Livres


Une page regroupant les livres éclairants de 2020.

Esprit zen, esprit neuf

Shunryu Suzuki, de la lignée du Zen Soto, était un descendant spirituel direct du grand Dogen. En 1958, à cinquante-trois ans, maître zen déjà profondément respecté au Japon, Suzuki-roshi vint aux États-Unis et s’installa à San Francisco. Ceux qui voulaient se joindre à sa pratique firent éclore sous sa direction le groupe de méditation dit Zen Center qui a essaimé en sept centres, y compris le Zen Mountain Center, premier monastère zen hors d’Asie. Il était sans conteste l’un des plus influents maîtres zen de nos jours. Ce livre est né d’entretiens familiers, en Californie.

Esprit zen, esprit neuf, Shunryu Suzuki

Une introduction au bouddhisme, avec des choses qui me grattent, d’autres qui me (ré)confortent, certaines qui me donnent envie d’essayer des choses. C’est déjà pas mal.

À côté de nous le déluge

Révélateur du fait que ce n’est pas d’abord un manque de savoir qui soutient la société d’externalisation au jour le jour, mais bien un « ne-pas-vouloir-savoir » généralisé, un refus de savoir, composé d’un mélange indéfini de confort et de malaise, d’insouciance et de surcharge, d’indifférence et de crainte. Et ce, autant à petite qu’à (particulièrement) grande échelle. Nous ne voulons pas entendre parler du coût de la grande vie que nous menons : de ce qui doit être sacrifié pour nous, des endroits où on y travaille, de l’identité de ceux qui paient à la fin. Mais surtout, nous ne voulons pas vraiment connaître les principes profonds à l’œuvre, nous ne voulons pas remettre le système en question.

À côté de nous le déluge, Stephan Lessenich

Ce livre décrit avec précision et sources à l’appui la société d’externalisation dans laquelle je vis. Attention, si vous n’êtes pas prêt·e cela peut être assez violent de premier abord, mais probablement moins que cette violence systémique si vous en avez déjà conscience.

La cosmologie du futur

— S’il fait un temps pareil dimanche, on ne va pas pouvoir aller voter, hein…
— Le « vote »… j’ai lu des trucs à ce sujet… je crois me souvenir que c’est un rite au cours duquel est désigné un chef de guerre… Y aurait-il une expédition guerrière en préparation ?
— Ah ça, c’est sûr, avec ce soleil ça va pas être possible !
— Il y aurait donc une forme de contradiction entre le choix d’un chef de guerre et la présence du soleil ? Peut-être la redite de la rivalité entre Apollon et Athéna…
— À moins que le soleil ne soit simplement une divinité pacificatrice, qui occuperait le rôle, ici laissé vacant, que les chefs jouent dans de nombreuses autres cultures…
— Ça va plutôt être pêche au gardon pour tout le monde, obligé !
— Quoi ?! Le soleil réclamerait des offrandes sacrificielles de poissons ?!

La cosmologie du futur, Alessandro Pignocchi

Fabcaro m’avait permis de prendre conscience de mon attrait pour l’absurde avec ce chef-d’œuvre qu’est Zaï zaï zaï zaï. Ici je suis resté un peu sur ma faim, ou peut-être ma fin. L’épilogue rompant avec le narratif.

Pincez-moi, je suis en train de décrier un angle politique. Absurdité quand tu nous tiens…

Pouvoir de détruire, pouvoir de créer

Les textes réunis ici, majeurs dans l’œuvre de Bookchin, exposent son écologie sociale, dans sa théorie comme dans sa pratique « municipaliste libertaire », qui passe par la démocratie directe et la reprise en main de nos conditions d’existence. Ils déploient aussi toutes les implications éthiques et même esthétiques de ce projet politique, depuis la respiritualisation du travail jusqu’à l’établissement d’une nouvelle sensibilité et d’une nouvelle façon de vivre, un apprentissage continuel de la vertu et de la décence pour résister à la corruption sociale, morale et psychologique exercée par le marché et son égoïsme débridé.

