Dans le contexte économique actuel d’une explosion de l’emploi indépendant, avec une augmentation de 85 % entre 2000 et 2013, certains imagent qu’il pourrait y avoir des places de marchés autonomes et sécurisées où le travail et les contrats seraient hébergés et opérés par une blockchain.
Les frontières des organisation classiques sont ainsi remises en cause avec la blockchain avec l’émergence d’organisations coopératives décentralisées d’un nouveau genre.
Compte-rendu du petit-déjeuner Blockchain du 9 Mars 2016 (cache)
J’ai un peu de mal à voir associées les coopératives fondées sur la confiance et la blockchain qui propose un consensus certifiant et décentralisé. Ici la complexité des relations humaines s’oppose à la complexité des preuves de travail algorithmiques. Chacune demande du temps, dans un cas de construction sociale dans l’autre de calcul pour miner, mais il s’agit finalement de leur seul point de ressemblance.
Les relations de confiance ne peuvent être contractualisées. Auquel cas elles perdent leur intérêt du fait de leur délégation, fût-elle décentralisée. Au passage relire la conclusion de ce billet me fait doucement sourire après le fiasco leftpad (cache) :-). Or, une coopérative est un tissu de confiance et de solidarité, c’est ce qui fait sa résilience et ce qui la rend si… humaine.
En fait, rappellait Noémie de Grenier, pour se prémunir des risques d’auto-exploitation, l’organisation collective reste la meilleure réponse. Si la coopérative se défend d’être l’unique solution à l’ubérisation, Noémie de Grenier souligne que “l’individualisation induit toujours de la précarité”. Le travail isolé et précaire n’est jamais émancipateur.
Quelle est la meilleure réponse à l’ubérisation ? Les collectifs ! (cache)
N’en déplaise à AlphaGo, la modélisation de nos interactions est loin d’être maîtrisée par la froideur algorithmique. Si nos comportements sont réguliers et monotones d’après Dominique Cardon, il n’en reste pas moins que nos sentiments, notre créativité et la richesse de nos interactions le sont moins.
Faut-il pour autant rejeter la solution technique pour réunir des personnes ? Bien sûr que non, mais il faudrait peut-être s’en tenir au terme de mutualisation plus que de coopérative qui repose sur des valeurs autres qu’un intérêt économique commun.
Il y a un réel enjeu de société ici que le web a (peut-être ?) perdu avec le temps. Avec quels types de liens veut-on tisser nos relations ?
En déplaçant le débat de l’intelligence collective vers la gouvernance algorithmique, on a défait le lien tenu et fragile qui faisait du web des communautés un espace dans lequel les contributions individuelles entretenaient un lien avec des formes collectives.
[…]
Il y a quelque chose de paradoxal et de particulièrement ambigu dans les ressorts norminatifs du discours d’économisation du web. Pour critiquer le pouvoir économique des plateformes, il mobilise une anthropologie individualiste qu’il a par ailleurs rendue responsable de l’affaiblissement des pratiques coopératives du web des pionniers.
Qu’est-ce que le Digital Labor ?, Dominique Cardon
Je recommande vraiment cet ouvrage co-écrit avec Antonio A. Casilli.