Une mentalité hiérarchique favorise le renoncement aux plaisirs de la vie. Elle justifie le labeur, la culpabilité et le sacrifice des « inférieurs », et le plaisir et la satisfaction indulgente de presque tous les caprices de leurs « supérieurs ». […] Cette mentalité imprègne nos esprits individuels sous une forme cumulative jusqu’à aujourd’hui — non seulement sous la forme du capitalisme, mais aussi en tant que vaste histoire de la société hiérarchique depuis ses débuts.
Si nous n’explorons pas cette histoire, qui vit activement en nous comme les phases précédentes de notre vie individuelle, nous ne seront jamais libérés de son emprise. ==Nous pouvons éliminer l’injustice sociale, mais nous ne parviendront pas à la liberté sociale.== Nous pouvons éliminer les classes et l’exploitation, mais nous ne serons pas épargnés par les entraves de la hiérarchie et de la domination. Nous pouvons exorciser l’esprit de profit et d’accumulation de nos psychés, mais nous seront toujours accablés par la culpabilité, le renoncement et une croyance subtile dans les « vices » de la sensualité.L’écologie sociale, Murray Bookchin
Ce n’est pas la première fois que l’on me fait la remarque que mes écrits sont empreints de culpabilité. Et c’est vrai. Je ne sais pas à quel point cela est lié à ma culture (mes cultures ?) et j’admire les personnes qui sont capables d’accepter leurs privilèges sans ressentir de culpabilité. Peut-être que le partage et la diffusion sont une forme d’acceptation ? Ou au moins une intention de rééquilibrage.
Est-ce que les privilèges peuvent véritablement ruisseler ? À quel point est-ce que parler de ces choses-là me met une fois de plus en avant ? Comment faire pour que mon bruit ne rendent pas silencieux·ses celleux qui ont besoin de faire entendre leurs voix ?
J’ai lu pas mal de messages contradictoires à ce sujet. D’un côté, il y a des militant·es qui demandent à ce que l’on ne s’empare pas des oppressions dont on ne fait pas soi-même l’expérience, pour ne pas faire d’ombre aux personnes concernées, dont les voix ont déjà du mal à porter.
D’autres militant·es estiment au contraire que c’est aux personnes détentrices d’un privilège d’éduquer leurs pairs, afin de soulager la charge mentale des personnes concernées, fatiguées de devoir faire ce travail pédagogique permanent.
==J’ai encore du mal à trouver l’équilibre.== Amplifier la voix des personnes concernées me semble indispensable, et j’ai l’impression de le faire quand je partage des contenus qu’elles ont créés.
Mais, malgré ma volonté de multiplier les points de vue et les représentations, il y a un paquet d’angles morts dans ce que je choisis de partager.
*Émois en photos : année blanche, année noire - 2 : distance* (cache)