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title: Latence et boucle de rétroaction url: http://mathieu.agopian.info/blog/latence-et-boucle-de-retroaction.html hash_url: f1ed7d7dff

Latence

La latence en informatique est un délai minimum de transmission. C’est un des principaux ennemis de la performance notamment dans le domaine du web.

Un site web est généralement composé de multiples fichiers statiques (css, javascript, images et icônes en tout genre). Pour afficher la totalité d’une page, il faut donc faire de multiples requêtes au serveur, chacune prenant un certain temps de traitement, à quoi on rajoute la latence (le temps de transfert sur le réseau).

On imagine facilement l’impact d’une forte latence lorsqu’il faut effectuer plusieurs dizaines voire centaines de requêtes. Même si la latence n’est que de 10ms, si on multiple ça par 100, on atteint déjà une seconde.

Prenons un autre exemple : il n’est pas rare d’avoir des pages nécessitant des dizaines (des centaines, voire des milliers ?) de requêtes SQL à une base de données. Là encore, il faut multiplier ce nombre de requête par le temps de traitement par la base de données, mais aussi par la latence.

Étant donné la difficulté de réduire la latence, l’optimisation de la performance passe par le réduction du nombre de requêtes : on fait des bundles pour les fichiers statiques (on regroupe toutes les CSS ou les fichiers javascript, on crée des image map pour les icônes), on fait usage du JOIN pour les requêtes SQL…

Boucle de rétroaction

La boucle de rétroaction (appelée « feedback loop » en anglais) permet de raffiner un système afin d’arriver à un équilibre, à un objectif.

Une boucle de rétroaction basée sur des mesures de position permettra à robot d’atteindre la position souhaitée : la vitesse et la direction seront adaptées en fonction de la distance à l’objectif.

Plus la boucle de rétroaction sera longue, plus l’équilibre sera long a atteindre. En effet, si la mesure de position ne se fait qu’une fois toutes les 10 secondes, soit le robot devra se déplacer très lentement, soit faire de nombreux aller-retours.

Le rapport ?

En tant qu’informaticien, il nous arrive régulièrement d’avoir à raffiner un bout de code en fonction de différents paramètres : l’expression du besoin, la rapidité d’exécution, l’occupation mémoire…

Et ce raffinage se fait par le biais d’une boucle de rétroaction qui peut prendre différentes formes :

  • des tests automatisés (test unitaires ou fonctionnels, TDD…)
  • des tests manuels
  • des simulations
  • des aller-retours avec l’utilisateur final, le décideur, …

Si la latence s’invite dans ce mécanisme, on se retrouve dans la même situation que le robot qui doit atteindre une position, mais qui n’a de retour sur sa position que rarement. Soit on avance vite et on risque les aller-retours (comprendre : réécriture du code), soit on avance lentement.

Dans tous les cas, c’est un cauchemar.

Voici quelques exemples de latence :

  • besoin mal exprimé ou mal compris (la mesure de position n’est pas fiable)
  • périmètre fonctionnel qui change (la position finale du robot change en cours de route)
  • grand nombre d’aller-retours avec l’utilisateur final/décideur (nécessité de faire un très grand nombre de mesures de position)
  • retours de l’utilisateur final/décideur très lents (mesure de position très rare)
  • dialogue avec une API/base de données/système distant/… très lent (chaque mesure de position demande de très longs traitements)
  • peu de confiance dans les résultats (nécessité de refaire plusieurs fois les mesures ou de les retraiter)

Un exemple concret

Avec mon collègue David nous nous sommes chargés de la résolution d’un ticket pour le projet AMO.

Afin de pouvoir présenter des graphiques d’utilisation/téléchargement des extensions à leur auteur (comme pour Firebug), toutes les requêtes de téléchargement et de demande de mise à jour sont enregistrées et stockées dans une base de données « big data » (pour les curieux : c’est stocké dans Hadoop et récupéré par le biais de Hive). On parle de plus d’un milliard de requête par jour, toutes requêtes confondues.

