de recherche</i>, associations, écoles, universités, organismes de recherche, investisseurs et administrations – c’est ce que nous faisons en ce moment en Seine-Saint-Denis. Nous proposons en outre que l’échelle locale de la biosphère soit abordée dans le cadre de ce que Marcel Mauss avait appelé une internation. En ce moment même, nous sommes en train de créer de nouveaux territoires laboratoires. La Seine-Saint-Denis était le premier, on en élabore d’autres avec l’État de Genève, avec un ensemble d’îles (les Galápagos, la Corse, la côte dalmate en Croatie et l’Irlande, quant aux questions de savoir comment pratiquer la pêche, l’élevage et le tourisme de manière intelligente en situation insulaire), en Italie, dans la banlieue de Milan, et sur d’autres territoires plus lointains, où la discussion est moins avancée. </p>

<p>Nous voudrions savoir ce que vous inspirent ces considérations générales sur la territorialité et la confiance du point de vue de votre activité professionnelle, ce que vous vous retenez de ce qu’il s’est passé depuis quatre mois, et comment vous appréhendez les enjeux des mois à venir en tant qu’organisme qui finance des activités économiques territoriales. </p>

<p><strong>Françoise Mercadal-Delasalles :</strong> La pandémie et le confinement ont provoqué un véritable effet de sidération. C’est ainsi que je l’ai vécu moi-même dans les premiers jours de cette mi-mars. Nous nous sommes dit d’abord : « Est-ce que c’est vrai ? Cela <i>ne peut pas</i> être totalement vrai, nous allons bien sortir rapidement de tout cela… » Et puis non, il a fallu accepter la nouvelle réalité et s’y adapter au plus vite, malgré toutes les difficultés, les incertitudes, et les contradictions de la situation. Je dirige un groupe bancaire qu’il a fallu continuer de faire tourner pour servir et soutenir nos 2 millions de clients pendant cette crise, tout en protégeant au maximum l’ensemble de nos 8 000 collaborateurs. Situation totalement inédite ! Nous devions continuer plus que jamais à travailler (pour distribuer notamment massivement les prêts garantis par l’État), mais éviter tout risque de contamination à nos collaborateurs en leur permettant le plus possible de demeurer confinés à leur domicile…</p>

<p>Notre entreprise est vieille de plus de deux cents ans, elle a connu toute une série de crises, mais nous n’étions pas particulièrement préparés pour gérer celle-ci. Il a fallu la mobilisation de toute l’intelligence collective de notre groupe pour réussir à la surmonter, à commencer par le collectif des dirigeants des régions et filiales du groupe Crédit du Nord. Et c’est là certainement, cher Bernard, que je peux venir sur vos concepts et tenter de les illustrer par notre réalité.</p>

<p>Le groupe Crédit du Nord est en effet une fédération de dix banques régionales qui s’est construite au fil de plus de deux siècles par alliances successives, sans destruction de l’identité des nouveaux blocs rejoignant la fédération. Ainsi, chaque banque a conservé jusqu’à aujourd’hui un très fort ancrage territorial et une réelle autonomie de fonctionnement dans le respect des règles communes posées collectivement dans la confédération.</p>

<p>Les dirigeants de ces banques sont responsables à part entière de leurs entités. Et c’est avec ce collectif de dirigeants que nous avons avancé jour après jour pour inventer nos nouveaux modes de fonctionnement dans la crise.</p>

<p>Loin d’un fonctionnement pyramidal, c’est en comptant sur la responsabilité et la créativité de chacun que nous avons réussi à résoudre à une rapidité étonnante l’ensemble des problèmes – très concrets – qui se posaient quotidiennement à nous. Progressivement, grâce à cette dynamique collective exceptionnelle, nous avons construit les outils et les solutions dont nous avions besoin pour survivre. </p>

<p>Bien sûr, il nous a fallu l’aide du numérique. J’avais depuis plusieurs années déjà amené le groupe Crédit du Nord vers une nouvelle étape de sa digitalisation et, avec l’idée d’un « laptop pour tous », nous avions commencé à organiser le travail à distance sur un mode beaucoup plus autonome. Mais à l’orée de la crise, seules les fonctions d’expertise et de <i>front office</i> étaient équipées.</p>

<p>En l’espace de deux mois, il a fallu tout accélérer. Nous sommes ainsi passés de 30 % à 70 % des collaborateurs équipés d’un <i>laptop, </i>en intégrant donc largement nos <i>back offices</i> et nos fonctions support. En temps « normal », il aurait sûrement fallu plus de deux ans encore pour que nous parvenions à ce ratio d’équipement. Cette crise aura donc constitué un formidable accélérateur de réduction de la fracture numérique au sein de l’entreprise et aura permis à des collaborateurs, qui étaient plus loin dans la chaîne de valeur de la banque, de disposer d’un ordinateur portable et de travailler à distance de la même façon que les collaborateurs du <i>front office. </i>La nécessité imposée par la crise a eu raison en quelques jours des freins bloquant depuis des années ce type de changement. Nous avions absolument besoin du travail de ces collaborateurs, et nous devions en même temps les protéger. Ils devaient donc pouvoir travailler à distance de manière autonome et nous devions leur faire confiance.</p>

<p>Toutes mes profondes convictions managériales se sont vérifiées pendant la crise : à commencer par la certitude de l’efficacité et de l’agilité puissante d’un management beaucoup plus horizontal, mettant en responsabilité chacun et acceptant la diversité des solutions et leur adaptation, au plus proche du terrain, aux différentes situations locales.</p>

<p>Sur les ouvertures d’agences, par exemple, personne n’a opéré de la même façon sur nos différents territoires. À certains endroits, la crise était plus virulente et l’on se sentait plus menacés par l’expansion du virus ; il était donc raisonnable de fermer largement nos agences, ou d’adopter des horaires d’ouverture très réduits et de fonctionner exclusivement par rendez-vous téléphonique. Mais à d’autres endroits, en Savoie et en Haute-Savoie par exemple, parce que la situation locale et sa perception étaient différentes, on n’a pratiquement jamais fermé les agences au public durant toute la crise. Ces particularismes locaux, discutés et partagés entre nous, je les ai non seulement acceptés, mais je les ai même valorisés, parce qu’il me semble qu’ils étaient la clé de notre adaptation rapide. </p>

<p>Dans cette logique de décentralisation des responsabilités, l’outil numérique a été évidemment indispensable. Il a permis de maintenir sans faille la fluidité de nos communications et de nos échanges, tant en interne dans l’entreprise qu’avec nos clients et le reste du monde. Réalisons-nous, nous citoyens de cette planète, que si nous n’avions pu disposer de ces outils numériques pendant la crise, l’économie mondiale entière se serait arrêtée ? C’est quelque chose qui me frappait dans mes fonctions précédentes, il y a déjà dix ans, quand je dirigeais les services informatiques et l’innovation au sein de Société générale, mais qui est plus vrai encore aujourd’hui, l’humanité toute entière est profondément dépendante du <i>fait numérique</i>, et en priorité, c’est un paradoxe, des <i>réseaux physiques</i> qui permettent les communications à travers ces outils. Or, tous ces réseaux ont tenu : on n’a pas eu un seul <i>bug, </i>alors que la consommation mondiale a explosé en deux mois. </p>

<p>C’est la force de l’architecture <i>dé-centrée du web. </i>Une force potentiellement néguentropique, qui permet à chacun de <i>« disposer de toute la connaissance du monde dans la paume de sa main », </i>comme le disait notre très cher Michel Serres. Mais une force qui peut aussi, nous le savons, être détournée.</p>

<p><strong>B. S. :</strong> Ce que vous dites-là est très cohérent avec ce que nous essayons de faire dans le cadre d’un groupe qui travaille à une refondation de l’informatique théorique : aujourd’hui, les modèles que Google et Amazon développent, par exemple, pervertissent l’architecture du Web – tout en s’appuyant sur un concept de « machine de Turing » tout à fait contestable –, en instaurant des réseaux faussement décentralisés. Ils donnent l’impression de décentraliser alors que tout est centralisé : sur Facebook, tout est contrôlé de manière occulte. Ces modèles sont très problématiques parce qu’ils ne tiennent pas compte de ces aspects dont vous venez de parler, et qui tiennent à la valeur de la localité. À terme, ces modèles détruisent l’objet qui est exploité, et non pas valorisé et entretenu – un peu comme l’A380 dont je parlais tout à l’heure. </p>

<p>Un autre modèle d’informatique théorique est requis, et notre but est de convaincre l’Union européenne d’investir dans ce domaine. Si l’Europe n’investit pas dans ce champ de recherche, elle périclitera, et elle sera broyée par la compétition entre les États-Unis et la Chine tant qu’elle tentera de mimer très mal les Américains et s’affaiblira ainsi encore devant leur <i>challenger</i> – la Chine, qui investit des sommes colossales, ce que les pouvoirs publics font de moins en moins aux États-Unis mêmes. </p>

<p>Or ni les Chinois ni les Américains ne prennent en charge ces problèmes d’entropie et de néguentropie. Il faut reconcevoir l’informatique théorique comme une machine à calculer valorisant la néguentropie et pénalisant l’entropie <i>structurellement</i> – et générant des réseaux sociaux, valorisant la singularité à travers les localités au lieu de la dissoudre dans des calculs statistiques et probabilistes dont on sait maintenant qu’ils engendrent des systèmes fermés, ce qui est une sorte d’extrémisation et de généralisation du modèle déterministe et mécaniciste issu du modèle newtonien.</p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> Je me demande en cela comment le groupe Crédit du Nord a survécu à plus de deux cents ans d’histoire : les modèles centralisateurs de masse auraient pu avoir raison d’elles, mais ces banques régionales sont restées conquérantes parce que singulières dans le paysage bancaire. Elles ont continué à jouer la simplicité, la proximité, la relation humaine, presque familiale, alors que les modèles industriels devenaient la règle. Il faudra nous attacher à préserver cette singularité dans la crise économique qui s’ouvre désormais … </p>

<p>Il est difficile à ce jour de prédire correctement la profondeur de cette nouvelle crise. Grâce aux prêts garantis par l’État que les banques ont largement distribués, et aux soutiens publics de toute nature, les entreprises de l’économie réelle ont, dans leur majorité, réussi à surmonter les derniers mois d’activité ralentie. La suite dépendra largement de la perception de nos concitoyens. Retrouveront-ils vite ou non le chemin de la confiance et de la consommation ? Souhaiteront-ils des changements plus radicaux du mode de fonctionnement de nos économies, se renfermeront-ils dans la peur du futur …</p>

<p><strong>B. S. :</strong> L’expérience de confinement aura cependant été vécue comme l’évidence plus ou moins largement et consciemment perçue que le modèle entropique est précisément ce qui conduit à des catastrophes, dont la crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons n’est qu’une occurrence. Selon une étude récente parue dans <i>Up’Magazine</i>, 65 % des Français s’attendent à un effondrement de l’économie – et cela parce qu’ils sentent une <i>vulnérabilité fondamentale</i> qui n’est plus soutenable. C’est pourquoi nous affirmons qu’entre, d’une part, le retour au consommateur qui se remet à consommer comme avant, ce qui n’arrivera sans doute pas, et, d’autre part, le consommateur qui se recroqueville et dépérit, et toute l’économie avec lui, ce qui serait extrêmement grave, il faut <i>ouvrir</i> la possibilité d’une <i>zone intermédiaire</i>, où l’on pourrait créer de nouvelles normes de certification et de nouvelles formes de comptabilité – surtout à présent que la majorité des plus grandes villes françaises ambitionne désormais de développer une politique écologique.</p>

<p>Il est toujours possible de faire quelque chose, dans toutes les situations. Il reste une espèce de chape de plomb, qu’il faut casser – cette chape consistant dans le fait que du point de vue interne à un système qui doit bifurquer, la possibilité d’une telle bifurcation est justement <i>incalculable</i>, et apparaît de ce fait même impossible à opérer.</p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> Je partage tout à fait cette idée de la nécessité de poser de manière fiable les indicateurs qui pourraient rationnellement nous permettre de changer. Tant que nous demeurons sur les seules intuitions de quelques-uns, il est difficile d’objectiver les choses et d’amener les sociétés à bouger dans le sens de la création d’une valeur plus équilibrée, moins entropique. </p>

<p><strong>B. S. :</strong> N’est-ce pas toujours de l’extérieur que l’on peut faire bouger les choses en dernier ressort ? Nous sommes dans une situation absolument <i>critique </i>– au sens fort du terme : la <i>krisis</i> est pour Hippocrate le moment décisif dans le cours d’une maladie : la guérison ou la mort. Il faut faire une <i>proposition critique</i>, et compte tenu de la teneur épistémologique du problème fondamental, il faut repenser la recherche-développement dans les entreprises en situation de crise, renoncer à simplement <i>optimiser</i> des modèles producteurs de valeur mais ruineux du point de vue holistique, développer des modèles réellement nouveaux, et prendre des risques nouveaux. Il faut être capable de proposer une autre méthode face à l’impossibilité d’un retour à l’avant-crise aussi bien que d’un repli qui serait mortel – l’impasse finissant par s’imposer à tous.</p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> Nous manquons de modèles théoriques et comptables pour appréhender et mesurer la néguentropie. Il faudrait pouvoir l’inscrire dans les trajectoires financières que nous écrivons. Or elle figure exclusivement à ce jour dans des <i>reportings</i> extra-financiers qui ne suffisent pas à emporter la décision des investisseurs, en particulier en temps de crise économique majeure. </p>

<p><strong>B. S. :</strong> C’est bien pourquoi, outre le développement d’activité néguentropiques induites par la recherche contributive et par le travail, comme mise en œuvre et constitution de savoirs, et distingué de l’emploi qui est une compétence d’adaptation à une tâche prolétarisée parce que prédéfinie par un système, nous travaillons essentiellement à établir de nouveaux modèles de comptabilité – et cela, à travers ce que nous appelons des instituts de gestion de l’économie de la contribution (Igec).</p>

<p>Cela suppose de rendre la confiance transversale non pas seulement au Crédit du Nord ou à l’IRI, mais dans tout le territoire français, progressivement, en mettant en évidence qu’une autre démarche est possible, productrice d’une valeur répondant aux défis de l’ère Anthropocène, et à laquelle les gens vont pouvoir <i>s’identifier</i>. Il faut faire des <i>démonstrateurs</i> pour convaincre aussi bien les actionnaires qu’ils n’ont plus le choix mais aussi pour convaincre les gens que le monde a encore un avenir. </p>

<p>La démarche horizontale est générique <i>à condition qu’il y ait des règles communes</i>, comme vous l’avez précisé, qui donnent des libertés à ce que vous avez appelé des singularités locales, permettant aux gens de s’approprier le processus <i>et de produire de la valeur par cette appropriation</i>. C’est aussi ce que nous essayons de faire en Seine-Saint-Denis : mettre en place des indicateurs économiques qui sont <i>situés </i>aux échelles micro-économique, méso-économique et macro-économique, et qui peuvent se transformer dans les changements d’échelle qui sont des négociations. Cela se traduit au niveau économique d’abord en termes d’investissements et de calculs de risques. </p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> Je crois beaucoup à la force des territoires, à l’énergie décentralisée, et à la capacité des acteurs à trouver localement les solutions concrètes dont ils ont besoin pour faire vivre leur collectivité.</p>

<p>Nos banques régionales sont efficaces, car, tout en respectant scrupuleusement les règles européennes et nationales de gestion des risques, elles adaptent leurs comportements à ces clients qu’elles connaissent, qu’elles servent souvent de génération en génération. C’est la force de la proximité. Entre certaines régions ouvrières du nord de la France, les régions très dépendantes du tourisme des zones littorales, les zones rurales du centre de la France ou telle vallée des Alpes, les situations diffèrent ; l’appréciation des situations économiques et des risques doit être adaptée en conséquence. Ces finesses sont peu visibles de Paris : l’œil local est nécessaire.</p>

<p><strong>B. S. :</strong> À travers les Igec, nous travaillons à mettre en place des systèmes d’information locaux où les individus qui sont impliqués dans l’économie participent à cette production pour <i>requalifier </i>le risque, en quelque sorte, et surtout la valeur qui peut en être attendue. En y intégrant ce que vous venez de dire, ainsi que les facteurs géographiques, historiques et culturels formant ce que nous appelons la noodiversité, qui sont objectivables et « subjectivables », si l’on peut dire, et qui permettent de créer une communauté économique territoriale plus intelligente. </p>

<p>Quant aux dispositifs numériques réticulaires qui ont permis d’expérimenter le télétravail à très grande échelle durant la période de confinement – nous-mêmes n’avons rien arrêté –, nous avons organisé un séminaire sur le confinement et sur les chocs que la pandémie a provoqués et provoque encore sur les plans économique, sociologique, psychologique et technologique. Nous avons en particulier commenté un article paru dans <i>The Intercept</i>, de Naomi Klein, qui avait écrit <i>La Stratégie du Choc – </i>en anglais<i> The Shock</i> <i>Doctrine. </i>Elle parle à présent d’un <i>« screen new deal »</i> et soutient que la nouvelle stratégie du choc des libertariens et des ultra-libéraux américains est de profiter de la pandémie pour imposer l’usage de l’écran partout, et créer un nouvel état de choc conduisant à la destruction des écoles, des lieux de travail, etc. </p>

<p>Nous-mêmes sommes très critiques quant à la manière dont on introduit en général le numérique dans les organisations sociales, entreprises, institutions, administrations – à commencer par l’école. Les ravages que cela peut engendrer sont parfois très graves. Nous soutenons cependant que Naomi Klein à tort de simplement s’opposer à l’extension du champ du numérique <i>via</i> les écrans. Nous pensons que le problème n’est pas de les rejeter, mais de les <i>reconfigurer </i>: il s’agit de définir une nouvelle <i>doctrine </i>des écrans – c’est-à-dire du numérique. Que pensez-vous de la toxicité de cette technologie, et comment voyez-vous qu’il serait possible d’en inverser les effets ?</p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> Comme toute invention humaine, les écrans peuvent générer des effets positifs ou des effets négatifs selon que l’on parvienne ou non à en maîtriser l’usage. Grâce aux écrans, comme je le disais au début de notre entretien, tout le monde à accès au savoir – tout le savoir de l’humanité dans la paume de la main, comme le disait Michel Serres –, mais le problème est probablement de réussir à faire le tri dans ces connaissances diffusées massivement, sans cadre et sans hiérarchie.</p>

<p><strong>B. S. :</strong> Je n’ai pas le même point de vue que Michel Serres : on accède avec le numérique à de l’information, mais ce n’est pas encore du savoir – et c’est une des raisons pour lesquelles cela engendre ce que l’on appelle de nos jours la « post-vérité », dont les <i>« fake news »</i> ne sont qu’un aspect spectaculaire. La technique est un <i>pharmakon </i>: un poison qui crée toujours d’abord un choc destructeur, empoisonnant en cela, dont la remédiation ne vient qu’avec les savoirs capables de transformer cette toxicité en nouvelle forme de culture, d’art de vivre, de paradigmes scientifiques, etc. Or ces savoirs pour le moment n’existent pas – et c’est pourquoi nous souffrons. Il existe des usages, de plus en plus addictifs et toxiques, et de moins en moins utiles, puisqu’ils deviennent tout au contraire de plus en plus nuisibles en créant une dépendance calamiteuse qui ruine par exemple ce que l’on appelle la résilience.</p>

<p>Le problème avec la technologie contemporaine, c’est que, d’une part, elle se produit plus vite que les capacités qu’a la société d’en générer des règles pratiques fécondes, et non destructrices, et d’autre part, l’axiomatique qui est mobilisée par l’informatique théorique est toxique par elle-même : elle génère nécessairement une augmentation des taux d’entropie parce qu’elle postule que tout doit être ou devenir calculable, ce qui aboutit à la négation fonctionnelle des singularités. C’est pourquoi elle conduit à l’élimination du processus de décision en dernier ressort dont vous parliez tout à l’heure, et qui ne relève pas d’un calcul, mais d’un savoir relationnel irremplaçable.</p>

<p>Durant le séminaire sur le confinement, j’ai soutenu que nous avons besoin de ce que nous avons appelé une alter-doctrine du choc, capable d’élaborer une nouvelle informatique, théorique tout aussi bien qu’industrielle, et hautement sociale, et capable de remettre le calcul au service de la délibération individuelle aussi bien que collective – et non pour la détruire en la court-circuitant. C’est cette espèce de dictature du calcul imposée de nos jours par la doctrine de part en part computationnelle que promeuvent les plateformes biosphériques qui a conduit les signataires de l’étude sur l’hydroxychloroquine parue dans <i>The Lancet</i> à se trouver gravement discrédités. </p>

<p>Je parle d’alter doctrine du choc parce que de fait, l’humanité est constituée par des chocs technologies incessants, de plus en plus rapprochés dans le temps, et de plus en plus « disruptifs ». Quant à notre époque, elle dysfonctionne gravement parce qu’elle ignore ce que disait pourtant Norbert Wiener tout au début de <i>Cybernétique et Société</i>, à savoir que la cybernétique apparaît au moment où l’indétermination s’impose en physique, et avec elle, l’incertitude – alors que le modèle de la science est encore largement conçu comme celui d’une objectivation déterministe.</p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> </b>L’écran qui a créé un lien extraordinaire pendant cette crise peut en effet détruire les liens sociaux si nous n’y prenons garde. Lutter contre cette déliaison, c’est mettre en place des éclaireurs prescrivant des pratiques saines, plutôt qu’un marketing de l’addiction. </p>

<p><strong>B. S. :</strong> En effet. Mais il faudrait pour cela transformer le numérique lui-même, non seulement la manière dont on l’utilise : transformer la conception de ses fonctions, car celles-ci sont à présent faites pour court-circuiter les pratiques et les savoirs – c’est un enjeu qui doit être porté au niveau de l’Europe. </p>

<p><strong>F. M.-D. :</strong> Cher Bernard, je vois les risques et les difficultés majeurs que vous dénoncez clairement et, néanmoins, je demeure lucide, optimiste et confiante quant à cette transformation en cours. La société européenne parviendra à faire émerger une dynamique vertueuse, une intelligence collective respectueuse des singularités de chaque nation… Il faut nous y engager résolument.</p>
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<title>Bernard Stiegler : « Le virtuel, c’est le savoir » (archive) — David Larlet</title>
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<h1>Bernard Stiegler : « Le virtuel, c’est le savoir »</h1>
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<p><strong>Bernard Stiegler :</strong> Je vous remercie d’avoir accepté le principe de cet entretien, que nous vous avons proposé à la fois parce que vous travaillez sur le vivant, nous-mêmes nous apprêtant à participer à l’initiative Agir pour le vivant, fin août à Arles, et parce que vous et Dassault Systèmes questionnez le virtuel et ce qui en procède dans ce que l’on appelle les technologies numériques – nous-mêmes nous apprêtant à lancer un travail collectif sur la possibilité d’une refondation de l’informatique théorique, question que nous aborderons au Centre Pompidou <i>[à Paris]</i> les 22 et 23 décembre 2020 dans le cadre des Entretiens du nouveau monde industriel.</p>

<p>Qu’est-ce que l’industrie ? C’est d’abord une <i>accélération</i> – un développement de ce qu’Alfred Lotka appelait l’exosomatisation devenant soudain beaucoup plus rapide. Lotka souligne cette accélération et ses dangers en 1945. L’exosomatisation commence avec l’hominisation, et comme technicisation du vivant, il y a environ 3 millions d’années. Son accélération soudaine, qui constitue l’ère dite Anthropocène, fait que depuis la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, les sociétés commencent à éprouver l’épaisseur spécifique de la technique, qui semblait jusqu’alors transparente, et sa dynamique toujours plus déstabilisante pour les organisations sociales.</p>

<p>À l’IRI, et depuis ce point de vue, nous essayons de construire une nouvelle rationalité industrielle, fondée sur une prise en compte nouvelle de la technicité de l’humain. Nous pensons que la rationalité industrielle existante et dominante est épuisée – qu’elle a fini par devenir <i>profondément</i> <i>irrationnelle</i> – parce qu’elle repose sur une pensée encore très ignorante de cette question de la technicité, ignorance qui est héritée de Descartes, qui refoule les enjeux de l’exosomatisation, et qui est encore largement dominante, y compris dans les sciences les plus avancées.</p>

<p>Le 10 janvier 2020, à Genève, nous avons demandé à des membres de <i>Youth For Climate</i> et d’<i>Extinction</i> <i>Rebellion</i> – devenus plus tard membres de l’Association des amis de la génération Thunberg – ce qu’ils retenaient de ce que dit Greta Thunberg. Nous sommes assez vite tombés d’accord avec eux sur le fait qu’elle demande avant tout aux adultes et aux responsables d’écouter les scientifiques. Et cependant, nous, les membres du Collectif Internation qui étions présents (nous venions à Genève pour présenter les résultats de nos travaux), nous avons objecté que les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, et que nous ne serions donc pas très avancés si nous nous contentions seulement d’écouter les scientifiques – et en particulier, non seulement sur un état de fait, tel le réchauffement climatique, mais sur ses causes. Car sur ce point, non seulement il n’y a pas d’accord scientifique, mais personne n’y travaille sérieusement du point de vue transdisciplinaire qui est ici impératif. Nous en avons tiré la conclusion qu’il faut <i>travailler avec</i> les scientifiques, et non seulement les écouter, et pour faire en sorte d’identifier à la fois des causes et des conséquences à la fois pratiques et théoriques qu’il faut en tirer, et les démarches et moyens à mettre en œuvre pour changer l’état de fait. S’il y a donc accord pour dire que le mode de développement actuel n’est plus conforme à la rationalité, il n’y a pas de diagnostic précis à cet égard quant aux causalités. Nous-mêmes posons que la question essentielle est l’entropie, et que pour quiconque veut agir pour le vivant, il s’agit de la réduire.</p>

<p><strong>Sébastien Massart :</strong> De notre côté, nous contribuons à élaborer l’industrie du XXI<sup>e</sup> siècle. Quelle est la nouvelle logique de plateforme qui rendra possible cette nouvelle industrie appelée par les grands défis contemporains et permise par les technologies dont nous disposons ? « Plateforme » est certes un mot galvaudé, il faut entendre ici « media » – c’est-à-dire un milieu partagé dans lequel peuvent se déployer la pensée et l’action. En ce sens, le livre était déjà une « plateforme ». Il s’agit de voir comment un nouveau milieu émerge qui transforme notre relation au réel. Dans cette étape d’ordre anthropologique, Dassault Systèmes prend le parti du virtuel, afin de permettre à l’industrie d’exprimer des possibilités nouvelles. Cela nécessite de forger des concepts et d’engager des explorations qui s’appuient sur la recherche fondamentale.</p>

<p>Notre métier est depuis toujours de créer des univers virtuels, qui sont les conditions de possibilité d’une industrie qui imagine et crée le monde. Désormais, nous passons par le vivant et agissons pour le vivant. Quand Dassault Systèmes investit énormément dans le domaine de la santé et des sciences de la vie, il ne s’agit pas simplement de développer une activité économique nouvelle. Il s’agit de concevoir un devenir de l’industrie au XXI<sup>e</sup> siècle où la vie joue un rôle essentiel. Dans le monde industriel de l’ingénieur travaillant avec d’autres ingénieurs à la conception et à la réalisation d’un objet extrêmement complexe tel qu’un avion, ou une fusée, l’objet est déterminé par l’esprit humain. La complexité qu’on y rencontre n’est donc jamais supérieure à celle qu’on y a introduite. Dans une industrie où la vie comme telle devient l’enjeu primordial, on touche à des ordres de grandeur bien supérieurs en termes de complexité. </p>

<p>Nous soutenons que l’avenir de nos sociétés met ainsi en jeu une « Renaissance industrielle », au sens où nous traversons une période marquée par des enjeux d’ordre anthropologique.</p>

<p><strong>B. S. :</strong> Nous-mêmes parlons de <i>régénération</i> industrielle. Et nous pensons que nous sommes confrontés à une <i>dégénération industrielle.</i> Avec Marie-Claude Bossière, pédopsychiatre, et Maël Montévil ici présent, biologiste, nous nous occupons d’enfants qui, vers 3 ans, ne parlent toujours pas, ne regardent pas ceux qui tentent de leur parler, et présentent des symptômes caractéristiques de l’autisme alors qu’ils ne sont pas véritablement autistes : leur comportement « autistique » est engendré par une intoxication <i>technologique</i> – en l’occurrence, une exposition précoce aux écrans de smartphones et de tablettes qui provoque en très peu de jours une addiction extrêmement violente, et qui commence parfois alors même que le bébé est encore un nourrisson. Il s’agit d’une véritable <i>épidémie.</i> Non seulement ces enfants ne parlent pas, mais quand ils marchent, ils rasent les murs : ils sont incapables de marcher au milieu d’une pièce, parce qu’ils ont une notion de l’espace en deux dimensions – celle de l’écran. Cela concerne des dizaines de millions d’enfants dans le monde.</p>

<p>Il y a dégénération (un mot évidemment maudit) au sens où les rapports entre générations ont été annihilés. On observe cela très précisément avec les smartphones : des mères <i>n’accèdent plus</i> à leurs enfants, tandis que ces enfants n’accèdent plus à leur mère. C’est en remontant depuis cet état de fait que nous tentons de réagencer la « génération Z », la « génération Y » et la « génération boomers » : toute cette catégorisation, qui résulte d’une <i>marketisation des âges des âges de la vie</i>, a conduit à une désintégration que nous tentons de réintégrer – et qu’il faut régénérer. Nous soutenons que cette régénération passera d’abord par un retour aux savoirs : ce sont les savoirs qui lient les générations. Quant aux savoirs et quant à ce que vous appelez le virtuel, nous avons lu votre article « De l’entreprise plateforme à l’institution sphérique », publié dans <a href="https://manucius.com"><i>Les Métamorphoses des relations État-Entreprise</i> </a><i>[éditions Manucius, 2020]</i> – où vous commencez par poser que l’économie circulaire est irrationnelle. Pouvez-vous l’argumenter un peu pour nous ?</p>

<p><strong>S. M. :</strong> Quelles sont les bases du fonctionnement d’une économie écologiquement vertueuse ? Dans ce papier, je soutiens que l’économie circulaire nous enferme dans son fonctionnement : elle nous fait « tourner en rond ». L’économie circulaire ne concerne qu’une seule dimension : si je dessine un cycle – le cycle du carbone, du phosphate, de l’azote ou d’autres matières –, je ne considère qu’une seule dimension, constituant une sorte d’absolu avec lequel je suis <i>contraint</i> de raisonner. </p>

<p>Raisonner de façon ainsi circulaire conduit à des divergences insolubles entre territoires, comme celle entre les présidents Macron et Bolsonaro, au mois d’août 2019 [<i>à propos des incendies en Amazonie]</i> : il était structurellement impossible qu’ils se mettent d’accord. Macron disait à Bolsonaro de prendre le cycle du carbone, le fameux CO<sub>2</sub>, comme référence et critère de décision, et ce dernier lui répondait qu’il a un autre critère, en l’occurrence, un continent à développer, une économie à faire tourner. Il y a ici une sorte d’aporie théorique qui constitue un blocage – d’ampleur planétaire. </p>

<p>Un deuxième aspect de l’économie circulaire est qu’elle consiste en un cycle fermé, donc une représentation qui permet uniquement de penser un <i>appauvrissement</i>. C’est lié à l’entropie : si je me tiens à des cycles comme celui-là, d’un point de vue thermodynamique, je ne peux que faire disparaître de la valeur et <i>in fine</i> toute possibilité de vie. À partir de ce moment-là, c’est le suicide : la seule vraie manière de préserver l’état actuel d’un tel système – qui est fermé –, c’est d’arrêter de vivre. Cela, on ne peut pas l’admettre, et il y a un blocage là aussi. Si l’on tire jusqu’au bout la conception d’une économie circulaire, il faudrait arrêter de vivre. D’ailleurs, c’est ce que l’on observe avec les courants actuels antinatalistes, « zéro enfant », et c’est lié avec ce que vous dites sur les générations : c’est un dangereux fantasme de croire que l’on peut préserver la planète en arrêtant de générer des générations…</p>

<p>Pour tenter de construire le versant positif de la chose, il nous faudrait une représentation qui soit à la fois <i>multifactorielle</i> et <i>ouverte.</i> Scientifiquement, la terre est un système ouvert : on reçoit de l’entropie basse de l’extérieur, on la transforme en entropie haute, et à l’intérieur de cet espace peut se développer la vie. Certes, la vie a atteint les bords de la planète, par rapport à des modes de consommation, d’énergie, etc. Il y a trois façons d’approcher la réponse : celle où l’on arrête de vivre, que je viens d’écarter, celle où l’on s’échappe de la planète – ça, c’est la version américaine, celle de SpaceX qui veut aller sur Mars pour trouver des ressources supplémentaires –, et, enfin, il y a une troisième façon de répondre, qui est celle que nous souhaitons promouvoir : c’est la conquête du virtuel. </p>

<p>Le virtuel résonne énormément avec la production de néguentropie caractéristique des systèmes ouverts. Il est nécessaire car il ouvre un espace supplémentaire de valeur, que l’on peut aller conquérir : c’est un nouveau continent. L’Europe avait touché à la Renaissance les bords géographiques qui lui étaient assignés, elle est partie au-delà des océans pour s’étendre, et elle a découvert le nouveau monde. Cela a créé une <i>vitalité</i> et une <i>natalité</i> au sens de Hannah Arendt. Aujourd’hui, nous sommes à un autre moment où l’on a atteint les bords de la planète. On peut dire que notre nouveau continent est Mars, on peut dire qu’il nous faut disparaître, mais nous préférons l’option qui consiste à aller « sur » le virtuel.</p>

<p>Le virtuel existe déjà depuis très longtemps : c’est le continent lié à la technique – Aristote parlait déjà de virtuel ; et ce continent est désormais devenu plus vaste que le continent du réel. La science économique rencontre pourtant des difficultés majeures pour mesurer la valeur du virtuel. Des travaux de certains économistes, comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Erik_Brynjolfsson">Erik Brynjolfsson</a>, montrent à travers des mesures indirectes que la contribution économique des plateformes est largement sous-évaluée dans le PIB. Par exemple lorsqu’on demande aux gens quelle compensation financière ils demanderaient en contrepartie de l’abandon de WhatsApp, Facebook ou Google, le point de bascule médian pour un américain est de 500 dollars par mois pour WhatsApp et 1 500 dollars par mois pour Google. La valeur implicite des plateformes est donc majeure alors qu’elle reste largement invisible dans l’économie.</p>

<p><strong>B. S. :</strong> Avant de vous dire ce que m’inspire votre thèse sur le virtuel (nous aurions beaucoup à dire sur cette façon d’évaluer à partir de la valeur d’échange, mais ce sera pour une autre fois), je voudrais revenir à la circularité. L’économie que Stéphane Berdoulet, par exemple, avec qui nous travaillons à présent, expérimente sur L’Île-Saint-Denis, au travers de son site <a href="https://www.halage.fr/lilo">Lil’O</a>, n’est pas circulaire au sens que vous avez décrit. Elle consiste <i>en cycles</i> et elle tente de valoriser les cycles qui forment non pas des cercles, mais des <i>spirales</i>. Ces cycles, qui ne sont pas fermés, bénéficient d’ailleurs du soleil et de bien d’autres intrants, à commencer par les réfugiés avec lesquels Stéphane travaille, et qui ont des savoirs – c’est-à-dire du virtuel. Pour nous, ce que vous appelez le virtuel, c’est le savoir. Le savoir est lui-même lié à la mémoire – Nietzsche disait que la vie est de la matière dotée de mémoire – mais de la mémoire exosomatisée, au sens de Lotka, et virtuelle précisément en ce sens.</p>

<p>Ce que nous disons, nous, et ce que veulent dire d’abord ceux qui utilisent l’expression « économie circulaire », c’est que l’on doit sortir de l’économie linéaire – fondée sur une rectitude déterministe telle que « le progrès » l’a conçue comme linéarité ignorante de ce que les spirales produisent de virtuel, précisément. À travers ces boucles, qui ne sont ni tout à fait closes, ni tout à fait ouvertes, on régénère à chaque fois un cycle qui n’est pas celui de la matière physique, mais celui de la matière <i>organisée par des savoirs</i> – par exemple, les objets conçus avec Dassault Systèmes. C’est une économie ouverte, et en spirales. </p>

<p><strong>Maël Montévil : </strong>Pour compléter, je dirais que les cycles dans l’économie et dans le vivant sont de plusieurs natures. La question de la matière et de sa circulation telle qu’elle forme des cycles se pose en elle-même. Par exemple, dans l’agriculture, il est nécessaire de remettre ce qui a été puisé du sol dans le sol - il s’agit de boucler les cycles de la matière pour qu’il n’y ait pas d’appauvrissement, et faire en sorte que quelque chose puisse durer dans le temps, que l’on appelle le vivant. La matière autrefois vivante et devenue morte qu’est l’humus est la condition circulaire d’existence du vivant – formant la nécromasse de la biomasse. </p>

<p>Dans les organismes eux-mêmes, il y a beaucoup d’autophagie – c’est-à-dire que nos propres cellules sont décomposées pour en faire de nouvelles. La question se pose aussi pour les activités humaines qui vont devoir économiser, et donc recycler, certaines ressources minérales dont les gisements commencent à s’appauvrir, ce qui veut dire que de plus en plus d’énergie libre est nécessaire pour en extraire des ressources utiles.</p>

<p>Mais c’est une tout autre question de savoir comment cette matière est agencée, organisée, et comment ces organisations se maintiennent. Ici aussi, il y a de la circularité, au sens où les différentes parties de mon corps se maintiennent mutuellement, de même que nous maintenons activement la maison qui nous abrite, et plus généralement toutes les productions dont nous dépendons. Par contre, ce maintien n’est pas du tout à l’identique, et le schéma de la spirale s’impose. Le vivant dure en se transformant et la reproduction avec variation est le premier moteur de l’évolution.</p>

<p><strong>S. M. :</strong> Ce que je veux dire quand je parle de « virtuel », c’est que la partie importante est celle que l’on ne voit pas : c’est l’imaginaire, la capacité d’apprendre qui a été générée à partir de ce parcours en spirales. C’est pour cela que la spirale ne retombe jamais au même endroit. </p>

<p>Nous parlons ici de l’économie de l’expérience – sauf que l’expérience est à la fois l’expérimentation, c’est-à-dire la capacité d’apprendre lorsque je fais le parcours de la spirale, et l’expérience au sens du vécu. Par exemple, nous travaillons car c’est la meilleure manière d’apprendre : on fait le parcours de la spirale aussi pour faire l’expérience de ce vécu qui nous enrichit. </p>

<p>Le virtuel, c’est notre façon d’<i>exprimer</i> que l’on apprend : ce sont des représentations que l’on peut partager, car le parcours de ces spirales est collectif. On va réifier notre expérience dans une représentation que l’on peut partager à d’autres et transmettre aux prochaines générations. Là où le XXI<sup>e</sup> siècle a une chance considérable, c’est que le virtuel y est devenu tellement prégnant qu’il l’emporte sur la matérialité des échanges dans les règles économiques – ce qui nécessite une révision profonde de la science économique.</p>

<p>Wikipédia, par exemple, ne produit aucune valeur si l’on regarde la mesure des économistes dans le PIB, mais son impact réel sur l’économie est considérable. L’économie de l’expérience signifie que si je parviens à me concentrer sur cette capacité de former collectivement un patrimoine – qui est l’actif virtuel –, je n’ai plus besoin de parler de circularité : je ne me concentre pas sur le substrat matériel mais sur la construction d’un commun qui est intangible. En effet, je parviens à ne plus seulement <i>optimiser</i> un système physique dans sa captation d’énergie : je passe à un niveau de sens différent, qui est le virtuel ouvrant de nouveaux possibles. </p>

<p>Le virtuel agit comme un interstice dans le réel. Lorsque l’on fait face à une somme de contraintes, comme les contraintes écologiques ou les actuelles contraintes épidémiologiques, le virtuel intervient pour <i>donner accès</i> à des possibles qui, sinon, ne seraient pas là. Ainsi on renforce les bifurcations possibles. </p>

<p>L’homme naturalise l’artificiel, c’est-à-dire l’environnement dans lequel nous vivons, et cet artificiel est perçu de plus en plus comme une seconde nature qui nous contraint. En créant des univers virtuels, nous apportons aux industriels avec lesquels nous travaillons la capacité d’imaginer et de partager ce qu’ils veulent faire dans le virtuel en s’affranchissant de ces contraintes et en dépassant cette « seconde nature ». C’est très concret : grâce à ces univers virtuels, des équipes parviennent en dix-huit à vingt-quatre mois à créer un avion électrique solaire, alimenté en énergie seulement par des panneaux photovoltaïques sur les ailes, alors qu’il y a encore dix ans, cela aurait été jugé tout simplement impossible. Pourquoi ? parce que ces équipes ont connecté énormément de savoirs, et ont puisé dans une source, qui est le virtuel. </p>

<p><strong>B. S. :</strong> Votre exposé est très intéressant et convaincant. Comment cependant ne pas tomber dans la critique qui est faite du « solutionnisme technologique » par <a href="https://www.philomag.com/lepoque/evgeny-morozov-lintellectuel-du-net-degaine-14309">Evgeny Morozov</a>, et qui consiste à ignorer les questions organisationnelles et sociales liées à l’entropie dans les conflits d’intérêts divergents entre partenaires sociaux ? Vous vous appuyez sur la notion de virtuel. Cette notion du virtuel que vous utilisez n’est pas celle d’Aristote : il n’y a pas de virtuel chez Aristote, il y a du <i>potentiel,</i> qui s’appelle la <i>dynamis.</i> Bergson, qui est le grand penseur du virtuel, a montré pourquoi le virtuel ne se réduit pas au potentiel : le potentiel est newtonien, il est déterministe et calculable- comme possibles contenus dans le passé de l’expérience qu’il suffit de prolonger par des lignes plus ou moins courtes pour finalement produire du nouveau qui, au fond, ne change rien – qui <i>« change tout pour que rien ne change »,</i> comme dit le prince de Salina <i>[dans le roman</i> Le Guépard, <i>de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa, paru en 1958].</i> Le vrai nouveau, c’est ce qui <i>bifurque</i>. </p>

