Les plus récentes en premier, les 3 premières sont dépliées et ensuite c’est à la demande, bonne exploration !
Jour 3 (2023-03-04)
Je me réveille à 4h45. Tout est paisible. Je me réveille à 5h15 car j’ai le visage qui touche la toile de tente. Il vient de tomber cinq centimètres en une demi-heure ! Je secoue la tente car j’ai peur pour la sonde à neige qui me sert de mat de tipi — et qui commence à courber dangereusement — ne casse alors que je suis encore dans mon duvet. Je passe les prochains quarts d’heure à faire glisser la neige très collante lorsqu’elle s’accumule avant d’oublier toute notion de grasse matinée. Le bon côté, c’est qu’il ne fait pas trop froid.
Je m’habille et je prépare mon petit déjeuner avec mon réchaud à alcool, bien à l’abri, ça tombe en continu et le retour s’annonce épique. J’ai déjà un petit rempart de neige autour de la tente. Dire que je me réjouissais la veille que le sentier ait pu geler…
Je sors quand même faire des photos en pleine tempête de neige et je suis très content de cette session. Même si les photos une fois développées sont assez frustrantes sur ce plan là, la recherche du moment me donne un grand sourire.
Cerise sur le gâteau, je vois des traces sur la berge opposée et je commence à les suivre en aval puis en amont, assez loin. Il est passé il y a moins de 15 minutes et c’était à 100 mètres de mon campement. Je casse le suspense tout de suite, je n’ai jamais vu l’animal mais la traque dans ces conditions idéales pour avoir l’espoir de s’approcher sans être vu ni entendu était extrêmement stimulante. À chaque ouverture sur la rivière depuis le sentier, j’imaginais ce que ça pourrait donner avec un coyote ou un ongulé au premier plan. J’ai encore ces images dans la tête :-).
Le rangement du campement sous la neige est assez complexe sans tout mouiller mais c’est un bon exercice. Par contre le retour est vraiment fastidieux car en montée avec 15 cm de poudreuse fraîche en plus ça devient difficile de traîner une luge adaptée par mes soins. Je me dis qu’il serait pertinent d’investir dans une vraie pulka…
Davantage de photos disponibles par ici.
Jour 2 (2023-03-03)
Je me suis couché en ayant relativement chaud mais au cours de la nuit, la température est bien tombée avec le vent. Je me réveille vers 6h avec le visage plutôt frais et le trou du duvet bien gelé, je regarde la météo depuis l’intérieur de mon duvet et iels m’annoncent -15°C ressenti -20°C avec le vent. Pas pire. ERREUR.
En fait, ce duvet est tellement chaud que je ne me suis pas trop méfié mais dès l’habillage je sens qu’il fait vraiment frette. Les chaussures sont gelées et les lacets aussi, les gants en cuirs sont raides et inutilisables, ma barbe gèle instantanément, le bouchon du Thermos a gelé. Ma montre m’indique -23°C et il y a du vent. La météo canadienne disais-je. Je fais vite un feu que j’aurais un peu mieux dû préparer la veille, je mets longtemps à récupérer de la dextérité. Ne parlons pas des pieds.
La sortie du duvet est vraiment l’étape cruciale du camping hivernal. D’habitude, je commence à mettre tout ce que je peux dans le duvet pendant une quinzaine de minutes le temps de réchauffer les vêtements externes. J’aurais pu tenter de mettre une chaufferette dans chaque chaussure aussi (j’en emporte toujours deux sans jamais les utiliser !). Je fais une petite danse du réchauffement mais je sais aussi que je suis en train de louper la meilleure heure pour les photos et ça me frustre. Je tente un changement d’objectifs à mains nues et c’est une erreur… ouille le métal gelé.
Je respire un bon coup et j’accepte la situation. La priorité est de se réchauffer en bougeant tout en m’alimentant et en faisant fondre de la neige. Il est possible de faire des erreurs mais pas de les enchaîner dans ces conditions. La magie du feu et de l’eau chaude finit par faire son effet.