Ce qui nous a d’abord paru simple et rapide à implémenter, s’est transformé en deux semaines de sprint (et n’est pas encore terminé).

Nous avons subit et fait partie des différentes formes de latences listées ci-dessus :

  • besoin mal exprimé ou mal compris : la répartition des tâches entre nous et notre interlocuteur a changé plusieurs fois. Par ailleurs nous n’avions aucune connaissance du système avant de nous y attaquer.
  • périmètre fonctionnel qui change : malheureusement, arrivé au bout de la première semaine de sprint, nous avons appris qu’il nous fallait refaire la moitié de notre travail différemment suite à des contraintes non prévues.
  • grand nombre d’aller-retours avec l’utilisateur final/décideur : à l’heure de l’écriture de ce billet, nous en sommes à 54 commentaires sur le ticket.
  • retours de l’utilisateur final/décideur très lent : nous travaillons en France, et notre interlocuteur sur la côte ouest des USA (-9h). Il est fréquent d’avoir besoin d’attendre le lendemain pour avoir une réponse, dans un sens ou dans l’autre.
  • dialogue avec un système distant très lent : de par le nombre de données à traiter, chaque requête à Hive (au nombre de 6) prend en moyenne 15 minutes, et la taille des données à télécharger varie entre 500Mo et 1.6Go.
  • peu de confiance dans les résultats : nous essayions de mettre au point les requêtes Hive à exécuter, et par le même temps, le post-traitement de ces requêtes, pour coller au plus proche aux statistiques et graphiques attendus. Jouer sur deux paramètres en même temps est déjà malaisé en temps normal, mais là il nous était de plus très laborieux de confronter nos résultats avec ceux de la production.

La solution

Diminuer la latence dans la boucle de rétroaction, par tous les moyens possibles.

De la même manière qu’il arrive régulièrement de lancer un interpréteur Python (ou un ipdb ;) pour bidouiller et expérimenter avec un petit bout de code et avoir des retours immédiats, il faut tout faire pour accélérer la boucle de rétroaction.

  • ça paraît évident, mais connaître précisément le besoin et le contexte avant de se lancer est primordial. Nous avons facilement perdu deux à trois jours à cause de ça, en début de sprint, avec notre envie d’avancer rapidement (et de passer à quelque chose de plus fun ;)
  • périmètre fonctionnel qui change : difficile de le prévoir ou de l’éviter, mais je pense qu’en ayant une boucle de rétroaction plus courte, nous aurions eu des résultats plus rapidement, et aurions alors plus rapidement rencontré les contraintes qui ont fait changer le périmètre.
  • le nombre d’aller-retours avec l’interlocuteur, et leur lenteur : quand nous avons pu mettre en place un appel vidéo journalier, beaucoup de choses se sont débloquées.
  • dialogue avec le système distant très lent : nous aurions dû mock beaucoup plus tôt le retour des requêtes Hive. Nous aurions ensuite dû récupérer un jeu de donnée complet (plusieurs Go) le plus tôt possible pour faire des tests sur le post-traitement dans un premier temps, puis ensuite seulement essayer d’améliorer les requêtes Hive. Faire les deux en même temps est une erreur qui nous a coûté de nombreux appels à Hive (et donc de nombreuses attentes et rétro-pédalages).
  • peu de confiance dans les résultats : encore une fois vu la taille des données à traiter, il nous était très difficile de confronter nos données à celles attendues (uniquement disponibles en production). Nous avons fini par mettre en production un post-traitement parallèle à l’actuel, et stocker les données dans d’autres tables, en attendant d’avoir la version finale et raffinée de l’algorithme et des requêtes.

Et à ma plus grande honte, ne pas avoir de tests unitaires a été un boulet supplémentaire : lancer un post-traitement pour s’apercevoir 15 minutes plus tard qu’on a oublié une virgule dans le code…