title: Gilets jaunes
Si la voiture doit prévaloir, il reste une seule solution : supprimer les villes, c’est-à-dire les étaler sur des centaines de kilomètres, le long de voies monumentales, de banlieues autoroutières. C’est ce qu’on a fait aux Etats-Unis. Ivan Illich (Energie et Equité. Ed. Le Seuil ) en résume le résultat en ces chiffres saisissants : « L’Américain type consacre plus de mille cinq cents heures par an (soit trente heures par semaine, ou encore quatre heures par jour, dimanche compris) à sa voiture : cela comprend les heures qu’il passe derrière le volant, en marche ou à l’arrêt ; les heures de travail nécessaires pour la payer et pour payer l’essence, les pneus, les péages, l’assurance, les contraventions et impôts… A cet Américain, il faut donc mille cinq cents heures pour faire (dans l’année) 10 000 km. Six km lui prennent une heure. Dans les pays privés d’industrie des transports, les gens se déplacent à exactement cette même vitesse en allant à pied, avec l’avantage supplémentaire qu’ils peuvent aller n’importe où et pas seulement le long des routes asphaltées. »
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« Les usagers, écrit Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un territoire leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. » Mais, précisément, pour pouvoir aimer « son territoire », il faudra d’abord qu’il soit rendu habitable et non pas circulable : que le quartier ou la commune redevienne le microcosme modelé par et pour toutes les activités humaines, où les gens travaillent, habitent, se détendent, s’instruisent, communiquent, s’ébrouent et gèrent en commun le milieu de leur vie commune. Comme on lui demandait une fois ce que les gens allaient faire de leur temps, après la révolution, quand le gaspillage capitaliste sera aboli, Marcuse répondit : « Nous allons détruire les grandes villes et en construire de nouvelles. Ça nous occupera un moment. »
*L’idéologie sociale de la bagnole (André Gorz, 1973)* (cache)
Pas. Une. Ride.