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title: La Licence Contributive Commons : Les communs construisent en commun url: http://contributivecommons.org/ hash_url: 6b4fd5f1f2

Introduction

La question de la création et de la mise en circulation d’une licence à réciprocité basée sur les communs n’est pas nouvelle[1] mais elle se pose désormais avec encore plus d’acuité dans la mesure où de plus en plus de communautés se regroupent autour de communs (qu’ils soient informationnels ou tangibles). En effet, “L’économie des communs est pour ainsi dire victime d’un paradoxe malthusien : les projets (et les besoins) se démultiplient à une vitesse exponentielle, à mesure que l’économie commerciale classique délègue de plus en plus d’activités aux communs.[2] Il devient donc urgent de qualifier les échanges de ces structures émergentes entre elles et avec les structures préexistantes. Nous proposons dans cet article d’analyser les raisons d’un déploiement qui peine à démarrer et d’envisager une façon efficiente de débloquer la situation.

Notons, non sans humour, avant de démarrer que :

  • la réciprocité est l’état, la qualité, et le caractère de ce qui est réciproque.
  • réciproque se dit en parlant de deux personnes ou de deux choses dont chacune exerce sur l’autre une action équivalente à celle qu’elle en reçoit.
  • équivalente signifie qui est de même valeur.
  • la valeur désigne à la fois la qualité ou justesse d’une chose, d’une idée, d’un ouvrage, la noblesse de caractère d’une personne, l’importance ou l’intérêt que l’on porte à un être, à une chose, à un phénomène ou événement, à une chose intellectuelle ou morale, l’idéologie ou règle morale d’une personne ou d’un groupe, la juste signification d’un terme suivant l’usage reçu, l’amplitude lumineuse définissant une couleur, la durée d’une note, la mesure d’une grandeur,… et parfois aussi le prix (monnaie, titre, action, obligation)[3].

De la dissémination unilatérale à la transaction réciproque

Les licences à réciprocité ne cherchent pas à émerger dans un monde vierge de toute tentative d’utiliser des moyens standardisés visant à accorder des permissions de droits d’auteur supplémentaires à leurs œuvres. Avant elles, les licences dites libres[4], et particulièrement les Licences Creative Commons ont pris leur essor, proposant d’apporter “un équilibre à l’intérieur du cadre traditionnel “tous droits réservés” créé par les lois sur le droit d’auteur[5].

La particularité de ces licences, c’est qu’elles fonctionnent sur le mode de la dissémination. Une fois l’œuvre produite puis libérée par son auteur, celle-ci poursuit son chemin librement, simplement affublée d’une étiquette qui indique à l’utilisateur ce qu’il peut en faire ou non. Il n’y a généralement pas d’interaction directe entre l’auteur et l’utilisateur, sauf dans les cas avérés et portés devant la justice de litige sur le respect des conditions de la licence. Cela sous-entend par ailleurs que cette œuvre a une capacité de vie autonome, loin de son ou ses géniteurs, et que la mise en relation auteur-utilisateur n’intervient que dans l’éventualité d’un conflit.

Une licence à réciprocité quant à elle viendrait introduire la notion de transaction entre l’auteur et l’utilisateur. On ne dissémine plus, on cherche à faire société, et c’est là toute la difficulté de la question. Dès lors que l’auteur et l’utilisateur doivent se mettre d’accord sur un protocole de communication et d’évaluation[6], les notions de liberté individuelle et d’autonomie s’atténuent inévitablement. Il faut accepter une contrainte, fut-elle minimale, pour rendre possible le dialogue avec l’autre.

En partant de ce constat, il devient évident qu’une licence à réciprocité effective ne peut plus s’inspirer directement des licences dites libres. Il lui faut trouver sa propre voie hybride, entre la fermeture du Copyright et l’ouverture du libre, tout en veillant à garder la possibilité d’une articulation avec ses grandes sœurs.

