Société, informatique et agilité

Je suis en train de lire Éloge de la fuite de Henri Laborit qui traite des rapports de dominance et de l'importance de l'imagination (entre autres) à la lumière de la biologie. C'est un livre passionnant et je me suis arrêté aujourd'hui sur le passage suivant :

Comment parler d'une société idéale alors que notre déité est limitée à notre expérience présente. Depuis quelques années, on ne parle plus de programmation, mais de prospective. Sans doute il y a là un progrès. On a compris qu'il n'est plus possible de prévoir l'avenir en poursuivant l'expérience du passé. Mais on n'a pas encore compris que l'on ne peut aussi imaginer prospectivement l'avenir qu'à partir des éléments de notre présent, ce qui veut dire que ces éléments seront toujours incomplets et que seule la marche en avant nous permettra d'en découvrir d'autres. Or, ces éléments-là changeront complètement la vue prospective élaborée dans un moment déjà révolu. Il nous est interdit de faire de la prospective. Nous devons nous contenter d'une « proximospective » pour échapper à la rétrospective. Notre rôle est limité : il ne consiste pas à imaginer une société idéale, il ne consistera jamais, pour les générations qui nous succèderont, à imaginer une société idéale, pour la simple raison que notre désir ne peut être qu'à la dimension de notre connaissance.

Si l'on remplace société par projet informatique dans ce paragraphe, on s'approche d'une bonne définition de l'agilité informatique. Pas mal pour un texte écrit en 1976 :-).

— 02/06/2010

Articles peut-être en rapport

Commentaires

NiKo le 02/06/2010 :

On peut aussi, dans une certaine mesure, rapprocher ses propos du tao du lâcher-prise (ou des théories de la conduite au changement).

C'est bel et bien, mais peu appliqué dans notre profession (même si de plus en plus s'y emploient) :)

Nils Oj le 02/06/2010 :

Je ne saurais trop te conseiller L'homme et la ville : Laborit y dresse le parallèle entre ville et organisme cellulaire. On y trouve beaucoup de vision et quelques moments subversifs...

David, biologeek le 02/06/2010 :

@NiKo : mine de rien, c'est de plus en plus utilisé, avec tous le biais qu'il peut y avoir avec mes clients ;-)

@Nils Oj : merci, je vais également lire La nouvelle grille qui me semble indispensable. Tu sais si dans un ouvrage plus récent, il parle du web ?

Franck le 02/06/2010 :

Quand on est dans Scrum, c'est-à-dire qu'on s'en donne les moyens, on est amené à travailler sur des bases mouvantes, à ne plus regretter de jeter ce qui ne sert pas (en s'en apercevant au plus vite), à changer nos méthodes. Le but n'est pas l'Idéal mais l'Adapté, au moment où on utilise.
Scrum est une conduite du changement.

Quentin le 03/06/2010 :

Pourtant construire des idéaux est important. Qu'on voit les penseurs des lumières qui ont jeté les bases de nos constitutions démocratiques...

Marco le 06/08/2010 :

Tout à fait d'accord avec Franck sur SCRUM même s'il est parfois difficile aux informaticiens de "jeter". C'est le principal problème, beaucoup d'informaticien (mais c'est un constat général pour toutes les personnes), n'aimen,t finalement pas le changement. Et les bases mouvantes d'un projet, les déstabilisent souvent. C'est en tout cas ce que j'ai vu dans beaucoup de projets Agiles où une résistance caché peut venir des développeurs. L'exemple caractéristique est Google qui applique SCRUM à tous les niveaux mais qui aussi laisse aux gens le choix de faire ce qu'ils veulent. Au final beaucoup de projets ont laissés de côté l'agilité... On doit donc composer avec cela.

Matthias le 15/09/2010 :

Ce blog est-il mort?