C’est une de ces journées fraîches de plein soleil donc la lumière est très violente. Je décide de descendre la rivière pour réchauffer mes pieds. Bon OK, pas littéralement.
Le chemin est de toute beauté et j’ai vraiment du mal à capter cette ambiance. Il n’y a vraiment personne et je prends mon temps pour rester sec (vive la laine). Je découvre que l’emmental peut con·geler, qu’il faut commencer par casser des morceaux avec ses gants puis les faire fondre dans sa bouche jusqu’à être en capacité de le mâcher. #MeanwhileInCanada
De retour au campement, je décide de faire une sieste pour attendre des couleurs et lumières moins dures. C’est une stratégie plutôt payante et je remonte cette fois-ci la rivière, il fait moins froid et c’est assez agréable d’être silencieux car je n’ai plus vraiment besoin des raquettes, le sentier a gelé.
Un peu de neige est annoncée en matinée pour le lendemain. Je m’endors confiant. Haha.
Davantage de photos disponibles par ici.
Jour 3 (2023-02-12)
Réveil vers 6 h après une nuit qui a débuté venteuse mais qui a ensuite été très reposante, les muscles tirent mais c’est normal. Je sors de mon duvet sans même avoir à trop m’habiller, il doit faire -4 °C.
C’est chouette car maintenant il y a une autre synergie dans le groupe qui permet d’échanger sur des techniques, du matériel, des astuces. On a un cameraman qui s’occupe de faire des petites vidéos explicatives aussi. On plaisante sur le fait qu’il ne fallait pas s’inscrire sur un coup de tête mais que toutes les inscriptions sont parties en 24 h. Les départs se font au compte-goutte, sans pression, au gré des personnes.
À moins de 50 mètres du campement, on croise les traces de deux canidés qui sont passés sur le réservoir dans la nuit. L’un des accompagnateurs nous indique que la visibilité des griffes pourrait signifier des loups plus que des coyotes.
Il y a 5 kilomètres avant d’arriver à l’innovation de l’année : un apéro ensemble avant la toute dernière section pour rejoindre l’accueil. C’est une bonne idée car ça permet de s’échanger des photos via AirDrop, des anecdotes, de faire des plans ensemble, etc. Les conditions permettent de prendre le temps sans être agglutiné·es autour du foyer.
On évoque notamment la possibilité de faire une édition avec enfants conditionnée par la météo (et l’expérience).
Anecdote : il y a eu des bières gratuites tout au long du parcours, avec et sans alcool, car le directeur de Boréale était avec nous.
Difficile pour moi d’exprimer un ressenti à chaud de l’expédition, je m’y risque quand même :
- Ça m’a confirmé que je ne suis pas très sociable et que je suis beaucoup plus à l’aise dans des petits groupes (genre un, deux à la limite).
- J’ai évolué sur un réservoir gelé dont la neige avait été soufflée, une première pour tester ces conditions.
- Je me suis rendu compte que j’avais plus chaud en moyenne que les autres participant·es lorsque je suis dans l’effort.
- J’ai besoin d’être proche de la forêt, mentalement je trouve ça très dur d’avancer entouré de blanc, vers du blanc, je n’imagine même pas lorsqu’il n’y a qu’une étendue blanche à perte de vue…
- J’étais content de passer beaucoup moins de temps à faire fondre de la neige, ça aurait pu me laisser l’espace pour faire des photos mais j’avais peur de trimbaler une brique dans des conditions difficiles.
- C’était un soulagement d’avoir du support en cas de pépin, à contre-balancer avec l’inertie du groupe et le rythme imposé.
- J’ai apprécié que les motoneiges soient assez discrètes, j’ai même toléré un drone pendant quelques minutes.
- Une bonne partie de l’équipement pour du froid extrême n’a pas servi, ça sera amorti ces prochaines années mais ça m’interroge.
- J’ai amélioré mes connaissances autour des différents états de la glace sur un lac.
Et l’année prochaine ? Pas facile de me prononcer pour l’instant, ça m’a permis d’envisager d’autres expéditions par contre.
