A place to cache linked articles (think custom and personal wayback machine)
You can not select more than 25 topics Topics must start with a letter or number, can include dashes ('-') and can be up to 35 characters long.

index.md 9.8KB

title: Du gras - Carnets de routes url: https://www.carnetsderoutes.me/Du-gras.html hash_url: 46d0b4daf6

Voyage en Cétogène ou Keto pour les intimes.

Depuis quelques années les kilos s’accumulent, doucement mais sûrement. Je suis passée de la taille 36 à 38 puis à la taille 40 il y a déjà une petite décennie, et ces temps, je commençais à me trouver nettement à l’étroit dans mes jeans.

Deux solutions, changer de pantalon ou changer ce qui ne rentre plus que difficilement dedans.

J’opte courageusement pour la deuxième solution qui me semblait plus raisonnable et plus saine.

Plus d’alcool en semaine, 2 petits verres maximum le week-end, plus de sucre (je n’en mangeais déjà pas beaucoup à l’état de produit sucré excepté un carré de chocolat), moins de gras, moins de pain, et de féculents en général, un peu plus d’exercices quotidiens…

Dix jours plus tard… nibe, rien, effet nul, j’avais même pris 500 grammes et pas en muscle. Gasp.

Je tombe « par hasard » sur un article parlant du régime cétogène, pas particulièrement pour perdre des kilos mais plutôt pour lutter contre les maladies inflammatoires, arthrite et autres réjouissances qui m’embêtent beaucoup. L’hiver particulièrement.

Les mérites vantés sont : moins de douleurs, plus d’énergie, moins de coups de fatigue et bonus, perte de poids presque toujours constatée.

Le principe c’est de manger du gras. Surtout du gras. Se nourrir de 75 % de lipides (et mourir ?).
Oui, c’est étrange. Globalement, le corps privé de glucides (on se fiche de savoir si ce sont des sucres lents, rapides, et des index glycémiques) va chercher ailleurs l’énergie qu’il y trouve habituellement. Il transforme les graisses en glucides, c’est la cétose, en très, très résumée.
Concrètement, l’on ne consomme aucune céréale, pas de légumineuses ni de légumes riches en glucides (carottes, courge, patates etc.). Restent les légumes verts (molo, molo tout de même), les protéines avec une préférence pour les viandes et les poissons gras. Priorité est donnée aux huiles (pas toutes, mais olive, noix, et deux ou trois autres), à la crème, au beurre, noix et graines, fromages gras, yaourts entiers, et aux radis (ouf) ! C’est bien les radis pour manger du beurre quand on n’a pas de pain…

Cinq jours plus tard, 2 kilos envolés, l’impression d’avoir la grippe sans fièvre, fatiguée comme si je passais mes journées à faire des marathons, mal à la tête et j’en passe…

C’est normal !

Si, si. Renseignements pris, ce sont les effets secondaires au début mais après ça va être du fun, on vous l’assure, pour l’instant c’est l’enfer, mais le paradis te guette, courage et constance, ça va bien se passer.

Dix jours. Ça ne s’arrange pas. Je perds un kilo de plus, je suis un zombie sur pattes. Là je comprends en lisant les abondants blogs et articles sur le net [1], que je ne mange pas assez de gras. Ah !

J’arrive péniblement à 65 % de lipides, mais je ne peux pas faire mieux. Deux cuillères à soupe d’huile dans ma salade et le fromage sans pain, je suis déjà au bord de l’écœurement. Je cherche, et je découvre les « fatbombs ». Vous avez bien lu. Bombe de gras.

Ceci consiste à ajouter des graisses partout, dans les tisanes, le café, le thé, ou à en consommer seules sans autre accompagnement. Une cuillère de beurre de cacao fourré de mascarpone et vous mettez le tout au congélateur pour faire un genre de bonbon gras froid (sinon ça colle aux doigts c’est pas facile).

Miam.
Alors oui, mais non. Non, je ne vais pas me nourrir de corps gras à la petite cuillère, de protéines animales grasses [2], de choux et d’épinards et dédaigner tous les fruits, les lentilles et le sarrasin. Non je ne vais pas noyer du beurre de cacao dans mon café du matin. Et je refuse de ne manger que le gras du jambon sous prétexte de ne pas exploser le plafond de protéines. ^^

Retour à une alimentation équilibrée au mieux, type méditerranéenne et s’il faut renouveler ma garde pantalons, et bien, qu’à cela ne tienne. Je suis beaucoup moins fatiguée depuis quelques jours, j’ai repris un kilo certes et le reste va suivre, mais je n’arrive vraiment pas à concevoir qu’un tel régime puisse être sain. Ça ressemble tout de même à la nouvelle lubie du moment après les régimes protéinés, soupe aux choux, repas en poudre ou en tubes et autres catastrophes diététiques (même si des études confirment que loin d’être mauvais, les effets de celui-ci sur la santé cardio/vasculaire sont plutôt positifs).
Ce sera sans moi. Je passe mon tour et peut-être à côté de la découverte nutritionnelle du siècle, mais sans regret.

