title: La cohérence est une utopie, l’incohérence un délit
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J’ai souvent critiqué les promoteurs de la gratuité qui vendent les livres où ils font l’éloge de la gratuité. C’est un peu comme si j’avais obligé mes lecteurs à acheter Le geste qui sauve alors qu’il fait la part belle à l’économie de paix.
Le désir de cohérence est chez moi puissant. Je fulmine chaque fois que j’entends des propos en désaccord avec des faits. Suis-je pour autant toujours cohérent ? Je crois tout simplement que c’est impossible.
Exemple : je me prétends commoniste, défenseurs des biens communs, partisan du libre sous toutes ses formes pourtant je faute sur de nombreux points.
Le compromis avec le libre est donc inévitable parce que le libre est une idéologie, un truc placé au-dessus de la réalité, vers lequel on doit tendre sans jamais pouvoir l’atteindre. Je faute en vendant de temps en temps des livres sous copyright, en travaillant sur les logiciels propriétaires, eux-mêmes tournant sur des systèmes propriétaires et des machines propriétaires, tout ça baignant dans une économie prédatrice.
Le commonisme germe dans une société non-libre. Il naît d’elle, il s’en échappe peu à peu, il lui faudra bien longtemps pour qu’il lâche toutes ses amarres. Quelques-unes me retiennent encore. J’espère très minces. Je n’ai pas l’illusion de pouvoir les couper toutes. Je ne connais personne qui y ait réussi.
Ulysses est bon selon moi parce que nous sommes un certain nombre à l’avoir acheté et à financer la petite équipe de développeurs (on n’est pas là dans le capitalisme exacerbé, notez-le bien). Je ne connais aucun logiciel libre d’écriture aussi stimulant. Ça vaut la peine de se demander pourquoi ? Parce que nous ne donnons pas suffisamment pour entretenir le développement du logiciel libre et parce que les GAFAM avalent les meilleurs développeurs. Cette double tendance pénalise le libre, de plus en plus à la traîne derrière le privateur. Ça m’attriste, mais il faudrait peut-être ouvrir les yeux. Le libre n’a pas trouvé à grande échelle son modèle de développement. Je crois que la seule solution viendra du revenu de base.
Le don n’est pas une solution. Il n’est qu’une ponction à l’économie prédatrice. Il reporte la dépendance à un tiers qui lui reste attaché. Accepter cette logique est une forme d’irresponsabilité. C’est un peu comme le bouddhiste qui se retire du monde, mais a besoin que d’autres y restent pour le nourrir (facile d’être sage dans ces conditions). Voilà pourquoi je n’ai jamais fait campagne pour recevoir des dons sur mon blog diffusé librement (j’essaie de ponctionner en direct l’économie prédatrice, je fais le sale boulot moi-même).
Dans ce contexte, j’essaie d’être commoniste autant que je le peux, de diffuser librement le plus grand nombre de mes textes, tout en sachant que je ne suis pas parfait.