<p>Le savoir dont vous parlez sous le nom de virtuel est à présent digital, c’est-à-dire transformé en information calculable. Nous pensons que là est le problème parce que cela tend à éliminer l’activité noétique qu’est le virtuel comme savoir, et à le remplacer par une optimisation toujours plus coûteuse sur le plan de l’entropie, précisément. Le virtuel, c’est ce qui va au-delà du calculable, ajoutant quelque chose au réel qui est inachevé : c’est que l’on sait depuis Whitehead et Simondon, et il en va ainsi parce que l’univers est en expansion constante, il n’est pas stable – on y ajoute des choses, et la vie, c’est une série de tels ajouts. Nous-mêmes posons que le virtuel digital est devenu prolétarisant, c’est-à-dire destructeur des savoirs, et qu’il faut réinventer le digital pour en faire une véritable virtualité – ce qui est sans aucun doute l’enjeu de ce que Dassault Systèmes appelle l’expérience. La force de votre plateforme, c’est en effet de constituer des communautés de savoirs. Mais le digital, dans la vie quotidienne, ruine littéralement les savoirs, y compris, d’ailleurs, à présent, ceux des scientifiques, et, il y a déjà plus de dix ans, ceux d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Greenspan">Alan Greenspan</a> <i>[ex-président de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, de 1987 à 2006],</i> selon ses propres dires. Il faut réinventer le virtuel en réinventant le digital. Ce devrait être le grand projet de renaissance et de régénération en Europe, et cela suppose selon nous des évolutions économiques majeures, fondées sur des économies locales qui restent ouvertes et constituent des communautés de savoir localement et avec d’autres localités. </p>

<p>L’industrie, qui s’est développée depuis deux cent cinquante ans, s’est développée essentiellement en optimisant certains savoirs très spécialisés, mais en <i>détruisant</i> la plupart des savoirs, et à très grande échelle. Le premier à avoir montré cela, c’est Adam Smith : la performance de sa fabrique d’épingles se fait au prix d’une déqualification des ouvriers, qui ne sont plus des ouvriers, mais ce que Marx appellera des prolétaires qui ne savent ni ce qu’ils font ni pourquoi ils le font. </p>

<p>Aujourd’hui, cela affecte les ingénieurs, parfois à de très hauts niveaux. Alan Greenspan se défendait devant une commission sénatoriale en posant que le crash boursier de 2007 n’était pas de son fait, puisque plus personne ne sait comment fonctionne l’industrie financière devenue algorithmique : il était prolétarisé. Le prix pour l’humanité fut une immense destruction de valeur que l’Europe paye encore, à quoi s’ajoute à présent la nouvelle crise</p>

<p>Il faut aujourd’hui déprolétariser – Alan Greenspan, l’IRI, Dassault Systèmes –, c’est-à-dire lutter contre l’entropie en produisant de nouveaux savoirs, et créer de nouvelles communautés de savoirs, qui ne sont pas simplement des <i>compétences</i>. Un organe exosomatique (au sens de Lotka) peut augmenter l’entropie autant que la diminuer, et la question est de produire du savoir pour limiter cette entropie. Il faut donc développer de nouveaux savoirs – capables de produire de nouvelles normes comptables sur des plateformes de comptabilité contributive (c’est ce à quoi nous travaillons en Seine-Saint-Denis). </p>

<p><strong>M. M.</strong><b><strong> :</strong> </b>En un sens, le numérique génère un nombre considérable de combinaisons que l’on peut explorer, mais elles n’ont une valeur que dans la mesure où elles ont un sens, et ce sens est apporté par les savoirs. Par exemple, la conception de l’avion électrique est intéressante, parce qu’il peut effectivement voler, mais ceci concerne surtout la physique pour laquelle on a des cadres théoriques mathématisés bien établis. Or ce simple critère n’est pas suffisant comme le montre le cas de l’A380. </p>

<p><strong>S. M. :</strong> Lorsque nous parlons de Renaissance industrielle, il s’agit bien de cela : il s’agit de constituer une nouvelle capacité pour l’industrie de faire en intégrant les tenants et aboutissants de ce qu’elle fait. Le virtuel permet d’avoir cette approche systémique et holistique. </p>

<p>En tant qu’industriel du logiciel, Dassault Systèmes s’efforce de mesurer sa contribution par rapport à ce que l’on prend à la Terre en termes d’énergie et de ressources. Nous savons évaluer les émissions de carbone liées aux ordinateurs qui tournent avec nos logiciels, nous mesurons aussi les trajets d’avion faits par nos commerciaux, etc. – et nous tenons une balance de tout cela. Notre cible est d’atteindre un facteur multiplicateur de l’ordre de 10 000. Nous soutenons pouvoir potentiellement contribuer 10 000 fois plus que ce que nous prenons à la planète.</p>

<p>Regardons par exemple le design d’une automobile : si l’on utilise des simulations numériques, on sait diminuer le poids global de la structure métallique et atteindre un poids qui est à peu près 150 kilogrammes plus léger. À partir de ce moment-là, on peut calculer – sur la durée de vie d’une voiture, le nombre de voitures que l’on fabrique, etc. – l’économie de l’émission de carbone réalisée. Ici, certes, c’est encore de l’optimisation : ce n’est pas encore l’ouverture de nouveaux possibles. Et pourtant, simplement avec cette optimisation, on parvient à justifier que l’on a un rapport de 1 à 10 000. </p>

<p><strong>B. S. :</strong> Vous venez de soulignez que l’optimisation ne suffit pas à faire face au défi planétaire. Pour nous, l’essentiel est de repenser en profondeur le système digital dans sa totalité, et de lutter contre l’entropie computationnelle, dont la prolétarisation est un des effets, en revalorisant les savoirs à tous les niveaux de la société, d’abord dans la vie quotidienne, et en développant une économie fondée sur la revalorisation des savoirs et la lutte contre l’entropie. Nous soutenons que c’est une question de « pharmacologie » au sens où un objet technique est <i>toujours</i> un poison et un remède – et la façon de le qualifier comme poison ou comme remède dépend de là où l’on se trouve, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Et nous pensons qu’une critique fondamentale de l’informatique théorique est à présent requise – mais ce n’est pas le lieu ici d’exposer ce point qui nécessiterait évidemment de longs développements.</p>

<p>Le virtuel, comme savoir toujours engrammé d’une façon ou d’une autre (en commençant par les outils, comme l’a montré André Leroi-Gourhan), c’est aujourd’hui d’abord des machines qui travaillent en virtuel – ce que l’on appelle des ordinateurs. Mais tels qu’ils fonctionnent la plupart du temps, ils détruisent les savoirs en les remplaçant par des automatismes qui, loin d’ouvrir de nouveaux possibles, consolident des états de fait. Il faut repenser ces systèmes pour y intégrer les <i>incalculables</i> qui seuls génèrent les véritables bifurcations. Ce sera l’objet d’un séminaire que nous tiendrons à Arles du 25 au 27 août prochains, puis du colloque de décembre au Centre Pompidou auquel nous espérons que vous pourrez vous joindre. </p>
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title: Bernard Stiegler : « Le virtuel, c’est le savoir »
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<p><strong>Bernard Stiegler :</strong> Je vous remercie d’avoir accepté le principe de cet entretien, que nous vous avons proposé à la fois parce que vous travaillez sur le vivant, nous-mêmes nous apprêtant à participer à l’initiative Agir pour le vivant, fin août à Arles, et parce que vous et Dassault Systèmes questionnez le virtuel et ce qui en procède dans ce que l’on appelle les technologies numériques – nous-mêmes nous apprêtant à lancer un travail collectif sur la possibilité d’une refondation de l’informatique théorique, question que nous aborderons au Centre Pompidou <i>[à Paris]</i> les 22 et 23 décembre 2020 dans le cadre des Entretiens du nouveau monde industriel.</p><p>Qu’est-ce que l’industrie ? C’est d’abord une <i>accélération</i> – un développement de ce qu’Alfred Lotka appelait l’exosomatisation devenant soudain beaucoup plus rapide. Lotka souligne cette accélération et ses dangers en 1945. L’exosomatisation commence avec l’hominisation, et comme technicisation du vivant, il y a environ 3 millions d’années. Son accélération soudaine, qui constitue l’ère dite Anthropocène, fait que depuis la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, les sociétés commencent à éprouver l’épaisseur spécifique de la technique, qui semblait jusqu’alors transparente, et sa dynamique toujours plus déstabilisante pour les organisations sociales.</p><p>À l’IRI, et depuis ce point de vue, nous essayons de construire une nouvelle rationalité industrielle, fondée sur une prise en compte nouvelle de la technicité de l’humain. Nous pensons que la rationalité industrielle existante et dominante est épuisée – qu’elle a fini par devenir <i>profondément</i> <i>irrationnelle</i> – parce qu’elle repose sur une pensée encore très ignorante de cette question de la technicité, ignorance qui est héritée de Descartes, qui refoule les enjeux de l’exosomatisation, et qui est encore largement dominante, y compris dans les sciences les plus avancées.</p>
<p>Le 10 janvier 2020, à Genève, nous avons demandé à des membres de <i>Youth For Climate</i> et d’<i>Extinction</i> <i>Rebellion</i> – devenus plus tard membres de l’Association des amis de la génération Thunberg – ce qu’ils retenaient de ce que dit Greta Thunberg. Nous sommes assez vite tombés d’accord avec eux sur le fait qu’elle demande avant tout aux adultes et aux responsables d’écouter les scientifiques. Et cependant, nous, les membres du Collectif Internation qui étions présents (nous venions à Genève pour présenter les résultats de nos travaux), nous avons objecté que les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, et que nous ne serions donc pas très avancés si nous nous contentions seulement d’écouter les scientifiques – et en particulier, non seulement sur un état de fait, tel le réchauffement climatique, mais sur ses causes. Car sur ce point, non seulement il n’y a pas d’accord scientifique, mais personne n’y travaille sérieusement du point de vue transdisciplinaire qui est ici impératif. Nous en avons tiré la conclusion qu’il faut <i>travailler avec</i> les scientifiques, et non seulement les écouter, et pour faire en sorte d’identifier à la fois des causes et des conséquences à la fois pratiques et théoriques qu’il faut en tirer, et les démarches et moyens à mettre en œuvre pour changer l’état de fait. S’il y a donc accord pour dire que le mode de développement actuel n’est plus conforme à la rationalité, il n’y a pas de diagnostic précis à cet égard quant aux causalités. Nous-mêmes posons que la question essentielle est l’entropie, et que pour quiconque veut agir pour le vivant, il s’agit de la réduire.</p>
<p><strong>Sébastien Massart :</strong> De notre côté, nous contribuons à élaborer l’industrie du XXI<sup>e</sup> siècle. Quelle est la nouvelle logique de plateforme qui rendra possible cette nouvelle industrie appelée par les grands défis contemporains et permise par les technologies dont nous disposons ? « Plateforme » est certes un mot galvaudé, il faut entendre ici « media » – c’est-à-dire un milieu partagé dans lequel peuvent se déployer la pensée et l’action. En ce sens, le livre était déjà une « plateforme ». Il s’agit de voir comment un nouveau milieu émerge qui transforme notre relation au réel. Dans cette étape d’ordre anthropologique, Dassault Systèmes prend le parti du virtuel, afin de permettre à l’industrie d’exprimer des possibilités nouvelles. Cela nécessite de forger des concepts et d’engager des explorations qui s’appuient sur la recherche fondamentale.</p><p>Notre métier est depuis toujours de créer des univers virtuels, qui sont les conditions de possibilité d’une industrie qui imagine et crée le monde. Désormais, nous passons par le vivant et agissons pour le vivant. Quand Dassault Systèmes investit énormément dans le domaine de la santé et des sciences de la vie, il ne s’agit pas simplement de développer une activité économique nouvelle. Il s’agit de concevoir un devenir de l’industrie au XXI<sup>e</sup> siècle où la vie joue un rôle essentiel. Dans le monde industriel de l’ingénieur travaillant avec d’autres ingénieurs à la conception et à la réalisation d’un objet extrêmement complexe tel qu’un avion, ou une fusée, l’objet est déterminé par l’esprit humain. La complexité qu’on y rencontre n’est donc jamais supérieure à celle qu’on y a introduite. Dans une industrie où la vie comme telle devient l’enjeu primordial, on touche à des ordres de grandeur bien supérieurs en termes de complexité. </p><p>Nous soutenons que l’avenir de nos sociétés met ainsi en jeu une « Renaissance industrielle », au sens où nous traversons une période marquée par des enjeux d’ordre anthropologique.</p>
<p><strong>B. S. :</strong> Nous-mêmes parlons de <i>régénération</i> industrielle. Et nous pensons que nous sommes confrontés à une <i>dégénération industrielle.</i> Avec Marie-Claude Bossière, pédopsychiatre, et Maël Montévil ici présent, biologiste, nous nous occupons d’enfants qui, vers 3 ans, ne parlent toujours pas, ne regardent pas ceux qui tentent de leur parler, et présentent des symptômes caractéristiques de l’autisme alors qu’ils ne sont pas véritablement autistes : leur comportement « autistique » est engendré par une intoxication <i>technologique</i> – en l’occurrence, une exposition précoce aux écrans de smartphones et de tablettes qui provoque en très peu de jours une addiction extrêmement violente, et qui commence parfois alors même que le bébé est encore un nourrisson. Il s’agit d’une véritable <i>épidémie.</i> Non seulement ces enfants ne parlent pas, mais quand ils marchent, ils rasent les murs : ils sont incapables de marcher au milieu d’une pièce, parce qu’ils ont une notion de l’espace en deux dimensions – celle de l’écran. Cela concerne des dizaines de millions d’enfants dans le monde.</p>
<p>Il y a dégénération (un mot évidemment maudit) au sens où les rapports entre générations ont été annihilés. On observe cela très précisément avec les smartphones : des mères <i>n’accèdent plus</i> à leurs enfants, tandis que ces enfants n’accèdent plus à leur mère. C’est en remontant depuis cet état de fait que nous tentons de réagencer la « génération Z », la « génération Y » et la « génération boomers » : toute cette catégorisation, qui résulte d’une <i>marketisation des âges des âges de la vie</i>, a conduit à une désintégration que nous tentons de réintégrer – et qu’il faut régénérer. Nous soutenons que cette régénération passera d’abord par un retour aux savoirs : ce sont les savoirs qui lient les générations. Quant aux savoirs et quant à ce que vous appelez le virtuel, nous avons lu votre article « De l’entreprise plateforme à l’institution sphérique », publié dans <a href="https://manucius.com"><i>Les Métamorphoses des relations État-Entreprise</i> </a><i>[éditions Manucius, 2020]</i> – où vous commencez par poser que l’économie circulaire est irrationnelle. Pouvez-vous l’argumenter un peu pour nous ?</p>
<p><strong>S. M. :</strong> Quelles sont les bases du fonctionnement d’une économie écologiquement vertueuse ? Dans ce papier, je soutiens que l’économie circulaire nous enferme dans son fonctionnement : elle nous fait « tourner en rond ». L’économie circulaire ne concerne qu’une seule dimension : si je dessine un cycle – le cycle du carbone, du phosphate, de l’azote ou d’autres matières –, je ne considère qu’une seule dimension, constituant une sorte d’absolu avec lequel je suis <i>contraint</i> de raisonner. </p><p>Raisonner de façon ainsi circulaire conduit à des divergences insolubles entre territoires, comme celle entre les présidents Macron et Bolsonaro, au mois d’août 2019 [<i>à propos des incendies en Amazonie]</i> : il était structurellement impossible qu’ils se mettent d’accord. Macron disait à Bolsonaro de prendre le cycle du carbone, le fameux CO<sub>2</sub>, comme référence et critère de décision, et ce dernier lui répondait qu’il a un autre critère, en l’occurrence, un continent à développer, une économie à faire tourner. Il y a ici une sorte d’aporie théorique qui constitue un blocage – d’ampleur planétaire. </p><p>Un deuxième aspect de l’économie circulaire est qu’elle consiste en un cycle fermé, donc une représentation qui permet uniquement de penser un <i>appauvrissement</i>. C’est lié à l’entropie : si je me tiens à des cycles comme celui-là, d’un point de vue thermodynamique, je ne peux que faire disparaître de la valeur et <i>in fine</i> toute possibilité de vie. À partir de ce moment-là, c’est le suicide : la seule vraie manière de préserver l’état actuel d’un tel système – qui est fermé –, c’est d’arrêter de vivre. Cela, on ne peut pas l’admettre, et il y a un blocage là aussi. Si l’on tire jusqu’au bout la conception d’une économie circulaire, il faudrait arrêter de vivre. D’ailleurs, c’est ce que l’on observe avec les courants actuels antinatalistes, « zéro enfant », et c’est lié avec ce que vous dites sur les générations : c’est un dangereux fantasme de croire que l’on peut préserver la planète en arrêtant de générer des générations…</p><p>Pour tenter de construire le versant positif de la chose, il nous faudrait une représentation qui soit à la fois <i>multifactorielle</i> et <i>ouverte.</i> Scientifiquement, la terre est un système ouvert : on reçoit de l’entropie basse de l’extérieur, on la transforme en entropie haute, et à l’intérieur de cet espace peut se développer la vie. Certes, la vie a atteint les bords de la planète, par rapport à des modes de consommation, d’énergie, etc. Il y a trois façons d’approcher la réponse : celle où l’on arrête de vivre, que je viens d’écarter, celle où l’on s’échappe de la planète – ça, c’est la version américaine, celle de SpaceX qui veut aller sur Mars pour trouver des ressources supplémentaires –, et, enfin, il y a une troisième façon de répondre, qui est celle que nous souhaitons promouvoir : c’est la conquête du virtuel. </p><p>Le virtuel résonne énormément avec la production de néguentropie caractéristique des systèmes ouverts. Il est nécessaire car il ouvre un espace supplémentaire de valeur, que l’on peut aller conquérir : c’est un nouveau continent. L’Europe avait touché à la Renaissance les bords géographiques qui lui étaient assignés, elle est partie au-delà des océans pour s’étendre, et elle a découvert le nouveau monde. Cela a créé une <i>vitalité</i> et une <i>natalité</i> au sens de Hannah Arendt. Aujourd’hui, nous sommes à un autre moment où l’on a atteint les bords de la planète. On peut dire que notre nouveau continent est Mars, on peut dire qu’il nous faut disparaître, mais nous préférons l’option qui consiste à aller « sur » le virtuel.</p><p>Le virtuel existe déjà depuis très longtemps : c’est le continent lié à la technique – Aristote parlait déjà de virtuel ; et ce continent est désormais devenu plus vaste que le continent du réel. La science économique rencontre pourtant des difficultés majeures pour mesurer la valeur du virtuel. Des travaux de certains économistes, comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Erik_Brynjolfsson">Erik Brynjolfsson</a>, montrent à travers des mesures indirectes que la contribution économique des plateformes est largement sous-évaluée dans le PIB. Par exemple lorsqu’on demande aux gens quelle compensation financière ils demanderaient en contrepartie de l’abandon de WhatsApp, Facebook ou Google, le point de bascule médian pour un américain est de 500 dollars par mois pour WhatsApp et 1 500 dollars par mois pour Google. La valeur implicite des plateformes est donc majeure alors qu’elle reste largement invisible dans l’économie.</p>
<p><strong>B. S. :</strong> Avant de vous dire ce que m’inspire votre thèse sur le virtuel (nous aurions beaucoup à dire sur cette façon d’évaluer à partir de la valeur d’échange, mais ce sera pour une autre fois), je voudrais revenir à la circularité. L’économie que Stéphane Berdoulet, par exemple, avec qui nous travaillons à présent, expérimente sur L’Île-Saint-Denis, au travers de son site <a href="https://www.halage.fr/lilo">Lil’O</a>, n’est pas circulaire au sens que vous avez décrit. Elle consiste <i>en cycles</i> et elle tente de valoriser les cycles qui forment non pas des cercles, mais des <i>spirales</i>. Ces cycles, qui ne sont pas fermés, bénéficient d’ailleurs du soleil et de bien d’autres intrants, à commencer par les réfugiés avec lesquels Stéphane travaille, et qui ont des savoirs – c’est-à-dire du virtuel. Pour nous, ce que vous appelez le virtuel, c’est le savoir. Le savoir est lui-même lié à la mémoire – Nietzsche disait que la vie est de la matière dotée de mémoire – mais de la mémoire exosomatisée, au sens de Lotka, et virtuelle précisément en ce sens.</p><p>Ce que nous disons, nous, et ce que veulent dire d’abord ceux qui utilisent l’expression « économie circulaire », c’est que l’on doit sortir de l’économie linéaire – fondée sur une rectitude déterministe telle que « le progrès » l’a conçue comme linéarité ignorante de ce que les spirales produisent de virtuel, précisément. À travers ces boucles, qui ne sont ni tout à fait closes, ni tout à fait ouvertes, on régénère à chaque fois un cycle qui n’est pas celui de la matière physique, mais celui de la matière <i>organisée par des savoirs</i> – par exemple, les objets conçus avec Dassault Systèmes. C’est une économie ouverte, et en spirales. </p>
<p><strong>Maël Montévil : </strong>Pour compléter, je dirais que les cycles dans l’économie et dans le vivant sont de plusieurs natures. La question de la matière et de sa circulation telle qu’elle forme des cycles se pose en elle-même. Par exemple, dans l’agriculture, il est nécessaire de remettre ce qui a été puisé du sol dans le sol - il s’agit de boucler les cycles de la matière pour qu’il n’y ait pas d’appauvrissement, et faire en sorte que quelque chose puisse durer dans le temps, que l’on appelle le vivant. La matière autrefois vivante et devenue morte qu’est l’humus est la condition circulaire d’existence du vivant – formant la nécromasse de la biomasse. </p><p>Dans les organismes eux-mêmes, il y a beaucoup d’autophagie – c’est-à-dire que nos propres cellules sont décomposées pour en faire de nouvelles. La question se pose aussi pour les activités humaines qui vont devoir économiser, et donc recycler, certaines ressources minérales dont les gisements commencent à s’appauvrir, ce qui veut dire que de plus en plus d’énergie libre est nécessaire pour en extraire des ressources utiles.</p><p>Mais c’est une tout autre question de savoir comment cette matière est agencée, organisée, et comment ces organisations se maintiennent. Ici aussi, il y a de la circularité, au sens où les différentes parties de mon corps se maintiennent mutuellement, de même que nous maintenons activement la maison qui nous abrite, et plus généralement toutes les productions dont nous dépendons. Par contre, ce maintien n’est pas du tout à l’identique, et le schéma de la spirale s’impose. Le vivant dure en se transformant et la reproduction avec variation est le premier moteur de l’évolution.</p>
<p><strong>S. M. :</strong> Ce que je veux dire quand je parle de « virtuel », c’est que la partie importante est celle que l’on ne voit pas : c’est l’imaginaire, la capacité d’apprendre qui a été générée à partir de ce parcours en spirales. C’est pour cela que la spirale ne retombe jamais au même endroit. </p><p>Nous parlons ici de l’économie de l’expérience – sauf que l’expérience est à la fois l’expérimentation, c’est-à-dire la capacité d’apprendre lorsque je fais le parcours de la spirale, et l’expérience au sens du vécu. Par exemple, nous travaillons car c’est la meilleure manière d’apprendre : on fait le parcours de la spirale aussi pour faire l’expérience de ce vécu qui nous enrichit. </p><p>Le virtuel, c’est notre façon d’<i>exprimer</i> que l’on apprend : ce sont des représentations que l’on peut partager, car le parcours de ces spirales est collectif. On va réifier notre expérience dans une représentation que l’on peut partager à d’autres et transmettre aux prochaines générations. Là où le XXI<sup>e</sup> siècle a une chance considérable, c’est que le virtuel y est devenu tellement prégnant qu’il l’emporte sur la matérialité des échanges dans les règles économiques – ce qui nécessite une révision profonde de la science économique.</p><p>Wikipédia, par exemple, ne produit aucune valeur si l’on regarde la mesure des économistes dans le PIB, mais son impact réel sur l’économie est considérable. L’économie de l’expérience signifie que si je parviens à me concentrer sur cette capacité de former collectivement un patrimoine – qui est l’actif virtuel –, je n’ai plus besoin de parler de circularité : je ne me concentre pas sur le substrat matériel mais sur la construction d’un commun qui est intangible. En effet, je parviens à ne plus seulement <i>optimiser</i> un système physique dans sa captation d’énergie : je passe à un niveau de sens différent, qui est le virtuel ouvrant de nouveaux possibles. </p><p>Le virtuel agit comme un interstice dans le réel. Lorsque l’on fait face à une somme de contraintes, comme les contraintes écologiques ou les actuelles contraintes épidémiologiques, le virtuel intervient pour <i>donner accès</i> à des possibles qui, sinon, ne seraient pas là. Ainsi on renforce les bifurcations possibles. </p><p>L’homme naturalise l’artificiel, c’est-à-dire l’environnement dans lequel nous vivons, et cet artificiel est perçu de plus en plus comme une seconde nature qui nous contraint. En créant des univers virtuels, nous apportons aux industriels avec lesquels nous travaillons la capacité d’imaginer et de partager ce qu’ils veulent faire dans le virtuel en s’affranchissant de ces contraintes et en dépassant cette « seconde nature ». C’est très concret : grâce à ces univers virtuels, des équipes parviennent en dix-huit à vingt-quatre mois à créer un avion électrique solaire, alimenté en énergie seulement par des panneaux photovoltaïques sur les ailes, alors qu’il y a encore dix ans, cela aurait été jugé tout simplement impossible. Pourquoi ? parce que ces équipes ont connecté énormément de savoirs, et ont puisé dans une source, qui est le virtuel. </p>
<p><strong>B. S. :</strong> Votre exposé est très intéressant et convaincant. Comment cependant ne pas tomber dans la critique qui est faite du « solutionnisme technologique » par <a href="https://www.philomag.com/lepoque/evgeny-morozov-lintellectuel-du-net-degaine-14309">Evgeny Morozov</a>, et qui consiste à ignorer les questions organisationnelles et sociales liées à l’entropie dans les conflits d’intérêts divergents entre partenaires sociaux ? Vous vous appuyez sur la notion de virtuel. Cette notion du virtuel que vous utilisez n’est pas celle d’Aristote : il n’y a pas de virtuel chez Aristote, il y a du <i>potentiel,</i> qui s’appelle la <i>dynamis.</i> Bergson, qui est le grand penseur du virtuel, a montré pourquoi le virtuel ne se réduit pas au potentiel : le potentiel est newtonien, il est déterministe et calculable- comme possibles contenus dans le passé de l’expérience qu’il suffit de prolonger par des lignes plus ou moins courtes pour finalement produire du nouveau qui, au fond, ne change rien – qui <i>« change tout pour que rien ne change »,</i> comme dit le prince de Salina <i>[dans le roman</i> Le Guépard, <i>de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa, paru en 1958].</i> Le vrai nouveau, c’est ce qui <i>bifurque</i>. </p>
<p>Le savoir dont vous parlez sous le nom de virtuel est à présent digital, c’est-à-dire transformé en information calculable. Nous pensons que là est le problème parce que cela tend à éliminer l’activité noétique qu’est le virtuel comme savoir, et à le remplacer par une optimisation toujours plus coûteuse sur le plan de l’entropie, précisément. Le virtuel, c’est ce qui va au-delà du calculable, ajoutant quelque chose au réel qui est inachevé : c’est que l’on sait depuis Whitehead et Simondon, et il en va ainsi parce que l’univers est en expansion constante, il n’est pas stable – on y ajoute des choses, et la vie, c’est une série de tels ajouts. Nous-mêmes posons que le virtuel digital est devenu prolétarisant, c’est-à-dire destructeur des savoirs, et qu’il faut réinventer le digital pour en faire une véritable virtualité – ce qui est sans aucun doute l’enjeu de ce que Dassault Systèmes appelle l’expérience. La force de votre plateforme, c’est en effet de constituer des communautés de savoirs. Mais le digital, dans la vie quotidienne, ruine littéralement les savoirs, y compris, d’ailleurs, à présent, ceux des scientifiques, et, il y a déjà plus de dix ans, ceux d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Greenspan">Alan Greenspan</a> <i>[ex-président de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, de 1987 à 2006],</i> selon ses propres dires. Il faut réinventer le virtuel en réinventant le digital. Ce devrait être le grand projet de renaissance et de régénération en Europe, et cela suppose selon nous des évolutions économiques majeures, fondées sur des économies locales qui restent ouvertes et constituent des communautés de savoir localement et avec d’autres localités. </p><p>L’industrie, qui s’est développée depuis deux cent cinquante ans, s’est développée essentiellement en optimisant certains savoirs très spécialisés, mais en <i>détruisant</i> la plupart des savoirs, et à très grande échelle. Le premier à avoir montré cela, c’est Adam Smith : la performance de sa fabrique d’épingles se fait au prix d’une déqualification des ouvriers, qui ne sont plus des ouvriers, mais ce que Marx appellera des prolétaires qui ne savent ni ce qu’ils font ni pourquoi ils le font. </p><p>Aujourd’hui, cela affecte les ingénieurs, parfois à de très hauts niveaux. Alan Greenspan se défendait devant une commission sénatoriale en posant que le crash boursier de 2007 n’était pas de son fait, puisque plus personne ne sait comment fonctionne l’industrie financière devenue algorithmique : il était prolétarisé. Le prix pour l’humanité fut une immense destruction de valeur que l’Europe paye encore, à quoi s’ajoute à présent la nouvelle crise</p><p>Il faut aujourd’hui déprolétariser – Alan Greenspan, l’IRI, Dassault Systèmes –, c’est-à-dire lutter contre l’entropie en produisant de nouveaux savoirs, et créer de nouvelles communautés de savoirs, qui ne sont pas simplement des <i>compétences</i>. Un organe exosomatique (au sens de Lotka) peut augmenter l’entropie autant que la diminuer, et la question est de produire du savoir pour limiter cette entropie. Il faut donc développer de nouveaux savoirs – capables de produire de nouvelles normes comptables sur des plateformes de comptabilité contributive (c’est ce à quoi nous travaillons en Seine-Saint-Denis). </p>
<p><strong>M. M.</strong><b><strong> :</strong> </b>En un sens, le numérique génère un nombre considérable de combinaisons que l’on peut explorer, mais elles n’ont une valeur que dans la mesure où elles ont un sens, et ce sens est apporté par les savoirs. Par exemple, la conception de l’avion électrique est intéressante, parce qu’il peut effectivement voler, mais ceci concerne surtout la physique pour laquelle on a des cadres théoriques mathématisés bien établis. Or ce simple critère n’est pas suffisant comme le montre le cas de l’A380. </p>
<p><strong>S. M. :</strong> Lorsque nous parlons de Renaissance industrielle, il s’agit bien de cela : il s’agit de constituer une nouvelle capacité pour l’industrie de faire en intégrant les tenants et aboutissants de ce qu’elle fait. Le virtuel permet d’avoir cette approche systémique et holistique. </p><p>En tant qu’industriel du logiciel, Dassault Systèmes s’efforce de mesurer sa contribution par rapport à ce que l’on prend à la Terre en termes d’énergie et de ressources. Nous savons évaluer les émissions de carbone liées aux ordinateurs qui tournent avec nos logiciels, nous mesurons aussi les trajets d’avion faits par nos commerciaux, etc. – et nous tenons une balance de tout cela. Notre cible est d’atteindre un facteur multiplicateur de l’ordre de 10 000. Nous soutenons pouvoir potentiellement contribuer 10 000 fois plus que ce que nous prenons à la planète.</p><p>Regardons par exemple le design d’une automobile : si l’on utilise des simulations numériques, on sait diminuer le poids global de la structure métallique et atteindre un poids qui est à peu près 150 kilogrammes plus léger. À partir de ce moment-là, on peut calculer – sur la durée de vie d’une voiture, le nombre de voitures que l’on fabrique, etc. – l’économie de l’émission de carbone réalisée. Ici, certes, c’est encore de l’optimisation : ce n’est pas encore l’ouverture de nouveaux possibles. Et pourtant, simplement avec cette optimisation, on parvient à justifier que l’on a un rapport de 1 à 10 000. </p>
<p><strong>B. S. :</strong> Vous venez de soulignez que l’optimisation ne suffit pas à faire face au défi planétaire. Pour nous, l’essentiel est de repenser en profondeur le système digital dans sa totalité, et de lutter contre l’entropie computationnelle, dont la prolétarisation est un des effets, en revalorisant les savoirs à tous les niveaux de la société, d’abord dans la vie quotidienne, et en développant une économie fondée sur la revalorisation des savoirs et la lutte contre l’entropie. Nous soutenons que c’est une question de « pharmacologie » au sens où un objet technique est <i>toujours</i> un poison et un remède – et la façon de le qualifier comme poison ou comme remède dépend de là où l’on se trouve, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Et nous pensons qu’une critique fondamentale de l’informatique théorique est à présent requise – mais ce n’est pas le lieu ici d’exposer ce point qui nécessiterait évidemment de longs développements.</p><p>Le virtuel, comme savoir toujours engrammé d’une façon ou d’une autre (en commençant par les outils, comme l’a montré André Leroi-Gourhan), c’est aujourd’hui d’abord des machines qui travaillent en virtuel – ce que l’on appelle des ordinateurs. Mais tels qu’ils fonctionnent la plupart du temps, ils détruisent les savoirs en les remplaçant par des automatismes qui, loin d’ouvrir de nouveaux possibles, consolident des états de fait. Il faut repenser ces systèmes pour y intégrer les <i>incalculables</i> qui seuls génèrent les véritables bifurcations. Ce sera l’objet d’un séminaire que nous tiendrons à Arles du 25 au 27 août prochains, puis du colloque de décembre au Centre Pompidou auquel nous espérons que vous pourrez vous joindre. </p>

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<figcaption>Chigasaki, Japon, 2 août 2020</figcaption>
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<blockquote>
<p>True, we no longer have organized activities.<br/>
Socialist realism or XXX realism — An anthology of Japanese Proletarian Literature - Kim Tu-Yong, urn:isbn:978-0-226-06837-4</p>
</blockquote>

<p>Aujourd'hui, les pieds sur les pédales, l'envie dans la pente des routes oubliées, nous avons parcouru des rêveries d'été. Les clins d'œils d'architectures inattendues accompagnent les salons de beauté d'un autre temps.</p>

<figure>
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<figcaption>Chigasaki, Japon, 2 août 2020</figcaption>
</figure>

<p>Sans objectifs, le chemin définit la destination. On ne peut pas se perdre quand il n'y a pas de cap. Le chant ondulé des cigales, le corps mouillé, des sanctuaires d'or et de bois, une pause sous les sugis et le vent du fleuve Sagami, l'histoire est un non-tissé. Chaque intimité est aiguillée sur la trâme de nos désirs.</p>

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<figcaption>Samukawa, Japon, 2 août 2020</figcaption>
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<h2>sur le bord du chemin</h2>

<ul>
<li><a href="https://www.laopi.fr/post/2020/08/Vir%C3%A9">non-code du travail à Taïwan</a></li>
<li>L'<a href="https://www.theguardian.com/books/2020/aug/02/ernest-hemingway-published-works-littered-with-errors-study-finds">edition est aussi une manufacture d'erreurs</a>. Dans ce cas Ernest Hemingway.</li>
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<p>True, we no longer have organized activities.<br/>
Socialist realism or XXX realism — An anthology of Japanese Proletarian Literature - Kim Tu-Yong, urn:isbn:978-0-226-06837-4</p>
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<p>Aujourd'hui, les pieds sur les pédales, l'envie dans la pente des routes oubliées, nous avons parcouru des rêveries d'été. Les clins d'œils d'architectures inattendues accompagnent les salons de beauté d'un autre temps.</p>

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<figcaption>Chigasaki, Japon, 2 août 2020</figcaption>
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<p>Sans objectifs, le chemin définit la destination. On ne peut pas se perdre quand il n'y a pas de cap. Le chant ondulé des cigales, le corps mouillé, des sanctuaires d'or et de bois, une pause sous les sugis et le vent du fleuve Sagami, l'histoire est un non-tissé. Chaque intimité est aiguillée sur la trâme de nos désirs.</p>

<figure>
<img src="https://www.la-grange.net/2020/08/02/8623-blason.jpg" alt="Blason or sur bois"/>
<figcaption>Samukawa, Japon, 2 août 2020</figcaption>
</figure>
<h2>sur le bord du chemin</h2>

<ul>
<li><a href="https://www.laopi.fr/post/2020/08/Vir%C3%A9">non-code du travail à Taïwan</a></li>
<li>L'<a href="https://www.theguardian.com/books/2020/aug/02/ernest-hemingway-published-works-littered-with-errors-study-finds">edition est aussi une manufacture d'erreurs</a>. Dans ce cas Ernest Hemingway.</li>
</ul>

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<title>(Dé)possession virtuelle (archive) — David Larlet</title>
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<article>
<header>
<h1>(Dé)possession virtuelle</h1>
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</p>
</nav>
<hr>
<main>
<p>Cela fait quelques mois que mon royaume virtuel se désagrège au bord de l’effondrement, et je ne sais que faire pour le réparer. Pour une raison que j’ignore, Hypothermia a décidé de ne pas digérer la dernière mise à jour de WordPress – à moins que ça soit une nouvelle version de PHP. Si les apparences sont sauvées, elles sont aussi trompeuses : je rédige mes articles sur une interface minuscule aux briques défaillantes et au goût d’obsolescence programmée. Je me demande chaque semaine quand mon site va définitivement cesser de fonctionner.</p>

<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png" alt="" class="alignnone size-large wp-image-16015" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-768x199.png 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot.png 1200w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png" alt="" class="alignnone size-large wp-image-16015" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-768x199.png 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot.png 1200w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px"/></noscript></figure>

<p class="legend">La pointe de l’ergonomie.</p>

<p>Il y a des jours où je me réjouis que le blog ait enfin un problème suffisamment gros pour que j’arrête de le rafistoler à bouts de scotch : je fantasme alors sur une idée de refonte qui en assainirait le code depuis les fondations. Moins de dépendances, plus de contrôle : la mode des sites statiques me séduit, sans doute par la nostalgie de mes débuts de publications sur le web il y a plus de vingt ans.</p>

<p>Il y a des jours plus réalistes où je désespère. Réparer le blog, c’est la promesse de dizaines et dizaines d’heures immergée dans des lignes de code – mettons le double si je décide de le transférer sur une nouvelle plateforme. En envisageant la montagne de boulot qui m’attend, j’ai parfois envie de tout plaquer et de me libérer de ce qui me donne l’impression d’avoir un travail parallèle à mi-temps.</p>

<p>La majorité de ma vie s’écoule déjà devant un écran. Le cœur de mon <em>« vrai »</em> travail réside dans des lignes de commande, des scripts à compiler, des jeux de données à analyser. J’ai basé une grande partie de mon métier sur ce qui était au départ une passion adolescente. Avec le prix à payer de la transformer en travail : une fois de retour chez moi le soir, j’ai tout le mal du monde à m’installer sur l’ordinateur pour faire avancer mes projets personnels. À ma droite, la fenêtre qui donne vue sur la forêt où j’ai envie de me balader. À ma gauche, Olaf qui réclame jeux et grattouilles et le canapé où K m’attend pour regarder un film. Mon cœur refuse de se concentrer sur ce qui m’attend devant moi : un clavier, un écran, un tunnel.</p>

<p>J’ai eu un goût doux-amer de cette immersion virtuelle ces derniers jours, lorsque j’ai voulu avancer sur mon souhait de <a href="https://www.hypothermia.fr/2019/08/david-vs-goliath/">retrouver le contrôle de mes données privées en ligne</a>. Atteignant les limites de mon hébergement mutualisé et me laissant entraîner par l’enthousiasme de quelques geeks dans mon entourage, j’ai acheté un Raspberry Pi que je comptais transformer en petit serveur autohébergé.</p>

<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15991" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15991" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure>

<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15989" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15989" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure>

<p class="legend">Mon petit Raspberry avec sa carte mémoire d’une capacité environ 3000 fois supérieure à son ancêtre :</p>

<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15995" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg 1280w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-1024x568.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-768x426.jpg 768w" sizes="(max-width: 1280px) 100vw, 1280px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15995" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg 1280w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-1024x568.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-768x426.jpg 768w" sizes="(max-width: 1280px) 100vw, 1280px"/></noscript></figure>

<p class="legend">L’IBM RAMAC 305, premier ordinateur à disque dur (5Mb) commercialisé en 1956.</p>

<p>L’idée était plutôt simple : je comptais rapatrier plusieurs des services que j’utilise encore en ligne (calendriers, contacts, lecteur de flux, archivage d’articles, cloud de fichiers, …) sur mon mini serveur à la maison accessible des quatre coins du monde. Il est vrai que j’aime énormément l’idée d’avoir tous ces éléments dans <a href="https://www.hypothermia.fr/search/memorabilia">une petite boîte physique que je conserve dans mon chez moi.</a> Au programme ? Une instance <a href="https://nextcloud.com/">Nextcloud</a> bien huilée, un <a href="https://www.wallabag.it/en">Wallabag</a> et <a href="https://miniflux.app/">Miniflux</a> pour commencer.</p>

<p>Allez, au maximum un weekend et ça serait bouclé ? Quelle naïveté. J’ai passé des soirées bien trop longues les mains dans le cambouis à essayer de configurer la bête. Sous la main, une trentaine d’onglets Internet ouverts chacun m’indiquant une marche à suivre différente digne d’une adaptation de recette dans les commentaires d’un blog de cuisine. Je me faisais insulter par la ligne de commande à chaque étape, n’ayant aucune idée de comment décrypter la plupart des messages d’erreur, lançant la majorité des commandes à l’aveuglette en priant pour que les étoiles s’alignent et que mon système fonctionne.</p>

<p>Cerise sur le gâteau, plus je lisais de tutoriels dans l’espoir de trouver des instructions qui m’aideraient, plus je lisais de mises en gardes sur l’extrême importance de tout maîtriser et de parfaitement tout configurer sans quoi de petits hackers chinois de 13 ans allaient s’infiltrer dans mon réseau, prendre mes données en otage et kidnapper mes ressources virtuelles pour les mettre au service du Dark Web. Après une dernière insulte du terminal à une heure bien trop avancée, de rage j’ai tout débranché, je me suis servie une grenadine, un bol de pâtes et j’ai boulotté une saison de <em>Selling Sunset</em> pour me calmer <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DXdO0Revllc"><span class="smaller">(ne me jugez pas)</span></a>.</p>

<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15992" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15992" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure>

<p class="legend">ON S’AMUSE (non).</p>

<p>Même si je ne me considère pas comme une geekette de pointe, je suis pourtant loin d’être une tanche dans le domaine. Autodidacte certes, mais bidouilleuse de guerre quand il s’agit d’arriver à mes fins. Au fil des jours et malgré ma frustration, j’ai réussi à construire un système à peu près utilisable : tout n’est pas encore installé, tout n’est sans doute pas hyper sécurisé, mais je commence à m’en servir au quotidien ce qui est un bon signe. Je regrette toutefois que l’alternative aux solutions clef-en-un-si-pratiques-en-plus-gratuites-mais-peu-respectueuses-de-la-vie-privée passe forcément par la case <em>« bidouilles intenses à la sueur de votre front, ne passez pas par la case départ et ne sauvez pas 20000 heures de votre temps libre »</em>. Il y a un côté ironiquement frustrant, à avoir suffisamment de compétences pour comprendre l’étendue du problème sans pour autant être en capacité de le résoudre.</p>

