Lâche(r-prise)
Mais quand on avait envie de continuer à s’investir, c’est très frustrant. Je suis un peu triste, je vis malgré tout partiellement comme un échec le fait de devoir cesser, là, de faire ce que j’avais commencé, en ne finissant même pas les projets que j’avais démarrés. Je vois bien que c’est ridicule, un peu comme quelqu’un qui le pied dans le plâtre après un accident du travail, ne parlerait que de retourner au bureau. Ben non. Manifestement tu ne peux pas retourner au bureau. Lâche.
Je (me) demandais le mois dernier s’il y avait « lâche » dans « lâcher-prise » car c’est une tension que j’ai l’impression de vivre souvent. Ne plus savoir quelle est l’échelle la plus pertinente dont il faudrait que je prenne soin, de la personnelle à l’universelle en passant par une multitude de paliers plus ou moins enchevêtrés. Le temps et donc notre attention — sur lesquels nous espérons avoir une forme de pouvoir — sont finalement d’un potentiel assez dérisoire.
Il faut que je revienne sur cette notion de potentiel.
28. L’homme en s’abandonnant ainsi commet le péché social — c’est-à-dire le péché qui consiste à refuser d’être une personne consciente de ses devoirs, de sa force, de sa vocation, pour accepter les influences de l’extérieur (les accepter volontairement ou non, par les ordres reçus ou les films vus p. ex.). L’homme rentre désormais dans la foule. Le péché social est le péché contre l’esprit, parce que l’homme renonce à ce qui le rend différent de ses voisins — (sa vocation) — pour s’assimiler à eux et devenir un jeton interchangeable qui accomplit des gestes identiques, lit les mêmes mots, pense les mêmes pensées. C’est le refus de vivre.
Directives pour un manifeste personnaliste, Bernard Charbonneau et Jacques Ellul, 1935