Nous sommes en passe de vivre un changement de paradigme : la transition d’un Internet de la publication à un Internet d’émission est engagée.
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Ce changement de paradigme ne va-t-il pas changer aussi la manière que nous avons de percevoir notre expérience numérique ? Il est peut-être judicieux de commencer à envisager des scénarios d’usage où les utilisateurs seraient de moins en moins engagés dans une « contribution » désirée, et de plus en plus enfermés dans une logique d’« extraction » systématisée.
Qu’est-ce que le Digital Labor ?, Antonio A. Casilli
On a beaucoup parlé de l’économie de la contribution, du partage et de la collaboration. Quid d’une économie où ces données ne sont pas publiées intentionnellement mais à notre insu ? Il s’agit bien là des enjeux des buzzwords Big Data et Internet of Things : passer de la publication volontaire et contrôlée à l’émission continue et ubiquitaire.
Je me demande dans quelle mesure la crise auto-proclamée actuelle est une réponse inconsciente à ce changement de rapport à soi-même et aux autres. Dis-moi ce que tu consens à perdre et je te dirai qui tu es. Certains se tiennent actuellement debout dans la foule anonyme du parc d’attraction (cache) là où d’autres ont choisi la radicalisation communautaire en pair à pair. Actions-réactions. Différences d’échelles et d’impacts. Les uns émettent, les autres génèrent. Il y aurait beaucoup à apprendre des cellules terroristes pour employer ces méthodes à d’autres fins.
Je ne crois plus à l’AG du grand soir qui va soulever les foules et être à l’origine d’un grand mouvement citoyen conduisant à la démocratie, je ne crois plus non plus aux colibris devenant Canadairs qui s’épuisent en se donnant bonne conscience. Je crois par contre à la puissance du réseau des relations humaines et à une intensification brutale du maillage associé, potentiellement par la technique. Mais cela nécessite de rester acteur de son réseau, le passage à l’émission nous fera perdre cette force. La liberté se donne, elle ne se cède pas.
Si l’on n’y prend pas garde, ce changement d’économie pourrait insidieusement correspondre au statu quo de notre société. Du tous ensemble au tous connectés là où l’on aurait besoin d’un tous conscients.
Pour quelle économie travaillons-nous ? Vers quelle société allons-nous ?