Jour 2 (2023-02-11)
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Finalement, réveil à 6 h au bruit des casseroles des voisin·es. C’est pas plus mal car ça me permet d’admirer la pureté du ciel étoilé par -15 °C, et puis ça me laisse le temps de me faire un gruau bien chaud avant de tout plier. Je ne suis pas encore à 100% mais c’est déjà beaucoup mieux que la veille. La bactérie ou le virus concerné doit se dire que je ne suis pas un hôte rentable.
On monte dans le bus scolaire avec un peu de retard et c’est parti pour 1 heure de transport afin de rejoindre l’autre côté du réservoir, j’ai bien fait de me mettre à l’avant car ça tourne et c’est bien gelé. On se retrouve rapidement sur la glace avec nos traîneaux pour la photo de départ et hop c’est parti.
Je me retrouve dans le groupe de tête qui va à un rythme un peu fou. Je ne sais pas trop pourquoi je m’impose ça, c’est un bon moyen de voir si j’ai de la fièvre ! Avec une telle taille de groupe, j’ai surtout l’appréhension de retarder tout le monde avec un souci plus ou moins technique, je me dis qu’avec un peu d’avance ça me permettra de pallier une éventuelle défaillance. On a tou·tes nos insécurités…
Niveau équipement, il y a un peu de tout, ça va des skis de fond aux skis de randonnée avec peaux en passant par les skis-raquettes. Je suis content de mes écailles vu les conditions mais ça me fait préférer la neige, aussi je me décale vers la berge en solo, la visibilité est bonne et je ne le vois pas comme un problème de sécurité. Les températures se réchauffent et tout le monde craint que l’étendue d’eau gelée ne se transforme en un lac de sloche…
Malgré le chargement, je me surprends à pouvoir glisser de temps en temps lorsque le revêtement est bon. C’est agréable et je suis déjà en t-shirt car il doit faire autour de zéro, ressenti 12 000 °C, la réverbération est violente. J’attends stupidement la pause de midi pour mettre une protection sur ma peau. Et pour m’alimenter. Et pour bien m’hydrater. N’importe quoi.
En arrivant dans la crique dédiée au repas, c’est ambiance station de ski avec un fond de Bob Marley et le long serpent des arrivées qui se replie pour digérer. Je pense que c’est un soulagement partagé d’être dans des conditions idéales et de pouvoir profiter de cette belle journée. Les organisateurs n’ont jamais connu ça. On a avalé les sept premiers kilomètres en moins de deux heures…
Pour la seconde partie de la journée, je prends un rythme moins soutenu car je ne veux pas arriver trempé au campement et la température monte encore. J’en profite pour observer les différentes tactiques de chacun·e pour limiter le frottement/bruit, passer sur les plaques de glace, etc. Ces sept derniers kilomètres se font sur la digestion.
Le campement est dans une crique qui laisse suffisamment d’espace pour ne pas être trop les un·es sur les autres. Je fais l’erreur de choisir stratégiquement un emplacement qui pourrait être au soleil le matin au détriment de la protection au vent. Ça va s’avérer assez critique plus tard car on va se prendre de bonnes bourrasques qui me feront craindre l’envol de mon tipi. J’enneige les bords avant de me coucher pour éviter la prise au vent par en-dessous, tant pis si ça condense cette nuit, c’est la dernière dehors.
Le coucher de soleil est magnifique et je tente même un peu d’astrophotographie à l’iPhone, soyons fous. Un ragoût de bœuf était proposé pour les personnes qui ne voulaient pas être en autonomie complète. Je tente le coup et c’était bon mais je crois que je ne mange plus assez de viande pour supporter des portions d’expédition vu mon état de fatigue. Mes nouilles traditionnelles seraient probablement mieux passées. La soirée se passe plutôt bien et les températures restent agréables.