Le respect du pair comme condition de la réciprocité

Si l’on observe les premières tentatives de définition de licences à réciprocité (Peer Production License[7], Fair Common Generic License[8], Copyfair License[9], FairlyShare[10]), l’on constate que la proposition de réciprocité est tuée dans l’œuf dans la mesure où l’auteur.e cherche à imposer sa vision (morale, sociétale, commerciale…) au sein même de la licence (y compris jusque dans son nom) et parfois pour une durée éternelle après lui, sur le mode des Creative Commons. On ne peut pourtant pas à la fois chercher la réciprocité dans le lien et s’affranchir de toute interaction avec l’interlocuteur. En cherchant à maîtriser la qualité de la transaction (en général pour se prémunir d’un abus potentiel ou en imaginant anticiper une évaluation constamment et universellement mesurable), l’auteur s’éloigne immédiatement de la notion même de pair à pair chère à Michel Bauwens[11], rompant du même coup avec la philosophie qu’il cherche à incarner. C’est là toute l’ambivalence implicite de ces licences. La question qui se pose-là est bien de définir si une licence qui se dit « pair à pair » a vocation à tenter de rétablir des rapports que l’on considère comme structurellement déséquilibrés en insérant du « top down » pour agir volontairement sur cet état de fait et si, ce faisant, on reste dans l’esprit du pair à pair.

Là où le Copyright, la gratuité ou l’interdiction d’utilisation commerciale, qui peuvent être considérés comme des choix radicaux, s’imposent aisément par la dissémination, la complexité ouverte par la transaction financière n’est plus réductible à une loi universelle et unilatérale. Il devient nécessaire d’établir des critères d’évaluation de la transaction, critères qui ne sont pas uniquement fondés sur le flux monétaire mais également sur un faisceau de richesses[12] parfois difficilement quantifiables comme la satisfaction des parties ou la gratitude. Qui dit réciprocité, dit écoute des besoins de l’interlocuteur à la même mesure que ceux de l’auteur dans un échange de pair à pair (pour mémoire, dans un réseau informatique P2P, chaque ordinateur est à la fois client ET serveur).

Notons d’ailleurs que cette question n’est pas nouvelle et fut soulevée déjà par la différence notable entre « Logiciel libre » et « Open source » qui a causé une controverse entre Richard Stallman et la Free Software Foundation. « Le mouvement pour le logiciel libre a défini des règles sur des principes éthiques, celui pour l’open source (qui en découle) a proposé une traduction fonctionnelle. Cela a déclenché des différends relatifs au respect de ces principes. Les défenseurs du logiciel libre considèrent que le logiciel libre est une affaire de philosophie, tandis que les partisans de l’open source rejettent toute philosophie »[13].

On constate que, là encore, éthique et commerce ont été considérés comme incompatibles avec d’un côté des personnes tentant d’imposer leur propre vision de ce qu’est l’éthique, et de l’autre des personnes refusant catégoriquement la régulation de la transaction proposée par cette éthique au nom de la liberté (notamment d’opinion).

Des (biens) communs et des communautés à géométrie variable

Par ailleurs, là où une œuvre de l’esprit peut être dite libre et où son auteur lui ouvre le chemin de l’autonomie en tant que bien commun universel, les communs qui cherchent à établir une réciprocité dans le lien n’ont souvent pas cette capacité d’autonomie intrinsèque. Ce sont généralement des projets gérés et protégés par une communauté, dans un cadre précis et avec des faisceaux de droits complexes permettant de qualifier chaque interaction avec le bien commun (qui a le droit d’accès, qui a le droit de gérer, qui a le droit de prélever dans le cas de biens tangibles, etc…). Nous ne sommes alors plus dans le cadre d’une œuvre créative qui voyage et dont le droit de propriété initial est définitivement libéré.

Prenons l’exemple d’une base de données développée sous la forme d’un commun, ou d’un lieu urbain géré comme un commun, ou encore d’une bibliothèque d’œuvres mise à disposition en tant que commun : en aucun cas l’utilisation de ce commun ne donne lieu à un transfert de propriété. Et c’est bien aussi pour cette raison que la question de la réciprocité se pose : la communauté veut et doit veiller à ce que le bien commun soit préservé sur la durée. Ce type de bien commun appartient de facto à sa communauté, fut-elle à géométrie variable.