<p>Prenons l’exemple <a href="https://evernote.com/intl/fr/">Evernote</a>. Je me suis servie de ses services durant des années pour collecter et organiser tout type d’information : de mes recettes préférées à des idées d’articles en passant par l’organisation de mes voyages et les codes d’accès à mon centre des impôts. Peu à l’aise avec <a href="https://www.reddit.com/r/Evernote/comments/6itd9c/what_do_you_store_in_evernote_and_do_you_trust/djapgia/">leur changement de position constant sur la confidentialité de mes données</a>, j’ai recherché une alternative qui me rendrait plus confortable sans pour autant sacrifier les fonctionnalités dont j’ai besoin.</p>

<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16003" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg 2560w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1024x652.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-768x489.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1536x978.jpg 1536w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-2048x1304.jpg 2048w" sizes="(max-width: 2560px) 100vw, 2560px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16003" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg 2560w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1024x652.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-768x489.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1536x978.jpg 1536w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-2048x1304.jpg 2048w" sizes="(max-width: 2560px) 100vw, 2560px"/></noscript></figure>

<p class="legend">Notion, porteur de flambeau du bullet journal en ligne. <a href="https://korpannita.wordpress.com/2019/03/25/notion-vs-evernote/">Source : Notion VS Evernote, Pannita’s toy box</a></p>

<p><a href="https://www.notion.so/">Notion</a> a actuellement le vent en poupe et correspond parfaitement à mes critères : applications sur toutes les plateformes et interface web, personnalisation pointue, interface sexy, grande flexibilité, et en prime depuis peu la gratuité pour les utilisateurs particuliers… Ce qui devrait mettre la puce à l’oreille. En effet. En farfouillant un peu, je constate qu’il est <a href="https://www.reddit.com/r/Notion/comments/eqvrz0/end_to_end_encryption_is_must/">impossible de chiffrer les information qu’on y stocke</a>. Ce qui veut dire que les serveurs de Notion contiennent de façon claire tous les éléments que vous y publiez, lisibles de ce fait par quiconque y a accès (ou quiconque à qui Notion les partage…) La preuve ? Le service de hotline peut consulter toutes vos données – mais ne vous inquiétez pas, <a href="https://www.reddit.com/r/Notion/comments/egai5n/do_you_trust_notion_with_your_sensitive_data/">ils vous demanderont s’il-te-plaît au préalable</a>.</p>

<p><audio class="wp-audio-shortcode" id="audio-15988-1" preload="none" controls="controls"><source type="audio/mpeg" src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/KOMPROMAT-Possession.mp3?_=1"/><a href="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/KOMPROMAT-Possession.mp3">https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/KOMPROMAT-Possession.mp3</a></audio><p class="legend">KOMPROMAT – Possession</p><p>C’est d’une logique économique évidente, qu’un service gratuit cherche à se rémunérer par d’autres fins, en exploitant les données de ses clients par exemple. Pour éviter ce problème j’étais prête à souscrire à un service payant répondant à mes critères en matière de confidentialité – je n’ai hélas pas trouvé chaussure à mon pied. J’ai trouvé <a href="https://standardnotes.org/">Standard Notes</a> qui derrière une présentation alléchante a un goût de bâclé très limité (quelle galère pour juste insérer une image !) Ou bien j’ai failli m’abonner à <a href="https://crypt.ee/">crypt.ee</a> tant la démarche de ses développeurs et le goût du détail m’ont plu. Hélas après quelques utilisations, la sécurité poussée à l’extrême en rendait l’utilisation trop lente pour répondre à mes besoins (rentrer la clef de déchiffrage à chaque fois que je souhaitais prendre une note rapide me devenait bien trop pénible).</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16004" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-1024x576.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-768x432.jpg 768w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16004" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-1024x576.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-768x432.jpg 768w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure><p>J’en suis donc restée à <a href="https://joplinapp.org/">Joplin</a>, solution open source pas très jolie et sans interface web mais qui remplit mes critères fonctionnels, me permet de tout stocker « chez moi » et de chiffrer les informations que j’y recueille, les rendant lisibles par moi seule. J’ai essayé toute une soirée de faire fonctionner <a href="https://github.com/foxmask/joplin-web">Joplin web</a> pour me garantir un accès à distance depuis n’importe quel terminal, en vain ; on ne peut décidément pas tout avoir.</p><p>K m’a demandé si ce n’était pas mon cahier des charges qui était bien trop exigeant pour des solutions que développent des Jean-Michels libristes durant leurs nuits d’insomnies. Pourtant je suis prête à soutenir une structure professionnelle et des développements plus conséquents en souscrivant à un abonnement. Payé avec de l’argent, mais pas avec mes informations personnelles. Ce qui semble hélas encore utopique à l’heure actuelle. Je ne peux m’empêcher de me dire que si aussi peu de solutions payantes respectueuses de la vie privée existent, c’est bien que l’exploitation des données utilisateurs est beaucoup plus rentable.</p><p><em>« C’est bien d’avoir des principes, surtout que toi tu t’y tiens »</em> me soutenait K en essayant de me remonter le moral. Le prix que j’y paie, ce sont ces centaines d’heures de mon temps libre passées devant l’écran à bidouiller des solutions jusqu’à atteindre un compromis qui me satisfait. Une fois que j’aurai mis au point mon système maison, le blog sera le prochain à passer sous le bistouri. Je ne suis pas prête à abandonner mes critères en termes de fonctionnalité, d’esthétique et de confidentialité. Alors je n’ai pas d’autre choix que de me retrousser les manches, et de ressortir mon rouleau de scotch.</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15990" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15990" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure></p>
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// currently iterating on, otherwise the browser will be stuck
// in a infinite loop…
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title: (Dé)possession virtuelle
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<p>Cela fait quelques mois que mon royaume virtuel se désagrège au bord de l’effondrement, et je ne sais que faire pour le réparer. Pour une raison que j’ignore, Hypothermia a décidé de ne pas digérer la dernière mise à jour de WordPress – à moins que ça soit une nouvelle version de PHP. Si les apparences sont sauvées, elles sont aussi trompeuses : je rédige mes articles sur une interface minuscule aux briques défaillantes et au goût d’obsolescence programmée. Je me demande chaque semaine quand mon site va définitivement cesser de fonctionner.</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png" alt="" class="alignnone size-large wp-image-16015" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-768x199.png 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot.png 1200w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png" alt="" class="alignnone size-large wp-image-16015" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-1024x265.png 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot-768x199.png 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/screenshot.png 1200w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px"/></noscript></figure><p class="legend">La pointe de l’ergonomie.</p><p>Il y a des jours où je me réjouis que le blog ait enfin un problème suffisamment gros pour que j’arrête de le rafistoler à bouts de scotch : je fantasme alors sur une idée de refonte qui en assainirait le code depuis les fondations. Moins de dépendances, plus de contrôle : la mode des sites statiques me séduit, sans doute par la nostalgie de mes débuts de publications sur le web il y a plus de vingt ans.</p><p>Il y a des jours plus réalistes où je désespère. Réparer le blog, c’est la promesse de dizaines et dizaines d’heures immergée dans des lignes de code – mettons le double si je décide de le transférer sur une nouvelle plateforme. En envisageant la montagne de boulot qui m’attend, j’ai parfois envie de tout plaquer et de me libérer de ce qui me donne l’impression d’avoir un travail parallèle à mi-temps.</p><p>La majorité de ma vie s’écoule déjà devant un écran. Le cœur de mon <em>« vrai »</em> travail réside dans des lignes de commande, des scripts à compiler, des jeux de données à analyser. J’ai basé une grande partie de mon métier sur ce qui était au départ une passion adolescente. Avec le prix à payer de la transformer en travail : une fois de retour chez moi le soir, j’ai tout le mal du monde à m’installer sur l’ordinateur pour faire avancer mes projets personnels. À ma droite, la fenêtre qui donne vue sur la forêt où j’ai envie de me balader. À ma gauche, Olaf qui réclame jeux et grattouilles et le canapé où K m’attend pour regarder un film. Mon cœur refuse de se concentrer sur ce qui m’attend devant moi : un clavier, un écran, un tunnel.</p><p>J’ai eu un goût doux-amer de cette immersion virtuelle ces derniers jours, lorsque j’ai voulu avancer sur mon souhait de <a href="https://www.hypothermia.fr/2019/08/david-vs-goliath/">retrouver le contrôle de mes données privées en ligne</a>. Atteignant les limites de mon hébergement mutualisé et me laissant entraîner par l’enthousiasme de quelques geeks dans mon entourage, j’ai acheté un Raspberry Pi que je comptais transformer en petit serveur autohébergé.</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15991" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15991" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/raspberry-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15989" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15989" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/microsd-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure><p class="legend">Mon petit Raspberry avec sa carte mémoire d’une capacité environ 3000 fois supérieure à son ancêtre :</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15995" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg 1280w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-1024x568.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-768x426.jpg 768w" sizes="(max-width: 1280px) 100vw, 1280px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15995" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac.jpg 1280w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-1024x568.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/ibm_ramac-768x426.jpg 768w" sizes="(max-width: 1280px) 100vw, 1280px"/></noscript></figure><p class="legend">L’IBM RAMAC 305, premier ordinateur à disque dur (5Mb) commercialisé en 1956.</p><p>L’idée était plutôt simple : je comptais rapatrier plusieurs des services que j’utilise encore en ligne (calendriers, contacts, lecteur de flux, archivage d’articles, cloud de fichiers, …) sur mon mini serveur à la maison accessible des quatre coins du monde. Il est vrai que j’aime énormément l’idée d’avoir tous ces éléments dans <a href="https://www.hypothermia.fr/search/memorabilia">une petite boîte physique que je conserve dans mon chez moi.</a> Au programme ? Une instance <a href="https://nextcloud.com/">Nextcloud</a> bien huilée, un <a href="https://www.wallabag.it/en">Wallabag</a> et <a href="https://miniflux.app/">Miniflux</a> pour commencer.</p><p>Allez, au maximum un weekend et ça serait bouclé ? Quelle naïveté. J’ai passé des soirées bien trop longues les mains dans le cambouis à essayer de configurer la bête. Sous la main, une trentaine d’onglets Internet ouverts chacun m’indiquant une marche à suivre différente digne d’une adaptation de recette dans les commentaires d’un blog de cuisine. Je me faisais insulter par la ligne de commande à chaque étape, n’ayant aucune idée de comment décrypter la plupart des messages d’erreur, lançant la majorité des commandes à l’aveuglette en priant pour que les étoiles s’alignent et que mon système fonctionne.</p><p>Cerise sur le gâteau, plus je lisais de tutoriels dans l’espoir de trouver des instructions qui m’aideraient, plus je lisais de mises en gardes sur l’extrême importance de tout maîtriser et de parfaitement tout configurer sans quoi de petits hackers chinois de 13 ans allaient s’infiltrer dans mon réseau, prendre mes données en otage et kidnapper mes ressources virtuelles pour les mettre au service du Dark Web. Après une dernière insulte du terminal à une heure bien trop avancée, de rage j’ai tout débranché, je me suis servie une grenadine, un bol de pâtes et j’ai boulotté une saison de <em>Selling Sunset</em> pour me calmer <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DXdO0Revllc"><span class="smaller">(ne me jugez pas)</span></a>.</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15992" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15992" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/terminal-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure><p class="legend">ON S’AMUSE (non).</p><p>Même si je ne me considère pas comme une geekette de pointe, je suis pourtant loin d’être une tanche dans le domaine. Autodidacte certes, mais bidouilleuse de guerre quand il s’agit d’arriver à mes fins. Au fil des jours et malgré ma frustration, j’ai réussi à construire un système à peu près utilisable : tout n’est pas encore installé, tout n’est sans doute pas hyper sécurisé, mais je commence à m’en servir au quotidien ce qui est un bon signe. Je regrette toutefois que l’alternative aux solutions clef-en-un-si-pratiques-en-plus-gratuites-mais-peu-respectueuses-de-la-vie-privée passe forcément par la case <em>« bidouilles intenses à la sueur de votre front, ne passez pas par la case départ et ne sauvez pas 20000 heures de votre temps libre »</em>. Il y a un côté ironiquement frustrant, à avoir suffisamment de compétences pour comprendre l’étendue du problème sans pour autant être en capacité de le résoudre.</p><p>Prenons l’exemple <a href="https://evernote.com/intl/fr/">Evernote</a>. Je me suis servie de ses services durant des années pour collecter et organiser tout type d’information : de mes recettes préférées à des idées d’articles en passant par l’organisation de mes voyages et les codes d’accès à mon centre des impôts. Peu à l’aise avec <a href="https://www.reddit.com/r/Evernote/comments/6itd9c/what_do_you_store_in_evernote_and_do_you_trust/djapgia/">leur changement de position constant sur la confidentialité de mes données</a>, j’ai recherché une alternative qui me rendrait plus confortable sans pour autant sacrifier les fonctionnalités dont j’ai besoin.</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16003" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg 2560w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1024x652.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-768x489.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1536x978.jpg 1536w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-2048x1304.jpg 2048w" sizes="(max-width: 2560px) 100vw, 2560px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16003" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-scaled.jpg 2560w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1024x652.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-768x489.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-1536x978.jpg 1536w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/pannitas_dashboard-2048x1304.jpg 2048w" sizes="(max-width: 2560px) 100vw, 2560px"/></noscript></figure><p class="legend">Notion, porteur de flambeau du bullet journal en ligne. <a href="https://korpannita.wordpress.com/2019/03/25/notion-vs-evernote/">Source : Notion VS Evernote, Pannita’s toy box</a></p><p><a href="https://www.notion.so/">Notion</a> a actuellement le vent en poupe et correspond parfaitement à mes critères : applications sur toutes les plateformes et interface web, personnalisation pointue, interface sexy, grande flexibilité, et en prime depuis peu la gratuité pour les utilisateurs particuliers… Ce qui devrait mettre la puce à l’oreille. En effet. En farfouillant un peu, je constate qu’il est <a href="https://www.reddit.com/r/Notion/comments/eqvrz0/end_to_end_encryption_is_must/">impossible de chiffrer les information qu’on y stocke</a>. Ce qui veut dire que les serveurs de Notion contiennent de façon claire tous les éléments que vous y publiez, lisibles de ce fait par quiconque y a accès (ou quiconque à qui Notion les partage…) La preuve ? Le service de hotline peut consulter toutes vos données – mais ne vous inquiétez pas, <a href="https://www.reddit.com/r/Notion/comments/egai5n/do_you_trust_notion_with_your_sensitive_data/">ils vous demanderont s’il-te-plaît au préalable</a>.</p> <audio class="wp-audio-shortcode" id="audio-15988-1" preload="none" controls="controls"><source type="audio/mpeg" src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/KOMPROMAT-Possession.mp3?_=1"/><a href="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/KOMPROMAT-Possession.mp3">https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/KOMPROMAT-Possession.mp3</a></audio><p class="legend">KOMPROMAT – Possession</p><p>C’est d’une logique économique évidente, qu’un service gratuit cherche à se rémunérer par d’autres fins, en exploitant les données de ses clients par exemple. Pour éviter ce problème j’étais prête à souscrire à un service payant répondant à mes critères en matière de confidentialité – je n’ai hélas pas trouvé chaussure à mon pied. J’ai trouvé <a href="https://standardnotes.org/">Standard Notes</a> qui derrière une présentation alléchante a un goût de bâclé très limité (quelle galère pour juste insérer une image !) Ou bien j’ai failli m’abonner à <a href="https://crypt.ee/">crypt.ee</a> tant la démarche de ses développeurs et le goût du détail m’ont plu. Hélas après quelques utilisations, la sécurité poussée à l’extrême en rendait l’utilisation trop lente pour répondre à mes besoins (rentrer la clef de déchiffrage à chaque fois que je souhaitais prendre une note rapide me devenait bien trop pénible).</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16004" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-1024x576.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-768x432.jpg 768w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-16004" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-1024x576.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/cryptee-768x432.jpg 768w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure><p>J’en suis donc restée à <a href="https://joplinapp.org/">Joplin</a>, solution open source pas très jolie et sans interface web mais qui remplit mes critères fonctionnels, me permet de tout stocker « chez moi » et de chiffrer les informations que j’y recueille, les rendant lisibles par moi seule. J’ai essayé toute une soirée de faire fonctionner <a href="https://github.com/foxmask/joplin-web">Joplin web</a> pour me garantir un accès à distance depuis n’importe quel terminal, en vain ; on ne peut décidément pas tout avoir.</p><p>K m’a demandé si ce n’était pas mon cahier des charges qui était bien trop exigeant pour des solutions que développent des Jean-Michels libristes durant leurs nuits d’insomnies. Pourtant je suis prête à soutenir une structure professionnelle et des développements plus conséquents en souscrivant à un abonnement. Payé avec de l’argent, mais pas avec mes informations personnelles. Ce qui semble hélas encore utopique à l’heure actuelle. Je ne peux m’empêcher de me dire que si aussi peu de solutions payantes respectueuses de la vie privée existent, c’est bien que l’exploitation des données utilisateurs est beaucoup plus rentable.</p><p><em>« C’est bien d’avoir des principes, surtout que toi tu t’y tiens »</em> me soutenait K en essayant de me remonter le moral. Le prix que j’y paie, ce sont ces centaines d’heures de mon temps libre passées devant l’écran à bidouiller des solutions jusqu’à atteindre un compromis qui me satisfait. Une fois que j’aurai mis au point mon système maison, le blog sera le prochain à passer sous le bistouri. Je ne suis pas prête à abandonner mes critères en termes de fonctionnalité, d’esthétique et de confidentialité. Alors je n’ai pas d’autre choix que de me retrousser les manches, et de ressortir mon rouleau de scotch.</p>
<figure><img src="data:image/gif;base64,R0lGODlhAQABAIAAAAAAAP///yH5BAEAAAAALAAAAAABAAEAAAIBRAA7" data-src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15990" data-srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/><noscript><img src="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg" alt="" class="alignnone size-full wp-image-15990" srcset="https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea.jpg 1200w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-1024x683.jpg 1024w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-768x512.jpg 768w, https://www.hypothermia.fr/media/2020/08/no_idea-480x320.jpg 480w" sizes="(max-width: 1200px) 100vw, 1200px"/></noscript></figure>

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<title>Pour un communisme luxueux (archive) — David Larlet</title>
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<h1>Pour un communisme luxueux</h1>
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<hr>
<main>
<p><span class="mot-lettrine"><span class="lettrine">L</span>a</span> proposition communiste n’aurait pas grande chance de succès si elle n’était qu’un discours de nécessités et de réductions. Il s’agirait quand même de se souvenir de la fin de la politique, qui est de vivre bien. Assurément, la garantie économique générale (alias le «<small class="fine"> </small>salaire à vie<small class="fine"> </small>») — qui triomphe de l’aléa et de l’angoisse matériels —, la souveraineté des producteurs associés — qui abolit les rapports de pure subordination —, le droit au temps — inscrit dans le désarmement de l’impératif productif — sont autant de conquêtes qui feront vivre incomparablement mieux que sous le capitalisme. Et il faudra le dire. Mais peut-être faudra-t-il dire davantage pour défaire l’imaginaire entièrement négatif dont l’idée de sortir du capitalisme, pour ne rien dire du mot «<small class="fine"> </small>communisme<small class="fine"> </small>» lui-même, ont été surchargés — en gros : appartements collectifs, alimentation patates et saucisson, voitures grises, moulins à café gris, vêtements gris, murs gris, villes grises.</p>

<h3 class="spip">Le capitalisme, ou l’usurpation de «<small class="fine"> </small>la vie<small class="fine"> </small>»</h3>

<p>Imaginairement, le capitalisme a fait main basse sur la couleur, la lumière et jusqu’à la vie même. Il faut les lui retirer, lui qui dans la réalité détruit absolument tout : la planète, les lieux d’habitation sauf pour les riches, la santé physique sauf celle des riches, la santé mentale, il est vrai celle des riches y compris, mais différemment. Pour être imaginairement, puis politiquement viable, le communisme doit tout se réapproprier. Il doit même revendiquer le <i>luxe</i> — puisque <i>lux </i> c’est la lumière. Or c’est bien de cela qu’il s’agit : de lumière dans l’existence.</p>

<p><q class="lire_aussi"> </p>
<p>Lire aussi Aurélien Catin, « <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/62102">Pour plus de sécurité sociale dans la culture</a> », <i>Le Monde diplomatique</i>, août 2020.</p>
<p></q>
<p>Dans les multiples, grotesques, et honteuses usurpations dont il se sont rendus coupables, les publicitaires, après le «<small class="fine"> </small>concept<small class="fine"> </small>» et la «<small class="fine"> </small>créativité<small class="fine"> </small>» (misère des «<small class="fine"> </small>créatifs<small class="fine"> </small>»), ont jeté leur dévolu sur «<small class="fine"> </small>la ville<small class="fine"> </small>», ses «<small class="fine"> </small>lumières<small class="fine"> </small>» et ses «<small class="fine"> </small>couleurs<small class="fine"> </small>». La publicité «<small class="fine"> </small>embellit la ville<small class="fine"> </small>», voilà le genre de saleté que ces crétins barbus en tongues et à lunettes épaisses n’hésitent pas à soutenir. Ôtez la publicité, et vous retournez à Berlin-Est d’avant la chute du Mur, ou à Tirana.</p>
<p>La vérité est plutôt : mettez à bas les panneaux JC Decaux, rendez la ville aux grapheurs, aux artistes de rue, et en fait à tout le monde, et vous verrez l’explosion de formes, de couleurs, d’idées, de slogans. Qu’on ouvre des concours pour les gigantesques bâches des immeubles en travaux – pour sûr on y verra autre chose que des montres, des parfums ou des téléphones portables en 20 mètres par 10. Mais on ne sait pas si l’on doit en vouloir aux publicitaires : eux-mêmes morts-vivants, comment pourraient-ils faire la différence entre la vie vivante et la vie morte, perdue dans le faux des images marchandes<small class="fine"> </small>? On sait en tout cas qu’on les empêchera de nuire : évidemment, la publicité viendra très haut dans la liste des choses à abolir. Fermeture du secteur de la publicité : en voilà un exemple typique de réorientation de la division du travail.</p>
<p>L’erreur publicitaire, concentré pur de l’erreur capitaliste, c’est d’avoir pris le désir de marchandise pour le désir tout court. Puis d’avoir conclu que, sans la marchandise, le désir désertait le monde — et la couleur et la lumière avec. Avec un peu de recul, on n’en revient pas d’une escroquerie de cette magnitude. Tout dans la conjoncture présente, notamment dans les prises de rue, contredit ce mensonge énorme, et dit la poussée du désir — de faire, de peindre, de grapher, d’écrire, de construire, de créer, mais cette fois pour de vrai, c’est-à-dire hors de la valeur d’échange, hors des commandements du capital. On pourrait dire, d’ailleurs, que telle est la prémisse quasi-anthropologique, et bien fondée, de la proposition de Friot : les individus humains désirent l’effectuation de leurs puissances. C’est peut-être un peu bête à dire mais ça n’en est pas moins profond, et vrai : les individus humains veulent <i>faire des choses</i>.</p>
<q class="lire_aussi"> </p>
<p>Lire aussi Philippe Pataud Célérier, « <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/56198">“Enchanter la vulgaire réalité”</a> », <i>Le Monde diplomatique</i>, septembre 2016.</p>
<p></q>
<p>C’est la configuration particulière des structures sociales, à une époque donnée, qui contraint ce vouloir à se couler dans des formes préétablies, et les puissances humaines à s’exercer de telle manière et pas de telle autre — le plus souvent de la manière qui correspond aux visées du groupe hégémonique, et au service de ses intérêts. Mais qu’on libère les puissances individuelles de ces captures, et elles ne s’en exerceront que davantage. Telle est la justification dernière du salaire à vie de Friot : les gens feront des choses. Et ces choses seront autant de contributions à la vie sociale.</p>
<p>Bien sûr ce «<small class="fine"> </small>faire des choses<small class="fine"> </small>», de lui-même, ne compose pas spontanément une division du travail entièrement adéquate à l’ensemble des nécessités de la vie matérielle collective. Aussi une part continuera-t-elle d’être contrainte. Quelle part d’ailleurs<small class="fine"> </small>? Beaucoup des salariés actuels savent, et aiment, faire des choses qui s’insèrent parfaitement dans la division du travail, à ceci près qu’ils sont contraints de les faire dans des conditions terriblement dégradées par les données du capitalisme : les données concurrentielles et actionnariales. Mais, précisément, le système du salaire à vie affranchit de ces dégradations : restent la pleine fonctionnalité à la division du travail et la possibilité désormais de faire les choses <i>bien</i>.</p>
<h3 class="spip">Le luxe capitaliste, ou la beauté prisonnière de l’argent</h3>
<p>Quand il n’est pas contraint par des enrôlements violents, le désir de faire des choses est par soi un désir de les faire bien, et même du mieux qu’on peut car, les faisant pour soi, on y met tout de soi. Pour certaines choses, les faire bien, c’est ipso facto les faire belles. Voilà le commencement du luxe.</p>
<p>On aperçoit peut-être déjà ce dont il va s’agir ici avec «<small class="fine"> </small>luxe<small class="fine"> </small>», et surtout ce dont il ne s’agira pas. Ni les bidets en or massif des enrichis du néolibéralisme, ni, de toute façon, l’amoncellement des objets, pour des raisons qu’on a assez dites : la pure logique de la quantité, qui est celle de la valeur capitaliste, en plus d’exploiter les hommes dévaste la planète. Il est extrêmement étrange, en fait même absurde, qu’on trouve le mot «<small class="fine"> </small>communisme<small class="fine"> </small>» embarqué dans le <i>Fully Automated Luxury Communism</i> de Aaron Bastani, sorte de prophétie technologiste à base d’imprimantes 3-D, de photovoltaïque partout, et de conquête spatiale, promettant la résolution des crises climatique, énergétique, et «<small class="fine"> </small>l’abondance<small class="fine"> </small>» pour tous — soit à peu de choses près le prospectus de l’imaginaire capitaliste à peine rectifié. Or, non. Le nombre des objets dont nous vivrons entourés, leurs taux de renouvellement, baisseront — ils le doivent. L’idée d’un communisme luxueux consiste alors en la réfutation de ce que cette réduction signifierait un <i>enlaidissement</i> de notre vie matérielle — car nous en aurons encore une. Et plus précisément : c’est la visée du maximum d’embellissement du minimum d’objets que nous conserverons.</p>
<blockquote class="exergue">
Contrairement à sa version capitaliste qui réserve les choses belles à l’écrémage des fortunes, le luxe peut surgir de tout autres conditions que le pouvoir d’achat monétaire : la liberté pour les producteurs de faire les choses selon leur désir, qui sera le plus souvent un désir de les faire bien et belles.</p>
<p></blockquote>
<p>L’esthétique des objets hors de la quantité et de la frénésie : voilà la première différence du luxe communiste et du luxe capitaliste. La manière d’y accéder est la seconde. Contrairement à sa version capitaliste qui réserve les choses belles à l’écrémage des fortunes, le luxe peut surgir de tout autres conditions que le pouvoir d’achat monétaire : la liberté pour les producteurs de faire les choses selon leur désir, qui sera le plus souvent un désir de les faire bien et belles. Donc l’affranchissement de toutes les contraintes de la production capitaliste qui les font faire mal.</p>
<p>C’est que ces contraintes expriment une cohérence globale : le capital s’efforce toujours de rémunérer minimalement le travail<small class="fine"> </small>; il structure donc une demande faiblement solvabilisée<small class="fine"> </small>; à laquelle on ne peut proposer que de la marchandise à prix suffisamment faible<small class="fine"> </small>; donc produite dans des conditions de productivité qui les vouent à être mal faites<small class="fine"> </small>; par des salariés maltraités et peu payés<small class="fine"> </small>; et la boucle est bouclée. Seule la crème des riches échappe à la boucle de la camelote. La frange où se concentre la richesse trouve alors une offre qui, au doublet «<small class="fine"> </small>mauvaise qualité/productivité<small class="fine"> </small>» des marchés de masse, substitue la formule «<small class="fine"> </small>bonne qualité/prix élevé<small class="fine"> </small>».</p>
<q class="lire_aussi"> </p>
<p>Lire aussi Razmig Keucheyan, « <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/60371">De la pacotille aux choses qui durent</a> », <i>Le Monde diplomatique</i>, septembre 2019.</p>
<p></q>
<p>Le système du salaire à vie brise cette fatalité de la camelote. Il la brise par <i>le découplage de l’activité et de la rémunération</i>. Quand les gens, protégés par la garantie économique générale, peuvent s’adonner à une activité, produire, <i>sans que cela ait la moindre incidence sur leur rémunération</i>, ils le font dans de tout autres conditions : selon leur désir, c’est-à-dire bien. Ici, il faut donc, une fois de plus, inverser l’énoncé capitaliste voulant que, laissés à eux-mêmes, affranchis du «<small class="fine"> </small>sain aiguillon de la vie à gagner<small class="fine"> </small>», les gens ne fassent plus rien — le peuple est essentiellement feignant. Or c’est l’exact contraire : «<small class="fine"> </small>laissés à eux-mêmes<small class="fine"> </small>», c’est-à-dire libérés des violences de la mise au travail capitaliste, les gens font, ils n’arrêtent plus de faire, et même : ils font de mieux en mieux : car ils sont des êtres de désir et d’activité.</p>
<p>Quand, par exemple, un agriculteur cesse d’être tenu par la camisole de la grande distribution, avec ses exigences de prix, donc de productivité, donc de chimie, quand il cesse d’être tenu par la dette contractée pour les investissements de mécanisation, imposés eux aussi par la logique des rendements et des prix bas, toutes choses avec lesquelles il peut rompre dès lors qu’il est sous la garantie économique générale, alors il produit pour la satisfaction de produire bien : des produits sains et de bonne qualité — sans doute en moins grandes quantités, mais il y aura bien plus de candidats à l’activité agricole si elle est satisfaisante, défaite de l’esclavage capitaliste et relevée de l’incertitude économique.</p>
<p>Dans le système capitaliste, ce sont les producteurs à l’écart des marchés de masse, mais alors à prix très hauts, qui, par exemple, fournissent la restauration gastronomique. Laquelle est elle-même prise dans la tenaille de la dette pour ses installations, et par la même logique des fournisseurs de <i>qualité</i> (meubles, vaisselle, etc.) qui, dans le capitalisme, prend la forme du prix élevé. Et toujours selon l’adage — capitaliste par excellence — «<small class="fine"> </small>la qualité, ça se paye<small class="fine"> </small>». Or, il n’en est rien. La qualité n’a pas à «<small class="fine"> </small>se payer<small class="fine"> </small>». Le capitalisme nous a mis dans la tête que la qualité se liait nécessairement à la quantité d’argent, faute de quoi nous n’aurions accès qu’à la camelote. C’est un mensonge. La qualité vient avec les conditions faites aux gens pour les laisser produire comme ils l’entendent, c’est-à-dire <i>sans que leur survie en dépende</i>. On s’aperçoit aussitôt que la qualité est le corrélat immédiat de cette liberté. Et ceci toujours pour la même raison : parce que les gens font les choses bien, et même au mieux de ce qu’ils peuvent, quand ils les font pour eux-mêmes et pour les proposer à la reconnaissance sociale, <i>pourvu que celle-ci ne prenne pas la forme du prix monétaire, auquel leur reproduction matérielle serait accrochée</i>. Alors sont réunies les conditions pour que, hors de la contrepartie de l’argent en quantité, se répandent les productions au meilleur de ce qu’elles peuvent, qu’elles deviennent la règle plutôt que l’exception.</p>
<h3 class="spip">Vocation esthétique du communisme</h3>
<p>Si le communisme est une proposition grise, il perdra la bataille imaginaire. Mais il n’a nullement à l’être. C’est même tout le contraire. Il n’y a aucun paradoxe à soutenir qu’il peut être, et qu’il doit être, <i>luxueux</i>. C’est-à-dire mettre partout la lumière des choses belles et bien faites parce que tout le monde aura été mis dans les conditions de les faire belles et bien — les conditions de la garantie économique générale. On voit ici à quel point maintenir les plus grandes latitudes d’expression possibles à <a href="https://blog.mondediplo.net/transition-dans-la-transition">la proposition privée</a> est d’une importance cruciale. La division du travail a ses nécessités, <a href="https://blog.mondediplo.net/problemes-de-la-transition">on les a assez dites</a>, et assez dit aussi qu’on ne saurait faire l’impasse à ce sujet. Mais la division du travail par elle-même ne contredit nullement que les choses nécessaires qui en sortent soient belles et bonnes. Or elles ne le seront que si la production est, bien sûr, extraite de la tyrannie de la valeur capitaliste, mais n’est pas non plus enrégimentée dans une planification tombée du haut.</p>
<p>Alors les producteurs associés souverains donneront leur meilleur : parce qu’ils feront ce qu’ils aiment faire. Sous cette forme communiste, l’initiative privée nous proposera des bons produits alimentaires, des beaux meubles, des beaux parfums, des beaux vêtements, bref des beaux objets, c’est-à-dire des choses qui font la vie esthétique. Le design ne sera plus la captation par le capitalisme de l’esthétique, comme il l’est aujourd’hui — car, des skylines des métropoles au métallisé des téléphones portables ou aux lignes des voitures, toute son intervention présente est faite pour nous inviter à contempler la puissance matérielle du capitalisme, pour nous mettre dans la tête, le plus souvent de manière inconsciente, ce lien de fer entre «<small class="fine"> </small>beauté<small class="fine"> </small>» des objets et système capitaliste des objets, pour nous faire penser : «<small class="fine"> </small>Souvenez-vous de l’Allemagne de l’Est et de l’URSS, comme c’était moche, et comme chez nous c’est beau, comme c’est racé — eh bien ça, c’est le capitalisme<small class="fine"> </small>».</p>
<p>Le communisme perdra la bataille imaginaire, et puis la bataille politique, s’il s’enferme dans l’austérité des intellectuels critiques et leur désintérêt ostentatoire, quand ça n’est pas leur mépris, pour les objets, pour la vie sensible, à commencer par la vie domestique. «<small class="fine"> </small>Pensons surtout à développer nos intellects<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>soyons de purs esprits<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>les objets nous sont indifférents<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>nous sommes bien au-dessus des contingences matérielles<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>ces choses n’ont aucune importance<small class="fine"> </small>». Quelle erreur. Elles en ont une, et considérable. Dans un scolie «<small class="fine"> </small>diététique<small class="fine"> </small>» inattendu, quoique parfaitement logique, Spinoza qui, en matière de développement de l’intellect, n’est pas exactement un petit joueur, recommande d’entourer sa vie «<small class="fine"> </small>par des aliments et des boissons agréables, ainsi que par des parfums, le charme des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux qui exercent le corps, le théâtre et d’autres choses de même sorte dont chacun peut user sans dommage pour autrui<small class="fine"> </small>» (Eth. IV, 45, scolie). L’esthétique doit être mise partout dans la vie, depuis son sens étymologique, comme sollicitation de la sensibilité des individus, jusqu’à ces pratiques les plus hautes où, la sollicitation des sens conduit possiblement aux méditations les plus profondes — comme dans le <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-poetes/louange-du-gout" class="spip_out" rel="external">dialogue de Pierre Gagnaire et de Ryoko Sekiguchi</a> à propos de l’art culinaire, comme on le retrouverait également dans l’art des parfums, mais aussi dans celui, japonais, de la préparation du thé, ou de la composition florale.</p>
<p>Par construction, les achèvements les plus hauts sont aussi les plus rares et, logiquement, le nombre de ceux qui y auront accès sera limité. Le critère capitaliste de la sélection est connu : l’argent — on va sur le site de Pierre Gagnaire et, de l’enchantement de sa parole, on tombe dans la réalité de ses tarifs : dîner à deux dans son restaurant coûte un SMIC… On a compris que ce critère n’aurait plus cours. Et cependant il y en aura nécessairement un autre à la place — puisque «<small class="fine"> </small>le plus rare à la portée de tous<small class="fine"> </small>» est une promesse logiquement défectueuse (en tout cas pour cette sorte de biens que les économistes appellent «<small class="fine"> </small>rivaux<small class="fine"> </small>» ). Une forme ou une autre de tirage au sort<small class="fine"> </small>? Et après tout, pourquoi pas.</p>
<p>En réalité l’essentiel est ailleurs que dans ces expériences tout à fait exceptionnelles. On a compris que par «<small class="fine"> </small>luxe<small class="fine"> </small>», il fallait moins entendre le rarissime réservé à un tout petit nombre, que le beau et bien fait mais généralisé et mis à la portée du grand. De la présence de moins de choses mais plus belles dans la vie quotidienne, comme habitude et comme éducation, jusqu’aux expériences les plus hautes auxquelles éventuellement elle prépare, c’est cela le luxe. Et c’est le désir des producteurs libres qui fait le communisme luxueux.</p>
<p><i>À suivre.</i></p></p>
</main>
</article>


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<p><span class="mot-lettrine"><span class="lettrine">L</span>a</span> proposition communiste n’aurait pas grande chance de succès si elle n’était qu’un discours de nécessités et de réductions. Il s’agirait quand même de se souvenir de la fin de la politique, qui est de vivre bien. Assurément, la garantie économique générale (alias le «<small class="fine"> </small>salaire à vie<small class="fine"> </small>») — qui triomphe de l’aléa et de l’angoisse matériels —, la souveraineté des producteurs associés — qui abolit les rapports de pure subordination —, le droit au temps — inscrit dans le désarmement de l’impératif productif — sont autant de conquêtes qui feront vivre incomparablement mieux que sous le capitalisme. Et il faudra le dire. Mais peut-être faudra-t-il dire davantage pour défaire l’imaginaire entièrement négatif dont l’idée de sortir du capitalisme, pour ne rien dire du mot «<small class="fine"> </small>communisme<small class="fine"> </small>» lui-même, ont été surchargés — en gros : appartements collectifs, alimentation patates et saucisson, voitures grises, moulins à café gris, vêtements gris, murs gris, villes grises.</p>
<h3 class="spip">Le capitalisme, ou l’usurpation de «<small class="fine"> </small>la vie<small class="fine"> </small>»</h3>
<p>Imaginairement, le capitalisme a fait main basse sur la couleur, la lumière et jusqu’à la vie même. Il faut les lui retirer, lui qui dans la réalité détruit absolument tout : la planète, les lieux d’habitation sauf pour les riches, la santé physique sauf celle des riches, la santé mentale, il est vrai celle des riches y compris, mais différemment. Pour être imaginairement, puis politiquement viable, le communisme doit tout se réapproprier. Il doit même revendiquer le <i>luxe</i> — puisque <i>lux </i> c’est la lumière. Or c’est bien de cela qu’il s’agit : de lumière dans l’existence.</p>
<q class="lire_aussi">






Lire aussi Aurélien Catin, « <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/62102">Pour plus de sécurité sociale dans la culture</a> », <i>Le Monde diplomatique</i>, août 2020.


</q>
<p>Dans les multiples, grotesques, et honteuses usurpations dont il se sont rendus coupables, les publicitaires, après le «<small class="fine"> </small>concept<small class="fine"> </small>» et la «<small class="fine"> </small>créativité<small class="fine"> </small>» (misère des «<small class="fine"> </small>créatifs<small class="fine"> </small>»), ont jeté leur dévolu sur «<small class="fine"> </small>la ville<small class="fine"> </small>», ses «<small class="fine"> </small>lumières<small class="fine"> </small>» et ses «<small class="fine"> </small>couleurs<small class="fine"> </small>». La publicité «<small class="fine"> </small>embellit la ville<small class="fine"> </small>», voilà le genre de saleté que ces crétins barbus en tongues et à lunettes épaisses n’hésitent pas à soutenir. Ôtez la publicité, et vous retournez à Berlin-Est d’avant la chute du Mur, ou à Tirana.</p>
<p>La vérité est plutôt : mettez à bas les panneaux JC Decaux, rendez la ville aux grapheurs, aux artistes de rue, et en fait à tout le monde, et vous verrez l’explosion de formes, de couleurs, d’idées, de slogans. Qu’on ouvre des concours pour les gigantesques bâches des immeubles en travaux – pour sûr on y verra autre chose que des montres, des parfums ou des téléphones portables en 20 mètres par 10. Mais on ne sait pas si l’on doit en vouloir aux publicitaires : eux-mêmes morts-vivants, comment pourraient-ils faire la différence entre la vie vivante et la vie morte, perdue dans le faux des images marchandes<small class="fine"> </small>? On sait en tout cas qu’on les empêchera de nuire : évidemment, la publicité viendra très haut dans la liste des choses à abolir. Fermeture du secteur de la publicité : en voilà un exemple typique de réorientation de la division du travail.</p>
<p>L’erreur publicitaire, concentré pur de l’erreur capitaliste, c’est d’avoir pris le désir de marchandise pour le désir tout court. Puis d’avoir conclu que, sans la marchandise, le désir désertait le monde — et la couleur et la lumière avec. Avec un peu de recul, on n’en revient pas d’une escroquerie de cette magnitude. Tout dans la conjoncture présente, notamment dans les prises de rue, contredit ce mensonge énorme, et dit la poussée du désir — de faire, de peindre, de grapher, d’écrire, de construire, de créer, mais cette fois pour de vrai, c’est-à-dire hors de la valeur d’échange, hors des commandements du capital. On pourrait dire, d’ailleurs, que telle est la prémisse quasi-anthropologique, et bien fondée, de la proposition de Friot : les individus humains désirent l’effectuation de leurs puissances. C’est peut-être un peu bête à dire mais ça n’en est pas moins profond, et vrai : les individus humains veulent <i>faire des choses</i>.</p>
<q class="lire_aussi">






Lire aussi Philippe Pataud Célérier, « <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/56198">“Enchanter la vulgaire réalité”</a> », <i>Le Monde diplomatique</i>, septembre 2016.