La seule frustration partagée de la journée c’est de ne pas pouvoir tester l’équipement chaud acheté pour l’occasion ! Mais bon on ne va pas chialer la bouche pleine non plus hein…
Jour 1 (2023-02-10)
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Ma propre inadaptation physiologique au froid a aussi son origine dans la sélection naturelle. Je ne suis pas à ma place dans ce mandala glacial car mes ancêtres ont échappé à la sélection naturelle par la résistance au froid. L’homme descend de grands singes ayant vécu pendant des dizaines de millions d’années en Afrique tropicale. Conserver sa fraîcheur était bien plus nécessaire et ardu que de conserver sa chaleur, et nous avons donc peu de défenses corporelles contre le froid. Lorsque nos ancêtres ont quitté l’Afrique pour gagner l’Europe du Nord, ils ont emporté avec eux du feu et des vêtements, transportant ainsi les tropiques dans les régions tempérées et polaires. Cette ingéniosité leur a épargné bien des souffrances et des pertes, résultats incontestablement bénéfiques. Mais le confort est une dérobade face à la sélection naturelle. Notre aptitude à faire du feu et à nous vêtir nous condamne définitivement à ne pas être à notre place dans le monde hivernal.
Un an dans la vie d’une forêt, David G. Haskell
Je me réveille avec pas mal de symptômes, je me sens malade depuis la veille et ça ne s’arrange pas… je suis dégoûté. Tout seul, j’aurais reporté mais là c’est plus compliqué, j’accompagne l’enfant à l’école et je mets un bon moment à me décider à décoller pour 3 heures de route après un bon cocktail de vitamines. Je me dis que si ça se dégrade vraiment dans l’après-midi/nuit je pourrai toujours rester au chalet d’accueil la nuit et rentrer.
J’arrive le premier, il est demandé aux participant·es de passer la première nuit sur le parking pour vérifier le matériel et les compétences, ce que je trouve justifié vu le contexte. Je monte tranquillement la tente, les conditions de voyage ont été difficiles et je n’ai qu’une hâte : la sieste !
Les températures sont plutôt clémentes, les personnes arrivent au compte-goutte et je fais une étude sociologique autour du montage de tente. Il y a vraiment tous les âges, toutes les expériences, une diversité d’équipement. Et j’avais été assez mauvaise langue, il y a une parité apparente. C’est une chose qui m’avait déjà étonné lors d’un précédent stage de survie douce. Vive le Québec <3.
La réunion d’accueil à 19 h se fait sous une neige bien dense autour du foyer, c’est très jovial. Je suis content d’avoir finalement opté pour le tipi qui est efficace pour ne pas accumuler trop de poids avec la neige et qui reste ventilé pour ne pas garder la condensation et finir trempé.
Les organisateurs nous annoncent des conditions très clémentes, presque trop mais la glace est solide grâce au vortex polaire de la semaine passée. Départ prévu à 7 h 30 demain matin, il faut que le traîneau soit près à embarquer à ce moment là. Je mets le réveil à 6 h 30 et je ne fais pas long feu car je me suis encore bien diminué. Je m’endors grâce au bruit (littéralement !) blanc de la neige qui crépite sur la toile. Les réveils nocturnes permettent de faire tomber la neige des parois, la gorge gratte. J’utilise pour la première fois mon duvet -30 °C et je crève de chaud, j’apprends à utiliser ses ouvertures latérales. Je l’ai acheté en panique il y a deux semaine, après la réunion d’information qui nous racontait une nuit à -38 °C il y a 3 ans…
Attente (2023-02-05)
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Il y a l’attente qui rime avec patience. Le corps est prêt, le mental jamais tout à fait mais la confiance s’est progressivement construite. L’équipement a été soigneusement évalué et testé. Le corps est stressé mais en demande de libération. Le retenir, encore un peu, c’est la mauvaise expérience qui parle.
Il y a l’attente qui rime avec panique lorsqu’à une semaine près on se prenait un vortex polaire et les températures extrêmes qui vont avec. Lors de la réunion d’information ils nous ont bien précisé qu’iels s’étaient pris -37°C il y a trois ans… peut-on vraiment se préparer à ça ?
Il y a l’attente qui rime avec anxiété. La peur de la blessure du dernier moment ou de l’oubli d’une pièce critique de matériel, que la voiture lâche le jour J ou qu’une maladie vienne tout gâcher avant le départ. Tout peut encore arriver. La prudence ne suffit pas.