Pourquoi crée-t-on un commun ? Quelle que soit sa nature, ce qui importe au fond c’est de préserver les conditions de sa multiplication et/ou de sa propre conservation en vue de garantir une jouissance collective pérenne, durable et renouvelable. Plutôt que d’opposer les ressources comme étant inépuisables ou ne l’étant pas, nous proposons donc de les considérer comme globalement inépuisables à condition de préserver localement les conditions de leur renouvellement en maintenant des cycles dynamiques équilibrés. Peut-être est-il temps de sortir du tout ou rien de la rivalité en considérant par exemple un étang rempli de poissons comme une richesse renouvelable (donc pas si rare que cela si l’on s’en donne les moyens), et le savoir d’une bibliothèque, fut-elle numérique, comme un bien dont il faut prendre soin pour en assurer la pérennité (donc pas si inépuisable que cela si l’on n’y prend garde).

A cet égard, il est assez significatif de constater que dans l’effort de définition du commun ce sont des couples sémantiques binaires qui s’opposent la plupart du temps (tangible/intangible, matériel/immatériel, rareté/profusion, exclusif/inclusif, appropriable/non appropriable, etc…), ce clivage allant même jusqu’à s’illustrer par l’opposition radicale et clairement revendiquée entre différents auteurs[14] alors qu’en termes de mise en « communs », on pourrait supposer que la richesse est dans l’hybridation et la contextualisation dans le temps et l’usage.

Là où, à la suite d’Elionor Ostrom[15], l’on s’accorde à dire que les communs ouvrent un espace de liberté entre bien privé et bien public en offrant la possibilité de déployer un ensemble de faisceaux de droits[16] variés relatifs à différents niveaux de propriété, on ne s’est peut-être pas encore attardé suffisamment sur l’analyse d’une taxonomie dynamique ouvrant un champ de libertés comparable sur le plan des transactions par la définition d’un ensemble de faisceaux de qualités non nécessairement opposables. C’est ainsi que nous proposons de créer collectivement une matrice de qualités qui permettrait de définir l’essence  du commun, son périmètre, et par voie de conséquence ses modes possibles d’interactions avec l’extérieur, c’est-à-dire sa fonction sociale, éventuellement monnayable.

Considérons enfin que derrière chaque choix de licence, il existe, qu’on le veuille ou non, un choix politique, moral, social,… que l’on peut qualifier de faisceau implicite de valeurs. Nous proposons d’ expliciter ces valeurs pour les socialiser clairement et permettre des transactions sereines où chaque interlocuteur peut valablement décider de son implication contributive dans le commun. Cela aurait le mérite de sortir de la projection individuelle sur ce qu’est et n’est pas un commun (qui peut mener par exemple à confondre commun et inclusivité, ou commun et gratuité) ou sur ce qu’est une transaction équitable ou une rétribution juste (ce qui peut mener à une fièvre évaluatrice telle qu’elle provoque nécessairement l’apparition d’imposteurs[17]).

Un faisceau de licences géré comme un commun

Faisceaux de qualités, faisceaux de valeurs, faisceaux de richesses, et faisceaux de droits : on comprend bien là la difficulté de créer une licence qui rendrait compte de manière universelle d’une telle complexité ! C’est à partir de ce constat que nous proposons une façon différente d’envisager la licence à réciprocité dans le cadre des communs, en se remémorant que “pour Garrett Hardin, la tragédie des biens communs ne peut être résolue que par l’imposition d’une réglementation admise par tous, autrement dit un pouvoir démocratique[18].

logo-contributivecommons

Plutôt que de la réduire à une tentative de maîtriser la transaction fondée sur la peur de l’iniquité ou la volonté d’imposer une philosophie ou un mode d’évaluation, nous proposons tout d’abord une solution qui s’ancre dans la confiance et l’autonomie, et qui prend en compte la dimension sociale de l’échange, y compris à l’intérieur du commun lui-même. C’est en socialisant la transaction qu’on tente de lui ôter son potentiel arbitraire donc violent. Et nous partirons donc du principe que tout interlocuteur étant autorisé à faire usage du commun est nécessairement un contributeur dont la contribution est accueillie avec bienveillance par la communauté, quelle que soit la forme de cette contribution, y compris si elle est monétaire. Précisons ici qu’exprimer sa gratitude par un remerciement ou un signe évident comme un clic sur un bouton “J’apprécie votre travail” ou participer à la notoriété d’une  oeuvre de l’esprit en la disséminant peut déjà être considéré comme une contribution. La licence serait donc idéalement constituée de règles d’inclusion, plus ou moins nombreuses permettant d’accéder au commun en tout ou partie.

