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title: cailloux n°79 : l’asolitude url: https://cailloux.substack.com/p/cailloux-n79-lasolitude hash_url: 9b22b9e020

Commencer tout d’abord par remercier Eliness qui m’a permis de retrouver le fameux mot exprimant la prise de conscience que chaque personne est riche d’une vie aussi complexe que soi : sonder, un néologisme issu du merveilleux Dictionary of Obscure Sorrows de John Koenig. Inspiré du mot allemand sonder qui signifie “spécial” (en tant qu’adjectif) ou “sans” (en tant que préposition) et du verbe français sonder.

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Le mois dernier, le Japon s’est doté d’un nouveau ministère – comme le Royaume-Uni il y a quelques années. Tetsushi Sakamoto est ministre de la Solitude, chargé de lutter contre l’isolement et ses effets délétères sur la santé somatique et psychique des citoyens.

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Je suis fascinée par les personnes qui font partie d’expéditions les plaçant dans des conditions climatiques et d’isolement extrêmes, comme l’hivernage sur la base Concordia, en Antarctique (dont j’avais déjà parlé ici).

Concordia est peut-être ce qui se rapproche le plus, sur Terre, d’une base sur Mars ou la Lune. L’environnement est hostile et notre survie y dépend de la technologie. Les communications, permises par des satellites, y sont limitées. À mesure que l’hiver s’installe, nous serons de plus en plus confinés dans la base, ne sortant qu’avec d’épaisses tenues dont l’encombrement rappelle celle des combinaisons spatiales. Les journées et les nuits s’étalent sur des mois plutôt que des heures et, pendant trois mois, le soleil ne passera même pas l’horizon. Nous sommes à plus de 3200 mètres et la minceur de l’atmosphère aux pôles exacerbe les effets de l’altitude, causant un manque d’oxygène qui affecte notre sommeil, nos capacités cognitives et notre endurance. Et, 9 mois par an, la base est inaccessible : les hivernants doivent se débrouiller seuls, sans possibilité d’évacuation.

Malgré la pandémie que nous vivons depuis plus d’un an maintenant, certaines personnes ont trouvé la motivation de se lancer dans une mission qui me semble absolument insensée – quand on n’y est pas contraint.

Depuis le 14 mars dernier, 15 personnes, les Deeptimers, sont confinés dans la grotte de Lombrives, en Ariège, et ce pour 40 jours. Il y fait 10°C pour près de 100% d’humidité, il n’y a pas de lumière naturelle et ils doivent pédaler pour produire leur électricité. Un premier enregistrement sonore a fait surface depuis le début de l’expédition, dans lequel le responsable de l’expédition explique que les cycles de veille-sommeil varient déjà grandement entre les membres de l’équipe, certains étant à 10 cycles quand d’autres n’en sont qu’à 7.

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En 1958, Winnicott explore la capacité à être seul chez le petit enfant. Cette capacité est fondamentale pour être seul, entrer en lien avec soi-même, sans souffrir de la solitude.

Paradoxalement, cette expérience se vit d’abord en présence de l’autre : l’enfant est assuré de la disponibilité de sa figure d’attachement lorsqu’il a besoin d’elle et intériorise progressivement que ses liens avec les autres survivent à leur absence et gardent une forme de permanence à l’intérieur de soi.

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Quand certains, isolés depuis près d’un an, souffrent de la solitude, d’autres, qui télétravaillent, dont les enfants suivent la classe à domicile, le tout sans leur réseau de soutien habituel, souffrent d’aloneliness : le sentiment de ne pas passer assez de temps seul. Il ne s’agit pas simplement d’une préférence pour la solitude mais bien du sentiment qui naît de l’écart entre la préférence subjective pour la solitude et le temps passé effectivement seul.

Le terme vient de Coplan et al. (2019) dont les recherches se concentrent sur la timidité, le retrait social et l’anxiété sociale chez les enfants et adolescents. L’article distingue bien les concepts de solitude et de loneliness : le premier correspondant au fait d’être seul, le second au sentiment de déplaisir qui accompagne la solitude. Je me demande comment il faudrait traduire ce concept en français – ce qui n’a pas encore été fait à ma connaissance. Ma première idée, la plus tentante, a été de le traduire par “asolitude”… Si vous avez une suggestion, n’hésitez pas à m’en faire part, un de mes jeux favoris est de chercher de – souvent mauvaises – traductions pour tout et n’importe quoi.