Il y a l’attente qui rime avec apaisement. Avoir eu la possibilité de tester son système de lutte contre le froid dans des conditions extrêmes et d’avoir pu vérifier sa pertinence alors qu’il restait plusieurs inconnues. Avoir fini par acheter un duvet plus chaud pour ne pas être trop limite. Ça resservira.
Il y a l’attente qui permet d’apprécier de pouvoir encore se permettre ce genre de truc, de l’envisager peut-être comme une répétition. Il y a tant d’espaces à découvrir.
Jour 2 (2023-01-22)
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Deux objectifs au réveil : minuter le rangement du camp et ne pas faire de feu.
J’ai rarement l’occasion de me presser lorsque je suis en forêt. À part peut-être si je sais qu’un orage s’en vient. Or, j’ai besoin de savoir en combien de temps est-ce que je peux avoir mon traîneau de prêt car qui dit groupe dit synchronisation.
Il m’a fallu environ une heure, sans compter le petit déjeuner que je peux envisager froid/en route. J’ai des pistes d’améliorations mais ça va beaucoup dépendre des conditions aussi, notamment du vent. Ce n’est pas la même chose de devoir plier bagage et préparer son eau de la journée dans une tente ou pas !
Je voulais aussi tester le réchaud à alcool dans des conditions froides mais le pré-chauffeur n’a pas été nécessaire vu la température. En tout cas, la fait de chronométrer tout ça m’a permis de vérifier qu’il était possible de se passer de feu pour se réchauffer, j’ai fini en sueur.
L’effet de bord de cet empressement était aussi de pouvoir prendre le départ après le regel de la nuit et mettre toutes les chances de mon côté pour ne pas prendre un bain matinal.
Le plus fastidieux reste de rapatrier tout l’équipement jusqu’à la voiture. Il est encore tôt et je décide d’aller me promener sur l’autre rive du lac, cette fois-ci en raquettes et avec un sac bien plus léger. C’est toujours agréable de se sentir voler, comme libéré du poids induit par toute cette recherche de mise en confiance.
Jour 1 (2023-01-21)
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L’objectif de cette sortie est de faire une répétition pour la sortie en groupe que je prépare. J’espérais pouvoir tester le matériel dans des conditions froides et il faisait malheureusement juste frais. À tel point que je doutais de pouvoir passer sur le lac, ce qui est (était ?) plutôt rare pour un 21 janvier…
J’arrive sur le parking avec beaucoup de matériel et de vêtements. Déjà là en me changeant, je sens bien que ça va être différent de mes autres sorties hivernales, j’arrive à le faire sans être enfermé dans la voiture ! Je fais deux portages pour arriver jusqu’au lac et j’harnache le traineau. Mon poids doit être autour de 100 kilos sur les skis, le traineau autour des 50, ça fait pas mal de poids au cm² et la glace est fine car on est sur un redoux. Je décide de longer la bordure sud car c’est celle la plus à l’ombre des arbres.
J’avais prévu de traverser l’intégralité du lac dans la longueur, je décide finalement de m’arrêter à mi-chemin car je flippe un peu pour ma sécurité, le soleil tape fort et même la couche de neige n’est pas si épaisse. Par chance, je décide de m’arrêter juste à un endroit qui est un emplacement de camping. J’avais aussi prévu de dormir sur le lac en mode répétition mais la terre ferme me parait quand même plus sûre vu les conditions.
Hop, passage des skis aux raquettes pour aplatir l’emplacement de la tente puis du feu. Je commence à être rôdé et je teste un nouveau foyer portable qui me permet de ne pas voir mon feu couler dans la neige. Ce premier essai est concluant même si c’est très lourd (presque un kilo). Il faudra que j’ajoute une partie sur la section dédiée.
