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title: Un homme peut-il être féministe ? url: https://simonae.fr/militantisme/feminismes/homme-cisgenre-feministe/#comment-2343 hash_url: 9492b4c8c7

Je ne peux qu’être en désaccord avec cet article. Mon opinion :

Le féminisme n’est pas qu’un accès à l’égalité homme-femme mais le processus par lequel nous entamons une déconstruction des stéréotypes de genres, stéréotypes dont souffrent également de très nombreux hommes cisgenres. Ignorer les hommes qui souffrent des stéréotypes de leur genre c’est inévitablement passer à côté des systèmes qui emprisonnent les femmes dans les leurs. Si l’on souhaite que les hommes changent l’image qu’ils ont des femmes, il faut qu’ils changent l’image qu’ils ont d’eux même et le féminisme est le seul mouvement qui apporte un début de réponse à ce processus.

De plus, des hommes cisgenre sont autant victimes du patriarcat/virarcat que les femmes. De manière moins violente, moins évidente, moins injuste etc. Mais ils le sont aussi dès lors qu’ils ne rentrent pas dans les cases de ce que doit être un homme viril bien comme il faut. Alors oui, un homme, même efféminé, sera toujours privilégié par rapport à un.e femme/LGBT etc.. Mais cela ne signifie pas qu’il ne souffre pas de sexisme. Combien d’hommes rabaissés car ils se faisaient aider par des femmes ? Combien d’hommes humiliés car ils avaient des “qualités féminines” ?… Devons-nous créer une échelle de souffrance et estimer que nous ne pouvons nous joindre et nous revendiquer d’une cause que si nous avons subit XX souffrances ? (à titre de comparaison, les personnes avec un handicap mineur restent des personnes avec un handicap, même mineur et même si d’autres souffrent plus. Le mot “handicapé” n’appartient pas aux plus souffrants)

Par ailleurs, votre article renvoie à une vision dichotomique des genres en disant clairement que l’un se bat contre l’autre. Alors qu’aujourd’hui on assiste à l’émergence d’une “fluidité des genres”. La vision dichotomique de ces deux essences n’a plus de sens. Au contraire, il faudrait voir la féminité et la masculinité (absolues) comme les deux extrêmes d’un spectre disposant d’une infinité de nuances. Nier la possibilité pour les hommes de se joindre à la lutte féministe c’est nier une grande partie de ces nuances et la possibilité pour chacun de naviguer au sein du spectre selon les moments de nos vies. J’ajouterais que cette idée de nuance et fluidité entre les genres est essentielle pour déconstruire les stéréotypes et améliorer les conditions des femmes/LGBT etc.

Sur l’idée du combat entre les genre: depuis quand nous battons nous contre les hommes ? Je me bas contre le système, je me bas contre des idées reçues, contre des comportements assimilés et considérés comme normal alors qu’ils sont choquants. Je me bas pour une meilleure éducation pour tous. Mais je ne bas pas contre des gens qui sont ce qu’ils sont car on leur a apprit à être ainsi. Je croyais sincèrement que le féminisme était un mouvement pour l’égalité femme-homme avec les hommes et pas contre eux. Alors oui il faut faire de la pédagogie et détruire 5 millénaires de discrimination bien intégrés dans les mentalités va être long. Engager une guerre des genres est-ce vraiment une bonne idée ?

De plus, depuis quand avons nous décidé que les combats féministes n’apporteraient rien aux hommes ? D’où sort cette déduction ? Sur quels principes se fonde-t-elle ? Il a été prouvé par de très nombreuses et nombreux féministes que l’émancipation des femmes sera bénéfique pour les hommes. De Denis Diderot à Olivia Gazalé. Plus de pouvoir aux femmes = société plus heureuse = hommes plus heureux. Je ne vais pas m’étendre dans la démonstration qui est assez simple finalement. Je vous renvoie aux nombreuses études sur le sujet. Je ne citerai pas non plus les nombreux combats féministes qui ont beaucoup apporté aux hommes.

En conclusion: Oui le féminisme appartient aux femmes et les femmes doivent prendre la parole et porter le mouvement, c’est indiniable et indiscutable. Des réunions non mixtes sont nécessaires et les hommes ne doivent pas toujours être les bienvenus dans les discussions. Mais ce sont pour moi des choses à voir au cas par cas et qui n’ont rien à voir avec “peut on oui on non se revendiquer féminisme”…

Oui, certains hommes tirent profit de l’étiquette “féministe” et c’est dégueulasse. Oui. Mais ils sont loin d’être la majorité et heureusement ! La plupart des hommes veulent être féministes mais ne savent/ ne comprennent pas / ne voient pas ce qu’ils font de mal et ils ont besoin d’éducation mais certainement pas d’être exclus.

Enfin, ce n’est pas parce que vous tirez profit d’un système que vous n’êtes pas capable d’en sentir la profonde injustice et d’être révolté par celui-ci. Dire aux hommes qu’ils ne peuvent pas être féministes c’est leur nier cette capacité de lucidité et de révolte. Alors qu’heureusement, nombreux d’entre eux sentent qu’il y a quelque chose qui est profondément tordu dans notre société et veulent résoudre ce problème pour celles qu’ils aiment et les autres.

A trop vouloir les exclure de notre combat en les mettant tous dans exactement la même case sans aucune nuance, en niant leurs souffrances, en les excluant, en leur interdisant de s’identifier au féminin… il est bien probable que vous ne fassiez qu’accentuer le mépris de ceux-ci envers les féministes, voir leur haine des femmes. Si le féministe prend ce virage, il est probable que je ne m’en revendique plus. Jamais je ne me revendiquerai d’un mouvement qui exclu ceux qui sont sincèrement prêts à se battre pour celui-ci. Quelle est la prochaine étape ? On exclue les femmes hétérosexuelles mères au foyer car elle “collaborent” ?

J’ai l’impression que ce type de pensée essaie de reproduire exactement ce que le système actuel a toujours fait pour les hommes : exclure entièrement la moitié ou presque de la population d’un débat politique et sociétale dans lequel elle doit être impérativement être intégrée.

Non je ne partagerai pas cet article, ou alors pour le critiquer avec mes ami.e.s. Nous croyons profondément en la capacité des hommes d’apprendre et devenir meilleurs et je ne retirai pas l’étiquette de féministes à ceux qui oeuvrent quotidiennement pour améliorer nos vies. Et ce, même si certaines du mouvement ne veulent pas laisser la liberté à des hommes sincères d’utiliser ce mot pour eux-mêmes