Pouvoir de détruire, pouvoir de créer, Murray Bookchin

Les réflexions de cette personne m’intéressaient alors je me suis dit qu’une compilation serait une bonne introduction. Il y a effectivement des textes qui après 50 ans n’ont pas pris un ride.

C’est peut-être ce qui est le plus déstabilisant d’ailleurs.

La nature est un champ de bataille

Face à la catastrophe écologique annoncée, les bonnes âmes appellent l’humanité à « dépasser ses divisions » pour s’unir dans un « pacte écologique ». Cet essai s’attaque à cette idée reçue. Il n’y aura pas de consensus environnemental. Loin d’effacer les antagonismes existants, la crise écologique se greffe au contraire à eux pour les porter à incandescence. Soit la localisation des décharges toxiques aux États-Unis : si vous voulez savoir où un stock de déchets donné a le plus de chances d’être enfoui, demandez-vous où vivent les Noirs, les Hispaniques, les Amérindiens et autres minorités raciales. Interrogez-vous par la même occasion sur le lieu où se trouvent les quartiers pauvres…

La nature est un champ de bataille (cache), Razmig Keucheyan

Ce livre comporte trois parties très distinctes et c’est la première qui m’a le plus ouvert les yeux, notamment sur cette notion de « racisme environnemental ».

Merci à f6k de m’avoir pointé le texte intégralement disponible en ligne. La copie d’extraits papier est fastidieuse, merci aussi aux éditions La Découverte !

Écotopia

Presque toutes les rues de San Francisco sont plongées dans l’obscurité pendant la nuit — des mesures d’économie d’énergie ont manifestement supprimé l’éclairage nocturne. J’ignore pourquoi cela n’entraine pas la vague de criminalité qu’en pareilles circonstances on constaterait bien sûr chez nous. Quand j’ai demandé à des habitants de la capitale s’ils se sentaient en sécurité la nuit, ils m’ont répondu sans hésiter que oui — ils affirment y voir assez bien, puis ils détournent la conversation vers des détails ridicules : les phares des vélos trouant les ténèbres n’évoquent-ils pas des lucioles virevoltantes ? N’est-il pas plaisant de voir les étoiles même en ville ? Heureusement qu’ils n’ont pas de voiture, après tout : sinon, le nombre des accidents nocturnes serait effarant.

Écotopia, Ernest Callenbach

Cet ouvrage écrit en 1975 nous offre une utopie qui fait du bien. Sans surprise, certains examples sont un peu datés et paradoxalement d’autres sont encore tout à fait d’actualité ce qui rend ce récit toujours pertinent, si ce n’est plus !

Note : si vous lisez la traduction française effectuée par Brice Matthieussent, ne lisez surtout pas la préface ! Cela vous divulgâcherait de manière significative une bonne partie du livre. Incompréhensible…

Dans les forêts de Sibérie

La lumière lui taille des traits de fantassin héroïque. Le temps a sur la peau le pouvoir de l’eau sur la terre. Il creuse en s’écoulant.

[…]

L’homme libre possède le temps. L’homme qui maîtrise l’espace est simplement puissant. En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on ne sait même plus qu’il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont.

[…]

Le luxe n’est pas un état mais le passage d’une ligne, le seuil où, soudain, disparaît toute souffrance.

[…]

Pendant cinq années, j’ai rêvé de cette vie. Aujourd’hui, je la goûte comme un accomplissement ordinaire. Nos rêves se réalisent mais ne sont que des bulles de savon explosant dans l’inéluctable.

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson

Ce livre est presque trop bien écrit pour réussir à entrer dedans, sans compter la romanticisation de l’isolement. C’est la première fois que cela m’arrive et c’est troublant. Peut-être que cela se produit lorsqu’on reste dans une cabane trop longtemps… à garder en mémoire.