</q>
<p>C’est la configuration particulière des structures sociales, à une époque donnée, qui contraint ce vouloir à se couler dans des formes préétablies, et les puissances humaines à s’exercer de telle manière et pas de telle autre — le plus souvent de la manière qui correspond aux visées du groupe hégémonique, et au service de ses intérêts. Mais qu’on libère les puissances individuelles de ces captures, et elles ne s’en exerceront que davantage. Telle est la justification dernière du salaire à vie de Friot : les gens feront des choses. Et ces choses seront autant de contributions à la vie sociale.</p>
<p>Bien sûr ce «<small class="fine"> </small>faire des choses<small class="fine"> </small>», de lui-même, ne compose pas spontanément une division du travail entièrement adéquate à l’ensemble des nécessités de la vie matérielle collective. Aussi une part continuera-t-elle d’être contrainte. Quelle part d’ailleurs<small class="fine"> </small>? Beaucoup des salariés actuels savent, et aiment, faire des choses qui s’insèrent parfaitement dans la division du travail, à ceci près qu’ils sont contraints de les faire dans des conditions terriblement dégradées par les données du capitalisme : les données concurrentielles et actionnariales. Mais, précisément, le système du salaire à vie affranchit de ces dégradations : restent la pleine fonctionnalité à la division du travail et la possibilité désormais de faire les choses <i>bien</i>.</p>
<h3 class="spip">Le luxe capitaliste, ou la beauté prisonnière de l’argent</h3>
<p>Quand il n’est pas contraint par des enrôlements violents, le désir de faire des choses est par soi un désir de les faire bien, et même du mieux qu’on peut car, les faisant pour soi, on y met tout de soi. Pour certaines choses, les faire bien, c’est ipso facto les faire belles. Voilà le commencement du luxe.</p>
<p>On aperçoit peut-être déjà ce dont il va s’agir ici avec «<small class="fine"> </small>luxe<small class="fine"> </small>», et surtout ce dont il ne s’agira pas. Ni les bidets en or massif des enrichis du néolibéralisme, ni, de toute façon, l’amoncellement des objets, pour des raisons qu’on a assez dites : la pure logique de la quantité, qui est celle de la valeur capitaliste, en plus d’exploiter les hommes dévaste la planète. Il est extrêmement étrange, en fait même absurde, qu’on trouve le mot «<small class="fine"> </small>communisme<small class="fine"> </small>» embarqué dans le <i>Fully Automated Luxury Communism</i> de Aaron Bastani, sorte de prophétie technologiste à base d’imprimantes 3-D, de photovoltaïque partout, et de conquête spatiale, promettant la résolution des crises climatique, énergétique, et «<small class="fine"> </small>l’abondance<small class="fine"> </small>» pour tous — soit à peu de choses près le prospectus de l’imaginaire capitaliste à peine rectifié. Or, non. Le nombre des objets dont nous vivrons entourés, leurs taux de renouvellement, baisseront — ils le doivent. L’idée d’un communisme luxueux consiste alors en la réfutation de ce que cette réduction signifierait un <i>enlaidissement</i> de notre vie matérielle — car nous en aurons encore une. Et plus précisément : c’est la visée du maximum d’embellissement du minimum d’objets que nous conserverons.</p>
<blockquote class="exergue">
Contrairement à sa version capitaliste qui réserve les choses belles à l’écrémage des fortunes, le luxe peut surgir de tout autres conditions que le pouvoir d’achat monétaire : la liberté pour les producteurs de faire les choses selon leur désir, qui sera le plus souvent un désir de les faire bien et belles.

</blockquote>
<p>L’esthétique des objets hors de la quantité et de la frénésie : voilà la première différence du luxe communiste et du luxe capitaliste. La manière d’y accéder est la seconde. Contrairement à sa version capitaliste qui réserve les choses belles à l’écrémage des fortunes, le luxe peut surgir de tout autres conditions que le pouvoir d’achat monétaire : la liberté pour les producteurs de faire les choses selon leur désir, qui sera le plus souvent un désir de les faire bien et belles. Donc l’affranchissement de toutes les contraintes de la production capitaliste qui les font faire mal.</p>
<p>C’est que ces contraintes expriment une cohérence globale : le capital s’efforce toujours de rémunérer minimalement le travail<small class="fine"> </small>; il structure donc une demande faiblement solvabilisée<small class="fine"> </small>; à laquelle on ne peut proposer que de la marchandise à prix suffisamment faible<small class="fine"> </small>; donc produite dans des conditions de productivité qui les vouent à être mal faites<small class="fine"> </small>; par des salariés maltraités et peu payés<small class="fine"> </small>; et la boucle est bouclée. Seule la crème des riches échappe à la boucle de la camelote. La frange où se concentre la richesse trouve alors une offre qui, au doublet «<small class="fine"> </small>mauvaise qualité/productivité<small class="fine"> </small>» des marchés de masse, substitue la formule «<small class="fine"> </small>bonne qualité/prix élevé<small class="fine"> </small>».</p>
<q class="lire_aussi">






Lire aussi Razmig Keucheyan, « <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/60371">De la pacotille aux choses qui durent</a> », <i>Le Monde diplomatique</i>, septembre 2019.


</q>
<p>Le système du salaire à vie brise cette fatalité de la camelote. Il la brise par <i>le découplage de l’activité et de la rémunération</i>. Quand les gens, protégés par la garantie économique générale, peuvent s’adonner à une activité, produire, <i>sans que cela ait la moindre incidence sur leur rémunération</i>, ils le font dans de tout autres conditions : selon leur désir, c’est-à-dire bien. Ici, il faut donc, une fois de plus, inverser l’énoncé capitaliste voulant que, laissés à eux-mêmes, affranchis du «<small class="fine"> </small>sain aiguillon de la vie à gagner<small class="fine"> </small>», les gens ne fassent plus rien — le peuple est essentiellement feignant. Or c’est l’exact contraire : «<small class="fine"> </small>laissés à eux-mêmes<small class="fine"> </small>», c’est-à-dire libérés des violences de la mise au travail capitaliste, les gens font, ils n’arrêtent plus de faire, et même : ils font de mieux en mieux : car ils sont des êtres de désir et d’activité.</p>
<p>Quand, par exemple, un agriculteur cesse d’être tenu par la camisole de la grande distribution, avec ses exigences de prix, donc de productivité, donc de chimie, quand il cesse d’être tenu par la dette contractée pour les investissements de mécanisation, imposés eux aussi par la logique des rendements et des prix bas, toutes choses avec lesquelles il peut rompre dès lors qu’il est sous la garantie économique générale, alors il produit pour la satisfaction de produire bien : des produits sains et de bonne qualité — sans doute en moins grandes quantités, mais il y aura bien plus de candidats à l’activité agricole si elle est satisfaisante, défaite de l’esclavage capitaliste et relevée de l’incertitude économique.</p>
<p>Dans le système capitaliste, ce sont les producteurs à l’écart des marchés de masse, mais alors à prix très hauts, qui, par exemple, fournissent la restauration gastronomique. Laquelle est elle-même prise dans la tenaille de la dette pour ses installations, et par la même logique des fournisseurs de <i>qualité</i> (meubles, vaisselle, etc.) qui, dans le capitalisme, prend la forme du prix élevé. Et toujours selon l’adage — capitaliste par excellence — «<small class="fine"> </small>la qualité, ça se paye<small class="fine"> </small>». Or, il n’en est rien. La qualité n’a pas à «<small class="fine"> </small>se payer<small class="fine"> </small>». Le capitalisme nous a mis dans la tête que la qualité se liait nécessairement à la quantité d’argent, faute de quoi nous n’aurions accès qu’à la camelote. C’est un mensonge. La qualité vient avec les conditions faites aux gens pour les laisser produire comme ils l’entendent, c’est-à-dire <i>sans que leur survie en dépende</i>. On s’aperçoit aussitôt que la qualité est le corrélat immédiat de cette liberté. Et ceci toujours pour la même raison : parce que les gens font les choses bien, et même au mieux de ce qu’ils peuvent, quand ils les font pour eux-mêmes et pour les proposer à la reconnaissance sociale, <i>pourvu que celle-ci ne prenne pas la forme du prix monétaire, auquel leur reproduction matérielle serait accrochée</i>. Alors sont réunies les conditions pour que, hors de la contrepartie de l’argent en quantité, se répandent les productions au meilleur de ce qu’elles peuvent, qu’elles deviennent la règle plutôt que l’exception.</p>
<h3 class="spip">Vocation esthétique du communisme</h3>
<p>Si le communisme est une proposition grise, il perdra la bataille imaginaire. Mais il n’a nullement à l’être. C’est même tout le contraire. Il n’y a aucun paradoxe à soutenir qu’il peut être, et qu’il doit être, <i>luxueux</i>. C’est-à-dire mettre partout la lumière des choses belles et bien faites parce que tout le monde aura été mis dans les conditions de les faire belles et bien — les conditions de la garantie économique générale. On voit ici à quel point maintenir les plus grandes latitudes d’expression possibles à <a href="https://blog.mondediplo.net/transition-dans-la-transition">la proposition privée</a> est d’une importance cruciale. La division du travail a ses nécessités, <a href="https://blog.mondediplo.net/problemes-de-la-transition">on les a assez dites</a>, et assez dit aussi qu’on ne saurait faire l’impasse à ce sujet. Mais la division du travail par elle-même ne contredit nullement que les choses nécessaires qui en sortent soient belles et bonnes. Or elles ne le seront que si la production est, bien sûr, extraite de la tyrannie de la valeur capitaliste, mais n’est pas non plus enrégimentée dans une planification tombée du haut.</p>
<p>Alors les producteurs associés souverains donneront leur meilleur : parce qu’ils feront ce qu’ils aiment faire. Sous cette forme communiste, l’initiative privée nous proposera des bons produits alimentaires, des beaux meubles, des beaux parfums, des beaux vêtements, bref des beaux objets, c’est-à-dire des choses qui font la vie esthétique. Le design ne sera plus la captation par le capitalisme de l’esthétique, comme il l’est aujourd’hui — car, des skylines des métropoles au métallisé des téléphones portables ou aux lignes des voitures, toute son intervention présente est faite pour nous inviter à contempler la puissance matérielle du capitalisme, pour nous mettre dans la tête, le plus souvent de manière inconsciente, ce lien de fer entre «<small class="fine"> </small>beauté<small class="fine"> </small>» des objets et système capitaliste des objets, pour nous faire penser : «<small class="fine"> </small>Souvenez-vous de l’Allemagne de l’Est et de l’URSS, comme c’était moche, et comme chez nous c’est beau, comme c’est racé — eh bien ça, c’est le capitalisme<small class="fine"> </small>».</p>
<p>Le communisme perdra la bataille imaginaire, et puis la bataille politique, s’il s’enferme dans l’austérité des intellectuels critiques et leur désintérêt ostentatoire, quand ça n’est pas leur mépris, pour les objets, pour la vie sensible, à commencer par la vie domestique. «<small class="fine"> </small>Pensons surtout à développer nos intellects<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>soyons de purs esprits<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>les objets nous sont indifférents<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>nous sommes bien au-dessus des contingences matérielles<small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>ces choses n’ont aucune importance<small class="fine"> </small>». Quelle erreur. Elles en ont une, et considérable. Dans un scolie «<small class="fine"> </small>diététique<small class="fine"> </small>» inattendu, quoique parfaitement logique, Spinoza qui, en matière de développement de l’intellect, n’est pas exactement un petit joueur, recommande d’entourer sa vie «<small class="fine"> </small>par des aliments et des boissons agréables, ainsi que par des parfums, le charme des plantes verdoyantes, la parure, la musique, les jeux qui exercent le corps, le théâtre et d’autres choses de même sorte dont chacun peut user sans dommage pour autrui<small class="fine"> </small>» (Eth. IV, 45, scolie). L’esthétique doit être mise partout dans la vie, depuis son sens étymologique, comme sollicitation de la sensibilité des individus, jusqu’à ces pratiques les plus hautes où, la sollicitation des sens conduit possiblement aux méditations les plus profondes — comme dans le <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-poetes/louange-du-gout" class="spip_out" rel="external">dialogue de Pierre Gagnaire et de Ryoko Sekiguchi</a> à propos de l’art culinaire, comme on le retrouverait également dans l’art des parfums, mais aussi dans celui, japonais, de la préparation du thé, ou de la composition florale.</p>
<p>Par construction, les achèvements les plus hauts sont aussi les plus rares et, logiquement, le nombre de ceux qui y auront accès sera limité. Le critère capitaliste de la sélection est connu : l’argent — on va sur le site de Pierre Gagnaire et, de l’enchantement de sa parole, on tombe dans la réalité de ses tarifs : dîner à deux dans son restaurant coûte un SMIC… On a compris que ce critère n’aurait plus cours. Et cependant il y en aura nécessairement un autre à la place — puisque «<small class="fine"> </small>le plus rare à la portée de tous<small class="fine"> </small>» est une promesse logiquement défectueuse (en tout cas pour cette sorte de biens que les économistes appellent «<small class="fine"> </small>rivaux<small class="fine"> </small>» ). Une forme ou une autre de tirage au sort<small class="fine"> </small>? Et après tout, pourquoi pas.</p>
<p>En réalité l’essentiel est ailleurs que dans ces expériences tout à fait exceptionnelles. On a compris que par «<small class="fine"> </small>luxe<small class="fine"> </small>», il fallait moins entendre le rarissime réservé à un tout petit nombre, que le beau et bien fait mais généralisé et mis à la portée du grand. De la présence de moins de choses mais plus belles dans la vie quotidienne, comme habitude et comme éducation, jusqu’aux expériences les plus hautes auxquelles éventuellement elle prépare, c’est cela le luxe. Et c’est le désir des producteurs libres qui fait le communisme luxueux.</p>
<p><i>À suivre.</i></p>

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<title>Le commun est une cellule (archive) — David Larlet</title>
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<p> Cela fait plusieurs années que j'évolue dans le réseau des <a rel="noreferrer noopener" href="https://lescommuns.org/" target="_blank">communs</a> et que j'y observe une danse prolifique et vivante. Une des questions récurrentes dans ce réseau est la suivante : "<em>qu'est-ce qu'un commun ?</em>", question existentielle s'il en est, car on peut se sentir appartenir à ce réseau sans pour autant savoir de quoi il s'agit exactement ! </p>

<p> Si beaucoup s'entendent sur la définition relativement simplifiée "<em>un <strong>commun</strong> = une <strong>ressource</strong> + une <strong>communauté</strong> + une <strong>gouvernance</strong> (qui établit des règles)</em>", celle-ci prend l'eau de plus en plus au fur et à mesure que les communs se développent et que des penseurs/euses cherchent à formaliser ce qu'iels observent. À bien y réfléchir, c'est logique, puisqu'on nomme ici des éléments de structure sans jamais définir ce qui relie ces éléments entre eux. </p>

<p> Je propose donc une analogie avec le monde du vivant qui permettrait (peut-être ?) de sortir des schémas de pensée habituels peinant à sortir des références hiérarchiques. </p>

<p> Un <strong>commun</strong> est une cellule vivante. <br/> Il est constitué d'un intérieur et d'une membrane. </p>

<p> La membrane est constitué d'éléments qui sont mobiles, fluctuants et qui répondent à des <strong>règles</strong> d'entrée et de sortie, plus ou moins souples selon les communs considérés. La membrane met en contact le commun avec l'extérieur, lui permettant à la fois de faire entrer et sortir des éléments, et de communiquer. </p>

<p> L'intérieur de la cellule est constituée d'une <strong>communauté</strong> d'éléments (commoners) aux rôles variés qui interagissent entre eux. </p>

<p> La raison d'être d'un commun est variable et peut être multiple : </p>

<ul><li>produire une <strong>ressource</strong> qui peut être utile à lui-même et/ou à d'autres éléments à l'extérieur de lui ;</li><li>se maintenir en vie en tant que :<ul><li>élément de structure/défense (maintien de la cohésion du commun ou de différents communs entre eux)</li><li>élément de communication/transport entre différents communs</li></ul></li></ul>

<p> Cette façon d'envisager le commun permet de : </p>

<ul><li>s'affranchir des concepts hiérarchiques. Par exemple, quand on construit une structure permettant de mutualiser des éléments entre différents communs, il conviendrait de la considérer non pas comme un élément de centralisation (modèle hiérarchique) mais comme un élément de <strong>cohésion</strong> (membrane d'un organe) permettant une <strong>confédération</strong> des différents communs et commoners spécialisés dans un objectif/une thématique ;</li><li>prendre acte que dans un commun, les différents éléments agissants de la communauté sont tous <strong>informés</strong> plus ou moins directement de ce que font les autres mais ne participent pas nécessairement directement à l'ensemble des <strong>décisions</strong> selon leur spécialisation ;</li><li>assumer que l'on peut, en tant que commoner, être détenteur des éléments constituant la <strong>raison d'être</strong> d'un commun (ADN) sans pour autant être "le chef" (entre le message génétique et sa confrontation au réel, beaucoup de choses peuvent se passer) ;</li><li>comprendre que les règles (membranes) ne sont pas des cadres rigides et enfermants mais la condition vivante et nécessaire à la survie du commun, pour peu que ces règles s'adaptent en permanence aux besoins du-dit commun pour assurer une <strong>pérennité</strong> liée à sa raison d'être (et non pas sa pérennité intrinsèque : si la raison d'être disparaît, le commun s'éteint naturellement) ;</li><li><strong>envisager la ressource à protéger comme possiblement autre chose qu'un objet différent de la communauté</strong>. Un commun peut prendre soin de lui-même parce son existence permet de prendre soin d'une ressource extérieure à lui, en tant qu'élément structurant d'un écosystème (organe) plus vaste que lui par exemple.</li></ul>

<p> Mais alors, qu'est-ce qui distingue un commun d'une autre structure sociale ? Pas grand-chose au final sur le plan structurel, mais beaucoup sur le plan des règles de création et de fonctionnement des membranes… autrement dit <strong>l'éthique qui régit la raison d'être, la gouvernance et les échanges</strong>. </p>

<p> Et quels seraient ses points communs avec les autres structures sociales ? Avec l'analogie de la cellule vivante, on comprend que la vie et la mort d'une commun sont un phénomène normal (et non pas une tragédie), que la compétition n'est pas forcément à regarder comme un conflit voulu mais comme le résultat d'une sélection normale où il n'est pas nécessaire d'être violent avec la structure voisine. Saviez-vous que lors des premiers stades du développement embryonnaire du ver <em>Caenorhabditis elegans</em>, 671 cellules naissent et 111 meurent (ou 113, selon le sexe du ver) ? </p>

<p> Quand je vois le nombre de projets morts-nés que j'ai pu observer au sein du réseau des communs, je trouve rassérénant de me dire que ces disparitions sont le signe d'une vie foisonnante et prometteuse, et réjouissant de constater que la structuration en marche entre les différents communs présage du développement d'un bel organisme vivant <span class="wp-font-emots-emo-happy"/> </p>

<p> À suivre... </p>
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// WARNING: do not try to insert a Rule to a styleSheet you are
// currently iterating on, otherwise the browser will be stuck
// in a infinite loop…
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<p> Cela fait plusieurs années que j'évolue dans le réseau des <a rel="noreferrer noopener" href="https://lescommuns.org/" target="_blank">communs</a> et que j'y observe une danse prolifique et vivante. Une des questions récurrentes dans ce réseau est la suivante : "<em>qu'est-ce qu'un commun ?</em>", question existentielle s'il en est, car on peut se sentir appartenir à ce réseau sans pour autant savoir de quoi il s'agit exactement ! </p>

<p> Si beaucoup s'entendent sur la définition relativement simplifiée "<em>un <strong>commun</strong> = une <strong>ressource</strong> + une <strong>communauté</strong> + une <strong>gouvernance</strong> (qui établit des règles)</em>", celle-ci prend l'eau de plus en plus au fur et à mesure que les communs se développent et que des penseurs/euses cherchent à formaliser ce qu'iels observent. À bien y réfléchir, c'est logique, puisqu'on nomme ici des éléments de structure sans jamais définir ce qui relie ces éléments entre eux. </p>

<p> Je propose donc une analogie avec le monde du vivant qui permettrait (peut-être ?) de sortir des schémas de pensée habituels peinant à sortir des références hiérarchiques. </p>

<p> Un <strong>commun</strong> est une cellule vivante. <br/> Il est constitué d'un intérieur et d'une membrane. </p>

<p> La membrane est constitué d'éléments qui sont mobiles, fluctuants et qui répondent à des <strong>règles</strong> d'entrée et de sortie, plus ou moins souples selon les communs considérés. La membrane met en contact le commun avec l'extérieur, lui permettant à la fois de faire entrer et sortir des éléments, et de communiquer. </p>

<p> L'intérieur de la cellule est constituée d'une <strong>communauté</strong> d'éléments (commoners) aux rôles variés qui interagissent entre eux. </p>

<p> La raison d'être d'un commun est variable et peut être multiple : </p>

<ul><li>produire une <strong>ressource</strong> qui peut être utile à lui-même et/ou à d'autres éléments à l'extérieur de lui ;</li><li>se maintenir en vie en tant que :<ul><li>élément de structure/défense (maintien de la cohésion du commun ou de différents communs entre eux)</li><li>élément de communication/transport entre différents communs</li></ul></li></ul>

<p> Cette façon d'envisager le commun permet de : </p>

<ul><li>s'affranchir des concepts hiérarchiques. Par exemple, quand on construit une structure permettant de mutualiser des éléments entre différents communs, il conviendrait de la considérer non pas comme un élément de centralisation (modèle hiérarchique) mais comme un élément de <strong>cohésion</strong> (membrane d'un organe) permettant une <strong>confédération</strong> des différents communs et commoners spécialisés dans un objectif/une thématique ;</li><li>prendre acte que dans un commun, les différents éléments agissants de la communauté sont tous <strong>informés</strong> plus ou moins directement de ce que font les autres mais ne participent pas nécessairement directement à l'ensemble des <strong>décisions</strong> selon leur spécialisation ;</li><li>assumer que l'on peut, en tant que commoner, être détenteur des éléments constituant la <strong>raison d'être</strong> d'un commun (ADN) sans pour autant être "le chef" (entre le message génétique et sa confrontation au réel, beaucoup de choses peuvent se passer) ;</li><li>comprendre que les règles (membranes) ne sont pas des cadres rigides et enfermants mais la condition vivante et nécessaire à la survie du commun, pour peu que ces règles s'adaptent en permanence aux besoins du-dit commun pour assurer une <strong>pérennité</strong> liée à sa raison d'être (et non pas sa pérennité intrinsèque : si la raison d'être disparaît, le commun s'éteint naturellement) ;</li><li><strong>envisager la ressource à protéger comme possiblement autre chose qu'un objet différent de la communauté</strong>. Un commun peut prendre soin de lui-même parce son existence permet de prendre soin d'une ressource extérieure à lui, en tant qu'élément structurant d'un écosystème (organe) plus vaste que lui par exemple.</li></ul>

<p> Mais alors, qu'est-ce qui distingue un commun d'une autre structure sociale ? Pas grand-chose au final sur le plan structurel, mais beaucoup sur le plan des règles de création et de fonctionnement des membranes… autrement dit <strong>l'éthique qui régit la raison d'être, la gouvernance et les échanges</strong>. </p>

<p> Et quels seraient ses points communs avec les autres structures sociales ? Avec l'analogie de la cellule vivante, on comprend que la vie et la mort d'une commun sont un phénomène normal (et non pas une tragédie), que la compétition n'est pas forcément à regarder comme un conflit voulu mais comme le résultat d'une sélection normale où il n'est pas nécessaire d'être violent avec la structure voisine. Saviez-vous que lors des premiers stades du développement embryonnaire du ver <em>Caenorhabditis elegans</em>, 671 cellules naissent et 111 meurent (ou 113, selon le sexe du ver) ? </p>

<p> Quand je vois le nombre de projets morts-nés que j'ai pu observer au sein du réseau des communs, je trouve rassérénant de me dire que ces disparitions sont le signe d'une vie foisonnante et prometteuse, et réjouissant de constater que la structuration en marche entre les différents communs présage du développement d'un bel organisme vivant <span class="wp-font-emots-emo-happy"/> </p>

<p> À suivre... </p>

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<main>
<p><strong>La crise sanitaire est loin d’être terminée, et la crise économique qui en résulte ne fait que commencer.</strong> L’ampleur et la nature de cette catastrophe sont incomparables aux événements historiques qui jalonnèrent jusqu’alors <i>La grande aventure de l’Humanité</i>. En 1976, Arnold Toynbee posait en principe la possibilité imminente d’une telle catastrophe, tout en soulignant qu’elle procéderait à la fois d’une tendance suicidaire des civilisations et d’une exploitation démesurée de la biosphère. </p>

<p>La tendance suicidaire collective apparaît dans une civilisation lorsque le crédit qu’elle s’accorde, et qui fonde la puissance de sa solidarité organique, se trouve compromis pour un motif quelconque – invasion, catastrophe naturelle, corruption, famine, maladie. Aristote appelait <i>philia</i> la solidarité qui fait la durabilité des sociétés – qu’il observait lui-même du point de vue de la cité, <i>polis</i>, et ce point de vue constitua ce qu’on appelait depuis Platon la politique. </p>

<p>Comme principe fondamental de la politique, la <i>philia</i> signifie que toute société suppose un crédit que s’accorde le groupe social, partagé par ceux qui forment ce groupe, et qui leur fournit le gage de confiance mutuelle primordiale sans lequel aucun échange ne pourrait s’instaurer durablement, ni entre ses membres, ni entre ses générations. Dans les sociétés les plus anciennes, ce gage est surnaturel et magique. Dans les sociétés religieuses, il est divin et théologique. Dans nos sociétés, il se nomme la raison – laquelle doit être partagée par tous, au sein d’institutions qui y sont vouées, à commencer par l’école, et qui sont fondées sur une épistémologie. </p>

<p>Le crédit, qui est transgénérationnel, doit être entretenu et sans cesse renforcé par des institutions et des pratiques sociales – de la magie chamanique à la certification industrielle, en passant par l’appareil liturgique des grandes religions. Il organise les processus d’anticipation et de prévoyance au sein de cosmologies qui ordonnent l’avenir au passé qu’est l’expérience léguée par les ascendants. Cet ordonnancement, qui constitue l’ordre social, s’opère à travers rituels, calendarités, archives, instruments d’observation, instruments de mesure, calculs et théories.</p>

<h3><em>Ego cogito</em> et <em>data economy</em></h3>

<p>On dit <i>modernes</i> les temps au cours desquels la science vient au cœur de la certification, fondant ainsi un crédit se croyant émancipé de toute croyance, et que fondera, au début de l’âge classique, une <i>certitude primordiale</i> : celle de l’<i>ego</i> <i>cogito</i> (le « <i>je pense »</i> cartésien). C’est à partir de cet <i>ego</i> échappant à toute forme de doute, et fondant la certitude d’un sujet devenu moderne en cela, que tout ce qui est pourra devenir objet d’observation, de mesure, de calcul et de théorie – c’est-à-dire aussi, pour Descartes, de maîtrise et de domination (y compris comme domination des peuples n’ayant pas eu eux-mêmes accès à cette certitude et à ses processus de certification, et qui seront asservis à travers l’aménagement de cet accès mis au service du colonialisme).</p>

<p>C’est ainsi que se constituera la forme très singulière de confiance, de croyance et d’espérance qui aura été nommée au XVIII<sup>e</sup> siècle le progrès, et qui deviendra au XIX<sup>e</sup> siècle le dogme commun – donnant lieu à deux interprétations politiques et économiques opposées : les discours de <i>l’émancipation sociale par l’éducation</i>, d’une part, y compris comme éducation par la lutte, et, d’autre part, les discours du <i>dynamisme marchand fondé sur la concurrence</i>, point de vue qu’une interprétation fallacieuse de Darwin viendra accentuer comme darwinisme social, ce que le néolibéralisme se réappropriera au XX<sup>e</sup> siècle de diverses manières.</p>

<p>Avec le libéralisme, économique aussi bien que politique, la certitude moderne deviendra celle de l’individualisme fondant une société conçue comme calcul généralisé effectué par le marché (ce qui sera théorisé par Friedrich von Hayek), et certifié <i>via</i> de nouveaux organes d’échanges symboliques, qui apparaîtront au cours du XX<sup>e</sup> siècle, et qui seront produits par les industries de l’information et de la communication. Celles-ci transformeront le symbolique en informations calculables, et désymboliseront en cela le crédit. </p>

<p>Cette opération deviendra par elle-même le cœur de l’industrie avec la <i>data economy</i> mobilisant le behaviorisme et la théorie de l’information en vue d’interpréter et de calculer tout comportement comme modèle informationnel – ce qui supposera que les individus soient connectés, c’est à dire équipés, et reliés par des plateformes <i>ad hoc</i>. 4 milliards d’humains sont ainsi devenus aujourd’hui des objets de <i>calculs permanents.</i></p>

<p><strong>À partir de ces organes d’information et de communication se configureront de nouveaux dispositifs de prévision performative</strong> – par la combinaison des statistiques, du marketing et des technologies de calcul – constituant tout d’abord ce que Gilles Deleuze appellera les sociétés de contrôle. Celles-ci, qui s’établiront avec ce qu’Adorno et Horkheimer décrivirent en 1947 comme industrie culturelle, deviendront avec la <i>data economy</i> des sociétés d’hypercontrôle, où les liens de la <i>philia</i> seront remplacés par les liens hypertextuels, eux-mêmes évalués et certifiés par les moteurs de recherche et autres algorithmes de la <i>certitude post-véridique</i> (bien incarnée par Donald Trump). </p>

<h3>De la biosphère à la technosphère</h3>

<p>Du début des temps modernes jusqu’à la pandémie en cours se déploie ce que l’on appelle désormais l’ère Anthropocène (que Jason Moore appelle l’âge du Capitalocène). Fondée sur la certitude comme régime de vérité établissant et légitimant la maîtrise et la possession de la nature par l’homme, telles que Descartes les revendique, et telles que le capitalisme industriel les réalisera au cours des deux derniers siècles, cette ère découvre cependant au début du XXI<sup>e</sup> siècle qu’elle est suicidaire à un niveau incommensurable, c’est-à-dire global : l’humanité s’autodétruit à travers cette maîtrise et cette possession, qui s’avèrent être celle d’un capitalisme ayant perdu l’esprit que Max Weber attribuait à la Réforme.</p>

<p>Ce processus sera d’autant mieux ancré dans ce qui sera en effet une <i>formation</i> des esprits qu’il s’appuiera sur un système académique entièrement voué à cette tâche, églises comprises (Dieu demeurant pour Descartes une pierre de touche – ce dont Noam Chomsky n’aura jamais saisi les conséquences). Les collèges jésuites tout aussi bien que les académies luthériennes s’accommoderont parfaitement de la certitude moderne. </p>

<p>Si l’on a généralement fini par admettre que l’école de la III<sup>e</sup> République aura aussi eu pour but de légitimer la domination coloniale et de constituer l’« empire français », on n’a pas encore pris la mesure de ce qui aura <i>du même geste</i> consisté à <i>fonder en certitude</i> le modèle scientifique et plus généralement noétique de cette maîtrise et de cette domination. Or ce fondement et cette légitimation auront conduit à <i>naturaliser sans la problématiser la transformation de la biosphère en technosphère</i>. </p>

<p>Si Pierre Bourdieu se sera rendu célèbre en soulignant la fonction de reproduction des hiérarchies sociales par l’institution académique, il n’aura pas vu que cet exercice de la domination passait tout aussi bien par l’intériorisation pychosociale de la certitude comme fondement de la modernité. Et si Jean-François Lyotard aura vu venir en 1979, et mieux que quiconque, ce qui allait en résulter comme devenir informationnel des savoirs ainsi désintégrés, il n’aura pas non plus mené sa déconstruction de <i>la modernité comme anthropisation</i> au point d’en interroger la solvabilité et la durabilité – et cela, précisément parce qu’il n’aura pas vu cette anthropisation <i>comme telle</i> (et telle qu’il faut à présent la considérer d’un point de vue néguanthropique, c’est-à-dire à la fois exosomatique et pharmacologique).</p>

<p>Le capitalisme <i>perd l’esprit</i> – l’esprit étant lui-même constitutif de la <i>philia</i> – , et cette perte procède de la sécularisation décrite par Weber, laquelle consiste à réduire toute chose et tout sujet à un calcul, c’est-à-dire à une <i>détermination</i>. Si la <i>philia</i> est constituée par des savoirs partagés et échangés, la désymbolisation du crédit (la perte de l’échange symbolique comme fondement du crédit), qui résulte de cette sécularisation <i>purement computationnelle</i>, est corrélative de la <i>prolétarisation</i> de ces savoirs. </p>

<p>Les producteurs ouvriers ayant perdu leurs savoirs avec la prolétarisation machinique au XIX<sup>e</sup> siècle, au XX<sup>e</sup> siècle, ce sont les consommateurs qui perdent leurs savoirs de la quotidienneté que tisse la <i>philia</i>. Au XXI<sup>e</sup> siècle, ce sont <i>les savoirs des certificateurs eux-mêmes</i> qui sont perdus avec la prolétarisation des savants, des intellectuels, des <i>managers</i> et des <i>policy makers</i> – le président Trump incarnant le destin suicidaire <i>global</i> que se révèle être l’ère Anthropocène lorsqu’elle atteint ses limites, à savoir : maintenant.</p>

<p>Anticipée au cours des années 1970 par Toynbee et quelques autres – dont <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicholas_Georgescu-Roegen">Nicholas Georgescu-Roegen</a>, ayant été eux-mêmes précédés par Alfred Lotka en 1945, par Martin Heidegger et par Norbert Wiener à peu près à la même époque, et, avant eux, par Henri Bergson –, la prise de conscience, au début du XXI<sup>e</sup> siècle, du <i>problème</i> incommensurable de l’ère Anthropocène et de ses réalités effroyables, dont la pandémie en cours est un cas, est d’abord le fait d’une frange restreinte de la population mondiale. Pour l’essentiel, il s’agit d’une partie de la communauté scientifique (sans cesse croissante), du mouvement politique écologiste, et, depuis deux ans, de la jeune génération se reconnaissant dans la figure de Greta Thunberg.</p>

<p>Avec l’hypercrise systémique que provoque l’actuelle pandémie – qui déclenche un « effet domino » à toutes les échelles de ce qui constitue la réalité <i>anthropique-toxique</i> de l’ère Anthropocène – , ce qui n’était encore que la conviction de cette frange jusqu’alors très minoritaire de la population devient soudain l’horizon commun de toute projection dans l’avenir, à l’exception de Trump, Bolsonaro et quelques autres bouffons dont on comprend en lisant Christian Salmon pourquoi ils prospèrent du discrédit. </p>

<p><strong>Cet avenir projeté comme <i>indispensable bifurcation</i> est appelé « le monde d’après ».</strong> Cependant, la nouvelle communauté consciente du <i>problème anthropique</i> et forgée dans l’épreuve de la pandémie se présente avant tout comme la communauté d’une <i>défiance</i>, faute d’être encore capable d’engendrer une nouvelle forme de crédit. Le « monde d’après », cela se présente surtout, pour le moment, comme un cauchemar qui, pour 62 % des Français, conduit à un effondrement. En conséquence, la communauté consciente du problème anthropique s’avère pour le moment constituer essentiellement une très périlleuse désespérance. </p>

<p>Dans le résultat des élections municipales qui ont porté des élus écologistes à la tête des grandes villes françaises, on peut cependant voire comment se concrétise politiquement un devenir majoritaire de ce qui demeurait avant la pandémie une conviction minoritaire – et l’on peut se mettre à espérer, à condition de ne pas ignorer le sens de l’abstention record qui aura permis ces résultats. Dans la même dynamique que ce devenir très relativement majoritaire, ce qui constituait jusqu’alors, chez ceux qui refusaient encore de partager cette conviction, un <i>déni</i>, c’est-à-dire un refus de voir et de savoir, cela tend à devenir une <i>dénégation</i> : non plus un refus de savoir, mais un refus de reconnaître les conséquences de ce que ceux-là commencent à voir comme – et à savoir être – une <i>convergence systémique</i>. </p>

<p>À quelles conditions et en fonction de quelles contraintes ces résultats électoraux locaux et ce devenir conscient de ce qui jusqu’alors était dénié permettront-ils ou non de transformer la désespérance en un espoir, et de constituer ainsi une nouvelle forme de crédit ?</p>
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<h1>Missions, promesses, compromis - 3. Risque, ouverture et compromis</h1>
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<p>Bien avant de devenir une épreuve et une question scientifiques, l’incertitude et l’indétermination sont d’abord, pour l’humanité, le problème permanent de ce que Rainer Maria Rilke décrit dans les <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/gf/litterature-et-civilisation/les-elegies-de-duino-sonnets-a-orphee"><i>Sonnets à Orphée</i></a> comme le risque de ce qu’il appelle l’ouvert. </p>

<p>Risque et ouverture conditionnent tout investissement (noétique ou financier), et demeurent à jamais sans solution : faire face à l’incertitude et à l’indétermination nécessite d’entretenir et de reconstituer sans cesse un horizon de crédit – c’est-à-dire un horizon d’investissements collectifs, visant à inventer et à consolider la possibilité d’un avenir néguentropique surmontant temporairement et localement le devenir entropique (cette localité étant distribuée en échelles qui vont de la cellule à la totalité de la biosphère) – sans jamais pouvoir éliminer le risque ni donc éviter que l’ouverture ne se referme.</p>

<p>Pourquoi en ce cas l’incertitude et l’indétermination sont-elles finalement <i>déniées</i> par l’institution scolaire et académique, et encore par une partie de la communauté scientifique, légitimant ainsi l’incurie économique et politique ? Et pourquoi cela ne peut-il plus durer ? Il en va ainsi parce que si l’on avait intégré dans les processus de certification industrielle les questions apparues avec la thermodynamique et ses conséquences macroscopiques sur le vivant, par exemple quant aux possibilités qu’a ou que n’a pas l’avion Airbus A380 de voler, jamais cet appareil n’aurait obtenu la <i>certification</i> l’y autorisant. </p>

<p>Et si cela ne peut plus durer, c’est parce l’hypercrise systémique met en évidence que des limites entre systèmes dynamiques sont franchies de toutes parts, perturbant ces systèmes aux échelles les plus éloignées, du virus appelé Covid 19 à l’industrie planétairement interdépendante, compromettant l’avenir de la vie en totalité – cependant que l’A380 est lui-même un échec commercial pour des raisons qui ne sont évidemment pas étrangères à de telles questions. Plus généralement, c’est <i>l’ensemble des processus de certification qui procurent à l’économie industrielle son crédit</i> aussi bien du point de vue des investisseurs (comme calculs de risques) que du point de vue des consommateurs (comme confiance dans les produits comme dans leur pouvoir d’achat et dans leur monnaie) qui <i>nécessite désormais une requalification fondamentale – et systémique. </i></p>

<p>Le système académique n’a toujours pas intégré l’entropie comme question majeure de la physique pour l’homme, ni ses conséquences sur la définition du vivant par Schrödinger, ni donc la question les limites résultantes pour l’action humaine considérées avec Lotka. Le système académique dans son ensemble, qui aura été gouverné essentiellement dans le but d’accompagner, de légitimer et de renforcer le système de production et de consommation – orientation qui sera encore accrue par le projet de loi de programmation de la recherche –, ne pouvait que refouler ce qui vient contredire la légitimité même d’un tel accompagnement sous cette forme, c’est-à-dire : comme <i>dispositif d’accomplissement aussi bien que de dissimulation de l’ère Anthropocène</i>.</p>

<p>À quoi les oreilles de l’entendement scientifique seront-elles restées sourdes dans leur impossible dialogue devenu polémique au cours de la pandémie sans jamais parvenir à élaborer les thèses de ce que l’on appelle une controverse scientifique ? Il arrive souvent que l’entendement n’entende pas ce que la seule raison peut lui dire : c’est essentiellement cela qu’aura enseigné Kant, et que Whitehead aura su réinterpréter au-delà de la physique newtonienne. Les scientifiques polémiquant à propos de la dangerosité du coronavirus seront restés sourds précisément à l’incertitude subjective résultant de l’indétermination objective et telles qu’à partir des théories de l’entropie en physique, en biologie et en technologie, elles requièrent une nouvelle raison théorique aussi bien que pratique (Kant entrouvre d’ailleurs cette question dans la <i>Critique du jugement</i> comme raison esthétique).</p>

<p>Chez Whitehead, <strong>la raison a pour fonction d’<i>opérer des bifurcations </i> en vue de protéger ce qui, au-delà de la seule biodiversité,</strong> constitue la noodiversité des êtres exosomatiques que nous sommes, et qui est le gage de leur résilience à toute sorte de dérèglement entropique, dont la maladie est une expression biologique, mais qui a aussi des formes techniques – raison pour laquelle Canguilhem peut écrire <i>« le pouvoir et la tentation de se rendre malade sont une caractéristique essentielle de la physiologie humaine. »</i> </p>

<h3>La puissance publique est à réinventer</h3>

<p>Un nouveau crédit est requis, et la fonction de la raison théorique, pratique et esthétique est de l’ac-créditer en projetant des motifs (raisons) d’espérer. De nouvelles critériologies de certification doivent être mises en place à partir de cette accréditation. Si la tâche paraît de nos jours impossible, elle est impérative. Cet impératif nécessite une méthode d’amplification de dynamiques, fondée sur un diagnostic, et capable de négocier un compromis – car rien ne pourra se <i>concrétiser</i> en de telles circonstances sans que des engagements mutuels ne soient pris par des parties dont les intérêts particuliers divergent, et qui cependant doivent en dernier ressort s’entendre quant à leur intérêt commun. Le gage de cet intérêt commun autrefois appelé bien public et chose publique, c’est la noodiversité – raison pour laquelle la démocratie naît en Grèce. Il s’agit tout aussi bien de réinventer la puissance publique.</p>

<p>Pour préciser le registre du discrédit affectant le savoir scientifique – mais aussi, plus généralement, les savoirs de la vie quotidienne et les savoir-faire –, une analyse de l’affaire où s’est imprudemment compromise la revue <i>The Lancet</i> constitue un bon cas. Tout le contenu de l’article collectif écrit pour établir l’inefficacité et même la dangerosité de l’hydroxychloroquine, et qui aura été ensuite mis en cause, aura été frelaté par une analyse de données réalisée avec les méthodes actuelles, typiques de la <i>data economy</i>, et appliquée à toutes réalités. L’intérêt de cette affaire, qui a discrédité l’une des revues de médecine les plus anciennes et les plus prestigieuses, est le rôle du calcul dans cette compromission épistémologique – sinon vénale.</p>

<p>L’économie mondiale repose de nos jours entièrement sur des systèmes de calcul fondés sur l’élimination statistique et probabiliste de l’incalculable et de l’indéterminé. Ces systèmes <i>purement computationnels</i> sont d’autant plus dangereux qu’ils instaurent une <i>certitude aveugle</i> (la certitude cartésienne voyait elle-même très loin – bien qu’elle ne vît ni l’entropie, ni l’univers en expansion, ni la singularité du vivant au sein des lois de la mécanique céleste), dénoncée par les statisticiens eux-mêmes. Désormais confrontée à des événements générés par des systèmes dynamiques portés à leur limite, une telle économie s’avère être mouvante, et risque de se liquéfier telle l’argile crue sous la pluie – comme la « société liquide » devait périr de sa liquidité. </p>

<p>Cela ne signifie en rien qu’il faudrait rejeter les technologies de calcul, dont la raison, et l’entendement à son service, ont évidemment et impérativement besoin – et Wiener, comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_von_Bertalanffy">Ludwig von Bertalanffy</a> avant lui, aura montré pourquoi l’humanité en croissance exponentielle ne saurait se passer de la cybernétique, y compris pour ralentir et transformer cette croissance à la fois démographique et économique qui s’avère être une mécroissance constituant une déséconomie. Cela signifie qu’il faut <i>prescrire thérapeutiquement la technologie</i> en tant qu’elle est un <i>pharmakon</i> aussi remédiant qu’empoisonnant.</p>