Le pourquoi du comment.

Ce court épisode de quelques semaines m’a fait me poser une question. Pourquoi ?
J’ai été végétarienne avant que ce ne soit tendance (je ne le suis plus depuis un peu plus de dix ans), j’ai beaucoup étudié l’alimentation à cette période pour garder un bon équilibre, je suis assez bien renseignée et je sais composer une alimentation saine. Je savais en me lançant dans ce plan alimentaire que c’était une bêtise. Pour quelles vraies raisons me suis-je imposé cette aberration nutritive ? Pour me sentir mieux dans ma peau ? Avoir plus d’énergie ? Espérer calmer quelques douleurs ? Tsss, tsss. Sornettes et auto persuasion.

Au fond, tout au fond, est-ce que je n’aurais pas plutôt succombé aux sirènes du jeunisme et de la minceur éclatante de santé, symbole d’énergie et de joie de vivre ? J’ai largement passé la cinquantaine, je vis seule la plupart du temps, je ne vois pas grand monde depuis le premier confinement et les rares personnes que je côtoie se fichent éperdument de mon apparence, je ne veux physiquement séduire personne. 

Alors, pourquoi ne pas simplement choisir mon prochain vêtement une taille au-dessus quand ce sera nécessaire ? Il n’y a pas d’enjeu de santé, je ne suis pas en surpoids, dans la moyenne, un peu en dessous pour mon âge, mes résultats d’analyses sont bons, mes problèmes de santé n’ont jamais rien eu à voir avec mon poids ou mon tour de taille.

Est-ce qu’il n’y aurait pas là comme un regret de ne plus être celle que j’ai été, un refus de laisser le temps faire son affaire, une bataille perdue d’avance ? La silhouette fine de la jeune femme me ferait-elle de l’œil dans le miroir ? C’est bien possible. Pourtant j’aime les rides et les cicatrices, les taches brunes sur mes mains m’attendrissent mais je n’accepte pas encore facilement ce corps qui change, qui s’alourdit, devient moins ferme. Et je ne comprends pas pourquoi.
Il n’y a aucune raison valable.

À part celle de la peur de ne pas rester dans la course, de devenir obsolète, de ne plus faire partie de celles qui ont l’avenir devant elles. En y réfléchissant bien il n’est pas pour moi question de séduction au sens sexuel du terme, mais bien de place dans la société. J’ai toujours été mince, voire très mince en mesurant ma chance dans cette société culpabilisante et discriminante envers les personnes qui ne le sont pas, et ces quelques kilos font partie des attributs de mon identité, et par là de mon âge, que je peux essayer de maîtriser. Il ne s’agit pas au fond de minceur ou de rondeurs, j’aime bien les rondeurs, il s’agit plus probablement de ne pas changer et donc de ne pas vieillir.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt il y a quelque mois, « Le poids des apparences » de Jean-François Amadieu, que je vous recommande. Le rôle de l’apparence physique dans nos sociétés y est disséqué avec minutie, études sociologiques et médicales à l’appui. Et si l’ouvrage va bien plus loin que le simple constat social du « beau c’est bien » et « beau c’est sain », établissant un lien indéniable entre apparence physique et reproduction des inégalités sociales, il m’a également aidé à comprendre combien il est difficile d’échapper aux dictats de la beauté institutionnelle et de la course à l’apparente jeunesse. Même lorsque l’on pense vivre à l’écart de toutes ces injonctions et que l’on méprise les magazines et autres publications culpabilisantes pour les femmes.

Cet épisode ne fait que me le rappeler, et je vais veiller à me préoccuper aussi peu de mon allure que je ne me préoccupe de celle de mes contemporains. Ça ne m’intéresse pas chez les autres, ce n’est en aucun cas ce qui fait leur valeur à mes yeux, je vais donc essayer de m’accorder le même traitement en me rappelant que celles et ceux qui me font confiance dans le travail, ou qui m’apprécient simplement et me donnent leur amitié, ne se préoccupent guère de l’âge de mes artères et encore moins de ma silhouette. Prendre soin de soi, essayer de rester en forme c’est une chose, succomber aux sirènes de la société du paraître, en est une autre.

Sur ce, je vais reprendre 2 fois des nouilles [3] et aller respirer le grand air dans la foulée.