Homophobie


[Frank] Herbert maintiendra des propos homophobes jusqu’à la fin de sa vie, en considérant que l’homosexualité est un comportement immature, adolescent. En 1985, lors de sa conférence à UCLA, interpellé par un étudiant gay qui lui reproche d’avoir caricaturé les homosexuels sous les traits du Baron Harkonnen, il répondra : « Les gays agissent pour ne pas faire perdurer l’espèce. » Puis il s’esclaffera d’un rire gras, ainsi que la salle, qui applaudira. Une autre époque. […] Bruce Herbert [son fils] mourra du sida à l’âge de 41 ans en juin 1993, après avoir été un militant acharné de la cause LGBT.

Frank Herbert : itinéraire d’un anti-héros, DUNE : le Mook, Alexandre Sargos

J’apprends cela en pleine (re)lecture de son œuvre et ça me met mal à l’aise. Aussi, je remarque encore davantage certains extraits à ce sujet. J’essaye de ne pas (trop) couper pour que chacun·e puisse se faire son idée :

— Et à la curieuse théorie de Leto.
— Oui. Il affirme que les armées exclusivement masculines étaient trop dangereuses pour leur support civil.
— C’est insensé ! Sans armée, il n’y aurait même pas de…
— Je connais votre argument. Mais il dit que l’armée masculine n’était rien d’autre qu’une survivance de la fonction tampon dévolue aux mâles non reproducteurs de la horde préhistorique. Il dit aussi que, dans cette optique, il est frappant de constater que c’était toujours les mâles plus âgés qui envoyaient les jeunes au combat.
— Qu’est-ce que cela signifie, la fonction tampon ?
— Il s’agit de ceux qui se trouvaient toujours dans la zone de danger, pour protéger le noyau de mâles reproducteurs, de femmes et d’enfants. Ceux qui affrontaient les prédateurs en premier.
— En quoi est-ce dangereux pour les… civils ?
— D’après le Seigneur Leto, lorsqu’elle ne trouvait plus d’ennemi extérieur, cette armée de mâles se retournait toujours et invariablement contre ses propres populations.
— Pour ravir les femelles aux autres ?
— C’est possible. Mais il ne croit visiblement pas que l’explication soit si simple.
— Je ne trouve pas cette théorie particulièrement curieuse.
— C’est parce que vous n’avez pas encore tout entendu.
— Il y a autre chose ?
— Oh, oui ! Il dit qu’une armée de mâles a toujours de très fortes tendances homosexuelles.
Idaho, par-dessus la table, le foudroya du regard.
— Je n’ai jamais…
— Bien sûr que non. Il veut parler de sublimation, d’énergie défléchie et de tout le reste.
— Quel reste ? protesta Idaho, dressé contre ce qu’il interprétait comme une attaque à son image virile.
— Les aptitudes de l’enfance, les jeux de garçons, les plaisanteries destinées uniquement à faire souffrir, la loyauté réservée aux compagnons de horde… des choses de ce genre.
— Et quelle est votre propre opinion ? demanda froidement Idaho.
— Je me souviens… […] de quelque chose qu’il m’a dit un jour et qui, j’en suis sûr, est exact. Il est chaque soldat de l’histoire humaine. Il me proposait d’incarner devant moi, pour l’exemple, une série de personnages militaires figés dans leur adolescence. J’ai décliné cette offre. J’ai lu attentivement les livres d’histoire, et j’avais déjà par moi-même identifié cette caractéristique. […] Vous devriez y penser capitaine.
Idaho se flattait d’être honnête envers lui-même, et ce que venait de dire Moneo le touchait. L’armée préservant les cultes de la jeunesse et de l’adolescence ? Il y avait quelque chose de vrai là-dedans. Et certains exemples, dans sa propre expérience…
Moneo poursuivi en hochant la tête :
— L’homosexuel, latent ou non, qui maintient sa condition pour des raisons que l’on pourrait qualifier de purement psychologiques, a tendance à se livrer à des comportements infligeant la douleur, aussi bien à autrui qu’à lui-même. D’après le seigneur Leto, cela remonte aux comportement probatoires de la horde préhistorique.
— Et vous le croyez ?
— Oui.

Dune IV. L’Empereur-Dieu de Dune, Frank Herbert

Il s’agit de personnages fictifs dans une œuvre de science-fiction. Et c’est probablement ce que je me suis dit lors des précédentes lectures, ça facilite la dissociation de l’auteur et de son œuvre, c’est l’option facile pour garder bonne conscience. Est-ce que je supporte aujourd’hui de lire cela ? Très difficilement, surtout sachant qu’il a mis à la porte son fils en raison de son homosexualité… j’aimerais pouvoir me dire que c’était une autre époque mais je n’y arrive pas.

Et c’est une bonne chose dans mon propre cheminement sur ce que je juge comme étant acceptable ou non. Je vais tout de même aller au bout de la série car j’aimerais savoir l’interprétation que j’ai aujourd’hui de « La maison des mères », avec un peu plus de recul.

Plus loin dans cet ouvrage on peut également lire :

Moneo parla alors d’une voix apaisante, mais ses paroles secouèrent Idaho.
— Je ne vous le dirai qu’une fois. Les homosexuels ont compté parmi les meilleurs guerriers de notre histoire, les troupes du dernier recours. Ils ont figuré parmi nos meilleurs prêtres et prêtresses. Le célibat des religieux n’a jamais été le fait du hasard, et ce n’est pas un hasard non plus si les adolescents font les meilleurs soldats.
— C’est de la perversion !
— D’accord avec vous. Cela fait des milliers de siècles que les commandements militaires tirent parti du déplacement perverti de la sexualité vers la souffrance.
— C’est ce que fait le Grand Dieu Leto ?
D’une voix toujours douce, Moneo répondit :
— La vraie violence exige que la souffrance soit infligée et reçue. Une armée conduite à cela par ses pulsions profondes est bien plus maniable.

Ibid.