<p>Si Naomi Klein a sans aucun doute raison de diagnostiquer qu’un nouvel épisode de la doctrine du choc – mieux connue comme stratégie du choc, selon la traduction française de son <i>best-seller</i> – est en train de se jouer à travers ce qu’elle a décrit comme un <i>screen new deal</i>, en lieu et place du <i>green new deal</i> que proposait la gauche américaine dans le cadre des primaires démocrates, et qui, après le confinement planétaire, profiterait de la catastrophe sanitaire pour <i>imposer télé-travail et télé-enseignement à très grande échelle</i>, il ne saurait s’agir de rejeter ni les écrans ni les algorithmes dont ils sont les interfaces. Il s’agit d’entamer une critique fondamentale de l’informatique théorique, telle qu’elle repose sur une interprétation tout à fait partielle de l’entropie par la théorie dite de l’information, et, en particulier pour l’Europe, il s’agit de reconstruire un avenir industriel qu’elle a perdu.</p>

<h3>Une alter-doctrine du choc</h3>

<p>Dès lors, il ne suffit pas de provoquer une « stratégie du choc à l’envers », comme croyait pouvoir le proposer avec Pablo Servigne un groupe de citoyens prônant la solidarité de proximité plutôt que des mesures réglementaires mises en œuvre par des technologies. On ne saurait simplement opposer des communautés solidaires et autres initiatives locales à une catastrophe d’ampleur littéralement cosmique. Il s’agit tout au contraire d’élaborer et de concrétiser une <i>alter-doctrine du choc</i> – tant il est vrai que <i>depuis son origine, l’humanité engendre et subit les chocs dont elle est à la fois la source, la victime</i> <i>et le soin</i> comme culture, c’est à dire comme production constante de nouvelles formes de savoirs et de crédits constituant une noodiversité. </p>

<p>De tels chocs sont liés à la condition irréductiblement exosomatique de l’humanité, situation induite par la structure néoténique de la physiologie humaine. Une société ne tient dans le temps que pour autant qu’elle parvienne à générer un crédit à partir de tels chocs. Un nouveau crédit instaure une époque, un âge ou une ère, à travers un processus qui connaît toujours une phase douloureuse d’engendrement, puis une apogée, puis un temps de déclin – lequel, selon Toynbee, peut devenir suicidaire.</p>

<p>Le grand choc qui aura généré l’ère Anthropocène est la machine thermodynamique. Le second principe de la physique thermodynamique aura été formulé peu de temps après ce choc, et il aura été formalisé comme processus entropique en 1865 par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rudolf_Clausius">Rudolf Clausius</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Boltzmann">Ludwig Boltzmann</a> en énonçant la formule statistique en 1873. Comme on l’a vu, un grand décalage se sera cependant maintenu entre cette théorie tout à fait nouvelle et la réalité comptable et certifiée de la vie quotidienne – et ce décalage aura été un refoulement au service de la réalisation d’une ère géologique très spécifique, très brève, fondée sur une accélération foudroyante, devenue avec la disruption <i>accélération de l’accélération</i> (comme il y a une <i>épidémie d’épidémies </i>), et condamnée à l’épuisement à très brève échéance.</p>

<p><strong>C’est à partir de ce diagnostic que le Collectif Internation, le 10 janvier dernier, à Genève, a proposé une démarche de recherche contributive,</strong> fondée sur des territoires laboratoires candidats et visant à opérer des transferts très rapides de savoirs <i>régénérés</i> par cette méthode, qui associe étroitement, fonctionnellement et intergénérationnellement les habitants de ces territoires, qu’ils soient résidents, associations, entreprises, institutions, administrations, etc., scientifiques, économistes, juristes, épistémologues, philosophes, sociologues, psychologues, urbanistes, architectes, ingénieurs, médecins, pédiatres, psychiatres, artistes, acteurs économiques et financiers. </p>

<p>Nous posons avec ce Collectif et avec l’Association des amis de la génération Thunberg qui s’est créée autour de lui que la nouvelle certification requise pour être mise au service du nouveau crédit est la lutte contre l’entropie. Cette certification, qui consiste aussi bien en diplômes et en autorisation de voler ou de rouler, est surdéterminée par des normes comptables micro-économiques, méso-économiques et macro-économiques. Nous prônons dans cette optique une régénération des normes comptables fondée sur la revalorisation des savoirs locaux – vivre, faire, concevoir et spiritualiser – à toutes les échelles, mis en situation de prescrire et de pratiquer de telles certifications, et, en cela, de générer et consolider des nouvelles formes de crédit. Pour cela, une plateforme contributive a été conçue sur la base du logiciel E-planet. </p>

<p>Les savoirs configurent les pratiques qui permettent de lutter contre l’entropie : ils sont en ce sens structurellement néguentropiques. La néguentropie elle-même est toujours une réalité locale : telle vinification est liée à tel terroir et tel cépage, telle musique est africaine ou autrichienne, telle théorie physique est terrienne, et tout cela constitue ce que nous appelons la noodiversité, qui ne peut être appréhendée que du point de vue de la biosphère, comme le souligna Edmund Husserl dans son style et en son temps. </p>

<p>Si la biosphère tente de s’élargir à travers navettes spatiales, sondes et observatoires dans l’espace, ces dispositifs demeurent dépendants de leur « segment-sol », et la biosphère elle-même, désormais entourée par une exosphère satellitaire, ne peut jamais, en aucun cas, s’émanciper d’un point de vue <i>situé</i> – aussi bien <i>dans l’espace</i> (le système solaire au sein de sa galaxie) que <i>dans le temps</i> (moins de 5 milliards d’années avant l’extinction du soleil, plus de 13 milliards d’années près la formation de l’univers, moins de 5 milliards d’années après la formation de la Terre, près de 4 milliards d’années après l’apparition de la vie). </p>

<p>De tels savoirs étant toujours locaux, leur valorisation à travers des échanges avec d’autres savoirs, issus d’autres localités, suppose des franchissements d’échelles de localités, qui supposent eux-mêmes des modalités de certifications comptables, elles-mêmes contributives – à travers ce que nous avons appelé des conventions collectives territoriales. La valorisation de tels savoirs se nomme l’économie de la contribution, et dans une expérimentation en cours en Seine-Saint-Denis, qui constitue le premier territoire laboratoire, elle vise à établir un revenu contributif, inspiré à la fois par l’organisation du travail inventée dans le cadre du logiciel libre (comme partage de savoirs constituant des communs), et par les modalités de rémunérations hors emploi des intermittents du spectacle (comme investissement collectif dans la noodiversité). </p>

<h3>Vers une bifurcation positive</h3>

<p>Lorsque le collectif <a href="https://www.democratieouverte.org/nouslespremiers-scenario-democratique/">#Nouslespremiers</a> a lancé son initiative, je m’y suis associé tout en soulignant que les démarches proposées sur la base de conventions citoyennes ne pourraient être fécondes et tenir leurs promesses qu’à la condition non seulement de consulter des avis d’experts, qui sont eux-mêmes très souvent objets de controverses ou de polémiques, mais aussi de constituer des dispositifs d’apprentissages collectifs et expérimentaux permettant de <i>travailler</i> avec ces scientifiques, économistes, juristes, ingénieurs, etc. à <i>régénérer les crédits</i> requis pour qu’une société ait confiance en elle – et cela, désormais, à l’échelle planétaire – en situation d’urgence absolue. </p>

<p>De tels laboratoires, <strong>qui devraient se multiplier sur tous les continents</strong> – et il en existe déjà partout (notamment les territoires et villes en transition) sous des formes plus ou moins développées –, doivent être des lieux de négociations de compromis entre acteurs qui ont des intérêts à court terme et moyen terme divergents mais à long terme convergents. Cette convergence doit permettre de passer des accords à travers de conventions collectives, à diverses échelles, en mobilisant très fortement les générations, et en y associant étroitement les institutions scolaires et académiques aussi bien que les parents d’élèves, qui sont littéralement affolés et de plus en plus accablés par l’avenir à court terme aussi bien qu’à long terme de leurs enfants et petits-enfants.</p>

<p>Il faut agir pour le vivant, mais, dans cet état d’exception noétique qu’est l’état d’urgence généralisée, cette action ne doit en aucun cas sacrifier la réflexion. Elle doit pour cela se donner de nouveaux instruments de recherche, associant étroitement l’ensemble des parties prenantes, et avant tout les habitants, qui ne retrouveront confiance et ne trouveront ainsi la force d’agir et de bifurquer positivement qu’à la condition de <i>contribuer</i> à la genèse de ces nouveaux savoirs. Ceux-ci permettront tout aussi bien d’engendrer une nouvelle puissance publique, constituant une nouvelle chose publique, et une régénération de ce que l’on appelait à l’époque de Kant la République, conçue avant tout comme communauté politique fondée sur le partage de savoirs. </p>

<p>Pour cela, un compromis historique entre le capital et le travail est requis. Les entreprises sont confrontées à un défi sans précédent. Elles doivent se réinventer de fond en comble pour passer d’une valeur basée sur le PIB, lui-même essentiellement producteur d’entropie, à une valeur entièrement requalifiée : le temps est venu d’une innovation véritablement ouverte en cela que sociale, et non seulement technologique – ne tombant dans les travers ni du « solutionnisme technologique », ni du libertarianisme qui n’est que l’extrémisation techno-logique d’un ultralibéralisme failli. </p>

<p>S’il n’était pas possible de réaliser ce que Stéphane Berdoulet appelle après Michel Bourgain (ancien maire de l’Île-Saint-Denis) des PPPP, <strong>c’est-à-dire des <i>partenariats public privé population</i>,</strong> les pouvoirs publics et le personnel politique qui les a laissés se dégrader à un point inconcevable en à peine deux décennies devraient être mis devant le fait accompli – eux-mêmes n’ayant plus le crédit requis pour accomplir un tel fait, c’est-à-dire : pour générer une bifurcation positive, à la base de nouveaux droits, fondateurs de scalabilités diversement locales, et capables de prendre soin de la biosphère devenue technosphère.</p>
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title: Missions, promesses, compromis - 3. Risque, ouverture et compromis
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<p>Bien avant de devenir une épreuve et une question scientifiques, l’incertitude et l’indétermination sont d’abord, pour l’humanité, le problème permanent de ce que Rainer Maria Rilke décrit dans les <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/gf/litterature-et-civilisation/les-elegies-de-duino-sonnets-a-orphee"><i>Sonnets à Orphée</i></a> comme le risque de ce qu’il appelle l’ouvert. </p><p>Risque et ouverture conditionnent tout investissement (noétique ou financier), et demeurent à jamais sans solution : faire face à l’incertitude et à l’indétermination nécessite d’entretenir et de reconstituer sans cesse un horizon de crédit – c’est-à-dire un horizon d’investissements collectifs, visant à inventer et à consolider la possibilité d’un avenir néguentropique surmontant temporairement et localement le devenir entropique (cette localité étant distribuée en échelles qui vont de la cellule à la totalité de la biosphère) – sans jamais pouvoir éliminer le risque ni donc éviter que l’ouverture ne se referme.</p><p>Pourquoi en ce cas l’incertitude et l’indétermination sont-elles finalement <i>déniées</i> par l’institution scolaire et académique, et encore par une partie de la communauté scientifique, légitimant ainsi l’incurie économique et politique ? Et pourquoi cela ne peut-il plus durer ? Il en va ainsi parce que si l’on avait intégré dans les processus de certification industrielle les questions apparues avec la thermodynamique et ses conséquences macroscopiques sur le vivant, par exemple quant aux possibilités qu’a ou que n’a pas l’avion Airbus A380 de voler, jamais cet appareil n’aurait obtenu la <i>certification</i> l’y autorisant. </p>
<p>Et si cela ne peut plus durer, c’est parce l’hypercrise systémique met en évidence que des limites entre systèmes dynamiques sont franchies de toutes parts, perturbant ces systèmes aux échelles les plus éloignées, du virus appelé Covid 19 à l’industrie planétairement interdépendante, compromettant l’avenir de la vie en totalité – cependant que l’A380 est lui-même un échec commercial pour des raisons qui ne sont évidemment pas étrangères à de telles questions. Plus généralement, c’est <i>l’ensemble des processus de certification qui procurent à l’économie industrielle son crédit</i> aussi bien du point de vue des investisseurs (comme calculs de risques) que du point de vue des consommateurs (comme confiance dans les produits comme dans leur pouvoir d’achat et dans leur monnaie) qui <i>nécessite désormais une requalification fondamentale – et systémique. </i></p><p>Le système académique n’a toujours pas intégré l’entropie comme question majeure de la physique pour l’homme, ni ses conséquences sur la définition du vivant par Schrödinger, ni donc la question les limites résultantes pour l’action humaine considérées avec Lotka. Le système académique dans son ensemble, qui aura été gouverné essentiellement dans le but d’accompagner, de légitimer et de renforcer le système de production et de consommation – orientation qui sera encore accrue par le projet de loi de programmation de la recherche –, ne pouvait que refouler ce qui vient contredire la légitimité même d’un tel accompagnement sous cette forme, c’est-à-dire : comme <i>dispositif d’accomplissement aussi bien que de dissimulation de l’ère Anthropocène</i>.</p>
<p>À quoi les oreilles de l’entendement scientifique seront-elles restées sourdes dans leur impossible dialogue devenu polémique au cours de la pandémie sans jamais parvenir à élaborer les thèses de ce que l’on appelle une controverse scientifique ? Il arrive souvent que l’entendement n’entende pas ce que la seule raison peut lui dire : c’est essentiellement cela qu’aura enseigné Kant, et que Whitehead aura su réinterpréter au-delà de la physique newtonienne. Les scientifiques polémiquant à propos de la dangerosité du coronavirus seront restés sourds précisément à l’incertitude subjective résultant de l’indétermination objective et telles qu’à partir des théories de l’entropie en physique, en biologie et en technologie, elles requièrent une nouvelle raison théorique aussi bien que pratique (Kant entrouvre d’ailleurs cette question dans la <i>Critique du jugement</i> comme raison esthétique).</p><p>Chez Whitehead, <strong>la raison a pour fonction d’<i>opérer des bifurcations </i> en vue de protéger ce qui, au-delà de la seule biodiversité,</strong> constitue la noodiversité des êtres exosomatiques que nous sommes, et qui est le gage de leur résilience à toute sorte de dérèglement entropique, dont la maladie est une expression biologique, mais qui a aussi des formes techniques – raison pour laquelle Canguilhem peut écrire <i>« le pouvoir et la tentation de se rendre malade sont une caractéristique essentielle de la physiologie humaine. »</i> </p>
<h3>La puissance publique est à réinventer</h3>
<p>Un nouveau crédit est requis, et la fonction de la raison théorique, pratique et esthétique est de l’ac-créditer en projetant des motifs (raisons) d’espérer. De nouvelles critériologies de certification doivent être mises en place à partir de cette accréditation. Si la tâche paraît de nos jours impossible, elle est impérative. Cet impératif nécessite une méthode d’amplification de dynamiques, fondée sur un diagnostic, et capable de négocier un compromis – car rien ne pourra se <i>concrétiser</i> en de telles circonstances sans que des engagements mutuels ne soient pris par des parties dont les intérêts particuliers divergent, et qui cependant doivent en dernier ressort s’entendre quant à leur intérêt commun. Le gage de cet intérêt commun autrefois appelé bien public et chose publique, c’est la noodiversité – raison pour laquelle la démocratie naît en Grèce. Il s’agit tout aussi bien de réinventer la puissance publique.</p><p>Pour préciser le registre du discrédit affectant le savoir scientifique – mais aussi, plus généralement, les savoirs de la vie quotidienne et les savoir-faire –, une analyse de l’affaire où s’est imprudemment compromise la revue <i>The Lancet</i> constitue un bon cas. Tout le contenu de l’article collectif écrit pour établir l’inefficacité et même la dangerosité de l’hydroxychloroquine, et qui aura été ensuite mis en cause, aura été frelaté par une analyse de données réalisée avec les méthodes actuelles, typiques de la <i>data economy</i>, et appliquée à toutes réalités. L’intérêt de cette affaire, qui a discrédité l’une des revues de médecine les plus anciennes et les plus prestigieuses, est le rôle du calcul dans cette compromission épistémologique – sinon vénale.</p><p>L’économie mondiale repose de nos jours entièrement sur des systèmes de calcul fondés sur l’élimination statistique et probabiliste de l’incalculable et de l’indéterminé. Ces systèmes <i>purement computationnels</i> sont d’autant plus dangereux qu’ils instaurent une <i>certitude aveugle</i> (la certitude cartésienne voyait elle-même très loin – bien qu’elle ne vît ni l’entropie, ni l’univers en expansion, ni la singularité du vivant au sein des lois de la mécanique céleste), dénoncée par les statisticiens eux-mêmes. Désormais confrontée à des événements générés par des systèmes dynamiques portés à leur limite, une telle économie s’avère être mouvante, et risque de se liquéfier telle l’argile crue sous la pluie – comme la « société liquide » devait périr de sa liquidité. </p>
<p>Cela ne signifie en rien qu’il faudrait rejeter les technologies de calcul, dont la raison, et l’entendement à son service, ont évidemment et impérativement besoin – et Wiener, comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_von_Bertalanffy">Ludwig von Bertalanffy</a> avant lui, aura montré pourquoi l’humanité en croissance exponentielle ne saurait se passer de la cybernétique, y compris pour ralentir et transformer cette croissance à la fois démographique et économique qui s’avère être une mécroissance constituant une déséconomie. Cela signifie qu’il faut <i>prescrire thérapeutiquement la technologie</i> en tant qu’elle est un <i>pharmakon</i> aussi remédiant qu’empoisonnant.</p>
<p>Si Naomi Klein a sans aucun doute raison de diagnostiquer qu’un nouvel épisode de la doctrine du choc – mieux connue comme stratégie du choc, selon la traduction française de son <i>best-seller</i> – est en train de se jouer à travers ce qu’elle a décrit comme un <i>screen new deal</i>, en lieu et place du <i>green new deal</i> que proposait la gauche américaine dans le cadre des primaires démocrates, et qui, après le confinement planétaire, profiterait de la catastrophe sanitaire pour <i>imposer télé-travail et télé-enseignement à très grande échelle</i>, il ne saurait s’agir de rejeter ni les écrans ni les algorithmes dont ils sont les interfaces. Il s’agit d’entamer une critique fondamentale de l’informatique théorique, telle qu’elle repose sur une interprétation tout à fait partielle de l’entropie par la théorie dite de l’information, et, en particulier pour l’Europe, il s’agit de reconstruire un avenir industriel qu’elle a perdu.</p>
<h3>Une alter-doctrine du choc</h3>
<p>Dès lors, il ne suffit pas de provoquer une « stratégie du choc à l’envers », comme croyait pouvoir le proposer avec Pablo Servigne un groupe de citoyens prônant la solidarité de proximité plutôt que des mesures réglementaires mises en œuvre par des technologies. On ne saurait simplement opposer des communautés solidaires et autres initiatives locales à une catastrophe d’ampleur littéralement cosmique. Il s’agit tout au contraire d’élaborer et de concrétiser une <i>alter-doctrine du choc</i> – tant il est vrai que <i>depuis son origine, l’humanité engendre et subit les chocs dont elle est à la fois la source, la victime</i> <i>et le soin</i> comme culture, c’est à dire comme production constante de nouvelles formes de savoirs et de crédits constituant une noodiversité. </p><p>De tels chocs sont liés à la condition irréductiblement exosomatique de l’humanité, situation induite par la structure néoténique de la physiologie humaine. Une société ne tient dans le temps que pour autant qu’elle parvienne à générer un crédit à partir de tels chocs. Un nouveau crédit instaure une époque, un âge ou une ère, à travers un processus qui connaît toujours une phase douloureuse d’engendrement, puis une apogée, puis un temps de déclin – lequel, selon Toynbee, peut devenir suicidaire.</p><p>Le grand choc qui aura généré l’ère Anthropocène est la machine thermodynamique. Le second principe de la physique thermodynamique aura été formulé peu de temps après ce choc, et il aura été formalisé comme processus entropique en 1865 par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rudolf_Clausius">Rudolf Clausius</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Boltzmann">Ludwig Boltzmann</a> en énonçant la formule statistique en 1873. Comme on l’a vu, un grand décalage se sera cependant maintenu entre cette théorie tout à fait nouvelle et la réalité comptable et certifiée de la vie quotidienne – et ce décalage aura été un refoulement au service de la réalisation d’une ère géologique très spécifique, très brève, fondée sur une accélération foudroyante, devenue avec la disruption <i>accélération de l’accélération</i> (comme il y a une <i>épidémie d’épidémies </i>), et condamnée à l’épuisement à très brève échéance.</p><p><strong>C’est à partir de ce diagnostic que le Collectif Internation, le 10 janvier dernier, à Genève, a proposé une démarche de recherche contributive,</strong> fondée sur des territoires laboratoires candidats et visant à opérer des transferts très rapides de savoirs <i>régénérés</i> par cette méthode, qui associe étroitement, fonctionnellement et intergénérationnellement les habitants de ces territoires, qu’ils soient résidents, associations, entreprises, institutions, administrations, etc., scientifiques, économistes, juristes, épistémologues, philosophes, sociologues, psychologues, urbanistes, architectes, ingénieurs, médecins, pédiatres, psychiatres, artistes, acteurs économiques et financiers. </p><p>Nous posons avec ce Collectif et avec l’Association des amis de la génération Thunberg qui s’est créée autour de lui que la nouvelle certification requise pour être mise au service du nouveau crédit est la lutte contre l’entropie. Cette certification, qui consiste aussi bien en diplômes et en autorisation de voler ou de rouler, est surdéterminée par des normes comptables micro-économiques, méso-économiques et macro-économiques. Nous prônons dans cette optique une régénération des normes comptables fondée sur la revalorisation des savoirs locaux – vivre, faire, concevoir et spiritualiser – à toutes les échelles, mis en situation de prescrire et de pratiquer de telles certifications, et, en cela, de générer et consolider des nouvelles formes de crédit. Pour cela, une plateforme contributive a été conçue sur la base du logiciel E-planet. </p><p>Les savoirs configurent les pratiques qui permettent de lutter contre l’entropie : ils sont en ce sens structurellement néguentropiques. La néguentropie elle-même est toujours une réalité locale : telle vinification est liée à tel terroir et tel cépage, telle musique est africaine ou autrichienne, telle théorie physique est terrienne, et tout cela constitue ce que nous appelons la noodiversité, qui ne peut être appréhendée que du point de vue de la biosphère, comme le souligna Edmund Husserl dans son style et en son temps. </p>
<p>Si la biosphère tente de s’élargir à travers navettes spatiales, sondes et observatoires dans l’espace, ces dispositifs demeurent dépendants de leur « segment-sol », et la biosphère elle-même, désormais entourée par une exosphère satellitaire, ne peut jamais, en aucun cas, s’émanciper d’un point de vue <i>situé</i> – aussi bien <i>dans l’espace</i> (le système solaire au sein de sa galaxie) que <i>dans le temps</i> (moins de 5 milliards d’années avant l’extinction du soleil, plus de 13 milliards d’années près la formation de l’univers, moins de 5 milliards d’années après la formation de la Terre, près de 4 milliards d’années après l’apparition de la vie). </p><p>De tels savoirs étant toujours locaux, leur valorisation à travers des échanges avec d’autres savoirs, issus d’autres localités, suppose des franchissements d’échelles de localités, qui supposent eux-mêmes des modalités de certifications comptables, elles-mêmes contributives – à travers ce que nous avons appelé des conventions collectives territoriales. La valorisation de tels savoirs se nomme l’économie de la contribution, et dans une expérimentation en cours en Seine-Saint-Denis, qui constitue le premier territoire laboratoire, elle vise à établir un revenu contributif, inspiré à la fois par l’organisation du travail inventée dans le cadre du logiciel libre (comme partage de savoirs constituant des communs), et par les modalités de rémunérations hors emploi des intermittents du spectacle (comme investissement collectif dans la noodiversité). </p>
<h3>Vers une bifurcation positive</h3>
<p>Lorsque le collectif <a href="https://www.democratieouverte.org/nouslespremiers-scenario-democratique/">#Nouslespremiers</a> a lancé son initiative, je m’y suis associé tout en soulignant que les démarches proposées sur la base de conventions citoyennes ne pourraient être fécondes et tenir leurs promesses qu’à la condition non seulement de consulter des avis d’experts, qui sont eux-mêmes très souvent objets de controverses ou de polémiques, mais aussi de constituer des dispositifs d’apprentissages collectifs et expérimentaux permettant de <i>travailler</i> avec ces scientifiques, économistes, juristes, ingénieurs, etc. à <i>régénérer les crédits</i> requis pour qu’une société ait confiance en elle – et cela, désormais, à l’échelle planétaire – en situation d’urgence absolue. </p><p>De tels laboratoires, <strong>qui devraient se multiplier sur tous les continents</strong> – et il en existe déjà partout (notamment les territoires et villes en transition) sous des formes plus ou moins développées –, doivent être des lieux de négociations de compromis entre acteurs qui ont des intérêts à court terme et moyen terme divergents mais à long terme convergents. Cette convergence doit permettre de passer des accords à travers de conventions collectives, à diverses échelles, en mobilisant très fortement les générations, et en y associant étroitement les institutions scolaires et académiques aussi bien que les parents d’élèves, qui sont littéralement affolés et de plus en plus accablés par l’avenir à court terme aussi bien qu’à long terme de leurs enfants et petits-enfants.</p><p>Il faut agir pour le vivant, mais, dans cet état d’exception noétique qu’est l’état d’urgence généralisée, cette action ne doit en aucun cas sacrifier la réflexion. Elle doit pour cela se donner de nouveaux instruments de recherche, associant étroitement l’ensemble des parties prenantes, et avant tout les habitants, qui ne retrouveront confiance et ne trouveront ainsi la force d’agir et de bifurquer positivement qu’à la condition de <i>contribuer</i> à la genèse de ces nouveaux savoirs. Ceux-ci permettront tout aussi bien d’engendrer une nouvelle puissance publique, constituant une nouvelle chose publique, et une régénération de ce que l’on appelait à l’époque de Kant la République, conçue avant tout comme communauté politique fondée sur le partage de savoirs. </p>
<p>Pour cela, un compromis historique entre le capital et le travail est requis. Les entreprises sont confrontées à un défi sans précédent. Elles doivent se réinventer de fond en comble pour passer d’une valeur basée sur le PIB, lui-même essentiellement producteur d’entropie, à une valeur entièrement requalifiée : le temps est venu d’une innovation véritablement ouverte en cela que sociale, et non seulement technologique – ne tombant dans les travers ni du « solutionnisme technologique », ni du libertarianisme qui n’est que l’extrémisation techno-logique d’un ultralibéralisme failli. </p><p>S’il n’était pas possible de réaliser ce que Stéphane Berdoulet appelle après Michel Bourgain (ancien maire de l’Île-Saint-Denis) des PPPP, <strong>c’est-à-dire des <i>partenariats public privé population</i>,</strong> les pouvoirs publics et le personnel politique qui les a laissés se dégrader à un point inconcevable en à peine deux décennies devraient être mis devant le fait accompli – eux-mêmes n’ayant plus le crédit requis pour accomplir un tel fait, c’est-à-dire : pour générer une bifurcation positive, à la base de nouveaux droits, fondateurs de scalabilités diversement locales, et capables de prendre soin de la biosphère devenue technosphère.</p>

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<title>La rose et le lotus (archive) — David Larlet</title>
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<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t4_poly_regular.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: light), (prefers-color-scheme: no-preference)" crossorigin>
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function toggleTheme(themeName) {
document.documentElement.classList.toggle(
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themeName === 'dark'
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document.documentElement.classList.toggle(
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const selectedTheme = localStorage.getItem('theme')
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toggleTheme(selectedTheme)
}
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<h1>La rose et le lotus</h1>
</header>
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<main>
<p>Un bouton de rose n’en pouvait plus d’être lui-même. Il avait tout bonnement l’impression d’étouffer. Ça durait depuis tellement longtemps, qu’il ne se souvenait même plus depuis quand. N’y tenant plus, il se tourna vers le grand lotus fleuri non loin de lui et lui demanda :</p>
<ul>
<li>Comment as-tu fais pour fleurir ?</li>
<li>Je ne sais pas, c’est advenu, il n’y a rien à faire…</li>
<li>Oui mais par quelles étapes es-tu passé ?</li>
<li>Que dire… J’ai passé beaucoup de temps assis à ne rien faire, et puis un jour, ça a eu lieu d’un seul coup, je me souviens même du jour où ça s’est produit.</li>
<li>Tu veux dire qu’il n’y a rien à faire ?</li>
<li>Non, rien du tout !</li>
<li>Oui mais je souffre, je voudrais ne plus souffrir et être une belle fleur ouverte qui ne souffre plus comme toi ! Je dois mal m’y prendre ?</li>
<li>Tu ne seras jamais comme moi, puisque tu es déjà toi-même. Une rose n’est pas un coquelicot ni un lotus. Ça se passe différemment pour chacun. Parfois la fleur s’ouvre en une seule nuit, parfois elle prend tout son temps, doucement, parfois même elle s’ouvre puis se referme, avant de s’ouvrir à nouveau.</li>
<li>Ah… Alors je dois trouver ma propre façon de faire ?</li>
<li>Non, il suffit juste de regarder ta propre façon d’être.</li>
<li>C’est facile pour toi de dire ça, tu es né sur de l’eau lisse et claire. Moi j’ai dû me battre, regarde, j’ai même des épines pour me défendre.</li>
<li>Que sais-tu de mon histoire ? Je suis né dans la vase, et j’ai mis longtemps à en sortir avant de fleurir.</li>
<li>Oui mais, je ne comprends toujours pas… Pour t’ouvrir, il a bien fallu que tu étires tes pétales ?</li>
<li>Non, mes pétales se sont ouverts seuls. Ma seule erreur pendant ce temps ça a été de croire que chaque fois que l’un d’entre eux s’entrouvrait, je croyais que j’allais mourir, du coup je souffrais beaucoup. Maintenant j’ai compris : bien sûr que je suis mort, puisque je ne suis plus un bouton. La mort est une illusion, tout autant que le petit bouton limité que tu crois être.</li>
<li>Je dois me laisser mourir pour fleurir ?</li>
<li>Tu ne dois rien du tout. Tu peux juste observer ce qui se passe à chaque instant et t’émerveiller de ce qui est en train de se produire. Tu n’as aucun moyen d’agir, tu peux juste faire confiance à la vie qui passe par toi et qui est en train d’éclore, sans porter de jugement sur ce qui se passe. Sens la pluie qui coule sur tes joues, sans te demander si c’est bien ou mal. Sens les contractions de tes pétales sans te dire qu’ils ne devraient pas se contracter. Sens ta peur de mourir, puisqu’elle est légitime : tu es en train de mourir à chaque instant. Aime tout cela, et tôt ou tard, tu fleuriras.</li>
</ul>
</main>
</article>


<hr>

<footer>
<p>
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<abbr title="Hébergeur : Alwaysdata, 62 rue Tiquetonne 75002 Paris, +33184162340">🧚</abbr>
</p>
<template id="theme-selector">
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<legend>Thème</legend>
<label>
<input type="radio" value="auto" name="chosen-color-scheme" checked> Auto
</label>
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<label>
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</label>
</fieldset>
</form>
</template>
</footer>
<script type="text/javascript">
function loadThemeForm(templateName) {
const themeSelectorTemplate = document.querySelector(templateName)
const form = themeSelectorTemplate.content.firstElementChild
themeSelectorTemplate.replaceWith(form)

form.addEventListener('change', (e) => {
const chosenColorScheme = e.target.value
localStorage.setItem('theme', chosenColorScheme)
toggleTheme(chosenColorScheme)
})

const selectedTheme = localStorage.getItem('theme')
if (selectedTheme && selectedTheme !== 'undefined') {
form.querySelector(`[value="${selectedTheme}"]`).checked = true
}
}

const prefersColorSchemeDark = '(prefers-color-scheme: dark)'
window.addEventListener('load', () => {
let hasDarkRules = false
for (const styleSheet of Array.from(document.styleSheets)) {
let mediaRules = []
for (const cssRule of styleSheet.cssRules) {
if (cssRule.type !== CSSRule.MEDIA_RULE) {
continue
}
// WARNING: Safari does not have/supports `conditionText`.
if (cssRule.conditionText) {
if (cssRule.conditionText !== prefersColorSchemeDark) {
continue
}
} else {
if (cssRule.cssText.startsWith(prefersColorSchemeDark)) {
continue
}
}
mediaRules = mediaRules.concat(Array.from(cssRule.cssRules))
}

// WARNING: do not try to insert a Rule to a styleSheet you are
// currently iterating on, otherwise the browser will be stuck
// in a infinite loop…
for (const mediaRule of mediaRules) {
styleSheet.insertRule(mediaRule.cssText)
hasDarkRules = true
}
}
if (hasDarkRules) {
loadThemeForm('#theme-selector')
}
})
</script>
</body>
</html>

+ 22
- 0
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title: La rose et le lotus
url: http://maiadereva.net/la-rose-et-le-lotus/
hash_url: 9a05c76807ac1090c1fbaa96acb9f933

Un bouton de rose n’en pouvait plus d’être lui-même. Il avait tout bonnement l’impression d’étouffer. Ça durait depuis tellement longtemps, qu’il ne se souvenait même plus depuis quand. N’y tenant plus, il se tourna vers le grand lotus fleuri non loin de lui et lui demanda :

* Comment as-tu fais pour fleurir ?
* Je ne sais pas, c’est advenu, il n’y a rien à faire…
* Oui mais par quelles étapes es-tu passé ?
* Que dire… J’ai passé beaucoup de temps assis à ne rien faire, et puis un jour, ça a eu lieu d’un seul coup, je me souviens même du jour où ça s’est produit.
* Tu veux dire qu’il n’y a rien à faire ?
* Non, rien du tout !
* Oui mais je souffre, je voudrais ne plus souffrir et être une belle fleur ouverte qui ne souffre plus comme toi ! Je dois mal m’y prendre ?
* Tu ne seras jamais comme moi, puisque tu es déjà toi-même. Une rose n’est pas un coquelicot ni un lotus. Ça se passe différemment pour chacun. Parfois la fleur s’ouvre en une seule nuit, parfois elle prend tout son temps, doucement, parfois même elle s’ouvre puis se referme, avant de s’ouvrir à nouveau.
* Ah… Alors je dois trouver ma propre façon de faire ?
* Non, il suffit juste de regarder ta propre façon d’être.
* C’est facile pour toi de dire ça, tu es né sur de l’eau lisse et claire. Moi j’ai dû me battre, regarde, j’ai même des épines pour me défendre.
* Que sais-tu de mon histoire ? Je suis né dans la vase, et j’ai mis longtemps à en sortir avant de fleurir.
* Oui mais, je ne comprends toujours pas… Pour t’ouvrir, il a bien fallu que tu étires tes pétales ?
* Non, mes pétales se sont ouverts seuls. Ma seule erreur pendant ce temps ça a été de croire que chaque fois que l’un d’entre eux s’entrouvrait, je croyais que j’allais mourir, du coup je souffrais beaucoup. Maintenant j’ai compris : bien sûr que je suis mort, puisque je ne suis plus un bouton. La mort est une illusion, tout autant que le petit bouton limité que tu crois être.
* Je dois me laisser mourir pour fleurir ?
* Tu ne dois rien du tout. Tu peux juste observer ce qui se passe à chaque instant et t’émerveiller de ce qui est en train de se produire. Tu n’as aucun moyen d’agir, tu peux juste faire confiance à la vie qui passe par toi et qui est en train d’éclore, sans porter de jugement sur ce qui se passe. Sens la pluie qui coule sur tes joues, sans te demander si c’est bien ou mal. Sens les contractions de tes pétales sans te dire qu’ils ne devraient pas se contracter. Sens ta peur de mourir, puisqu’elle est légitime : tu es en train de mourir à chaque instant. Aime tout cela, et tôt ou tard, tu fleuriras.

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@@ -0,0 +1,184 @@
<!doctype html><!-- This is a valid HTML5 document. -->
<!-- Screen readers, SEO, extensions and so on. -->
<html lang="fr">
<!-- Has to be within the first 1024 bytes, hence before the <title>
See: https://www.w3.org/TR/2012/CR-html5-20121217/document-metadata.html#charset -->
<meta charset="utf-8">
<!-- Why no `X-UA-Compatible` meta: https://stackoverflow.com/a/6771584 -->
<!-- The viewport meta is quite crowded and we are responsible for that.
See: https://codepen.io/tigt/post/meta-viewport-for-2015 -->
<meta name="viewport" content="width=device-width,initial-scale=1">
<!-- Required to make a valid HTML5 document. -->
<title>futur sans péremption (archive) — David Larlet</title>
<meta name="description" content="Publication mise en cache pour en conserver une trace.">
<!-- That good ol' feed, subscribe :). -->
<link rel="alternate" type="application/atom+xml" title="Feed" href="/david/log/">
<!-- Generated from https://realfavicongenerator.net/ such a mess. -->
<link rel="apple-touch-icon" sizes="180x180" href="/static/david/icons2/apple-touch-icon.png">
<link rel="icon" type="image/png" sizes="32x32" href="/static/david/icons2/favicon-32x32.png">
<link rel="icon" type="image/png" sizes="16x16" href="/static/david/icons2/favicon-16x16.png">
<link rel="manifest" href="/static/david/icons2/site.webmanifest">
<link rel="mask-icon" href="/static/david/icons2/safari-pinned-tab.svg" color="#07486c">
<link rel="shortcut icon" href="/static/david/icons2/favicon.ico">
<meta name="msapplication-TileColor" content="#f0f0ea">
<meta name="msapplication-config" content="/static/david/icons2/browserconfig.xml">
<meta name="theme-color" content="#f0f0ea">
<!-- Documented, feel free to shoot an email. -->
<link rel="stylesheet" href="/static/david/css/style_2020-06-19.css">
<!-- See https://www.zachleat.com/web/comprehensive-webfonts/ for the trade-off. -->
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t4_poly_regular.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: light), (prefers-color-scheme: no-preference)" crossorigin>
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t4_poly_bold.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: light), (prefers-color-scheme: no-preference)" crossorigin>
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t4_poly_italic.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: light), (prefers-color-scheme: no-preference)" crossorigin>
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t3_regular.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: dark)" crossorigin>
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t3_bold.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: dark)" crossorigin>
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t3_italic.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: dark)" crossorigin>
<script type="text/javascript">
function toggleTheme(themeName) {
document.documentElement.classList.toggle(
'forced-dark',
themeName === 'dark'
)
document.documentElement.classList.toggle(
'forced-light',
themeName === 'light'
)
}
const selectedTheme = localStorage.getItem('theme')
if (selectedTheme !== 'undefined') {
toggleTheme(selectedTheme)
}
</script>

<meta name="robots" content="noindex, nofollow">
<meta content="origin-when-cross-origin" name="referrer">
<!-- Canonical URL for SEO purposes -->
<link rel="canonical" href="https://www.la-grange.net/2020/07/18/futur">

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<article>
<header>
<h1>futur sans péremption</h1>
</header>
<nav>
<p class="center">
<a href="/david/" title="Aller à l’accueil">🏠</a> •
<a href="https://www.la-grange.net/2020/07/18/futur" title="Lien vers le contenu original">Source originale</a>
</p>
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<hr>
<main>
<figure>
<img src="https://www.la-grange.net/2020/07/11/8376-marche.jpg" alt="Marche en béton cassée"/>
<figcaption>Enoshima, Japon, 11 juillet 2020</figcaption>
</figure>

<blockquote>
<p>Strikes me that the important thing is to take that passion <em>as it is</em>, and channel it along the correct course.<br/>
March 15, 1928 — An anthology of Japanese Proletarian Literature - Kobayashi Takiji, urn:isbn:978-0-226-06837-4</p>
</blockquote>

<p>À l'aube de nos envies, nous redécouvrons les futurs incertains. Le présent est contraint et ingénieux, le futur est poétique et imaginaire. Les certitudes que nous posions dans nos calendriers sont devenues obsolètes en l'espace de quelques semaines. Et les déceptions que nous ressentions s'évanouissent car tout ce qui n'est pas impossible est à explorer dans notre immédiat quotidien. L'aventure est au pas de notre porte, car « l'aventure » ne peut plus se planifier. Au jour le jour offre l'émotion de nos premières fois.</p>

<p>Nous avons débarassé le futur de son sachet sous-vide. À nous les herbes folles, les coups de vent, les gouttes de pluie, les soleils mouillés, le parfum des peaux chaudes, les sourires intimes.</p>

<h2>sur le bord du chemin</h2>

<ul>
<li><a href="https://flaubert.univ-rouen.fr/ressources/education.php">Flaubert</a></li>
<li><a href="https://www.nytimes.com/2020/07/16/science/solar-orbiter-sun-images.html">Photo en gros plan de la surface du soleil</a></li>
<li><a href="https://pluralartmag.com/2020/07/18/finding-the-art-in-our-heartlands-heritage-buildings/">Peindre les lieux que l'on ne peut pas visiter</a>. Pour ma part, j'ai réalisé une mini-Grange en lego.</li>
</ul>

<p><img src="https://www.la-grange.net/2020/07/11/8366-grange.jpg" alt="Maison et arbre en lego"/></p>

<ul>
<li><a href="https://www.nytimes.com/2020/07/14/science/white-fluffy-ant-wasp.html">une guêpe poilue</a></li>
<li><a href="https://www.zettlr.com/">Zettlr</a> utilisé comme gestionnaire de fiches ala <a href="https://docs.zettlr.com/en/guides/guide-zettelkasten/">zettelkasten</a>. (merci Lionel)</li>
</ul>
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<a href="mailto:david%40larlet.fr" title="Envoyer un courriel">📮</a> •
<abbr title="Hébergeur : Alwaysdata, 62 rue Tiquetonne 75002 Paris, +33184162340">🧚</abbr>
</p>
<template id="theme-selector">
<form>
<fieldset>
<legend>Thème</legend>
<label>
<input type="radio" value="auto" name="chosen-color-scheme" checked> Auto
</label>
<label>
<input type="radio" value="dark" name="chosen-color-scheme"> Foncé
</label>
<label>
<input type="radio" value="light" name="chosen-color-scheme"> Clair
</label>
</fieldset>
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</template>
</footer>
<script type="text/javascript">
function loadThemeForm(templateName) {
const themeSelectorTemplate = document.querySelector(templateName)
const form = themeSelectorTemplate.content.firstElementChild
themeSelectorTemplate.replaceWith(form)

form.addEventListener('change', (e) => {
const chosenColorScheme = e.target.value
localStorage.setItem('theme', chosenColorScheme)
toggleTheme(chosenColorScheme)
})

const selectedTheme = localStorage.getItem('theme')
if (selectedTheme && selectedTheme !== 'undefined') {
form.querySelector(`[value="${selectedTheme}"]`).checked = true
}
}

const prefersColorSchemeDark = '(prefers-color-scheme: dark)'
window.addEventListener('load', () => {
let hasDarkRules = false
for (const styleSheet of Array.from(document.styleSheets)) {
let mediaRules = []
for (const cssRule of styleSheet.cssRules) {
if (cssRule.type !== CSSRule.MEDIA_RULE) {
continue
}
// WARNING: Safari does not have/supports `conditionText`.
if (cssRule.conditionText) {
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continue
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} else {
if (cssRule.cssText.startsWith(prefersColorSchemeDark)) {
continue
}
}
mediaRules = mediaRules.concat(Array.from(cssRule.cssRules))
}