Je passe l’après-midi et la soirée dans des conditions idéales, je suis juste frustré de ne rien avoir pris pour dessiner. Je ne pensais pas pouvoir tenir aussi longtemps les mains nues… J’en profite pour refaire les réserves d’eau chaude et liquide, vérifier la pertinence d’une partie de l’équipement et amasser plus de bois qu’il n’en faut.
À 20 heures, il fait -8°C et je n’ai même pas eu à enfiler ma dernière couche, c’est bien la première fois que je suis frustré de ne pas me geler. Je vais faire un tour sur le lac, le silence est complet, le ciel est chargé et sombre, sensation très étrange que celle de marcher dans la seule lumière disponible.
Femmes (2023-01-18)
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Ces dernières années, je communique avec davantage de femmes que d’hommes au cours de mes journées de travail. Ce qui a commencé comme une opportunité est maintenant un choix délibéré, je ne souhaite plus participer à des équipes uniquement constituées d’hommes. Ça peut — malheureusement — paraitre flippant exprimé ainsi et ce n’est qu’un premier pas sur ce chemin de traverse au sein d’un écosystème majoritairement masculin. Il ne suffit pas d’être différemment entouré, il faut aussi apprendre à se taire et écouter.
Accepter que les solutions ne soient pas forcément techniques, que ce ne soient même pas des « solutions » en fait mais une suite de prises de soin. Partager des points de vues sur les oppressions et des situations vécues qui font prendre conscience de ses propres privilèges. Découvrir qu’il n’y a pas vraiment d’environnements safe en fait, jamais. Apprendre à se méfier de ses propres biais et interprétations, à déceler ce qui est ressenti comme des agressions, à confier ses doutes sur de potentielles indélicatesses.
Cette évolution remet aussi en question les dynamiques de groupes que l’on peut observer et ce qui est acceptable ou non. Il y a des postures qui deviennent beaucoup plus rapidement intolérables. Des incohérences entre les aspirations/publications et les situations qui font grincer des dents, fort. Je me sens parfois encore bien faible et démuni face à cela. Et je sais pourtant que ça n’est rien comparé à l’épuisement d’un quotidien dans une société patriarcale. Alors je prends le temps et je donne ce que je peux d’attention, de confiance et d’énergie.
Ces environnements et échanges m’apportent tellement. Merci.
Bande son du jour : Elisapie.
Citation du jour :
Un grand pouvoir implique une grande corruption.
Préparation (2023-01-03)
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C’est sûrement cette impatience qui m’a mis sur la voie d’un apprentissage autodidacte, car je n’ai jamais voulu attendre que l’un de mes camarades soit disponible pour faire une sortie, et je n’étais pas non plus enclin à élargir le cercle de mes amitiés. La solution était donc d’y aller seul et d’apprendre par moi-même en suivant le rythme de mes erreurs et de mes réussites. C’est comme ça que j’ai été amené à escalader mes premières voies sur roche ou sur glace, et que j’ai réalisé la majeure partie de mes ascensions. Le chemin a été long, certainement plus que si j’avais été entouré de camarades ou guidé par des mentors, car l’apprentissage en solitaire force à être très lucide sur les risques que l’on court et à ne jamais douter de ses capacités lorsqu’on souhaite relever certains défis. Quand on est livré à soi et rien qu’à soi, on intègre et on consolide plus fermement les connaissances qu’on acquiert au fur et à mesure, et on apprend à se servir de son imagination pour surmonter les difficultés. Mais je dois aussi reconnaître qu’arrivé à un certain niveau, on ne peut plus progresser en restant seul.
Au-delà des sommets, Kilian Jornet
Je me suis inscrit à une mini-expédition (cache), un peu sur un coup de tête. Ce n’est pas encore très clair pour moi de savoir pourquoi est-ce que je me suis lancé là-dedans, ça va potentiellement sentir fort la testostérone et 40 personnes d’un coup, c’est bien au-delà de mes capacités sociales.
Il y a probablement cette envie de voir certaines techniques non connues à l’œuvre, échanger des expériences, d’être un peu moins sur le qui-vive (le double-sens de cette expression est savoureux), peut-être de trouver des compagnon·nes d’aventure pour de futures sorties ? J’hésite à profiter d’un contexte moins engagé qu’une sortie solo à la même date pour faire quelques photos aussi.
