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title: Pourquoi tu milites ? url: http://maiadereva.net/pourquoi-tu-milites/ hash_url: f87c75a547

Je suis en train de me rendre compte que ce n'est pas si simple pour moi de fréquenter un réseau social comme Mastodon. Entre les "pros" et les "antis" de tous poils, pour toutes sortes de causes, je me sens mal.

Je ne dis pas que les causes défendues ne sont pas justes. Je ne dis pas que les victimes n'ont pas toute légitimité à vouloir se défendre. Je dis que je n'ai pas (ou plus) ce tempérament de militante et que je me sens de plus en plus perdue au milieu de tous ces clivages et de cette rhétorique guerrière.

En fait, toutes les fois où je me suis engagée dans une action militante, j'ai été profondément déçue.

  • En 6e, j'ai mis tout mon cœur à collecter du riz pour l’Éthiopie. Et puis plus tard j'ai appris que ce riz avait été confisqué par les classes dirigeantes corrompues.
  • Durant ma scolarité, j'ai souvent été déléguée de classe et constaté qu'au final, cette place flattait plus mon ego qu'elle n'aidait véritablement mes camarades.
  • Je me suis fait virer de la Fédération Française de Go parce que j'étais "trop honnête" au niveau de la comptabilité et que, "tu comprends", il fallait bien s’accommoder de quelques irrégularités en place depuis tellement longtemps "pour le bien de tous".
  • Plus tard, j'ai milité pour défendre le titre de psychothérapeute en train d'être détourné par un député véreux… jusqu'à ce que je m'aperçoive, entre autres, que les dirigeants de la plus grosse fédération étaient une petite famille de gens qui se couvraient les uns les autres lors de cas litigieux.
  • J'ai ouvert une boutique de commerce équitable pour "enfin changer le monde à mon échelle", et me suis aperçue au fur et à mesure du temps que si je conjuguais tous les critères (écologiques, éthiques, géographiques, sociaux, économiques,...) exigés par les clients, les étagères étaient forcément vides...
  • J'ai co-créé un annuaire des alternatives pour retrouver le moral après avoir bouffé trop de vidéos sur l'effondrement de notre monde. Et puis petit à petit je n'ai plus su comment sélectionner une initiative plutôt qu'une autre, chacune ayant ses failles, et ses ambiguïtés.
  • J'ai donné des conférences sur les communs jusqu'à ce que je comprenne que le terme ne recouvre rien de précis et que chacun y va de sa propre projection personnelle, souvent incohérente avec ses propres actes, un peu comme le drapeau de "la démocratie" permet de perpétrer les pires exactions.
  • Aujourd'hui j'observe avec tristesse les bonnes intentions de militant⋅es féministes, pro-LGBT ou anti-racistes se transformer en paroles et en actes violents contre des personnes, sous couvert de la théorie devenue dogme de l'oppression systémique qui gomme toutes les histoires individuelles et peut faire d'un "homme blanc cishet de plus de 50 ans" une cible à abattre sans procès, et sans se demander s'il n'a pas été lui-même victime de rejet, de harcèlement, de viol ou de toute autre souffrance au cours de sa vie.
  • Et à la racine de tout ça, il y a sans doute un père militant écologiste gauchiste dont les paroles humiliantes et les actes violents au sein de la famille étaient totalement incompatibles avec les valeurs défendues à l'extérieur, une fois que le costume de preux chevalier avait été revêtu.

Alors voilà, je dis bravo à toutes celles et ceux qui ont encore la foi de changer les choses, mais moi je l'ai perdue. Ou plutôt, j'ai la conviction que la seule chose que je peux changer, c'est moi, pas les autres.

Selon moi, la plupart du temps, les militant⋅es cherchent à guérir leurs propres blessures personnelles en les projetant aveuglément sur la scène sociale. C'est aussi très valorisant d'opter pour une place de "justicier⋅e", très porteur de sens de s'accrocher à son vécu de victime.

Ce n'est pas "mal" en soit, mais ça provoque souvent une contradiction marquée entre les objectifs et les moyens employés, jusqu'à utiliser les mêmes armes que celles que l'on dénonce pour atteindre son but. On en devient aveugle à la diversité, intolérant⋅e à l'imperfection, manichéen⋅ne dans ses raisonnements. Et l'on finit par incarner la violence que l'on croyait combattre.

Le constat n'est pas nouveau. J'ai longuement documenté une de mes désillusions il y a dix ans, et j'en appelais déjà à un "militantisme joyeux" il y a cinq ans. Je n'en conclue rien. Je me sens juste fatiguée. Je cherche toujours ma place au milieu de tout ça, et je me dis que la première chose dont je devrais peut-être me débarrasser, c'est le sentiment de culpabilité de ne PAS être militante dans un monde autant polarisé où je suis souvent interpellée parce que j'ai un vagin ou que je contribue à des projets jugés socialement vertueux.