// WARNING: do not try to insert a Rule to a styleSheet you are
// currently iterating on, otherwise the browser will be stuck
// in a infinite loop…
for (const mediaRule of mediaRules) {
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hasDarkRules = true
}
}
if (hasDarkRules) {
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}
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</body>
</html>

+ 26
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<figure>
<img src="https://www.la-grange.net/2020/07/11/8376-marche.jpg" alt="Marche en béton cassée"/>
<figcaption>Enoshima, Japon, 11 juillet 2020</figcaption>
</figure>
<blockquote>
<p>Strikes me that the important thing is to take that passion <em>as it is</em>, and channel it along the correct course.<br/>
March 15, 1928 — An anthology of Japanese Proletarian Literature - Kobayashi Takiji, urn:isbn:978-0-226-06837-4</p>
</blockquote>
<p>À l'aube de nos envies, nous redécouvrons les futurs incertains. Le présent est contraint et ingénieux, le futur est poétique et imaginaire. Les certitudes que nous posions dans nos calendriers sont devenues obsolètes en l'espace de quelques semaines. Et les déceptions que nous ressentions s'évanouissent car tout ce qui n'est pas impossible est à explorer dans notre immédiat quotidien. L'aventure est au pas de notre porte, car « l'aventure » ne peut plus se planifier. Au jour le jour offre l'émotion de nos premières fois.</p>
<p>Nous avons débarassé le futur de son sachet sous-vide. À nous les herbes folles, les coups de vent, les gouttes de pluie, les soleils mouillés, le parfum des peaux chaudes, les sourires intimes.</p>
<h2>sur le bord du chemin</h2>

<ul>
<li><a href="https://flaubert.univ-rouen.fr/ressources/education.php">Flaubert</a></li>
<li><a href="https://www.nytimes.com/2020/07/16/science/solar-orbiter-sun-images.html">Photo en gros plan de la surface du soleil</a></li>
<li><a href="https://pluralartmag.com/2020/07/18/finding-the-art-in-our-heartlands-heritage-buildings/">Peindre les lieux que l'on ne peut pas visiter</a>. Pour ma part, j'ai réalisé une mini-Grange en lego.</li>
</ul>
<p><img src="https://www.la-grange.net/2020/07/11/8366-grange.jpg" alt="Maison et arbre en lego"/></p>
<ul>
<li><a href="https://www.nytimes.com/2020/07/14/science/white-fluffy-ant-wasp.html">une guêpe poilue</a></li>
<li><a href="https://www.zettlr.com/">Zettlr</a> utilisé comme gestionnaire de fiches ala <a href="https://docs.zettlr.com/en/guides/guide-zettelkasten/">zettelkasten</a>. (merci Lionel)</li>
</ul>

+ 209
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<!doctype html><!-- This is a valid HTML5 document. -->
<!-- Screen readers, SEO, extensions and so on. -->
<html lang="fr">
<!-- Has to be within the first 1024 bytes, hence before the <title>
See: https://www.w3.org/TR/2012/CR-html5-20121217/document-metadata.html#charset -->
<meta charset="utf-8">
<!-- Why no `X-UA-Compatible` meta: https://stackoverflow.com/a/6771584 -->
<!-- The viewport meta is quite crowded and we are responsible for that.
See: https://codepen.io/tigt/post/meta-viewport-for-2015 -->
<meta name="viewport" content="width=device-width,initial-scale=1">
<!-- Required to make a valid HTML5 document. -->
<title>Missions, promesses, compromis - 2. Incertitude et indétermination (archive) — David Larlet</title>
<meta name="description" content="Publication mise en cache pour en conserver une trace.">
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<meta name="msapplication-config" content="/static/david/icons2/browserconfig.xml">
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<!-- Documented, feel free to shoot an email. -->
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<!-- See https://www.zachleat.com/web/comprehensive-webfonts/ for the trade-off. -->
<link rel="preload" href="/static/david/css/fonts/triplicate_t4_poly_regular.woff2" as="font" type="font/woff2" media="(prefers-color-scheme: light), (prefers-color-scheme: no-preference)" crossorigin>
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<article>
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<h1>Missions, promesses, compromis - 2. Incertitude et indétermination</h1>
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<hr>
<main>
<p>Après l’immense épreuve du <i>discrédit</i> qui commença dès le début du XXI<sup>e</sup> siècle, avant même que la conscience de la toxicité anthropique n’advint, quiconque veut aujourd’hui <i>véritablement</i> <i>faire face</i> à la nécessité de transformer cette désespérance en espoir, quiconque veut <i>transformer sa propre conviction</i> en véritable <i>possibilité de</i> <i>réalisation</i> d’un avenir prometteur au-delà de ce qui apparaît constituer un devenir catastrophique – et au-delà des simples postures diversement adoptées par les uns et les autres –, quiconque veut tout cela doit <i>avant tout questionner les conditions de la</i> <i>reconstitution d’un crédit</i>, après cette mécréance absolue.</p>

<p>Celle-ci est caractéristique du nihilisme qui se sera ainsi <i>accompli</i> cinquante ans plus tôt que Nietzsche l’avait prévu , qui se présente comme un âge maudit, corrompant le XXI<sup>e</sup> siècle comme par avance, et qui se sera généralisé à mesure que la réalité de l’ère Anthropocène s’avérait être <i>une accumulation de motifs de doutes</i> en tous domaines, sinon de contre-vérités– la certitude moderne s’<i>effondrant</i> ainsi littéralement. </p>

<p>Ce qu’il pouvait y avoir d’éminemment <i>incertain</i> dans cette ère suicidaire d’échelle planétaire appelée Anthropocène, que masquait jusqu’alors le dogme systématiquement entretenu par les institutions formant les processus de certification indispensables au monde industriel, et qui se seront finalement révélés calamiteux – l’école constituant en cela la naturalisation dogmatique primordiale de l’état de fait anthropique (la proposition de la <abbr title="Fédération des conseils de parents d’élèves">FCPE</abbr> de réinventer l’école comme école-logis prenant ici tout son sens) –, c’est ce que notre temps du XXI<sup>e</sup> siècle aura découvert comme discrédit d’abord à travers la crise financière de 2008. </p>

<p>On comprend à présent, et après coup, que cette crise n’était elle-même qu’un signe annonciateur d’une <i>vulnérabilité systémique</i> <i>beaucoup plus grave et beaucoup plus profonde</i>. De même, l’actuelle crise sanitaire n’est qu’un avertissement d’épreuves à venir bien pires, et qui adviendront <i>inévitablement</i> si rien ne devait changer dans « le monde d’après ».</p>

<p>Cette vulnérabilité, nous comprenons lentement mais inexorablement qu’elle aura été celle de ce qui se présentait comme des savoirs, mais dont il apparaît qu’ils auront été dénaturés, vermoulus et finalement épuisés au cours de la dernière décennie en étant dogmatisés comme automatismes, et ne pouvant plus supporter l’énorme poids du réel anthropique – c’est-à-dire exosomatique – écrasant l’humanité qui l’a produit, comme l’affirme Bergson lorsque, en 1932, il tente de <i>panser autrement</i> ce qu’il appelle la <i>« machine à faire des dieux »,</i> qui constitue ce que depuis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Vernadski">Vladimir Vernadski</a> on appelle la technosphère, qui a transformé de fond en comble la biosphère sans engendrer la noosphère à laquelle voulait croire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Teilhard_de_Chardin">Pierre Teilhard de Chardin</a>.</p>

<p>Que ces savoirs vermoulus soient d’autant moins capables de faire face à la situation hypercritique provoquée par la pandémie, c’est dont ce que l’on appelle désormais le <i>Lancetgate</i> aura été un cas particulièrement éloquent – sur lequel on reviendra pour finir.</p>

<h3>Une défiance irréversible ?</h3>

<p>Si les économistes – au moins les orthodoxes – sortirent de la crise de 2008 largement discrédités, sans qu’il en fut cependant tiré aucun enseignement significatif, ni par eux-mêmes, ni par les hétérodoxes, ni par les pouvoirs économiques et politiques, le <i>crédit discréditant</i> de la finance spéculative s’étant en conséquence très rapidement reconstitué, et même sophistiqué, à travers cette automatisation sans cesse plus efficiente (en attendant le Libra, l’euro-digital et autres automatisations <i>fiduciaires</i>), avec l’hypercrise de 2020, ce sont des scientifiques très imprudents, et, avec eux, la science toute entière, qui auront été discrédités par la crise sanitaire. </p>

<p>C’est ainsi que, tandis que les uns affirmaient qu’il fallait en toute certitude confiner, faute de quoi des millions de morts adviendraient, d’autres posaient tout au contraire et tout aussi certains d’eux-mêmes que ces mesures étaient démesurées, et qu’elles allaient entraîner une catastrophe économique bien plus grave que la crise sanitaire. C’est pourquoi lorsque le déconfinement eut lieu, en France et ailleurs, beaucoup parmi ceux qui assistèrent plus ou moins éberlués à ces polémiques se dire que finalement, il n’eût peut-être pas fallu confiner. À présent que la pandémie semble reprendre de la vigueur en Europe, tout en tuant beaucoup dans les Amériques, l’autre point de vue semble se renforcer à son tour.</p>

<p>Or personne ne saura <i>jamais</i> ce qui se serait passé s’il n’y avait eu aucun confinement, et cela, parce qu’il s’agit de l’incertain, qui surgit de manière indéterminée et indéterminable lorsque des systèmes dynamiques de divers types, liés entre eux à diverses échelles, franchissent plusieurs ordres de grandeur simultanément, et se mettent à interagir en fonction de facteurs non contrôlables par l’ordre à entropie basse (géo-graphiquement et géo-logiquement) ou à dimensions néguentropiques (bio-logiquement et socio-logiquement) qui assurait jusqu’alors la résilience de tels systèmes. </p>

<p>La cacophonie qui en résulta au point de devenir parfois littéralement grotesque et qui aura conduit les uns et les autres à monter sur la scène de ce théâtre shakespearien où s’impose la tyrannie du grand bouffon américain aura soudain frappé les esprits du monde entier d’une sidération telle que tout crédit devait s’en trouver définitivement ruiné dans un monde qui, fondé sur la certitude moderne, et fondant ainsi les processus de certifications, aura conduit à ce que tous certificats, y compris le baccalauréat 2020, s’en trouvent décisivement compromis – et objets en cela d’une défiance sans doute irréversible.</p>

<p> </p>

<h3>Quelles leçons tirer d’un tel état de fait ?</h3>

<p>Tirer une leçon suppose un sol sur lequel prendre appui. Or ce sol paraît s’effondrer. Le Collectif Internation soutient que cet effondrement procède d’un refoulement : celui des conséquences sur l’ensemble des savoirs de la physique thermodynamique issue de la révolution thermodynamique (industrielle) qu’aura été l’avènement de l’ère Anthropocène, et qui remettait en cause la certitude moderne et son déterminisme objectivant comme condition du crédit dans la société industrielle.</p>

<p>La modernité philosophique du sujet cartésien certain de lui-même devient la modernité de la physique mathématique avec Isaac Newton, qui en réalise l’unité théorique au XVIII<sup>e</sup> siècle en établissant le principe d’inertie et la loi de la gravitation. Comme l’observera <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ignace_Meyerson">Ignace Meyerson</a>, Emmanuel Kant élabore sa philosophie sur la base de cette théorie physique qu’il considère être pleinement accomplie. De fait, le succès de la physique newtonienne se traduira au cours du XIX<sup>e</sup> siècle par un processus colossal de modernisation, qui s’étendra au cours du XX<sup>e</sup> siècle à l’agriculture, et qui érigera le paradigme newtonien comme <i>modèle même de la démarche véritative</i>. C’est ainsi que s’établit, s’institutionnalise et s’organise économiquement <i>l’épistémologie de l’ère Anthropocène</i>.</p>

<p>C’est également sur cette base que se sera établi le projet éducatif des Lumières, qui sera réalisé en France par la III<sup>e</sup> République, et qui constitue <i>encore</i> le socle de l’ensemble du système académique – en particulier celui des cycles primaire, secondaire et supérieur de l’éducation nationale. Or ce socle devient mouvant. Et faute d’un sursaut qui semble impossible, l’institution scolaire ne pourra que s’y trouver engloutie. Il en va ainsi parce que les questions de l’indétermination et de l’incertitude ont été refoulées et occultées à un point tel qu’il n’est même pas question de l’entropie dans les programmes de l’enseignement secondaire. </p>

<p>Il est vrai que cette notion d’entropie est toujours un objet de controverses, et demeure difficile à appréhender. Cette appréhension et sa compréhension <i>s’imposent</i> cependant : notre avenir en dépend. Si la question de l’indétermination est bien théorisée et investiguée au sein des grands établissements scientifiques, ces théories tendent désormais à être réduites à des modèles informationnels, fondés sur des jeux de données, et elles sont si spécialisées et isolées qu’elles se trouvent incapables de prendre en charge les interactions trans-systémiques qui <i>démultiplient</i> l’indétermination.</p>

<p>Quant à l’institution scolaire, qui devait être avant tout la génération de capacités de projection d’un avenir et de fructification du passé formalisé de l’expérience humaine, elle aura déjà été gravement fragilisée dès la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec l’avènement des industries culturelles et de programmes délégitimant lentement mais sûrement les institutions de programmes académiques. Avec les technologies numériques réticulaires, l’institution académique est à présent littéralement désintégrée par la captation destructrice non seulement de l’attention des élèves, comme cela advient avec les médias audiovisuels privatisés, mais des rétentions que sont les traces (comme ce qui est retenu) générées sur les réseaux sociaux. </p>

<p>Les traces de vie individuelle que postent sur les réseaux la plupart des élèves constituent des rétentions « hypercontrôlées » en vue de générer automatiquement et mimétiquement des protentions (c’est-à-dire des attentes) entropiquement standardisées. L’institution scolaire s’en trouve mise en porte-à-faux sans cesse plus violemment, tout comme l’éducation familiale, qui est littéralement ruinée par le discrédit de la parentalité que provoquent smartphones et tablettes – ce discrédit frappant les adultes bien au-delà des <i>boomers</i>, devenus eux-mêmes grands-parents. Ainsi se désagrège la communauté des éducateurs en général. </p>

<p>Or ce discrédit s’est encore aggravé, subitement, sinon décisivement, à l’occasion de la pandémie et des polémiques stériles (parce qu’incapables de se transformer en controverse scientifique) qu’elle a suscitées de la part de protagonistes parlant au nom de la science, et pratiquant ce qui ne pouvait qu’apparaître constituer un théâtre du ridicule digne de Molière – où les bouffons ne sont plus seulement du côté du pouvoir, mais de ce qui devrait être du savoir, et qui, de ce fait, se présente comme <i>vanité</i>. Ce spectacle lamentable aura été la mise en scène d’un « dialogue de sourds », et cette surdité aura été celle d’un <i>refus</i> d’entendre la réalité insurmontable d’une incertitude qui est tout à la fois, d’une part, pratique et quotidienne, et, d’autre part, théorique et spéculative – au sens d’Alfred Whitehead accordait à ce qualificatif.</p>

<p> </p>

<h3>À l'épreuve de l'entropie</h3>

<p>Chez les êtres noétiques – que nous tentons de demeurer, cependant que tout est mis en œuvre pour faire de nous des crétins (le crétinisme n’est pas une insulte : c’est une maladie provoquée par une carence, et, de nos jours, <i>personne</i> n’y échappe) en déterminant nos comportements et « opinions » <i>via</i> des automatismes –, chez nous qui sommes des <i>exorganismes</i>, au sens où Lotka parle d’évolution <i>exosomatique</i> (et on parle donc ici d’<i>exorganismes</i> comme Jean-Baptiste Lamarck nommait <i>organismes</i> les êtres vivants constitués d’organes <i>endosomatiques</i>), chez ces êtres noétiques que nous <i>devons impérativement</i> être en tant que fruits de ce que Bergson appelle l’intelligence fabricatrice, car seule la noèse, qui est la pensée qui panse, peut nous sauver, dans ce « nous » que conditionne son artificialité, <i>l’incertitude est un problème quotidien</i>.</p>

<p>C’est cette incertitude que la modernité a prétendu pouvoir réduire, au point même de croire pouvoir l’éliminer. Or l’incertitude, qui est aussi la condition du rapport temporel comme anticipation d’un avenir, constituant ainsi ce que les Grecs appelaient l’<i>elpis</i>, attente du pire aussi bien que du meilleur, est ce qui nous constitue <i>d’abord</i> pour une raison précisément décrite dans <i>Les Deux Sources de la morale et de la religion</i> : Bergson y montre comment là où la <i>motricité endosomatique</i> de l’animal est sûre, et sûrement répétée, la <i>motricité exosomatique</i>, qui est fragile, facteur d’accidents, <i>sans cesse transformée</i> par l’exosomatisation, doit être en conséquence et constamment ré-apprise, re-consolidée – et encadrée par la loi, du permis de porter une arme au permis de conduire et au-delà, tout cela supposant des certifications.</p>

<p>Ce problème quotidien de l’incertitude ne devient une <i>question scientifique</i> qu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle – avec l’apparition de diverses échelles d’indétermination dans les systèmes dynamiques en physique et en mathématiques. L’incertitude est subjective, et l’indétermination est objective, là où le sujet moderne, source et socle de la certitude, fondait l’objet comme détermination en s’y opposant, c’est à dire en s’en distinguant radicalement, et comme sujet « transcendantal », dira Kant. Tout cet édifice tombe en ruine dès lors qu’il n’est plus possible de <i>déterminer</i> l’objet – son indétermination <i>affectant</i> le sujet de ce fait, ce sujet et cet objet ne pouvant plus être simplement séparés et opposés, et cela d’autant moins que l’indétermination a directement partie liée à l’entropie. </p>

<p>L’in-quiétude que génère l’in-détermination lui confère une dimension qui n’est plus universelle au sens de Newton, mais cosmique au sens où toute cosmologie comporte en elle une dimension qui dépasse toute séparation entre sujet et objet. C’est en les séparant que la physique moderne conduira à la liquidation de la cosmologie au sens strict – c’est-à-dire au sens où elle établit une <i>diversité primordiale</i> de lieux, <i>topoi</i>, et donc d’échelles. C’est parce qu’elle fait réapparaître de telles localités que la théorie de l’entropie négative avancée par Erwin Schrödinger rouvre la question de ce que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jakob_von_Uexk%C3%BCll">Jacob von Uexküll</a> appelait des mondes – c’est-à-dire des microcosmes inscrits dans ce macrocosme qu’est la biosphère au sein du cosmos.</p>

<p>Les nouvelles questions apportées par l’incertitude et l’indétermination – qui entrent en science physique avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Boltzmann">Ludwig Boltzmann</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Willard_Gibbs">Willard Gibbs</a> comme physique statistique, et en mathématiques avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Poincar%C3%A9">Henri Poincaré</a> – sont aussi à la source de la pensée de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Norbert_Wiener">Norbert Wiener</a> et de ses considérations sur l’entropie et sur ce qu’il appelle l’anti-entropie, qu’il lie à la localité de systèmes dynamiques organisés. Ces nouvelles questions seront venues au cœur de toute biologie scientifique quelques années plus tôt, dès lors que l’indétermination aura été posée comme corrélat de ce que Schrödinger décrira donc comme entropie négative – désignant ainsi la capacité locale et temporaire qu’a le vivant de différer la dissipation irréversible de l’énergie, c’est-à-dire la croissance de l’entropie orientée vers le désordre physique et la désorganisation biologique.</p>
</main>
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<p>Après l’immense épreuve du <i>discrédit</i> qui commença dès le début du XXI<sup>e</sup> siècle, avant même que la conscience de la toxicité anthropique n’advint, quiconque veut aujourd’hui <i>véritablement</i> <i>faire face</i> à la nécessité de transformer cette désespérance en espoir, quiconque veut <i>transformer sa propre conviction</i> en véritable <i>possibilité de</i> <i>réalisation</i> d’un avenir prometteur au-delà de ce qui apparaît constituer un devenir catastrophique – et au-delà des simples postures diversement adoptées par les uns et les autres –, quiconque veut tout cela doit <i>avant tout questionner les conditions de la</i> <i>reconstitution d’un crédit</i>, après cette mécréance absolue.</p><p>Celle-ci est caractéristique du nihilisme qui se sera ainsi <i>accompli</i> cinquante ans plus tôt que Nietzsche l’avait prévu , qui se présente comme un âge maudit, corrompant le XXI<sup>e</sup> siècle comme par avance, et qui se sera généralisé à mesure que la réalité de l’ère Anthropocène s’avérait être <i>une accumulation de motifs de doutes</i> en tous domaines, sinon de contre-vérités– la certitude moderne s’<i>effondrant</i> ainsi littéralement. </p><p>Ce qu’il pouvait y avoir d’éminemment <i>incertain</i> dans cette ère suicidaire d’échelle planétaire appelée Anthropocène, que masquait jusqu’alors le dogme systématiquement entretenu par les institutions formant les processus de certification indispensables au monde industriel, et qui se seront finalement révélés calamiteux – l’école constituant en cela la naturalisation dogmatique primordiale de l’état de fait anthropique (la proposition de la <abbr title="Fédération des conseils de parents d’élèves">FCPE</abbr> de réinventer l’école comme école-logis prenant ici tout son sens) –, c’est ce que notre temps du XXI<sup>e</sup> siècle aura découvert comme discrédit d’abord à travers la crise financière de 2008. </p>
<p>On comprend à présent, et après coup, que cette crise n’était elle-même qu’un signe annonciateur d’une <i>vulnérabilité systémique</i> <i>beaucoup plus grave et beaucoup plus profonde</i>. De même, l’actuelle crise sanitaire n’est qu’un avertissement d’épreuves à venir bien pires, et qui adviendront <i>inévitablement</i> si rien ne devait changer dans « le monde d’après ».</p><p>Cette vulnérabilité, nous comprenons lentement mais inexorablement qu’elle aura été celle de ce qui se présentait comme des savoirs, mais dont il apparaît qu’ils auront été dénaturés, vermoulus et finalement épuisés au cours de la dernière décennie en étant dogmatisés comme automatismes, et ne pouvant plus supporter l’énorme poids du réel anthropique – c’est-à-dire exosomatique – écrasant l’humanité qui l’a produit, comme l’affirme Bergson lorsque, en 1932, il tente de <i>panser autrement</i> ce qu’il appelle la <i>« machine à faire des dieux »,</i> qui constitue ce que depuis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Vernadski">Vladimir Vernadski</a> on appelle la technosphère, qui a transformé de fond en comble la biosphère sans engendrer la noosphère à laquelle voulait croire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Teilhard_de_Chardin">Pierre Teilhard de Chardin</a>.</p><p>Que ces savoirs vermoulus soient d’autant moins capables de faire face à la situation hypercritique provoquée par la pandémie, c’est dont ce que l’on appelle désormais le <i>Lancetgate</i> aura été un cas particulièrement éloquent – sur lequel on reviendra pour finir.</p>
<h3>Une défiance irréversible ?</h3>
<p>Si les économistes – au moins les orthodoxes – sortirent de la crise de 2008 largement discrédités, sans qu’il en fut cependant tiré aucun enseignement significatif, ni par eux-mêmes, ni par les hétérodoxes, ni par les pouvoirs économiques et politiques, le <i>crédit discréditant</i> de la finance spéculative s’étant en conséquence très rapidement reconstitué, et même sophistiqué, à travers cette automatisation sans cesse plus efficiente (en attendant le Libra, l’euro-digital et autres automatisations <i>fiduciaires</i>), avec l’hypercrise de 2020, ce sont des scientifiques très imprudents, et, avec eux, la science toute entière, qui auront été discrédités par la crise sanitaire. </p><p>C’est ainsi que, tandis que les uns affirmaient qu’il fallait en toute certitude confiner, faute de quoi des millions de morts adviendraient, d’autres posaient tout au contraire et tout aussi certains d’eux-mêmes que ces mesures étaient démesurées, et qu’elles allaient entraîner une catastrophe économique bien plus grave que la crise sanitaire. C’est pourquoi lorsque le déconfinement eut lieu, en France et ailleurs, beaucoup parmi ceux qui assistèrent plus ou moins éberlués à ces polémiques se dire que finalement, il n’eût peut-être pas fallu confiner. À présent que la pandémie semble reprendre de la vigueur en Europe, tout en tuant beaucoup dans les Amériques, l’autre point de vue semble se renforcer à son tour.</p><p>Or personne ne saura <i>jamais</i> ce qui se serait passé s’il n’y avait eu aucun confinement, et cela, parce qu’il s’agit de l’incertain, qui surgit de manière indéterminée et indéterminable lorsque des systèmes dynamiques de divers types, liés entre eux à diverses échelles, franchissent plusieurs ordres de grandeur simultanément, et se mettent à interagir en fonction de facteurs non contrôlables par l’ordre à entropie basse (géo-graphiquement et géo-logiquement) ou à dimensions néguentropiques (bio-logiquement et socio-logiquement) qui assurait jusqu’alors la résilience de tels systèmes. </p><p>La cacophonie qui en résulta au point de devenir parfois littéralement grotesque et qui aura conduit les uns et les autres à monter sur la scène de ce théâtre shakespearien où s’impose la tyrannie du grand bouffon américain aura soudain frappé les esprits du monde entier d’une sidération telle que tout crédit devait s’en trouver définitivement ruiné dans un monde qui, fondé sur la certitude moderne, et fondant ainsi les processus de certifications, aura conduit à ce que tous certificats, y compris le baccalauréat 2020, s’en trouvent décisivement compromis – et objets en cela d’une défiance sans doute irréversible.</p><p> </p>
<h3>Quelles leçons tirer d’un tel état de fait ?</h3>
<p>Tirer une leçon suppose un sol sur lequel prendre appui. Or ce sol paraît s’effondrer. Le Collectif Internation soutient que cet effondrement procède d’un refoulement : celui des conséquences sur l’ensemble des savoirs de la physique thermodynamique issue de la révolution thermodynamique (industrielle) qu’aura été l’avènement de l’ère Anthropocène, et qui remettait en cause la certitude moderne et son déterminisme objectivant comme condition du crédit dans la société industrielle.</p><p>La modernité philosophique du sujet cartésien certain de lui-même devient la modernité de la physique mathématique avec Isaac Newton, qui en réalise l’unité théorique au XVIII<sup>e</sup> siècle en établissant le principe d’inertie et la loi de la gravitation. Comme l’observera <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ignace_Meyerson">Ignace Meyerson</a>, Emmanuel Kant élabore sa philosophie sur la base de cette théorie physique qu’il considère être pleinement accomplie. De fait, le succès de la physique newtonienne se traduira au cours du XIX<sup>e</sup> siècle par un processus colossal de modernisation, qui s’étendra au cours du XX<sup>e</sup> siècle à l’agriculture, et qui érigera le paradigme newtonien comme <i>modèle même de la démarche véritative</i>. C’est ainsi que s’établit, s’institutionnalise et s’organise économiquement <i>l’épistémologie de l’ère Anthropocène</i>.</p><p>C’est également sur cette base que se sera établi le projet éducatif des Lumières, qui sera réalisé en France par la III<sup>e</sup> République, et qui constitue <i>encore</i> le socle de l’ensemble du système académique – en particulier celui des cycles primaire, secondaire et supérieur de l’éducation nationale. Or ce socle devient mouvant. Et faute d’un sursaut qui semble impossible, l’institution scolaire ne pourra que s’y trouver engloutie. Il en va ainsi parce que les questions de l’indétermination et de l’incertitude ont été refoulées et occultées à un point tel qu’il n’est même pas question de l’entropie dans les programmes de l’enseignement secondaire. </p><p>Il est vrai que cette notion d’entropie est toujours un objet de controverses, et demeure difficile à appréhender. Cette appréhension et sa compréhension <i>s’imposent</i> cependant : notre avenir en dépend. Si la question de l’indétermination est bien théorisée et investiguée au sein des grands établissements scientifiques, ces théories tendent désormais à être réduites à des modèles informationnels, fondés sur des jeux de données, et elles sont si spécialisées et isolées qu’elles se trouvent incapables de prendre en charge les interactions trans-systémiques qui <i>démultiplient</i> l’indétermination.</p>
<p>Quant à l’institution scolaire, qui devait être avant tout la génération de capacités de projection d’un avenir et de fructification du passé formalisé de l’expérience humaine, elle aura déjà été gravement fragilisée dès la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec l’avènement des industries culturelles et de programmes délégitimant lentement mais sûrement les institutions de programmes académiques. Avec les technologies numériques réticulaires, l’institution académique est à présent littéralement désintégrée par la captation destructrice non seulement de l’attention des élèves, comme cela advient avec les médias audiovisuels privatisés, mais des rétentions que sont les traces (comme ce qui est retenu) générées sur les réseaux sociaux. </p><p>Les traces de vie individuelle que postent sur les réseaux la plupart des élèves constituent des rétentions « hypercontrôlées » en vue de générer automatiquement et mimétiquement des protentions (c’est-à-dire des attentes) entropiquement standardisées. L’institution scolaire s’en trouve mise en porte-à-faux sans cesse plus violemment, tout comme l’éducation familiale, qui est littéralement ruinée par le discrédit de la parentalité que provoquent smartphones et tablettes – ce discrédit frappant les adultes bien au-delà des <i>boomers</i>, devenus eux-mêmes grands-parents. Ainsi se désagrège la communauté des éducateurs en général. </p><p>Or ce discrédit s’est encore aggravé, subitement, sinon décisivement, à l’occasion de la pandémie et des polémiques stériles (parce qu’incapables de se transformer en controverse scientifique) qu’elle a suscitées de la part de protagonistes parlant au nom de la science, et pratiquant ce qui ne pouvait qu’apparaître constituer un théâtre du ridicule digne de Molière – où les bouffons ne sont plus seulement du côté du pouvoir, mais de ce qui devrait être du savoir, et qui, de ce fait, se présente comme <i>vanité</i>. Ce spectacle lamentable aura été la mise en scène d’un « dialogue de sourds », et cette surdité aura été celle d’un <i>refus</i> d’entendre la réalité insurmontable d’une incertitude qui est tout à la fois, d’une part, pratique et quotidienne, et, d’autre part, théorique et spéculative – au sens d’Alfred Whitehead accordait à ce qualificatif.</p><p> </p>
<h3>À l'épreuve de l'entropie</h3><p>Chez les êtres noétiques – que nous tentons de demeurer, cependant que tout est mis en œuvre pour faire de nous des crétins (le crétinisme n’est pas une insulte : c’est une maladie provoquée par une carence, et, de nos jours, <i>personne</i> n’y échappe) en déterminant nos comportements et « opinions » <i>via</i> des automatismes –, chez nous qui sommes des <i>exorganismes</i>, au sens où Lotka parle d’évolution <i>exosomatique</i> (et on parle donc ici d’<i>exorganismes</i> comme Jean-Baptiste Lamarck nommait <i>organismes</i> les êtres vivants constitués d’organes <i>endosomatiques</i>), chez ces êtres noétiques que nous <i>devons impérativement</i> être en tant que fruits de ce que Bergson appelle l’intelligence fabricatrice, car seule la noèse, qui est la pensée qui panse, peut nous sauver, dans ce « nous » que conditionne son artificialité, <i>l’incertitude est un problème quotidien</i>.</p><p>C’est cette incertitude que la modernité a prétendu pouvoir réduire, au point même de croire pouvoir l’éliminer. Or l’incertitude, qui est aussi la condition du rapport temporel comme anticipation d’un avenir, constituant ainsi ce que les Grecs appelaient l’<i>elpis</i>, attente du pire aussi bien que du meilleur, est ce qui nous constitue <i>d’abord</i> pour une raison précisément décrite dans <i>Les Deux Sources de la morale et de la religion</i> : Bergson y montre comment là où la <i>motricité endosomatique</i> de l’animal est sûre, et sûrement répétée, la <i>motricité exosomatique</i>, qui est fragile, facteur d’accidents, <i>sans cesse transformée</i> par l’exosomatisation, doit être en conséquence et constamment ré-apprise, re-consolidée – et encadrée par la loi, du permis de porter une arme au permis de conduire et au-delà, tout cela supposant des certifications.</p>
<p>Ce problème quotidien de l’incertitude ne devient une <i>question scientifique</i> qu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle – avec l’apparition de diverses échelles d’indétermination dans les systèmes dynamiques en physique et en mathématiques. L’incertitude est subjective, et l’indétermination est objective, là où le sujet moderne, source et socle de la certitude, fondait l’objet comme détermination en s’y opposant, c’est à dire en s’en distinguant radicalement, et comme sujet « transcendantal », dira Kant. Tout cet édifice tombe en ruine dès lors qu’il n’est plus possible de <i>déterminer</i> l’objet – son indétermination <i>affectant</i> le sujet de ce fait, ce sujet et cet objet ne pouvant plus être simplement séparés et opposés, et cela d’autant moins que l’indétermination a directement partie liée à l’entropie. </p><p>L’in-quiétude que génère l’in-détermination lui confère une dimension qui n’est plus universelle au sens de Newton, mais cosmique au sens où toute cosmologie comporte en elle une dimension qui dépasse toute séparation entre sujet et objet. C’est en les séparant que la physique moderne conduira à la liquidation de la cosmologie au sens strict – c’est-à-dire au sens où elle établit une <i>diversité primordiale</i> de lieux, <i>topoi</i>, et donc d’échelles. C’est parce qu’elle fait réapparaître de telles localités que la théorie de l’entropie négative avancée par Erwin Schrödinger rouvre la question de ce que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jakob_von_Uexk%C3%BCll">Jacob von Uexküll</a> appelait des mondes – c’est-à-dire des microcosmes inscrits dans ce macrocosme qu’est la biosphère au sein du cosmos.</p><p>Les nouvelles questions apportées par l’incertitude et l’indétermination – qui entrent en science physique avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Boltzmann">Ludwig Boltzmann</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Willard_Gibbs">Willard Gibbs</a> comme physique statistique, et en mathématiques avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Poincar%C3%A9">Henri Poincaré</a> – sont aussi à la source de la pensée de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Norbert_Wiener">Norbert Wiener</a> et de ses considérations sur l’entropie et sur ce qu’il appelle l’anti-entropie, qu’il lie à la localité de systèmes dynamiques organisés. Ces nouvelles questions seront venues au cœur de toute biologie scientifique quelques années plus tôt, dès lors que l’indétermination aura été posée comme corrélat de ce que Schrödinger décrira donc comme entropie négative – désignant ainsi la capacité locale et temporaire qu’a le vivant de différer la dissipation irréversible de l’énergie, c’est-à-dire la croissance de l’entropie orientée vers le désordre physique et la désorganisation biologique.</p>

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<title>La question Facebook. Sysiphe is Scrolling. (archive) — David Larlet</title>
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<article>
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<h1>La question Facebook. Sysiphe is Scrolling.</h1>
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</p>
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<hr>
<main>
<p>Souvenez-vous. Nous étions en 2016. Quelques mois avant l'élection de Donal Trump. Lors d'un sondage interne dans lequel les employés de Facebook votent pour les questions à poser au PDG, l'une d'entre elles revenait avec insistance : </p>

<blockquote>
<p>"<em>Quelle est la responsabilité que Facebook peut prendre pour empêcher Donald Trump de devenir président des Etats-Unis en 2017 ?</em>"</p>
</blockquote>

<p>Je vous avais raconté cette histoire dans mon article titré "<a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2016/04/construire-une-nation-comme-un-fichier-client.html" rel="noopener" target="_blank">Construire une nation comme un fichier client</a>". </p>

<h2>La question Facebook et/ou le problème Trump.</h2>

<p>Nous sommes en Août 2020, à quelques mois de la prochaine élection présidentielle américaine qui se tiendra en Novembre. Et les employés de Facebook sont en train de poser à Zuckerberg la question de savoir ce que ferait l'entreprise si Donald Trump utilisait le réseau social pour saper les résultats de l'élection présidentielle américaine. Ce qu'il (Donald Trump) a déjà commencé à faire, notamment en expliquant partout que le vote par correspondance (du fait de la situation de pandémie du Coronavirus) rendait l'élection inique et en laissant même planer le doute sur le fait qu'il accepterait la victoire de Joe Biden si elle devait advenir dans ce contexte (pour une <a href="https://www.slate.fr/story/193560/trump-saboter-election-presidentielle-etats-unis-2020-vote-par-correspondance" rel="noopener" target="_blank">vue d'ensemble des stratégies de Trump pour discréditer le vote par correspondance et dont les posts sur les réseaux sociaux ne sont que l'aspect émergé, voir cet article sur Slate</a>). Une position (sur le vote par correspondance) qui lui valut (entre autres) <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/06/charme-bourgeoisie-numerique.html" rel="noopener" target="_blank">la "censure" de Twitter</a>, laquelle censure l'amena (Donald Trump toujours) a rédiger le fameux "décret" pour obliger les plateformes à respecter <span>la</span> sa liberté d'expression et entraver leurs procédures (pourtant très laxistes et approximatives) de modération.  </p>

<p>De manière plus précise, <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/craigsilverman/facebook-zuckerberg-what-if-trump-disputes-election-results?origin=tuh" rel="noopener" target="_blank">la réflexion exacte des employés de Facebook soumise à leur PDG est la suivante</a> : </p>

<blockquote>
<p><em>"Nous faisons face à un scénario problématique dans lequel Facebook va être utilisé pour saper agressivement la légitimité des élections américaines, d'une manière qui n'avait jusque là jamais été possible dans l'histoire" </em></p>
<p><em>("I do think we’re headed for a problematic scenario where Facebook is going to be used to aggressively undermine the legitimacy of the US elections, in a way that has never been possible in history")</em></p>
</blockquote>

<p>Il semble donc qu'entre 2016 et 2020 rien n'ait finalement beaucoup changé.</p>

<blockquote>
<p><em>2016 : que peut faire Facebook pour empêcher Donal Trump ... de devenir président ?</em></p>
<p><em>2020 : que peut faire Facebook pour empêcher Donald Trump ... de saper la légitimité d'une élection démocratique ? </em></p>
</blockquote>

<p>Une question d'autant plus d'actualité que Facebook vient de son côté, comme à chaque élection présidentielle, de lancer son "<a href="https://about.fb.com/news/2020/08/launching-voting-information-center/" rel="noopener" target="_blank">Facebook Voting Information (sic) Center</a>". Une campagne "d'affichage" déployée massivement sur Facebook, Instagram et Messenger avec pour but de rappeler aux américains non-inscrits sur les listes électorales d'aller le faire. Comme <a href="https://www.facebook.com/zuck/videos/10112184244488171" rel="noopener" target="_blank">l'explique le boss</a> : </p>

<blockquote>
<p>"<em>The Voting Information Center is part of our larger goal to help 4 million Americans register to vote this year. Almost 40% of eligible voters aren't registered yet, so please, register to vote!</em>"</p>
</blockquote>

<p>A chaque élection et à chaque réactivation des sollicitations de Facebook pour inciter les gens à aller voter (ou à s'inscrire sur les listes électorales), j'ai toujours en tête ce qui s'était passé en 2010, aux USA, lors des élections de mi-mandat (mid-terms) et qui avait démontré la capacité de Facebook à altérer la sincérité du scrutin "simplement" en appelant à aller voter et en indiquant qui de vos amis y était effectivement allé (voir le <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2019/04/global-public-ads-archive.html" rel="noopener" target="_blank">passage "Il était une fois aux états-unis" dans cet article</a>). Et si vous êtes en train de vous dire qu'il l'a fait "<em>pour de bonnes raisons</em>", c'est à dire "<em>juste</em>" pour convaincre des électeurs d'aller voter, n'oubliez jamais qu'en 2020 personne d'autre que Facebook - et encore ... - n'est en capacité de montrer ou de démontrer que ces "<em>bonnes raisons</em>" ne peuvent pas être instrumentalisées pour mobiliser de manière asymétrique ce qui représente pour vous et vos propres convictions le "<em>mauvais</em>" corps électoral. <strong>L'important ce n'est pas l'atterrissage, c'est la dynamique de la chute</strong>.</p>

<p>Je ne vous cache pas que je n'ai donc aucune hâte de prendre connaissance de la question qui pourrait être posée en 2024. Et qui pourrait ressembler à ceci : </p>

<blockquote>
<p><em>2024 : que peut-on faire pour empêcher Facebook de saper la légitimité d'une élection démocratique ? </em></p>
</blockquote>

<p>Quant à 2028, je vous soumets l'hypothèse (<a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2017/01/zuckerberg-president-united-states.html" rel="noopener" target="_blank">déjà tentée</a>) d'un : </p>

<blockquote>
<p><em>2028 : que peut-on faire pour empêcher Mark Zuckerberg de devenir président grâce à Facebook en sapant la légitimité d'une élection démocratique ? #combo</em></p>
</blockquote>

<p>Mais revenons à la question de 2020. Question posée alors même que durant ces quatre dernières années, le rôle toxique de Facebook n'a cessé d'être démontré, à la fois en tant que plateforme dans sa fonction première de polarisation de l'opinion, mais également en tant qu'intermédiaire, partenaire ou (parfois) cible de courtiers de données comme dans le cadre de l'affaire Cambridge Analytica.</p>

<p>Cambridge Analytica qui n'a d'ailleurs rien changé sinon son nom : l'entreprise s'appelle désormais <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Data_Propria" rel="noopener" target="_blank">Data Propria</a>, navigue dans les mêmes réseaux, emploie peu ou prou les mêmes personnes (moins bien sûr Christopher Wylie, le lanceur d'alerte qui a permis au scandale d'éclater), utilise les mêmes techniques, et poursuit les mêmes buts au service des mêmes intérêts et des mêmes lobbies.</p>

<p>Un peu comme si l'inertie déterministe d'une économie capitaliste pourtant depuis plus de 10 ans à son optimum de démence, empêchait toute modification structurelle de nos mécanismes de défense démocratique collective, anesthésiés et attendant d'être euthanasiés.</p>

