Relance


Redémarrer la machine à tout prix.

Ouverture #

C’est que ce monde ne changera pas simplement parce qu’on comprend avec sa tête qu’il va droit dans le mur : il changera surtout si notre perception mute et s’ouvre, apprend à voir ce qu’elle ne voyait pas ou plus, ou mal, ce qui relève d’un exercice tout autant spirituel que physique, d’un métissage serré des deux potentialités. Ce n’est pas l’un ou l’autre, la pensée ou l’émotion, le concept ou le percept, ou l’affect, c’est l’un et l’autre et le troisième, en multicouches. C’est un alliage et c’est une alliance.

Postface par Alain Damasio de La recomposition des mondes, Alessandro Pignocchi

Si le capitalisme repart après avoir été quasi à l’arrêt, je me demande comment est-ce que l’on peut encore croire. Croire qu’un changement radical soit possible. Croire qu’une généralisation des ZAD est envisageable. Croire qu’une génération est suffisante alors qu’une pandémie ne l’est manifestement pas.

S’ouvrir à l’acceptation. Celle d’inégalités indécentes. Celle de privilèges plus ou moins innés. Celle qui ira jusqu’à l’épuisement du dernier esclave.

Accepter l’inacceptable sans se détester de trop.

Funambulisme quotidien.

Agriculture #

Mais alors, que n’ont-ils pas abandonné l’agriculture quand le plan se retourna contre eux ? En partie parce qu’il fallu des générations pour s’apercevoir que les petits changements s’accumulaient et transformaient la société, et qu’à ce moment-là personne ne se souvenant avoir jamais vécu autrement. Et en partie parce que la croissance démographique brûla les vaisseaux de l’humanité. Si l’adoption du labourage fit passer la population d’un village de cent à cent dix, quels sont les dix qui eussent été volontaires pour mourir de faim afin que les autres reviennent au bon vieux temps ? Impossible de revenir en arrière. Le piège s’était refermé.

Sapiens, Yuval Noah Harari

Seule une pandémie éradiquant plus de 90 % de la population permettrait un retour possible au nomadisme. Cela me semble être aujourd’hui la seule sortie envisageable du capitalisme, en valorisant une accumulation de savoirs plutôt que d’avoirs.

À une ou deux petites mutations près, on n’en est plus si éloigné… et si la combinatoire naturelle ne s’en sort pas, il y aura bien un savant fou pour l’aider un peu.

Neuf personnes sur dix trouvent probablement cette idée incongrue. La dixième a-t-elle pour autant davantage de chances de survivre ? Le voudrait-elle seulement ?!

Ermite #

Cette vie procure la paix. Non que toute envie s’éteigne en soi. La cabane n’est pas un arbre de l’Éveil bouddhique. L’ermitage resserre les ambitions aux proportions du possible. En rétrécissant la panoplie des actions, on augmente la profondeur de chaque expérience.

[…]

La tentation érémitique procède d’un cycle immuable. Il faut d’abord avoir souffert d’indigestion dans le cœur des villes modernes pour aspirer à une cabane fumant dans la clairière. Une fois ankylosé dans la graisse du conformisme et enkysté dans le saint doux du confort, on est mûr pour l’appel de la forêt.

[…]

Un ermite ne menace pas la société des hommes. Tout juste en incarne-t-il la critique. […] L’anarchiste rêve de détruire la société dans laquelle il se fond. Le hacker aujourd’hui fomente l’écroulement des citadelles virtuelles depuis sa chambre. […] Tout deux ont besoin de la société honnie. Elle constitue leur cible et la destruction de la cible est leur raison d’être. L’ermite se tient à l’écart, dans un refus poli. […] L’ermite ne s’oppose pas, il épouse un mode de vie. Il ne dénonce pas un mensonge, il cherche une vérité.

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson

De plus en plus tenté par une auto-exclusion. Je crois que dans d’autres circonstances familiales, j’aurais déjà fait ce pas de côté, ce refus poli.

S’isoler dans un petit recoin de forêt. En insécurité énergétique (cache). Loin…

Un bois n’a jamais refusé l’asile. Les princes, eux, envoyaient leurs bûcherons pour abattre les bois. Pour administrer un pays, la règle est de le défricher. Dans un royaume en ordre, la forêt est le dernier bastion de liberté à tomber.

Ibid.

Recul #

And I thought with a pang of how I was always hurrying him – to get dressed, to get out the door for school, to finish his dinner, to get ready for bed – and of how heedlessly I was inflicting upon him my own anxious awareness of time as an oppressive force. How before he knew where he was, his own childhood would have receded into the past, and he too would be out of the secret level of childhood and into the laterally scrolling world of adulthood.

Splendid isolation: how I stopped time by sitting in a forest for 24 hours (cache)

On dirait que je ne suis pas le seul à prendre du recul en allant me promener en forêt.

Lorsque j’observe le changement qui a pu s’opérer dans notre famille depuis que l’on est en confinement en terme d’apaisement et d’équilibre, je me dis que j’ai besoin de temps pour accepter que l’instruction en famille est peut-être ce qui est préférable pour chacun de nous.

Aussi, il est temps que j’aille faire un petit tour dans les bois.

Haine #

[Discussion autour des commentaires suite à un gazouillis de la mairesse.]
— Il y a beaucoup de haine à Montréal en ce moment.
[Part en courant dans le salon pour vérifier un truc et revient aussi vite.]
— Mais non Papa, il n’y a qu’un « n » à Montréal !

Il y a un « m » dans humour.