Le pourquoi mis de côté, il y a le comment qui est une partie que j’affectionne avant une balade : avoir le bon matériel compte-tenu des conditions, visualiser son campement, les difficultés d’alimentation/hydratation, imaginer l’intensité nécessaire, s’entraîner avec un objectif précis, etc. Et puis, en étant accompagné, il y a ce que je pourrais éventuellement prêter aux autres, peut-être même mutualiser certaines choses ?
Cette phase d’analyse est presque aussi excitante que l’activité en soi, car tout en planifiant une sortie, je ferme les yeux. Tous les détails défilent dans mon esprit, et je ressens presque le froid sur mon visage ou la douleur qui s’empare de mes mains, l’angoisse ou les frissons quand je me vois en plein virage avec les skis en suspension. Et j’anticipe également tout ce qui pourrait mal tourner: une avalanche qui se déclenche, un mauvais dérapage sur des plaques de verglas cachées par la neige, un mauvais enchaînement sur un virage.
Il m’arrive souvent de décaler le passage à l’acte, parce que je somatise, parce que je ne sais pas si je saurai accepter les risques ou gérer la pression, ou parce que le jour où il faut y aller, je sens un mal-être envahir mon corps tout entier. Lorsque je me décide à y aller vraiment, c’est que j’ai la certitude d’avoir étudié et pris en compte tous les paramètres liés aux risques auxquels je m’expose.
Ibid.
🧑🎓 Having multiple strategies for solving a problem is vital when you aren’t yet at the level of mastery. It ensures not only backups you can fall upon when more difficult methods fail, but it gives different reasoning paths to reach the right answer.
🧡 Ah, scissors. They’re important enough that we have an emoji for them. On your device, it appears as ✂️. Unlike the real world tool it represents, the emoji’s job is to convey the idea, especially at small sizes. It doesn’t need to be able to swing or cut things. Nevertheless, let’s judge them on that irrelevant criterion.
Lucidité (2023-01-02)
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Seul face à la montagne je me sens bien parce que, comme l’a dit Reinhold Messner, elle n’est ni juste ni injuste, mais simplement dangereuse. Et face au danger, une certaine logique s’impose immédiatement quand il faut prendre les décisions qu’on considère les plus adaptées. En montagne, je ne doute jamais lorsque se présente un imprévu, mais dans le domaine plus rude des relations humaines, l’indécision me plonge dans un état de paralysie jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour agir. Je dois admettre que je n’ai jamais su me faire au mode de fonctionnement des êtres humains, qu’ils soient bons, mauvais ou dangereux.
Au-delà des sommets, Kilian Jornet
J’ai souvent parlé de Kilian Jornet par ici et j’apprécie beaucoup sa franchise lorsqu’il écrit des livres. Il s’autorise à parler d’aspects de sa personnalité qui ne transparaissent pas dans les interviews ou des réflexions qu’il pourrait difficilement tenir sur un plateau de « sportifs extrêmes »…
Escalader ce type de montagnes ne consiste en rien d’autre que mettre sa vie en danger pour atteindre le sommet et, ensuite, redescendre. Nous ne nous situons donc certainement pas dans les cieux de l’héroïsme, mais bien plutôt dans les plaines de la stupidité.
Même si des sportifs cherchent à le cacher et font coïncider leur expédition avec une campagne de levée de fonds, destinés à un quelconque projet humanitaire ou à porter l’attention sur une maladie rare, l’ascension d’un haut sommet comme l’Everest n’a rien d’héroïque. Ce n’est, en réalité, qu’une activité égoïste. Un divertissement dangereux et cher.
Ibid.
La recherche de ses propres limites est l’objet d’une vie.
What it means is that there is no supply chain here. Because there is no supplier. I am not providing you something that you bought for me. There is no relationship. I put something online because I wanted to. The fact you made your product depend on it is your responsibility. Not mine. Not the one of the providers. We provide libraries. We do not supply them. You cannot apply rules to me.