<p>Il est plusieurs moyens de "<em>saper les bases d'une élection</em>". Le principal (en démocratie en tout cas) est de mettre en place et/ou de coordonner des stratégies de désinformation pour amener la partie de l'opinion que l'on vise (les minorités, les indécis, les femmes, les cadres, les classes moyennes, etc.) à choisir un comportement de vote qui satisfasse nos intérêts, ou pour organiser une forme de chaos mental et social qui permettra de faire émerger ou de renforcer l'image d'un leader ou d'un programme y répondant opportunément.</p>

<p>Or les rares frappes chirurgicales opérées par Facebook dans sa "guerre" contre la désinformation (la dernière en date étant celle du <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/07/facebook-demantele-un-reseau-roumain-de-faux-comptes-americains-pro-trump_6048380_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">démantèlement de ces 120 faux-comptes d'un réseau roumain oeuvrant pour les républicains</a>, ou celle des pages du réseau de "<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/01/jusqu-au-bout-mark-zuckerberg-a-resiste-a-la-tentation-de-policer-le-contenu-de-son-reseau_6044811_3234.html" rel="noopener" target="_blank">libertariens néonazis Boogaloo</a>"), ces rares frappes chirurgicales et la rapidité avec laquelle la firme les rend à chaque fois publiques, sont bien davantage une stratégie de communication délétère pour atténuer les dégâts portés à l'image publique de l'entreprise, qu'une tactique militaire sincère visant à nettoyer le réseau de ses ramifications les plus anti-démocratiques. Comme l'explique justement <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/01/jusqu-au-bout-mark-zuckerberg-a-resiste-a-la-tentation-de-policer-le-contenu-de-son-reseau_6044811_3234.html" rel="noopener" target="_blank">Philippe Escande dans Le Monde</a> : </p>

<blockquote>
<p>"<em>Le problème est que son attitude actuelle et les dommages causés à sa réputation sont en train de compromettre son ambition future, celle d’une plate-forme universelle que l’on utilisera pour communiquer et s’informer, mais aussi pour faire ses courses, payer ses achats ou appeler un taxi, à l’image du réseau chinois WeChat qui permet déjà tout cela. Pour enfermer le client dans un univers, il faut soigner son image auprès des utilisateurs comme auprès des politiques. Amazon en sait quelque chose, Facebook est train de l’apprendre.</em>"</p>
</blockquote>

<p>De fait, si le recours à "l'intelligence artificielle" semble s'intensifier pour, par exemple, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/12/facebook-ajoute-les-blackfaces-et-des-stereotypes-antisemites-a-ses-contenus-explicitement-interdits_6048789_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">supprimer les Blackfaces</a> (là encore sous la pression de l'opinion, ici en lien avec le mouvement Black Lives Matter, mais également - et c'est plus inédit - <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/29/haine-en-ligne-le-boycottage-d-annonceurs-oblige-facebook-a-flechir_6044532_3234.html" rel="noopener" target="_blank">sous la pression d'annonceurs publicitaires soucieux de leur propre image au sein de la plateforme</a>), les porte-parole de la firme eux-mêmes indiquent qu'il est également certains Blackfaces dont le "contexte" de publication <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/12/facebook-ajoute-les-blackfaces-et-des-stereotypes-antisemites-a-ses-contenus-explicitement-interdits_6048789_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">ne nécessitera pas leur suppression automatique</a> : </p>

<blockquote>
<p>"<em>On peut également imaginer qu’il pourrait y avoir d’autres circonstances dans lesquelles quelqu’un pourrait partager des images avec un</em> blackface<em>, sans que ce soit fait pour des raisons haineuses."</em></p>
</blockquote>

<p>Mais lutter contre les contenus haineux et lutter contre la désinformation sont deux choses différentes. Et la <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/facebook-s-appuie-sur-l-ia-pour-ameliorer-la-moderation-de-ses-contenus-39908047.htm" rel="noopener" target="_blank">doctrine solutionniste consistant à miser principalement sur "l'intelligence artificielle" pour y parvenir</a>, déjà prise régulièrement en défaut - ou en excès de zèle - sur des questions de racisme pourtant souvent essentiellement explicites, est à peu près totalement dépourvue d'intelligence contextuelle sur les enjeux de désinformation relevant nécessairement d'un implicite, et donc souvent inopérante.</p>

<p>D'autant que Zuckerberg continue de faire semblant de n'y rien comprendre et de maintenir comme "partenaire presse" (donc avec une exposition et un onglet dédié) des sites comme Breitbart News, plusieurs fois éditeurs de vidéos complotistes ou de désinformation, et reconnus comme tels mais qui n'ont jamais reçu deux "strike" (signalement massif) à moins de 90 jours d'intervalle et qui peuvent donc, selon les CGU de la plateforme, continuer de jouir de leur profil de "partenaire presse sérieux" ("trusted source") et de l'exposition idoine : </p>

<blockquote>
<p>"<em>This was certainly one strike against them for misinformation, but they don't have others in the last 90 days,"</em> <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/craigsilverman/facebook-zuckerberg-what-if-trump-disputes-election-results?origin=tuh" rel="noopener" target="_blank">Zuckerberg said</a>. "<em>So by the policies that we have, which by the way I think are generally pretty reasonable on this, it doesn't make sense to remove them."</em></p>
</blockquote>

<p>En termes de désinformation ou de lutte contre la haine, la modération sur Facebook c'est Sisyphe expliquant à Procuste comment il doit vider le tonneau des Danaïdes avant de le faire rouler en haut de la montagne. Ou pour le dire moins mythologiquement : c'est perdu d'avance. </p>

<h2>Enfants immunisés et fin de l'immunité algorithmique.</h2>

<p>Comme une première mondiale dans l'histoire de la modération depuis que la plateforme existe, le 5 août 2020, et peut-être en écho à la dernière question posée par ses employés, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/fake-news-desinformation-sur-le-covid-19-trump-censure-par-facebook-et-twitter" rel="noopener" target="_blank">Facebook s'est décidé à censurer une publication du président américain</a>. Publication concernant le fait que les enfants seraient "<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/06/facebook-retire-une-video-de-trump-jugee-mensongere-sur-la-pandemie-de-covid-19_6048249_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">presque totalement immunisés</a>" contre le coronavirus et que cela permettrait donc à toutes les écoles d'ouvrir normalement. En censurant cette publication, Facebook rompt l'immunité algorithmique jusqu'ici dévolue au président américain (<a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2019/09/on-ne-peut-pas-moderer-moderement.html" rel="noopener" target="_blank">mais aussi à l'ensemble des hommes et femmes politiques</a>).</p>

<p>Motif officiel donc : </p>

<blockquote>
<p>"<em>Cette vidéo inclut des fausses affirmations, selon lesquelles un certain groupe de personnes ne sont pas susceptibles d’attraper le Covid-19, ce qui enfreint notre règlement sur la désinformation dangereuse autour de la maladie.</em>" (source <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/06/facebook-retire-une-video-de-trump-jugee-mensongere-sur-la-pandemie-de-covid-19_6048249_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">Le Monde / AFP</a>)</p>
</blockquote>

<p>Pour rappel, la doctrine de Facebook en termes de modération était jusque là parfaitement stable et n'évoluait que sous l'effet d'une pression de l'opinion trop forte pour ne pas avoir des conséquences négatives sur l'image de l'entreprise (et si "<em>la vie privée est une affaire de négociation collective</em>" <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/630" rel="noopener" target="_blank">comme l'explique Antonio Casilli</a> depuis longtemps, la légitimité des prises de parole de personnalités publiques dans un réseau privé l'est également comme cette affaire va, en partie, le démontrer).</p>

<p><em> Cette doctrine</em> c'est celle qui consiste à sous-traiter économiquement dans des conditions humaines absolument indignes des processus de modération pourtant fondamentaux et qui du fait de leur extrême dureté psychologique devraient garantir aux travailleurs les opérant une prise en charge, un suivi, une formation et un salaire décents (si vous ne l'avez pas vu, précipitez-vous, mais vraiment, sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sLqguHf6eF0" rel="noopener" target="_blank">le documentaire "The Cleaners"</a>).</p>

<p><em>Cette doctrine</em> c'est celle qui a autorisé la firme à ne presque jamais intervenir au motif de la "liberté d'expression" et pour ne pas se poser "<em>en arbitre de la vérité</em>" comme le répète piteusement Zuckerberg à chaque fois qu'il est auditionné devant des représentations politiques aux USA ou ailleurs.</p>

<p><em>Cette doctrine</em> c'est aussi <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2019/09/on-ne-peut-pas-moderer-moderement.html" rel="noopener" target="_blank">celle qui a sorti du champ de la modération et du fact-checking, la parole politique du seul fait qu'elle est une parole politique</a>. Offrant ainsi un blanc-seing tout à fait inédit au statut de cette parole politique, non pas seulement quand elle s'exprime dans le réseau social (les politiques n'ont pas attendu Facebook pour mentir et raconter tout et son contraire) mais telle qu'elle vient nourrir (et pourrir) les mécanismes d'accréditation affluents et effluents de sa propre énonciation, et corrélativement la construction sociale d'une vérité collective (véracité) qui ne tient souvent plus à rien d'autre qu'à l'aune de sa propre conviction au miroir de ceux qui la partagent déjà et la propagent ensuite.  </p>

<p>S'il s'agit bien d'une énormité dissimulant mal son arrière-pensée politique, l'affirmation de Trump sur l'immunité des enfants face au coronavirus n'est hélas pas la pire de ses prises de parole sur Facebook. <strong>Alors pourquoi censurer celle-là et pourquoi le faire maintenant ? </strong></p>

<p>Si Zuckerberg a fait le choix de censurer la publication de Trump expliquant que les enfants seraient immunisés contre le Covid, et si ce faisant il contrevient exceptionnellement à la règle qu'il avait pourtant lui-même énoncé d'extraire les paroles politiques (y compris clivantes, y compris extrêmes, y compris explicitement mensongères) du champ du fact-checking, c'est parce que les USA sont dans une situation pandémique absolument catastrophique et que le clivage sociétal autour des questions de confinement et de port du masque (entre autres) atteint des proportions qui sont à la limite de la guerre civile. Le port du masque (ou son refus) est en effet devenu <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/07/05/aux-etats-unis-l-epidemie-de-coronavirus-aggravee-par-les-anti-masques_1793366" rel="noopener" target="_blank">un marqueur idéologique</a> qui renvoie aux spécificités culturelles de la conception des libertés individuelles où, en plus d'un <a href="https://www.vox.com/the-goods/21356150/american-men-wont-wear-masks-covid-19" rel="noopener" target="_blank">virilisme mortifère</a>, toute contrainte ou astreinte est perçue par certains comme une insupportable aliénation communiste (en gros).</p>

<p>Or, et c'est probablement un autre élément de contexte qui a poussé Zuckerberg à prendre cette inédite décision de censure, <a href="https://www.presse-citron.net/usa-sur-facebook-les-militants-anti-masques-prosperent-tandis-que-la-pandemie-progresse/" rel="noopener" target="_blank">les opposants au port du masque sont très présents sur Facebook</a>. Très présents, très efficaces et très surexposés et partagés puisque les discours qu'ils tiennent satisfont à tous les critères de ces ingénieries de la viralité qui se nourrissent et entretiennent comme une braise permanente <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2018/10/lutter-contre-la-haine-sur-le-web.html" rel="noopener" target="_blank">la dimension spéculative des discours clivants et victimaires en général et des discours de haine en particulier</a>. Et tous les efforts - <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/16/facebook-va-avertir-les-utilisateurs-qui-ont-reagi-a-des-messages-dangereux-lies-au-covid-19_6036820_4408996.html?utm_term=Autofeed&amp;utm_medium=Social&amp;utm_source=Twitter#Echobox=1587053777" rel="noopener" target="_blank">objectifs</a> - de la firme pour sur-pondérer ou en tout cas pour sur-exposer les informations "fiables" ou "fact-checker" les fausses sur la pandémie n'y changent rien ; Zuckerberg est pris à son propre piège : s'il ne dit rien et n'intervient pas il favorise objectivement les discours les plus clivants (qui sont aussi hélas souvent les plus éloignés de formes raisonnables de véracité), et s'il intervient les informations qu'il choisit d'exposer sont traitées comme celle d'un média interventionniste et donc immédiatement autant suspectes que fondamentalement et "ontologiquement" discréditées dans l'écosystème qui est celui de sa plateforme.</p>

<p>C'est cela l'expérience que Zuckerberg est en train de vivre avec la suppression du post de Trump sur l'immunité des enfants face au Covid. Il "cède" face à une partie de l'opinion et face à ses propres règles de modération au nom de principes, d'intérêts et d'enjeux de santé publique, et c'est bien sûr, en un sens, heureux. Il s'agit également d'une guerre d'image dans laquelle il cherche à "blinder" le discours d'après crise pour ne pas être accusé d'avoir favorisé la propagation du virus en laissant dire n'importe quoi. Mais ce faisant, et c'est inévitable, il renforce mécaniquement les accusations de biais d'objectivité ou de manipulation qui sont <em>précisément</em> celles qui lui sont adressées par Donald Trump et ses soutiens. Enfin et surtout il fait une nouvelle fois la preuve qu'en voulant tout à la fois "<em>ne pas être l'arbitre de la vérité</em>" mais en se gardant la possibilité d'être toujours "celui des élégances" (ici en termes de santé publique), <strong>il dessine un espace et un horizon de la parole et des discours publics qui est celui d'une schizophrénie au sein de laquelle l'ensemble des heuristiques de vérité ou de véracité (la fonction de preuve notamment, celle d'acceptabilité sociale également) ne sont plus démontrées mais en quelque sorte héritées</strong>.  </p>

<p>Chez Zuckerberg il semble exister une incapacité de penser cette schizophrénie qui relève davantage une forme d'<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anosognosie" rel="noopener" target="_blank">anosognosie</a> que de simple déni. Dans tous les cas, l'admettre et proposer une alternative équivaudrait à accepter de rompre définitivement avec le modèle économique de sa plateforme (à l'image, souvenez-vous, de <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2016/04/google-appendice-8.html" rel="noopener" target="_blank">l'idéal technique défendu par les fondateurs de Google avant d'en prendre l'exact contrepied</a>). </p>

<h2>Artificiers de l'artificialisation.</h2>

<p>Facebook est-il l'allié objectif de Trump et/ou des discours Trumpistes** ? Ou Trump n'est-il devenu ce qu'il est et parvenu là où il est que grâce à son utilisation de Facebook et des réseaux sociaux en général ? La poule et l'oeuf. Une vieille question. Qui porte ici sur le statut de la parole et de l'énonciation politique (de citoyen.ne.s ou d'élu.e.s) au sein d'architectures techniques ne fonctionnant pas, ni en intention ni en projection, comme les architectures médiatiques traditionnelles (radio, presse et télévision). </p>

<p>=================<br/>** Sur ce point spécifique on pourra relire <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/03/si-je-devais-structurer-un-mouvement-social-pendant-une-pandemie_1790225" rel="noopener" target="_blank">les travaux et l'interview de Jen Schradie dans Libération qui explique</a> :</p>

<blockquote>
<p>"<em>J’ai étudié l’activisme en ligne d’une trentaine de groupes, de tous bords politiques, qui militaient à propos d’une question locale en Caroline du Nord, et j’ai découvert que les groupes les plus à droite étaient les plus actifs en ligne. Il y a trois raisons à cela : les différences sociales, le niveau d’organisation des groupes et l’idéologie. D’abord, les classes plus aisées sont plus présentes en ligne que les classes populaires. Elles disposent de meilleures organisations, plus accoutumées à la bureaucratie. Enfin, les conservateurs, comme les membres du Tea Party, ont un message plus simple et abordent moins de sujets que les groupes de gauche. Ils ont l’impression que les médias mainstream ne relaient pas assez leur parole, ce qui les incite d’autant plus à se doter de leurs propres instruments de communication. L’idéal de liberté se partage plus facilement sur les réseaux sociaux que celui d’égalité. Au vu du contexte actuel, je pense donc que le discours de droite sera d’autant plus dominant sur les réseaux pendant la pandémie.</em>"</p>
</blockquote>

<p>=================</p>

<p>Trump, Facebook, les Fake News, le Fact-Checking, la polarisation de l'opinion, l'ère du clash ... La mauvaise manière d'aborder ces sujets serait de postuler une antériorité causale dans l'un ou l'autre sens : Facebook n'a pas davantage "créé" Trump ou "fait l'élection" de Trump que Trump n'a "créé" la puissance et les questionnements politiques autour du rôle joué par Facebook dans les systèmes politiques en général et dans ces moments particuliers de cristallisation que constituent les élections et les campagnes qui les précèdent.</p>

<p><strong>Ce qu'il faut interroger et ce qu'il faut tenter de comprendre ce sont les conditions d'effondrement de la parole publique et de l'engagement politique qui ont conduit à ce qu'une architecture technologique donnée puisse cristalliser et féconder avec autant d'opportunisme ce qui est la forme la plus grave d'un déficit de confiance dans toute autre forme de représentation que celle n'étant pas immédiatement alignée sur nos pulsions</strong> ; pulsions elles-mêmes organisées dans le seul but de pouvoir répondre au modèle économique qui justifie et garantit le maintient et la survie des architectures techniques qui les exacerbent.      </p>

<p>L'autre point c'est que s'interroger sur la construction sociale (et médiatique) d'une information ou d'un fait social (qui deviendra vérité pour les uns et mensonge pour les autres) n'est plus suffisant. Il faut penser, réfléchir et agir sur la construction technique d'une information, sur ce qu'est un construit informationnel médié par la technique à l'ère du numérique. Naturellement des travaux existent et des invariants ont déjà été isolés et démontrés. On sait, pour ne prendre qu'un seul exemple, que l'affichage de métriques d'engagements (nombre de likes, de partages, etc.) agit et influence la capacité d'une information à être partagée (notamment du fait d'un biais de conformité sociale mais pas uniquement) et l'on sait également <a href="https://www.niemanlab.org/2020/08/lots-of-visible-likes-and-shares-on-social-lead-people-to-spread-more-misinformation/" rel="noopener" target="_blank">comme vient encore de le démontrer une étude récente</a>, que : </p>

<blockquote>
<p>"<em>Les mesures de l'engagement social amplifient la vulnérabilité des gens face à un contenu à faible crédibilité en rendant moins probable que les gens examinent minutieusement une éventuelle désinformation tout en rendant plus probable le fait qu'ils l'aiment ou la partagent.".</em></p>
</blockquote>

<p>Il faut donc continuer d'interroger ce que sont ces construits informationnels médiés par la technique <strong>mais il faut le faire dans le cadre de la logique d'artificialisation permise par "les réseaux sociaux"</strong>.</p>

<p>Ce que l'on appelle l'artificialisation du sol ou d'un milieu c'est, nous dit Wikipédia : </p>

<blockquote>
<p>"<em>la perte des qualités qui sont celles d'un milieu naturel : sa naturalité, qualité qui inclut une capacité autoentretenue à abriter une certaine biodiversité, des cycles naturels et ses qualités biogéochimiques.</em>"</p>
</blockquote>

<p>Voilà précisément ce que les discours (éventuellement politiques) du type de ceux portée par Trump et voilà précisément ce que les architectures techniques du type de celle de Facebook, voilà précisément ce qu'ils font aux opinions, aux systèmes politiques et aux interactions sociales, c'est à dire aux trois éléments premiers de l'équilibre métastable de toute société humaine : <strong>ils les artificialisent</strong>.</p>

<p>Ils les articicialisent. Ils les privent de leur naturalité c'est à dire de leur capacité autoentretenue à abriter une certaine diversité, ou en tout cas à ne pas contenir cette diversité dans des silos étanches les uns aux autres ou dont la perméabilité est contrôlée et soumise à des injonctions économiques inobservables pour celles et ceux qui en sont les objets.</p>

<p><strong><em>(Bio)diversité ?</em> </strong>De fait, "<em>dans</em>" Facebook comme "<em>dans</em>" d'autres réseaux sociaux, la "naturalité" de la socialisation est fonctionnellement altérée dans le sens où elle ne dispose plus de la capacité auto-entretenue à maintenir des formes de diversité, ou qu'en tout cas cette capacité est fondamentalement arbitrée et conditionnée par une série de déterminismes techniques (algorithmiques) qui, s'ils ne nous "privent" pas entièrement de notre libre arbitre et de nos habitus classiques, n'en sont pas non plus simplement ou uniquement le reflet conjoncturel et innocent. <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2015/06/poule-bulle-de-filtre-oeuf-editorialisation-algorithmique.html" rel="noopener" target="_blank">C'est tout l'enjeu du débat sur la "bulle de filtre" et ce que je préfère nommer les "déterminismes algorithmiques" comme je l'expliquais looooonguement par ici</a> ou bien encore <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2016/11/peur-sur-les-internets.html" rel="noopener" target="_blank">par là</a> (Spoiler pour vous éviter de tout relire ma conclusion c'est que : "<em>Qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de bulle de filtre importe peu, la seule vraie question est celle d'un déterminisme algorithmique (et de comment on l'évite et comment on le contrôle).</em>"</p>

<p><strong><em>Cycles naturels ? </em></strong>De fait également, "<em>dans</em>" Facebook comme "<em>dans</em>" d'autres réseaux sociaux un certain nombre de "cycles naturels", qu'ils soient culturels ou biologiques, sont escamotés ou réagencés, là encore pour répondre à des exigences économiques de rentabilité attentionnelle. On pourra ici mentionner, au titre de cycle culturel, <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2015/12/les-paques-algorithmiques.html" rel="noopener" target="_blank">la manière dont Facebook a tué les anniversaires</a>, et au titre de cycle biologique, <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2015/03/vous-nemporterez-pas-vos-likes-dans-votre-tombe.html" rel="noopener" target="_blank">la manière dont il transforme notre rapport à la mort</a> (même si c'est aussi bien sûr culturel ; l'expression strictement <em>naturelle</em> de cette altération pouvant alors être vue du côté de l'idéologie transhumaniste qui croît sur les bases libertariennes).</p>

<p><em><strong>Qualités biogéochimiques ?</strong></em> Un <a href="https://fertilisation-edu.fr/cycles-bio-geo-chimiques.html" rel="noopener" target="_blank">cycle biogéochimique</a> désigne la manière dont les éléments nécessaires à la subsistance des êtres vivants "<em>circulent continuellement entre la biosphère (le monde vivant), la géosphère (le sol), l'atmosphère (air) et l'hydrosphère (eau).</em>" Pour aller au bout de la métaphore - opératoire et non simplement illustrative - de l'artificialisation, ces cycles sont les artefacts et stimuli comportementaux qui "font" les qualités de notre présence en ligne dans le cadre de ces architectures techniques, et qui là encore sont bien sûr différents de celles de notre présence au monde hors-ligne. En un mot nos comportements. Ou pour le dire encore différemment, de quoi avons-nous réellement besoin (dans notre cycle comportemental, conversationnel et interactionnel) ? De quelle manière ces besoins sont-ils altérés par ces plateformes dans le souci d'un contrôle pulsionnel au service de leur seul modèle économique ? Et de quelle manière ce modèle économmique et l'ensemble dces altérations qu'il produit et organise peuvent-ils à leur tour être instrumentalisés dans le cadre de stratégies d'influence globales ou locales ?</p>

<p>Le produit de cette artificialisation aux ordres d'impératifs consuméristes et capitalistes, c'est un nouveau travestissement de la capacité de douter, capacité qui n'est plus qu'une subordination émotionnelle. Dans la plupart de nos interactions sociales telles que médiées par les architectures techniques des réseaux sociaux, nous faisons principalement l'expérience du doute dans le cadre de situations émotionnelles soit très conflictuelles (parce qu'elles vont à l'encontre de nos représentations et principes), soit très unanimistes (parce qu'elles vont à l'encontre d'un ensemble de valeurs fondamentales). Ce faisant nous "apprenons" à mettre en place des mécanismes de doute à chaque fois que l'on nous expose à un stimulus émotionnel fort ou allant à l'encontre de nos opinions. Le doute cartésien, rationnel, construit et intellectualisé n'est pas, bien sûr et heureusement, pour autant éradiqué ou systématiquement empêché et lui même d'ailleurs peut naître d'une émotion, mais, dans ces architectures techniques là, il devient systématiquement et programmatiquement inféodé à des formes construites, artefactuelles, d'instabilité (ou de stabilité) émotionnelles. Et sur ces arbres là, les seuls fruits étranges à cueillir sont ceux de formes renouvelées de crédulités et de détestations vaines qui font le lit des haines et des renoncements**.</p>

<p>Voilà pourquoi combattre ces logiques d'artificialisation est une urgence. Car lorsqu'elles sont en place, elles font alors place à tous les artificiers pour qui nous sommes autant de mèches allumées à qui l'on peut expliquer où, pourquoi et comment exploser. Trump, Bolsonaro et les autres sont la catégorie politique de ces artificiers. La plus visible. S'exprimant en priorité là où ils se savent simplement les plus efficaces, les plus inexpugnables à la contradiction, à l'explication et à la rationalité, c'est à dire aux trois conditions de la véracité.  </p>

<p>==============<br/>** la capacité de douter et avec elle de la capacité d'agir. Etant acquis depuis longtemps et par diverses études chaque fois concordantes que <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2013/09/combien-like-retablir-peine-de-mort.html" rel="noopener" target="_blank">les sentiments de colère et d'injustice sont ceux qui se propagent le mieux sur les réseaux sociaux</a>, on peut alors questionner le fait que ce qui devrait être le principal moteur de notre action collective et de notre engagement individuel - et réciproquement - se trouve non pas exacerbé mais plutôt inhibé. L'un des éléments de réponse se trouve (en plus de tout ce que je viens d'essayer de vous expliquer dans cet article) dans l'analyse de Baptiste Morizot elle-même issue de la théorie des affects chez Spinoza. Ce billet étant déjà assez long et étant tout à fait incapable d'articuler la pensée Spinoziste autrement qu'en parfait imposteur, je vous livre "simplement" cet extrait d'une <a href="https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/04/baptiste-morizot-il-faut-politiser-l-emerveillement_6048133_3451060.html" rel="noopener" target="_blank">interview récente de Baptiste Morizot dans Le Monde</a> qui me semble remarquablement éclairante :</p>

<blockquote>
<p>"<em>L’engagement, traditionnellement, repose avant tout sur l’affect très puissant du sentiment d’injustice. Il est intéressant d’interpréter ce phénomène en termes spinozistes. Le sentiment d’injustice et l’indignation qu’il suscite correspondent à ce que Baruch Spinoza appelle « la haine ». Il ne faut pas l’entendre littéralement ici : il redéfinit la haine comme un sentiment de tristesse à l’idée de l’existence de quelque chose. C’est cela, au fond, l’indignation. Précisément : on est attristé, atterré, dévasté par l’existence du néolibéralisme, de l’extractivisme, du capitalisme financiarisé, des forces économiques qui produisent le réchauffement climatique, etc.</em></p>
<p><em>C’est là un carburant pour les luttes qui est extrêmement puissant, qui permet à l’engagement de prendre des formes critiques, combatives à l’égard de ce qui détruit le tissu du vivant. Toutefois, dès lors qu’on interprète ce problème à la lumière de la pensée spinoziste des affects, une sorte de point aveugle émerge. C’est que la tristesse et la colère seules diminuent notre puissance d’agir. Si on envisage la crise et qu’on s’engage simplement avec le moteur de l’indignation, il arrive ce que l’on sait : on est submergé de nouvelles désespérantes, et cela aboutit au sentiment d’impuissance. Ou bien on renonce et on pense à autre chose, ou bien on se durcit dans le ressentiment et on entre dans le radicalisme rigide, typique du militantisme rageur d’écran d’ordinateur</em>."</p>
</blockquote>

<p>==============</p>

<h2>Sisyphe Is Scrolling.</h2>

<p>J'écrivais au commencement de cet article qu'entre la question posée à Facebook avant l'élection de Trump et celle posée aujourd'hui à la veille de sa possible réélection, rien n'avait véritablement changé malgré les preuves et les démonstrations tangibles, manifestes, observables, de la toxicité de la plateforme dans un cadre démocratique. L'impression que malgré l'ensemble des travaux sur - notamment - la transparence et autres responsabilités algorithmiques ("<em>algorithmic accountability</em>") nous restions pour l'essentiel avec les mêmes questionnements et face aux mêmes impasses. Qu'il y avait un côté Sysiphéen et absurde devant l'incapacité d'infléchir efficacement notre servitude volontaire même en étant capable de la théoriser, de l'expliciter ou de la démontrer.</p>

<p>Réécoutant nombre d'entrevues de Bernard Stiegler à l'occasion de sa disparition récente, je suis notamment retombé sur un dialogue avec Michel Serres où ce dernier expliquait - en gros - que la lumière disposait de deux caractéristiques : sa capacité à éclairer, sa clarté, et bien sûr sa vitesse. Et que pour penser les techniques, le 18ème siècle (celui "des Lumières") avait opéré par clarté et clarification alors que la difficulté à penser la technique aujourd'hui vient de ce que l'analyse doit porter avant tout sur sa vitesse (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=iREkxNVetbQ&amp;feature=youtu.be" rel="noopener" target="_blank">la vidéo est ici</a>, et offrez-vous le petit plaisir du haussement de sourcil de Michel Serres lorsque Stiegler va convoquer Kant à partir de 37'03 ;-). Peut-être que cette vitesse est une partie de l'explication de notre si lente et improbable résilience à l'aliénation quand elle est à ce point consentie et confortable. </p>

<p><strong>La vitesse.</strong> Propriété déterminante et déterministe des systèmes techniques qui organisent aujourd'hui nos vies, la vitesse est autant une dynamique, un mouvement, qu'elle est une inertie.</p>

<p>Sisyphe donc. Poussant son rocher avant que celui-ci ne dévale la montagne et qu'il ne lui faille, éternellement, recommencer.  </p>

<p>Reste l'expérience. Celle de Facebook en particulier mais de la plupart des réseaux sociaux en général. Où chaque clic, chaque partage, chaque like est une poussée sur le rocher d'un autre en attente d'une réciprocité ; réciprocité qui nous délivrerait de l'effort de pousser le notre tout en supportant l'angoisse du dévalement en l'organisant, en la marquant, comme une halte éphémère, marcescible et soluble, mais seule qui vaille ici, seule <em>possible</em> ici. Un ralentissement, une étape, un pallier, un seuil. Autant de poussées donc, immédiatement ensevelies par l'avalanche de la redescente que les systèmes techniques organisent en permanence et qu'ils nomment "défilement", "scrolling". <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2012/11/agenda-pecha-kucha-a-la-bnf.html" rel="noopener" target="_blank">Défilement infini</a>. </p>

<p>On appelle parfois cela un "hashtag", on appelle souvent cela "la viralité" ou des "trending topics" mais il ne s'agit que de rochers, de poussées et de haltes à pleine vitesse.</p>

<p>Ou comme l'écrivait aussi <a href="https://twitter.com/Benavent/status/1271879036789235713" rel="noopener" target="_blank">Christophe Benavent sur Twitter</a> : "<em>Le trend c'est un niveau, une vitesse et une accélération.</em>"</p>

<p>Trois paramètres (vitesse, niveau, accélération) qui dépassent parfois les plateformes elles-mêmes comme <a href="https://www.presse-citron.net/instagram-desactive-une-fonctionnalite-par-crainte-de-favoriser-la-reelection-de-donald-trump/" rel="noopener" target="_blank">lorsqu'Instagram choisit de désactiver la fonctionnalité de "suggested hashtags" parce qu'ils renvoient systématiquement des hashtags désobligeants ou insultants pour Joe Biden</a> et masquent de fait un certain nombre de contenus ou surexposent ceux favorables à Trump (qui lui ne voit aucun hashtag hostile suggéré associé à son nom). L'histoire n'est pas neuve, c'est celle du "<a href="https://www.wired.com/story/its-not-a-bug-its-a-feature/" rel="noopener" target="_blank">It's not a bug, it's a feature</a>". Nous n'aurons réellement avancé que lorsque nous serons capables de penser chaque fonctionnalité avant tout comme la somme de la possibilité des entraves et des erreurs qu'elle autorise.   </p>

<p><a class="asset-img-link" href="https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef026be407fa3c200d-pi"><img alt="Sisyphe" class="asset asset-image at-xid-6a00d8341c622e53ef026be407fa3c200d img-responsive" src="https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef026be407fa3c200d-500wi" title="Sisyphe"/></a></p>

<p><em>(image trouvée sur Google images qui l'avait trouvée non-sourcée sur Pinterest, si vous avez une vraie source ...)</em></p>

<p>Alors peut-être comme l'écrivait Camus : </p>

<blockquote>
<p><em>"Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition. C'est à elle qu'il pense pendant la descente, la clairvoyance qui devait faire son tourment, consomme du même coup sa victoire. C'est parce qu'il y a de la révolte que la vie de Sisyphe mérite d'être vécue, la raison seule ne lui permet pas de conférer un sens à l'absurdité du monde". </em></p>
</blockquote>

<p>Tant qu'il y aura de la révolte. Et que nous prendrons garde de n'être pas le rocher. Nous pourrons continuer d'imaginer Sisyphe heureux.</p>
</main>
</article>


