De nombreux articles circulent sur la tarification à appliquer lorsque l’on est freelance. Cette question cruciale dépend de nombreux facteurs, dont l’expérience, les prix du marché et aussi la confiance en soi. Au milieu de ces interrogations, nous avons rencontré Edouard Marchal qui, lui, a fait le choix radical de pratiquer le prix libre.
Comment pitcherais-tu ton business en 140 caractères ? Je n’ai jamais vraiment pris le temps de définir mon travail au quotidien étant trop concentré sur mon activité. Pour résumer, je fais beaucoup de communication et d’évènementiel. Cela implique de la gestion de projet, du graphisme et souvent beaucoup de coaching pour mon client. Le champ de mes compétences s’agrandit en fonction des besoins. Par exemple, j’aide une petite boîte de salon de massage ayurvédique à développer son identité. A la base, la gérante voulait uniquement un logo. Finalement, la relation de confiance qui s’est instaurée a fait émerger d’autres besoins essentiels. Une vraie relation humaine s’est installée : nous avons fait évoluer ses besoins pour plus de cohérence et de globalité. En allant au delà de l’aspect communication, nous avons creusé la partie identité de son projet et ses objectifs de vie personnelle. Nous avons trouvé des éléments qui l’ont aidée autant pour son offre globale que pour la prestation pour laquelle j’avais été engagé. De mon côté, j’ai du mal à définir ma propre identité car je ne suis pas cloisonné dans un seul domaine. Dans la société actuelle, nous avons trop l’habitude de se présenter comme un statut. Pourtant, j’ai avant tout des compétences, envies et connaissances. C’est cette pluralité ainsi que toute la passion que je mets derrière qui définissent mon projet. J’estime ne pas être quelqu’un qui fait juste de la com mais une personne qui a un background et qui a envie de le mettre à disposition. Comment en es-tu venu à pratiquer le prix libre ? Lorsque je rencontre un éventuel prospect, j’explique ma vision des choses tout en lui expliquant que son projet pourrait être connu et comment je pourrais l’y aider. En échange, il me donne ce qu’il peut lorsque le projet arrive à son terme. La plupart du temps au début, ils ne comprennent pas cette démarche. Je présente alors mes compétences et ce que j’estime comme temps à devoir passer sur leur problématique. Ensuite, je les invite à juger le montant que cela peut coûter, par rapport à leurs ressources et à ce qu’ils souhaitent faire. Pour reprendre mon exemple sur le salon ayurvédique, nous avons fait du troc : c’était une manière de me rémunérer. C’est une façon d’amener son client à réfléchir sur comment s’entraider sans se limiter à l’idée du « juste prix ». Pour aider le client dans cette démarche, je donne le montant que la presta aurait coûté, et à partir de ça il décide du montant. Concrètement, comment cela se passe-t-il ? Dans le secteur de la communication, les clients ont malheureusement beaucoup tendance à tirer les prix vers le bas. J’ai des amis qui pratiquent le prix libre dans d’autres secteurs et qui gagnent plus que s’ils donnaient leur propre prix. Il y en a notamment qui réalisent des documentaires. Dans ce cas précis, ils me disent régulièrement qu’ils sont surpayés lorsqu’il y a des projections-débats. C’est un phénomène que je trouve très intéressant car cela montre qu’il y a des domaines qui sont plus accessibles que d’autres pour la pratique du prix libre. Après, cela m’arrive aussi de discuter avec mes clients si jamais je me trouve trop sous-payé. En tout cas, pour l’instant cela a fonctionné même si j’admets que je touche quand même beaucoup moins que si j’avais eu à le faire payer sur devis. Je maintiens quand même mes positions car ce qui compte pour moi est l’idée du « construire ensemble ». Ce n’est pas parce que je suis payé pour réaliser une seule tâche que je dois être considéré comme un sous-fifre. Avec la pratique du prix libre, je peux autant être consultant en com que graphiste, car nous construisons ensemble et je ne suis pas un simple exécutant. Pour moi, l’aspect monétaire ne doit pas être une motivation. Actuellement, j’ai une seule mauvaise expérience à mon actif : cela a été un calvaire car les clients n’ont pas joué le jeu. Aujourd’hui les gens ne sont pas habitués à fonctionner en prix libre et cela amène un vrai point positif : les gens s’interrogent plus sur leurs vrais besoins. Aurais-tu un conseil à donner à ceux qui souhaiteraient pratiquer le prix libre ? Je donnerais le conseil suivant : cadrer ce que cela signifie. Il faut préciser le cadre de la mission et être en dialogue constant avec l’entreprise car cette pratique a pour objectif de discuter de la valeur réelle d’un travail. Ce cadre est avant tout basé sur un contrat moral. Bien que certains clients me demandent des devis (surtout les institutions ou grandes entreprises, et dans ce cas nous définissons ensemble le prix de la prestation), tout est basé sur un rapport de confiance. Si vous souhaitez un contrat écrit, adoptez un point de vue innovant car cette pratique est une révolution et si votre client n’est pas prêt à l’entendre, cette relation ne fonctionnera pas. De mon point de vue, à la place d’afficher un prix, il faudrait plutôt mettre une éthique. Depuis quand es-tu freelance ? Je suis freelance depuis début septembre 2015. Tout a commencé lorsque j’ai essayé de trouver un « business model de vie » qui me permettrait de trouver un juste milieu entre mes activités bénévoles (j’étais en service civique avec zero waste france) et le fait d’avoir des revenus. A cette époque, je n’avais pas de statut pour être rémunéré, je faisais tout uniquement de bon coeur mais cela ne pouvait pas durer. Et il faut bien comprendre que ce n’est pas parce qu’il y a de l’argent en jeu que tu as mauvais coeur. Payer est une manière de remercier. Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui hésite entre rester salarié ou lancer sa boîte ? Je lui conseillerais de comprendre pourquoi il hésite. Par exemple, lorsque quelqu’un m’oppose un argument du type « ce n’est pas stable », je lui réponds« pourquoi l’instabilité te fait peur ? ». En fouillant, la raison première n’est généralement pas la peur de se lancer, c’est souvent bien plus profond. Ces questionnements peuvent être durs à réaliser en fonction des personnes. A ceux qui hésitent à devenir entrepreneur, je leur dirait qu’il faut tenter de comprendre ce qui les fait hésiter pour arriver ensuite à régler le problème sous-jacent. Cela permet ensuite de décider, en conscience, si devenir entrepreneur est ce qu’il te faut ou pas. Parfois, se sont les amis ou la famille qui poussent à devenir entrepreneur. Peux-tu nous dire ce que tu aimes chez Cohome ? Je trouve que c’est une nouvelle manière de concevoir le travail ainsi que les relations entre les personnes qui bossent. Cela montre que le travail et les relations professionnelles peuvent être très agréables, avec des personnes qui sont dans la même volonté de partage. Avec Cohome, nous prouvons qu’en France, il est possible de concevoir le travail différemment. As-tu une citation qui te motive et que tu aurais envie de partager ? J’aime beaucoup cette phrase de Gandhi : « soit le changement que tu souhaites voir dans la monde ». Si l’on veut une société plus ouverte, il faut d’abord commencer par l’être soi-même. Au quotidien, c’est une motivation très forte car il y a cette idée d’exemplarité, c’est presque performatif. Quand tu es le changement que tu veux être, les autres changent avec toi. Merci Edouard pour cet échange passionnant ! Voici comment contacter Edouard si vous le souhaitez :
Lien vers son profil linkedinLien vers son compte TwitterA bientôt pour un nouveau témoignage et en attendant, cliquez sur le coeur pour partagez :D