Article initialement publié dans le volume 1 de FaitMain avec pour titre Semences stériles et données futiles sous licence CC BY-SA et rapatrié depuis sur cet espace.
La problématique des semences génétiquement modifiées pose des questions d’ordre éthique, sanitaire et social. Les semences stériles — utilisant le gène au doux nom de Terminator — sont emblématiques de la société Monsanto qui est prête à diffuser à tout prix ses semences, même gratuitement à titre humanitaire pour avoir un contrôle de la production mondiale de nourriture.
Les schémas de pensées court-termistes — apportant un confort immédiat — ont tendance à se reproduire d’un domaine à un autre et c’est notamment ce qui est en train de se passer avec le Web.
Après une étape de standardisation prometteuse qui permettait une interopérabilité entre les différentes publications (RSS, Atom, trackbacks), la mode est plutôt à la centralisation des données (Twitter) voire à leur déconnexion du Web (Facebook) au profit d’un confort de publication bien réel avec la promesse de l’instantanéité et de l’approche ubiquitaire.
Le tout associé à une flatterie de l’égo par une quantification du partage (nombre de retweets/likes/followers/etc) qui se rapproche, osons le dire, d’une compétition malsaine capitaliste du toujours plus, d’une approche en consommateur des liens sociaux, d’une course effrénée à la socialisation numérique qui détruit les communautés locales au profit d’une communauté de suiveurs inconnus.
Or, au même titre que les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), il existe une voie pour un web ouvert qui encourage l’artisanat et la réutilisation via un modèle acentré et local. Certaines initiatives comme La Distribution ou CozyCloud encouragent de telles approches permettant de garder un contrôle sur ses données et même un hébergement sur son propre serveur afin d’assurer la pérennité de ses URI. L’avènement d’ outils de publication générant des fichiers statiques facilite grandement le déploiement et l’hébergement de ses idées et minimise les connaissances techniques nécessaires à son expression sur le web. Les problèmes techniques restants à résoudre sont la notification de manière distribuée et l’agrégation en temps-réel mais ceux-ci ne pourront être validés qu’après une adoption à large échelle de tels services, permettant d’atteindre la masse sociale critique pour rendre ces services utiles.
Étudions la liste des composants nécessaires pour garder son indépendance vis-à-vis de services web centralisés :
- un nom de domaine, ce qui coûte entre 5 et 15 € selon le niveau de support et de confiance que l’on souhaite avoir à ce niveau, en bonus non négligeable vous pouvez associer à ce domaine un certificat SSL qui assurera la confidentialité des échanges entre vos visiteurs et vos publications. Même si vos écrits ne sont pas critiques, pensez au fait qu’une banalisation de tels usages permet de rendre une telle pratique moins suspecte lorsqu’elle est nécessaire (nous ne vivons pas tous en démocratie) ;
- un hébergement, il en existe à tous les prix et si vous vous dirigez vers un site au rendu statique grâce à des générateurs locaux vous n’êtes soumis à aucune contrainte technique si ce n’est celle de l’espace disque et de la bande passante qui ne devraient pas poser problème dans un premier temps au moins ;
- un logiciel de téléversement, permettant de déployer le contenu généré sur le serveur d’hébergement. Il en existe de nombreux qui ne demandent aucune connaissance technique particulière.
Et voilà ! Il ne reste plus qu’à faire connaître votre URI au reste du monde. N’oubliez pas de produire un flux permettant à vos visiteurs de s’abonner à vos publications (cela est normalement géré par le générateur) sans avoir à dépendre d’une plateforme non pérenne et centralisée.
Vos publications, même à titre futile, constituent une partie de votre identité numérique, vos interactions sur le web participent à votre propre définition et à vos relations sociales. Il serait dommage de laisser des services tiers monétiser votre identité et vos interactions avec vos amis, d’autant plus qu’ils ne garantissent aucun engagement dans la durée et conduisent à de véritables génocides de données — que j’appelle datacides — lors de la fermeture brutale des entreprises qui ont du mal à trouver un business modèle rentable associé à la gratuité du service proposé.
Si vous êtes un jardinier numérique, je vous encourage à reprendre le contrôle de vos semences^Wdonnées afin de pérenniser votre récolte^Widentité numérique. Il n’est pas trop tard pour nourrir d’idées ouvertes et gratuites vos concitoyens du web.