<hr>

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title: La question Facebook. Sysiphe is Scrolling.
url: https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/08/la-question-facebook.html
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<p>Souvenez-vous. Nous étions en 2016. Quelques mois avant l'élection de Donal Trump. Lors d'un sondage interne dans lequel les employés de Facebook votent pour les questions à poser au PDG, l'une d'entre elles revenait avec insistance : </p>
<blockquote>
<p>"<em>Quelle est la responsabilité que Facebook peut prendre pour empêcher Donald Trump de devenir président des Etats-Unis en 2017 ?</em>"</p>
</blockquote>
<p>Je vous avais raconté cette histoire dans mon article titré "<a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2016/04/construire-une-nation-comme-un-fichier-client.html" rel="noopener" target="_blank">Construire une nation comme un fichier client</a>". </p>
<h2>La question Facebook et/ou le problème Trump.</h2>
<p>Nous sommes en Août 2020, à quelques mois de la prochaine élection présidentielle américaine qui se tiendra en Novembre. Et les employés de Facebook sont en train de poser à Zuckerberg la question de savoir ce que ferait l'entreprise si Donald Trump utilisait le réseau social pour saper les résultats de l'élection présidentielle américaine. Ce qu'il (Donald Trump) a déjà commencé à faire, notamment en expliquant partout que le vote par correspondance (du fait de la situation de pandémie du Coronavirus) rendait l'élection inique et en laissant même planer le doute sur le fait qu'il accepterait la victoire de Joe Biden si elle devait advenir dans ce contexte (pour une <a href="https://www.slate.fr/story/193560/trump-saboter-election-presidentielle-etats-unis-2020-vote-par-correspondance" rel="noopener" target="_blank">vue d'ensemble des stratégies de Trump pour discréditer le vote par correspondance et dont les posts sur les réseaux sociaux ne sont que l'aspect émergé, voir cet article sur Slate</a>). Une position (sur le vote par correspondance) qui lui valut (entre autres) <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/06/charme-bourgeoisie-numerique.html" rel="noopener" target="_blank">la "censure" de Twitter</a>, laquelle censure l'amena (Donald Trump toujours) a rédiger le fameux "décret" pour obliger les plateformes à respecter <span>la</span> sa liberté d'expression et entraver leurs procédures (pourtant très laxistes et approximatives) de modération.  </p>
<p>De manière plus précise, <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/craigsilverman/facebook-zuckerberg-what-if-trump-disputes-election-results?origin=tuh" rel="noopener" target="_blank">la réflexion exacte des employés de Facebook soumise à leur PDG est la suivante</a> : </p>
<blockquote>
<p><em>"Nous faisons face à un scénario problématique dans lequel Facebook va être utilisé pour saper agressivement la légitimité des élections américaines, d'une manière qui n'avait jusque là jamais été possible dans l'histoire" </em></p>
<p><em>("I do think we’re headed for a problematic scenario where Facebook is going to be used to aggressively undermine the legitimacy of the US elections, in a way that has never been possible in history")</em></p>
</blockquote>
<p>Il semble donc qu'entre 2016 et 2020 rien n'ait finalement beaucoup changé.</p>
<blockquote>
<p><em>2016 : que peut faire Facebook pour empêcher Donal Trump ... de devenir président ?</em></p>
<p><em>2020 : que peut faire Facebook pour empêcher Donald Trump ... de saper la légitimité d'une élection démocratique ? </em></p>
</blockquote>
<p>Une question d'autant plus d'actualité que Facebook vient de son côté, comme à chaque élection présidentielle, de lancer son "<a href="https://about.fb.com/news/2020/08/launching-voting-information-center/" rel="noopener" target="_blank">Facebook Voting Information (sic) Center</a>". Une campagne "d'affichage" déployée massivement sur Facebook, Instagram et Messenger avec pour but de rappeler aux américains non-inscrits sur les listes électorales d'aller le faire. Comme <a href="https://www.facebook.com/zuck/videos/10112184244488171" rel="noopener" target="_blank">l'explique le boss</a> : </p>
<blockquote>
<p>"<em>The Voting Information Center is part of our larger goal to help 4 million Americans register to vote this year. Almost 40% of eligible voters aren't registered yet, so please, register to vote!</em>"</p>
</blockquote>
<p>A chaque élection et à chaque réactivation des sollicitations de Facebook pour inciter les gens à aller voter (ou à s'inscrire sur les listes électorales), j'ai toujours en tête ce qui s'était passé en 2010, aux USA, lors des élections de mi-mandat (mid-terms) et qui avait démontré la capacité de Facebook à altérer la sincérité du scrutin "simplement" en appelant à aller voter et en indiquant qui de vos amis y était effectivement allé (voir le <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2019/04/global-public-ads-archive.html" rel="noopener" target="_blank">passage "Il était une fois aux états-unis" dans cet article</a>). Et si vous êtes en train de vous dire qu'il l'a fait "<em>pour de bonnes raisons</em>", c'est à dire "<em>juste</em>" pour convaincre des électeurs d'aller voter, n'oubliez jamais qu'en 2020 personne d'autre que Facebook - et encore ... - n'est en capacité de montrer ou de démontrer que ces "<em>bonnes raisons</em>" ne peuvent pas être instrumentalisées pour mobiliser de manière asymétrique ce qui représente pour vous et vos propres convictions le "<em>mauvais</em>" corps électoral. <strong>L'important ce n'est pas l'atterrissage, c'est la dynamique de la chute</strong>.</p>
<p>Je ne vous cache pas que je n'ai donc aucune hâte de prendre connaissance de la question qui pourrait être posée en 2024. Et qui pourrait ressembler à ceci : </p>
<blockquote>
<p><em>2024 : que peut-on faire pour empêcher Facebook de saper la légitimité d'une élection démocratique ? </em></p>
</blockquote>
<p>Quant à 2028, je vous soumets l'hypothèse (<a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2017/01/zuckerberg-president-united-states.html" rel="noopener" target="_blank">déjà tentée</a>) d'un : </p>
<blockquote>
<p><em>2028 : que peut-on faire pour empêcher Mark Zuckerberg de devenir président grâce à Facebook en sapant la légitimité d'une élection démocratique ? #combo</em></p>
</blockquote>
<p>Mais revenons à la question de 2020. Question posée alors même que durant ces quatre dernières années, le rôle toxique de Facebook n'a cessé d'être démontré, à la fois en tant que plateforme dans sa fonction première de polarisation de l'opinion, mais également en tant qu'intermédiaire, partenaire ou (parfois) cible de courtiers de données comme dans le cadre de l'affaire Cambridge Analytica.</p>
<p>Cambridge Analytica qui n'a d'ailleurs rien changé sinon son nom : l'entreprise s'appelle désormais <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Data_Propria" rel="noopener" target="_blank">Data Propria</a>, navigue dans les mêmes réseaux, emploie peu ou prou les mêmes personnes (moins bien sûr Christopher Wylie, le lanceur d'alerte qui a permis au scandale d'éclater), utilise les mêmes techniques, et poursuit les mêmes buts au service des mêmes intérêts et des mêmes lobbies.</p>
<p>Un peu comme si l'inertie déterministe d'une économie capitaliste pourtant depuis plus de 10 ans à son optimum de démence, empêchait toute modification structurelle de nos mécanismes de défense démocratique collective, anesthésiés et attendant d'être euthanasiés.</p>
<p>Il est plusieurs moyens de "<em>saper les bases d'une élection</em>". Le principal (en démocratie en tout cas) est de mettre en place et/ou de coordonner des stratégies de désinformation pour amener la partie de l'opinion que l'on vise (les minorités, les indécis, les femmes, les cadres, les classes moyennes, etc.) à choisir un comportement de vote qui satisfasse nos intérêts, ou pour organiser une forme de chaos mental et social qui permettra de faire émerger ou de renforcer l'image d'un leader ou d'un programme y répondant opportunément.</p>
<p>Or les rares frappes chirurgicales opérées par Facebook dans sa "guerre" contre la désinformation (la dernière en date étant celle du <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/07/facebook-demantele-un-reseau-roumain-de-faux-comptes-americains-pro-trump_6048380_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">démantèlement de ces 120 faux-comptes d'un réseau roumain oeuvrant pour les républicains</a>, ou celle des pages du réseau de "<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/01/jusqu-au-bout-mark-zuckerberg-a-resiste-a-la-tentation-de-policer-le-contenu-de-son-reseau_6044811_3234.html" rel="noopener" target="_blank">libertariens néonazis Boogaloo</a>"), ces rares frappes chirurgicales et la rapidité avec laquelle la firme les rend à chaque fois publiques, sont bien davantage une stratégie de communication délétère pour atténuer les dégâts portés à l'image publique de l'entreprise, qu'une tactique militaire sincère visant à nettoyer le réseau de ses ramifications les plus anti-démocratiques. Comme l'explique justement <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/01/jusqu-au-bout-mark-zuckerberg-a-resiste-a-la-tentation-de-policer-le-contenu-de-son-reseau_6044811_3234.html" rel="noopener" target="_blank">Philippe Escande dans Le Monde</a> : </p>
<blockquote>
<p>"<em>Le problème est que son attitude actuelle et les dommages causés à sa réputation sont en train de compromettre son ambition future, celle d’une plate-forme universelle que l’on utilisera pour communiquer et s’informer, mais aussi pour faire ses courses, payer ses achats ou appeler un taxi, à l’image du réseau chinois WeChat qui permet déjà tout cela. Pour enfermer le client dans un univers, il faut soigner son image auprès des utilisateurs comme auprès des politiques. Amazon en sait quelque chose, Facebook est train de l’apprendre.</em>"</p>
</blockquote>
<p>De fait, si le recours à "l'intelligence artificielle" semble s'intensifier pour, par exemple, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/12/facebook-ajoute-les-blackfaces-et-des-stereotypes-antisemites-a-ses-contenus-explicitement-interdits_6048789_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">supprimer les Blackfaces</a> (là encore sous la pression de l'opinion, ici en lien avec le mouvement Black Lives Matter, mais également - et c'est plus inédit - <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/29/haine-en-ligne-le-boycottage-d-annonceurs-oblige-facebook-a-flechir_6044532_3234.html" rel="noopener" target="_blank">sous la pression d'annonceurs publicitaires soucieux de leur propre image au sein de la plateforme</a>), les porte-parole de la firme eux-mêmes indiquent qu'il est également certains Blackfaces dont le "contexte" de publication <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/12/facebook-ajoute-les-blackfaces-et-des-stereotypes-antisemites-a-ses-contenus-explicitement-interdits_6048789_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">ne nécessitera pas leur suppression automatique</a> : </p>
<blockquote>
<p>"<em>On peut également imaginer qu’il pourrait y avoir d’autres circonstances dans lesquelles quelqu’un pourrait partager des images avec un</em> blackface<em>, sans que ce soit fait pour des raisons haineuses."</em></p>
</blockquote>
<p>Mais lutter contre les contenus haineux et lutter contre la désinformation sont deux choses différentes. Et la <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/facebook-s-appuie-sur-l-ia-pour-ameliorer-la-moderation-de-ses-contenus-39908047.htm" rel="noopener" target="_blank">doctrine solutionniste consistant à miser principalement sur "l'intelligence artificielle" pour y parvenir</a>, déjà prise régulièrement en défaut - ou en excès de zèle - sur des questions de racisme pourtant souvent essentiellement explicites, est à peu près totalement dépourvue d'intelligence contextuelle sur les enjeux de désinformation relevant nécessairement d'un implicite, et donc souvent inopérante.</p>
<p>D'autant que Zuckerberg continue de faire semblant de n'y rien comprendre et de maintenir comme "partenaire presse" (donc avec une exposition et un onglet dédié) des sites comme Breitbart News, plusieurs fois éditeurs de vidéos complotistes ou de désinformation, et reconnus comme tels mais qui n'ont jamais reçu deux "strike" (signalement massif) à moins de 90 jours d'intervalle et qui peuvent donc, selon les CGU de la plateforme, continuer de jouir de leur profil de "partenaire presse sérieux" ("trusted source") et de l'exposition idoine : </p>
<blockquote>
<p>"<em>This was certainly one strike against them for misinformation, but they don't have others in the last 90 days,"</em> <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/craigsilverman/facebook-zuckerberg-what-if-trump-disputes-election-results?origin=tuh" rel="noopener" target="_blank">Zuckerberg said</a>. "<em>So by the policies that we have, which by the way I think are generally pretty reasonable on this, it doesn't make sense to remove them."</em></p>
</blockquote>
<p>En termes de désinformation ou de lutte contre la haine, la modération sur Facebook c'est Sisyphe expliquant à Procuste comment il doit vider le tonneau des Danaïdes avant de le faire rouler en haut de la montagne. Ou pour le dire moins mythologiquement : c'est perdu d'avance. </p>
<h2>Enfants immunisés et fin de l'immunité algorithmique.</h2>
<p>Comme une première mondiale dans l'histoire de la modération depuis que la plateforme existe, le 5 août 2020, et peut-être en écho à la dernière question posée par ses employés, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/fake-news-desinformation-sur-le-covid-19-trump-censure-par-facebook-et-twitter" rel="noopener" target="_blank">Facebook s'est décidé à censurer une publication du président américain</a>. Publication concernant le fait que les enfants seraient "<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/06/facebook-retire-une-video-de-trump-jugee-mensongere-sur-la-pandemie-de-covid-19_6048249_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">presque totalement immunisés</a>" contre le coronavirus et que cela permettrait donc à toutes les écoles d'ouvrir normalement. En censurant cette publication, Facebook rompt l'immunité algorithmique jusqu'ici dévolue au président américain (<a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2019/09/on-ne-peut-pas-moderer-moderement.html" rel="noopener" target="_blank">mais aussi à l'ensemble des hommes et femmes politiques</a>).</p>
<p>Motif officiel donc : </p>
<blockquote>
<p>"<em>Cette vidéo inclut des fausses affirmations, selon lesquelles un certain groupe de personnes ne sont pas susceptibles d’attraper le Covid-19, ce qui enfreint notre règlement sur la désinformation dangereuse autour de la maladie.</em>" (source <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/06/facebook-retire-une-video-de-trump-jugee-mensongere-sur-la-pandemie-de-covid-19_6048249_4408996.html" rel="noopener" target="_blank">Le Monde / AFP</a>)</p>
</blockquote>
<p>Pour rappel, la doctrine de Facebook en termes de modération était jusque là parfaitement stable et n'évoluait que sous l'effet d'une pression de l'opinion trop forte pour ne pas avoir des conséquences négatives sur l'image de l'entreprise (et si "<em>la vie privée est une affaire de négociation collective</em>" <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/630" rel="noopener" target="_blank">comme l'explique Antonio Casilli</a> depuis longtemps, la légitimité des prises de parole de personnalités publiques dans un réseau privé l'est également comme cette affaire va, en partie, le démontrer).</p>
<p><em> Cette doctrine</em> c'est celle qui consiste à sous-traiter économiquement dans des conditions humaines absolument indignes des processus de modération pourtant fondamentaux et qui du fait de leur extrême dureté psychologique devraient garantir aux travailleurs les opérant une prise en charge, un suivi, une formation et un salaire décents (si vous ne l'avez pas vu, précipitez-vous, mais vraiment, sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sLqguHf6eF0" rel="noopener" target="_blank">le documentaire "The Cleaners"</a>).</p>
<p><em>Cette doctrine</em> c'est celle qui a autorisé la firme à ne presque jamais intervenir au motif de la "liberté d'expression" et pour ne pas se poser "<em>en arbitre de la vérité</em>" comme le répète piteusement Zuckerberg à chaque fois qu'il est auditionné devant des représentations politiques aux USA ou ailleurs.</p>
<p><em>Cette doctrine</em> c'est aussi <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2019/09/on-ne-peut-pas-moderer-moderement.html" rel="noopener" target="_blank">celle qui a sorti du champ de la modération et du fact-checking, la parole politique du seul fait qu'elle est une parole politique</a>. Offrant ainsi un blanc-seing tout à fait inédit au statut de cette parole politique, non pas seulement quand elle s'exprime dans le réseau social (les politiques n'ont pas attendu Facebook pour mentir et raconter tout et son contraire) mais telle qu'elle vient nourrir (et pourrir) les mécanismes d'accréditation affluents et effluents de sa propre énonciation, et corrélativement la construction sociale d'une vérité collective (véracité) qui ne tient souvent plus à rien d'autre qu'à l'aune de sa propre conviction au miroir de ceux qui la partagent déjà et la propagent ensuite.  </p>
<p>S'il s'agit bien d'une énormité dissimulant mal son arrière-pensée politique, l'affirmation de Trump sur l'immunité des enfants face au coronavirus n'est hélas pas la pire de ses prises de parole sur Facebook. <strong>Alors pourquoi censurer celle-là et pourquoi le faire maintenant ? </strong></p>
<p>Si Zuckerberg a fait le choix de censurer la publication de Trump expliquant que les enfants seraient immunisés contre le Covid, et si ce faisant il contrevient exceptionnellement à la règle qu'il avait pourtant lui-même énoncé d'extraire les paroles politiques (y compris clivantes, y compris extrêmes, y compris explicitement mensongères) du champ du fact-checking, c'est parce que les USA sont dans une situation pandémique absolument catastrophique et que le clivage sociétal autour des questions de confinement et de port du masque (entre autres) atteint des proportions qui sont à la limite de la guerre civile. Le port du masque (ou son refus) est en effet devenu <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/07/05/aux-etats-unis-l-epidemie-de-coronavirus-aggravee-par-les-anti-masques_1793366" rel="noopener" target="_blank">un marqueur idéologique</a> qui renvoie aux spécificités culturelles de la conception des libertés individuelles où, en plus d'un <a href="https://www.vox.com/the-goods/21356150/american-men-wont-wear-masks-covid-19" rel="noopener" target="_blank">virilisme mortifère</a>, toute contrainte ou astreinte est perçue par certains comme une insupportable aliénation communiste (en gros).</p>
<p>Or, et c'est probablement un autre élément de contexte qui a poussé Zuckerberg à prendre cette inédite décision de censure, <a href="https://www.presse-citron.net/usa-sur-facebook-les-militants-anti-masques-prosperent-tandis-que-la-pandemie-progresse/" rel="noopener" target="_blank">les opposants au port du masque sont très présents sur Facebook</a>. Très présents, très efficaces et très surexposés et partagés puisque les discours qu'ils tiennent satisfont à tous les critères de ces ingénieries de la viralité qui se nourrissent et entretiennent comme une braise permanente <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2018/10/lutter-contre-la-haine-sur-le-web.html" rel="noopener" target="_blank">la dimension spéculative des discours clivants et victimaires en général et des discours de haine en particulier</a>. Et tous les efforts - <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/16/facebook-va-avertir-les-utilisateurs-qui-ont-reagi-a-des-messages-dangereux-lies-au-covid-19_6036820_4408996.html?utm_term=Autofeed&amp;utm_medium=Social&amp;utm_source=Twitter#Echobox=1587053777" rel="noopener" target="_blank">objectifs</a> - de la firme pour sur-pondérer ou en tout cas pour sur-exposer les informations "fiables" ou "fact-checker" les fausses sur la pandémie n'y changent rien ; Zuckerberg est pris à son propre piège : s'il ne dit rien et n'intervient pas il favorise objectivement les discours les plus clivants (qui sont aussi hélas souvent les plus éloignés de formes raisonnables de véracité), et s'il intervient les informations qu'il choisit d'exposer sont traitées comme celle d'un média interventionniste et donc immédiatement autant suspectes que fondamentalement et "ontologiquement" discréditées dans l'écosystème qui est celui de sa plateforme.</p>
<p>C'est cela l'expérience que Zuckerberg est en train de vivre avec la suppression du post de Trump sur l'immunité des enfants face au Covid. Il "cède" face à une partie de l'opinion et face à ses propres règles de modération au nom de principes, d'intérêts et d'enjeux de santé publique, et c'est bien sûr, en un sens, heureux. Il s'agit également d'une guerre d'image dans laquelle il cherche à "blinder" le discours d'après crise pour ne pas être accusé d'avoir favorisé la propagation du virus en laissant dire n'importe quoi. Mais ce faisant, et c'est inévitable, il renforce mécaniquement les accusations de biais d'objectivité ou de manipulation qui sont <em>précisément</em> celles qui lui sont adressées par Donald Trump et ses soutiens. Enfin et surtout il fait une nouvelle fois la preuve qu'en voulant tout à la fois "<em>ne pas être l'arbitre de la vérité</em>" mais en se gardant la possibilité d'être toujours "celui des élégances" (ici en termes de santé publique), <strong>il dessine un espace et un horizon de la parole et des discours publics qui est celui d'une schizophrénie au sein de laquelle l'ensemble des heuristiques de vérité ou de véracité (la fonction de preuve notamment, celle d'acceptabilité sociale également) ne sont plus démontrées mais en quelque sorte héritées</strong>.  </p>
<p>Chez Zuckerberg il semble exister une incapacité de penser cette schizophrénie qui relève davantage une forme d'<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anosognosie" rel="noopener" target="_blank">anosognosie</a> que de simple déni. Dans tous les cas, l'admettre et proposer une alternative équivaudrait à accepter de rompre définitivement avec le modèle économique de sa plateforme (à l'image, souvenez-vous, de <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2016/04/google-appendice-8.html" rel="noopener" target="_blank">l'idéal technique défendu par les fondateurs de Google avant d'en prendre l'exact contrepied</a>). </p>
<h2>Artificiers de l'artificialisation.</h2>
<p>Facebook est-il l'allié objectif de Trump et/ou des discours Trumpistes** ? Ou Trump n'est-il devenu ce qu'il est et parvenu là où il est que grâce à son utilisation de Facebook et des réseaux sociaux en général ? La poule et l'oeuf. Une vieille question. Qui porte ici sur le statut de la parole et de l'énonciation politique (de citoyen.ne.s ou d'élu.e.s) au sein d'architectures techniques ne fonctionnant pas, ni en intention ni en projection, comme les architectures médiatiques traditionnelles (radio, presse et télévision). </p>
<p>=================<br/>** Sur ce point spécifique on pourra relire <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/03/si-je-devais-structurer-un-mouvement-social-pendant-une-pandemie_1790225" rel="noopener" target="_blank">les travaux et l'interview de Jen Schradie dans Libération qui explique</a> :</p>
<blockquote>
<p>"<em>J’ai étudié l’activisme en ligne d’une trentaine de groupes, de tous bords politiques, qui militaient à propos d’une question locale en Caroline du Nord, et j’ai découvert que les groupes les plus à droite étaient les plus actifs en ligne. Il y a trois raisons à cela : les différences sociales, le niveau d’organisation des groupes et l’idéologie. D’abord, les classes plus aisées sont plus présentes en ligne que les classes populaires. Elles disposent de meilleures organisations, plus accoutumées à la bureaucratie. Enfin, les conservateurs, comme les membres du Tea Party, ont un message plus simple et abordent moins de sujets que les groupes de gauche. Ils ont l’impression que les médias mainstream ne relaient pas assez leur parole, ce qui les incite d’autant plus à se doter de leurs propres instruments de communication. L’idéal de liberté se partage plus facilement sur les réseaux sociaux que celui d’égalité. Au vu du contexte actuel, je pense donc que le discours de droite sera d’autant plus dominant sur les réseaux pendant la pandémie.</em>"</p>
</blockquote>
<p>=================</p>
<p>Trump, Facebook, les Fake News, le Fact-Checking, la polarisation de l'opinion, l'ère du clash ... La mauvaise manière d'aborder ces sujets serait de postuler une antériorité causale dans l'un ou l'autre sens : Facebook n'a pas davantage "créé" Trump ou "fait l'élection" de Trump que Trump n'a "créé" la puissance et les questionnements politiques autour du rôle joué par Facebook dans les systèmes politiques en général et dans ces moments particuliers de cristallisation que constituent les élections et les campagnes qui les précèdent.</p>
<p><strong>Ce qu'il faut interroger et ce qu'il faut tenter de comprendre ce sont les conditions d'effondrement de la parole publique et de l'engagement politique qui ont conduit à ce qu'une architecture technologique donnée puisse cristalliser et féconder avec autant d'opportunisme ce qui est la forme la plus grave d'un déficit de confiance dans toute autre forme de représentation que celle n'étant pas immédiatement alignée sur nos pulsions</strong> ; pulsions elles-mêmes organisées dans le seul but de pouvoir répondre au modèle économique qui justifie et garantit le maintient et la survie des architectures techniques qui les exacerbent.      </p>
<p>L'autre point c'est que s'interroger sur la construction sociale (et médiatique) d'une information ou d'un fait social (qui deviendra vérité pour les uns et mensonge pour les autres) n'est plus suffisant. Il faut penser, réfléchir et agir sur la construction technique d'une information, sur ce qu'est un construit informationnel médié par la technique à l'ère du numérique. Naturellement des travaux existent et des invariants ont déjà été isolés et démontrés. On sait, pour ne prendre qu'un seul exemple, que l'affichage de métriques d'engagements (nombre de likes, de partages, etc.) agit et influence la capacité d'une information à être partagée (notamment du fait d'un biais de conformité sociale mais pas uniquement) et l'on sait également <a href="https://www.niemanlab.org/2020/08/lots-of-visible-likes-and-shares-on-social-lead-people-to-spread-more-misinformation/" rel="noopener" target="_blank">comme vient encore de le démontrer une étude récente</a>, que : </p>
<blockquote>
<p>"<em>Les mesures de l'engagement social amplifient la vulnérabilité des gens face à un contenu à faible crédibilité en rendant moins probable que les gens examinent minutieusement une éventuelle désinformation tout en rendant plus probable le fait qu'ils l'aiment ou la partagent.".</em></p>
</blockquote>
<p>Il faut donc continuer d'interroger ce que sont ces construits informationnels médiés par la technique <strong>mais il faut le faire dans le cadre de la logique d'artificialisation permise par "les réseaux sociaux"</strong>.</p>
<p>Ce que l'on appelle l'artificialisation du sol ou d'un milieu c'est, nous dit Wikipédia : </p>
<blockquote>
<p>"<em>la perte des qualités qui sont celles d'un milieu naturel : sa naturalité, qualité qui inclut une capacité autoentretenue à abriter une certaine biodiversité, des cycles naturels et ses qualités biogéochimiques.</em>"</p>
</blockquote>
<p>Voilà précisément ce que les discours (éventuellement politiques) du type de ceux portée par Trump et voilà précisément ce que les architectures techniques du type de celle de Facebook, voilà précisément ce qu'ils font aux opinions, aux systèmes politiques et aux interactions sociales, c'est à dire aux trois éléments premiers de l'équilibre métastable de toute société humaine : <strong>ils les artificialisent</strong>.</p>
<p>Ils les articicialisent. Ils les privent de leur naturalité c'est à dire de leur capacité autoentretenue à abriter une certaine diversité, ou en tout cas à ne pas contenir cette diversité dans des silos étanches les uns aux autres ou dont la perméabilité est contrôlée et soumise à des injonctions économiques inobservables pour celles et ceux qui en sont les objets.</p>
<p><strong><em>(Bio)diversité ?</em> </strong>De fait, "<em>dans</em>" Facebook comme "<em>dans</em>" d'autres réseaux sociaux, la "naturalité" de la socialisation est fonctionnellement altérée dans le sens où elle ne dispose plus de la capacité auto-entretenue à maintenir des formes de diversité, ou qu'en tout cas cette capacité est fondamentalement arbitrée et conditionnée par une série de déterminismes techniques (algorithmiques) qui, s'ils ne nous "privent" pas entièrement de notre libre arbitre et de nos habitus classiques, n'en sont pas non plus simplement ou uniquement le reflet conjoncturel et innocent. <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2015/06/poule-bulle-de-filtre-oeuf-editorialisation-algorithmique.html" rel="noopener" target="_blank">C'est tout l'enjeu du débat sur la "bulle de filtre" et ce que je préfère nommer les "déterminismes algorithmiques" comme je l'expliquais looooonguement par ici</a> ou bien encore <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2016/11/peur-sur-les-internets.html" rel="noopener" target="_blank">par là</a> (Spoiler pour vous éviter de tout relire ma conclusion c'est que : "<em>Qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de bulle de filtre importe peu, la seule vraie question est celle d'un déterminisme algorithmique (et de comment on l'évite et comment on le contrôle).</em>"</p>
<p><strong><em>Cycles naturels ? </em></strong>De fait également, "<em>dans</em>" Facebook comme "<em>dans</em>" d'autres réseaux sociaux un certain nombre de "cycles naturels", qu'ils soient culturels ou biologiques, sont escamotés ou réagencés, là encore pour répondre à des exigences économiques de rentabilité attentionnelle. On pourra ici mentionner, au titre de cycle culturel, <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2015/12/les-paques-algorithmiques.html" rel="noopener" target="_blank">la manière dont Facebook a tué les anniversaires</a>, et au titre de cycle biologique, <a href="https://www.affordance.info/mon_weblog/2015/03/vous-nemporterez-pas-vos-likes-dans-votre-tombe.html" rel="noopener" target="_blank">la manière dont il transforme notre rapport à la mort</a> (même si c'est aussi bien sûr culturel ; l'expression strictement <em>naturelle</em> de cette altération pouvant alors être vue du côté de l'idéologie transhumaniste qui croît sur les bases libertariennes).</p>
<p><em><strong>Qualités biogéochimiques ?</strong></em> Un <a href="https://fertilisation-edu.fr/cycles-bio-geo-chimiques.html" rel="noopener" target="_blank">cycle biogéochimique</a> désigne la manière dont les éléments nécessaires à la subsistance des êtres vivants "<em>circulent continuellement entre la biosphère (le monde vivant), la géosphère (le sol), l'atmosphère (air) et l'hydrosphère (eau).</em>" Pour aller au bout de la métaphore - opératoire et non simplement illustrative - de l'artificialisation, ces cycles sont les artefacts et stimuli comportementaux qui "font" les qualités de notre présence en ligne dans le cadre de ces architectures techniques, et qui là encore sont bien sûr différents de celles de notre présence au monde hors-ligne. En un mot nos comportements. Ou pour le dire encore différemment, de quoi avons-nous réellement besoin (dans notre cycle comportemental, conversationnel et interactionnel) ? De quelle manière ces besoins sont-ils altérés par ces plateformes dans le souci d'un contrôle pulsionnel au service de leur seul modèle économique ? Et de quelle manière ce modèle économmique et l'ensemble dces altérations qu'il produit et organise peuvent-ils à leur tour être instrumentalisés dans le cadre de stratégies d'influence globales ou locales ?</p>
<p>Le produit de cette artificialisation aux ordres d'impératifs consuméristes et capitalistes, c'est un nouveau travestissement de la capacité de douter, capacité qui n'est plus qu'une subordination émotionnelle. Dans la plupart de nos interactions sociales telles que médiées par les architectures techniques des réseaux sociaux, nous faisons principalement l'expérience du doute dans le cadre de situations émotionnelles soit très conflictuelles (parce qu'elles vont à l'encontre de nos représentations et principes), soit très unanimistes (parce qu'elles vont à l'encontre d'un ensemble de valeurs fondamentales). Ce faisant nous "apprenons" à mettre en place des mécanismes de doute à chaque fois que l'on nous expose à un stimulus émotionnel fort ou allant à l'encontre de nos opinions. Le doute cartésien, rationnel, construit et intellectualisé n'est pas, bien sûr et heureusement, pour autant éradiqué ou systématiquement empêché et lui même d'ailleurs peut naître d'une émotion, mais, dans ces architectures techniques là, il devient systématiquement et programmatiquement inféodé à des formes construites, artefactuelles, d'instabilité (ou de stabilité) émotionnelles. Et sur ces arbres là, les seuls fruits étranges à cueillir sont ceux de formes renouvelées de crédulités et de détestations vaines qui font le lit des haines et des renoncements**.</p>
<p>Voilà pourquoi combattre ces logiques d'artificialisation est une urgence. Car lorsqu'elles sont en place, elles font alors place à tous les artificiers pour qui nous sommes autant de mèches allumées à qui l'on peut expliquer où, pourquoi et comment exploser. Trump, Bolsonaro et les autres sont la catégorie politique de ces artificiers. La plus visible. S'exprimant en priorité là où ils se savent simplement les plus efficaces, les plus inexpugnables à la contradiction, à l'explication et à la rationalité, c'est à dire aux trois conditions de la véracité.  </p>
<p>==============<br/>** la capacité de douter et avec elle de la capacité d'agir. Etant acquis depuis longtemps et par diverses études chaque fois concordantes que <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2013/09/combien-like-retablir-peine-de-mort.html" rel="noopener" target="_blank">les sentiments de colère et d'injustice sont ceux qui se propagent le mieux sur les réseaux sociaux</a>, on peut alors questionner le fait que ce qui devrait être le principal moteur de notre action collective et de notre engagement individuel - et réciproquement - se trouve non pas exacerbé mais plutôt inhibé. L'un des éléments de réponse se trouve (en plus de tout ce que je viens d'essayer de vous expliquer dans cet article) dans l'analyse de Baptiste Morizot elle-même issue de la théorie des affects chez Spinoza. Ce billet étant déjà assez long et étant tout à fait incapable d'articuler la pensée Spinoziste autrement qu'en parfait imposteur, je vous livre "simplement" cet extrait d'une <a href="https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/04/baptiste-morizot-il-faut-politiser-l-emerveillement_6048133_3451060.html" rel="noopener" target="_blank">interview récente de Baptiste Morizot dans Le Monde</a> qui me semble remarquablement éclairante :</p>
<blockquote>
<p>"<em>L’engagement, traditionnellement, repose avant tout sur l’affect très puissant du sentiment d’injustice. Il est intéressant d’interpréter ce phénomène en termes spinozistes. Le sentiment d’injustice et l’indignation qu’il suscite correspondent à ce que Baruch Spinoza appelle « la haine ». Il ne faut pas l’entendre littéralement ici : il redéfinit la haine comme un sentiment de tristesse à l’idée de l’existence de quelque chose. C’est cela, au fond, l’indignation. Précisément : on est attristé, atterré, dévasté par l’existence du néolibéralisme, de l’extractivisme, du capitalisme financiarisé, des forces économiques qui produisent le réchauffement climatique, etc.</em></p>
<p><em>C’est là un carburant pour les luttes qui est extrêmement puissant, qui permet à l’engagement de prendre des formes critiques, combatives à l’égard de ce qui détruit le tissu du vivant. Toutefois, dès lors qu’on interprète ce problème à la lumière de la pensée spinoziste des affects, une sorte de point aveugle émerge. C’est que la tristesse et la colère seules diminuent notre puissance d’agir. Si on envisage la crise et qu’on s’engage simplement avec le moteur de l’indignation, il arrive ce que l’on sait : on est submergé de nouvelles désespérantes, et cela aboutit au sentiment d’impuissance. Ou bien on renonce et on pense à autre chose, ou bien on se durcit dans le ressentiment et on entre dans le radicalisme rigide, typique du militantisme rageur d’écran d’ordinateur</em>."</p>
</blockquote>
<p>==============</p>
<h2>Sisyphe Is Scrolling.</h2>
<p>J'écrivais au commencement de cet article qu'entre la question posée à Facebook avant l'élection de Trump et celle posée aujourd'hui à la veille de sa possible réélection, rien n'avait véritablement changé malgré les preuves et les démonstrations tangibles, manifestes, observables, de la toxicité de la plateforme dans un cadre démocratique. L'impression que malgré l'ensemble des travaux sur - notamment - la transparence et autres responsabilités algorithmiques ("<em>algorithmic accountability</em>") nous restions pour l'essentiel avec les mêmes questionnements et face aux mêmes impasses. Qu'il y avait un côté Sysiphéen et absurde devant l'incapacité d'infléchir efficacement notre servitude volontaire même en étant capable de la théoriser, de l'expliciter ou de la démontrer.</p>
<p>Réécoutant nombre d'entrevues de Bernard Stiegler à l'occasion de sa disparition récente, je suis notamment retombé sur un dialogue avec Michel Serres où ce dernier expliquait - en gros - que la lumière disposait de deux caractéristiques : sa capacité à éclairer, sa clarté, et bien sûr sa vitesse. Et que pour penser les techniques, le 18ème siècle (celui "des Lumières") avait opéré par clarté et clarification alors que la difficulté à penser la technique aujourd'hui vient de ce que l'analyse doit porter avant tout sur sa vitesse (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=iREkxNVetbQ&amp;feature=youtu.be" rel="noopener" target="_blank">la vidéo est ici</a>, et offrez-vous le petit plaisir du haussement de sourcil de Michel Serres lorsque Stiegler va convoquer Kant à partir de 37'03 ;-). Peut-être que cette vitesse est une partie de l'explication de notre si lente et improbable résilience à l'aliénation quand elle est à ce point consentie et confortable. </p>
<p><strong>La vitesse.</strong> Propriété déterminante et déterministe des systèmes techniques qui organisent aujourd'hui nos vies, la vitesse est autant une dynamique, un mouvement, qu'elle est une inertie.</p>
<p>Sisyphe donc. Poussant son rocher avant que celui-ci ne dévale la montagne et qu'il ne lui faille, éternellement, recommencer.  </p>
<p>Reste l'expérience. Celle de Facebook en particulier mais de la plupart des réseaux sociaux en général. Où chaque clic, chaque partage, chaque like est une poussée sur le rocher d'un autre en attente d'une réciprocité ; réciprocité qui nous délivrerait de l'effort de pousser le notre tout en supportant l'angoisse du dévalement en l'organisant, en la marquant, comme une halte éphémère, marcescible et soluble, mais seule qui vaille ici, seule <em>possible</em> ici. Un ralentissement, une étape, un pallier, un seuil. Autant de poussées donc, immédiatement ensevelies par l'avalanche de la redescente que les systèmes techniques organisent en permanence et qu'ils nomment "défilement", "scrolling". <a href="https://affordance.typepad.com/mon_weblog/2012/11/agenda-pecha-kucha-a-la-bnf.html" rel="noopener" target="_blank">Défilement infini</a>. </p>
<p>On appelle parfois cela un "hashtag", on appelle souvent cela "la viralité" ou des "trending topics" mais il ne s'agit que de rochers, de poussées et de haltes à pleine vitesse.</p>
<p>Ou comme l'écrivait aussi <a href="https://twitter.com/Benavent/status/1271879036789235713" rel="noopener" target="_blank">Christophe Benavent sur Twitter</a> : "<em>Le trend c'est un niveau, une vitesse et une accélération.</em>"</p>
<p>Trois paramètres (vitesse, niveau, accélération) qui dépassent parfois les plateformes elles-mêmes comme <a href="https://www.presse-citron.net/instagram-desactive-une-fonctionnalite-par-crainte-de-favoriser-la-reelection-de-donald-trump/" rel="noopener" target="_blank">lorsqu'Instagram choisit de désactiver la fonctionnalité de "suggested hashtags" parce qu'ils renvoient systématiquement des hashtags désobligeants ou insultants pour Joe Biden</a> et masquent de fait un certain nombre de contenus ou surexposent ceux favorables à Trump (qui lui ne voit aucun hashtag hostile suggéré associé à son nom). L'histoire n'est pas neuve, c'est celle du "<a href="https://www.wired.com/story/its-not-a-bug-its-a-feature/" rel="noopener" target="_blank">It's not a bug, it's a feature</a>". Nous n'aurons réellement avancé que lorsque nous serons capables de penser chaque fonctionnalité avant tout comme la somme de la possibilité des entraves et des erreurs qu'elle autorise.   </p>
<p><a class="asset-img-link" href="https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef026be407fa3c200d-pi"><img alt="Sisyphe" class="asset asset-image at-xid-6a00d8341c622e53ef026be407fa3c200d img-responsive" src="https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef026be407fa3c200d-500wi" title="Sisyphe"/></a></p>
<p><em>(image trouvée sur Google images qui l'avait trouvée non-sourcée sur Pinterest, si vous avez une vraie source ...)</em></p>
<p>Alors peut-être comme l'écrivait Camus : </p>
<blockquote>
<p><em>"Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition. C'est à elle qu'il pense pendant la descente, la clairvoyance qui devait faire son tourment, consomme du même coup sa victoire. C'est parce qu'il y a de la révolte que la vie de Sisyphe mérite d'être vécue, la raison seule ne lui permet pas de conférer un sens à l'absurdité du monde". </em></p>
</blockquote>
<p>Tant qu'il y aura de la révolte. Et que nous prendrons garde de n'être pas le rocher. Nous pourrons continuer d'imaginer Sisyphe heureux.</p>

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<p dir="LTR" align="LEFT">« Que va-t-il se passer dans ta vie, ces dix prochaines années, qui t’apportera pleine satisfaction ? » La question a fait l’effet d’une paire de claques. C’était en 2013. Vincent Agnano participait à une formation de coaching centré sur le bien-être. Le trentenaire imagina un instant son futur : l’horizon n’avait rien d’excitant. Au mieux, il avait l’air un peu barbant. Sa vie était confortable, il vivait à Montpellier dans un appartement au loyer avantageux, « avec terrasse, petit jardin, voiture, un travail à douze minutes de trajet et une activité sportive régulière ». Une autoroute toute tracée, sans chemins de traverse ni quelconque escale. « J’étais enchaîné, » résume-t-il, des années après, toujours un peu frustré de s’être réveillé « si tard ».</p>

<p dir="LTR" align="LEFT">Vincent Agnano raconte son histoire d’une voix posée. Il sait prendre le temps, sans craindre de laisser les anges passer. Il y a six ans, il a abandonné la vie qu’il avait construite machinalement, sans trop se poser de questions. Développeur de projets numériques, il a cofondé une coopérative dont il est salarié, comme le reste de ses membres. Il n’a plus ni patron ni clients. Il préfère parler de « partenaires » qui s’impliquent avec lui sur des projets. « Je ne travaille pas pour eux, on avance ensemble, dit-il. C’est un autre paradigme. » Fini, aussi, le bureau type décoré de l’éternelle plante verte. Il est <em>digital nomad</em>, il change de lieu de vie au gré de ses envies, recréant inlassablement son espace de travail.</p>

<p dir="LTR" align="LEFT">Comme les autres membres de la coopérative, il définit lui-même son salaire, toujours modeste, et l’augmente en fonction des besoins fluctuants. L’argent doit servir à répondre à ces derniers, sans devenir un but en soi. L’objectif de la coopérative elle-même « n’est pas de faire de l’argent, mais de pérenniser la structure et le travail » de ses membres. Inspiré par le concept du revenu universel, Vincent Agnano facture entre zéro et seize jours de travail par mois pour se laisser l’opportunité de s’impliquer bénévolement sur des projets qui lui tiennent à cœur le reste du temps. Pour lui, la liberté « c’est faire ce qui nous semble profondément juste. Ce n’est pas faire ce que l’on veut. Ça, au contraire, c’est être prisonnier de ses désirs ». Il a longtemps vécu avec un simple smic, suffisant pour se nourrir, acheter des billets d’avion « aller simple » et se loger chez l’habitant. Une chambre lui coûte généralement entre 15 et 25 euros la nuit.</p>

<p dir="LTR" align="LEFT">Il n’a plus de chez-soi. Il préfère vivre chez les autres, se fondre dans leur mobilier un moment, et repartir quand il sent qu’il est temps. Il ne s’attarde jamais trop en France, change de fuseau horaire au rythme des projets professionnels, des conférences et des nouvelles rencontres qui le mènent au Canada, aux États-Unis, en Colombie et au Moyen-Orient. « En quittant son logement, on se déleste de toutes les excuses que l’on peut se donner pour éviter de bouger », souligne Vincent Agnano, pour qui <em>Yes Man</em>, de Peyton Reed, fut une grande source d’inspiration. Et comme le protagoniste du film, il dit désormais « oui » à tout, accepte systématiquement l’aventure, l’inconnu. « On a toujours une bonne raison de penser que ce n’est pas possible, que l’on peut se contenter de ce que l’on a, que c’est pire ailleurs. Que ce n’est pas le bon moment, qu’on n’en est pas capable. Au fond, on a surtout peur du changement. »</p>

<p dir="LTR" align="LEFT">Le baroudeur ne se sent pas marginal pour autant. Pour lui, se marginaliser est synonyme de « lutter contre ». Or, il a plutôt de sentiment contraire : celui d’encourager autre chose. « Comme si un mur avançait vers vous, explique-t-il. Plutôt que de tenter de le repousser, vous vous placez simplement sur le côté et vous investissez votre énergie ailleurs. La liberté n’est pas toujours un combat à mener. » Vincent Agnano a beau se sentir libre, il sait aussi qu’il ne le sera en réalité jamais pleinement. Comme tout Occidental, il a hérité de « modes de pensée » dont il peine à s’extraire entièrement. « Je suis toujours dans la caverne de Platon, lié à une chaîne, dit-il. J’ai conscience qu’on me projette un scénario. J’aimerais commencer à me lever, à me retourner et à sortir, mais je doute qu’une vie suffise pour y parvenir. » La liberté est à ses yeux plus un cap à tenir qu’un objectif atteignable.</p>

<p dir="LTR" align="LEFT">Lorsqu’il a pris son envol, en 2014, il pensait goûter au nomadisme pendant quatre, cinq mois. Il a finalement pérégriné pendant cinq ans. Peu avant la crise sanitaire, il a posé son sac à Marseille, dans un appartement du centre-ville, où il a fini par vivre son confinement. Il se demande si 2020 marquera la fin de son périple. Quoi qu’il advienne, il a conscience que, pour un certain nombre de raisons écologiques, économiques et sanitaires, la sédentarisation s’imposera davantage à l’avenir. Il saura s’adapter.</p>

<p dir="LTR" align="LEFT">Sa grande balade l’avait mené un jour à Bar-sur-Loup, une commune de 3 000 habitants située à la lisière d’un immense parc naturel, à quelques kilomètres de Grasse. Il y avait trouvé un lieu ouvert à l’expérimentation, enclin à tester des modes de vie différents : monnaie locale, jardins partagés, maraîchage collectif... Un rendez-vous avec le maire du bourg leur a suffi à conclure un pacte : Vincent Agnano met sur pied bénévolement un espace de coworking, en échange de quoi, il obtient une certaine latitude pour développer d’autres projets collaboratifs, pour créer un espace autosuffisant auquel « chacun participerait à la hauteur de ses besoins et de ceux des autres ». Une sorte de coopérative, à l’échelle sociale. Un lieu qui incarnerait la liberté et où chacun pourrait « prendre sa place, toute sa place et rien que sa place ». </p>

<p dir="LTR" align="RIGHT"><em>Portrait par MANON PAULIC</em></p>
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<p dir="LTR" align="LEFT">« Que va-t-il se passer dans ta vie, ces dix prochaines années, qui t’apportera pleine satisfaction ? » La question a fait l’effet d’une paire de claques. C’était en 2013. Vincent Agnano participait à une formation de coaching centré sur le bien-être. Le trentenaire imagina un instant son futur : l’horizon n’avait rien d’excitant. Au mieux, il avait l’air un peu barbant. Sa vie était confortable, il vivait à Montpellier dans un appartement au loyer avantageux, « avec terrasse, petit jardin, voiture, un travail à douze minutes de trajet et une activité sportive régulière ». Une autoroute toute tracée, sans chemins de traverse ni quelconque escale. « J’étais enchaîné, » résume-t-il, des années après, toujours un peu frustré de s’être réveillé « si tard ».</p>
<p dir="LTR" align="LEFT">Vincent Agnano raconte son histoire d’une voix posée. Il sait prendre le temps, sans craindre de laisser les anges passer. Il y a six ans, il a abandonné la vie qu’il avait construite machinalement, sans trop se poser de questions. Développeur de projets numériques, il a cofondé une coopérative dont il est salarié, comme le reste de ses membres. Il n’a plus ni patron ni clients. Il préfère parler de « partenaires » qui s’impliquent avec lui sur des projets. « Je ne travaille pas pour eux, on avance ensemble, dit-il. C’est un autre paradigme. » Fini, aussi, le bureau type décoré de l’éternelle plante verte. Il est <em>digital nomad</em>, il change de lieu de vie au gré de ses envies, recréant inlassablement son espace de travail.</p>
<p dir="LTR" align="LEFT">Comme les autres membres de la coopérative, il définit lui-même son salaire, toujours modeste, et l’augmente en fonction des besoins fluctuants. L’argent doit servir à répondre à ces derniers, sans devenir un but en soi. L’objectif de la coopérative elle-même « n’est pas de faire de l’argent, mais de pérenniser la structure et le travail » de ses membres. Inspiré par le concept du revenu universel, Vincent Agnano facture entre zéro et seize jours de travail par mois pour se laisser l’opportunité de s’impliquer bénévolement sur des projets qui lui tiennent à cœur le reste du temps. Pour lui, la liberté « c’est faire ce qui nous semble profondément juste. Ce n’est pas faire ce que l’on veut. Ça, au contraire, c’est être prisonnier de ses désirs ». Il a longtemps vécu avec un simple smic, suffisant pour se nourrir, acheter des billets d’avion « aller simple » et se loger chez l’habitant. Une chambre lui coûte généralement entre 15 et 25 euros la nuit.</p>
<p dir="LTR" align="LEFT">Il n’a plus de chez-soi. Il préfère vivre chez les autres, se fondre dans leur mobilier un moment, et repartir quand il sent qu’il est temps. Il ne s’attarde jamais trop en France, change de fuseau horaire au rythme des projets professionnels, des conférences et des nouvelles rencontres qui le mènent au Canada, aux États-Unis, en Colombie et au Moyen-Orient. « En quittant son logement, on se déleste de toutes les excuses que l’on peut se donner pour éviter de bouger », souligne Vincent Agnano, pour qui <em>Yes Man</em>, de Peyton Reed, fut une grande source d’inspiration. Et comme le protagoniste du film, il dit désormais « oui » à tout, accepte systématiquement l’aventure, l’inconnu. « On a toujours une bonne raison de penser que ce n’est pas possible, que l’on peut se contenter de ce que l’on a, que c’est pire ailleurs. Que ce n’est pas le bon moment, qu’on n’en est pas capable. Au fond, on a surtout peur du changement. »</p>
<p dir="LTR" align="LEFT">Le baroudeur ne se sent pas marginal pour autant. Pour lui, se marginaliser est synonyme de « lutter contre ». Or, il a plutôt de sentiment contraire : celui d’encourager autre chose. « Comme si un mur avançait vers vous, explique-t-il. Plutôt que de tenter de le repousser, vous vous placez simplement sur le côté et vous investissez votre énergie ailleurs. La liberté n’est pas toujours un combat à mener. » Vincent Agnano a beau se sentir libre, il sait aussi qu’il ne le sera en réalité jamais pleinement. Comme tout Occidental, il a hérité de « modes de pensée » dont il peine à s’extraire entièrement. « Je suis toujours dans la caverne de Platon, lié à une chaîne, dit-il. J’ai conscience qu’on me projette un scénario. J’aimerais commencer à me lever, à me retourner et à sortir, mais je doute qu’une vie suffise pour y parvenir. » La liberté est à ses yeux plus un cap à tenir qu’un objectif atteignable.</p>
<p dir="LTR" align="LEFT">Lorsqu’il a pris son envol, en 2014, il pensait goûter au nomadisme pendant quatre, cinq mois. Il a finalement pérégriné pendant cinq ans. Peu avant la crise sanitaire, il a posé son sac à Marseille, dans un appartement du centre-ville, où il a fini par vivre son confinement. Il se demande si 2020 marquera la fin de son périple. Quoi qu’il advienne, il a conscience que, pour un certain nombre de raisons écologiques, économiques et sanitaires, la sédentarisation s’imposera davantage à l’avenir. Il saura s’adapter.</p>
<p dir="LTR" align="LEFT">Sa grande balade l’avait mené un jour à Bar-sur-Loup, une commune de 3 000 habitants située à la lisière d’un immense parc naturel, à quelques kilomètres de Grasse. Il y avait trouvé un lieu ouvert à l’expérimentation, enclin à tester des modes de vie différents : monnaie locale, jardins partagés, maraîchage collectif... Un rendez-vous avec le maire du bourg leur a suffi à conclure un pacte : Vincent Agnano met sur pied bénévolement un espace de coworking, en échange de quoi, il obtient une certaine latitude pour développer d’autres projets collaboratifs, pour créer un espace autosuffisant auquel « chacun participerait à la hauteur de ses besoins et de ceux des autres ». Une sorte de coopérative, à l’échelle sociale. Un lieu qui incarnerait la liberté et où chacun pourrait « prendre sa place, toute sa place et rien que sa place ». </p>
<p dir="LTR" align="RIGHT"><em>Portrait par MANON PAULIC</em></p>

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