Plutôt que de faire porter à la licence elle-même la responsabilité de véhiculer un nombre de concepts quasiment indénombrables, nous proposons ensuite de déporter cette responsabilité sur les communautés en charge de la gestion et de la protection de leur commun (une communauté pouvant être constituée d’un seul individu). Il serait alors clairement écrit dans le texte de la licence que chaque commun souhaitant utiliser la Licence Contributive Commons est individuellement responsable de mettre à la disposition des contributeurs un texte définissant clairement : ses qualités, ses valeurs, sa façon d’envisager le flux de richesses (y compris monétaire) et les droits qui se rattachent au commun (y compris les droits de propriété). Nous proposons d’appeler ce texte #CodeSocial, en référence au code logiciel[19].

Pour que cette licence soit applicable à tous les types de biens communs, y compris les plus labiles, les plus éphémères et les plus autonomes dans leur voyage, il conviendra de ne pas coller le #CodeSocial sur le commun lui-même (au risque d’avoir une étiquette en circulation rapidement obsolète), mais de créer un lieu commun de stockage de ces codes sociaux, de manière à garantir au contributeur qu’il aura accès en permanence aux conditions précises d’utilisation du commun auquel il souhaite contribuer. Il s’agit tout simplement de créer un tiers de confiance[20], ce qui est l’essence même de la socialisation puisque cela permet de faire appel à un élément extérieur à la transaction pour la réguler.

La Licence Contributive Commons pourrait donc être gérée comme un commun par la communauté de ses contributeurs avec mise en circulation d’un identifiant unique du commun accolé à une adresse permettant d’accéder au lieu de stockage collectif de l’information détaillée (#URL). Pour des raisons de lisibilité, les principaux points du #CodeSocial pourraient apparaître sous forme résumée ou visuelle mais, à l’instar des licences Creative Commons, le texte faisant juridiquement foi serait clairement identifié comme celui étant disponible sur le site internet de référence de la communauté.

Les conditions d’une transaction étant liée à l’instant T où celle-ci s’opère, il conviendra également de prévoir un système d’historisation du #CodeSocial (dont la validité serait garantie par un notariat numérique) permettant de consulter les conditions à un temps donné s’il devait y avoir litige (par exemple on ne pourra pas être condamné a posteriori pour avoir fait usage commercial sans contribution monétaire d’un commun devenu monnayable après un temps de gratuité). A noter ici la différence fondamentale avec blockchain : ce protocole est un historique décentralisé des transactions elles-mêmes, or ici l’on souhaite simplement historiser des versions des conditions des transactions, sans obligation de corrélation avec une monnaie.

En théorie, il y aurait donc une licence par commun, voire hypothétiquement une licence par transaction, mais dans la pratique, rien n’empêche la réplicabilité d’une  licence créée par un commun dans un contexte précis qui serait applicable dans un contexte similaire. Les différentes licences pourraient s’appliquer à différents types de structures : communautés, projets, objets, oeuvres de l’esprit,… dans un système sous formes de “poupées russes” : en tant qu’individu, je pourrais par exemple choisir de relier mon texte au #CodeSocial d’un projet qui est lui même relié au #CodeSocial d’une communauté, voire de le relier directement à une des licences globales proposée par la communauté-racine qui me conviendrait.

On pourra donc travailler collectivement à l’élaboration de matrices faciles à partager et disponibles sous forme d’URL génériques pour les communs souhaitant s’en emparer. C’est ici un processus stigmergique[22] qui finirait par établir quelles licences sont massivement utilisées et lesquelles tombent naturellement en déshérence pour diverses raisons (défaut de conception, etc…)

Des exemples de matrices à jardiner collectivement

Le commun est (faisceau de qualités) :

 

Les deux, exemples :

 

Tangible

Une pêcherie : le lieu et le matériel sont tangibles, les savoir-faire attachés à ce lieu sont intangibles et duplicables.

Intangible

Non autonome

Wikipedia : le savoir a une vie autonome, les conditions de préservations de cette banque de savoirs sont liées à une communauté.

Dépendant (d’un territoire, d’une communauté,…)

Exclusif

Une base de données open data est inclusive dans son utilisation, elle est exclusive dans l’accès à sa maintenance qui est réservé à un collège d’experts légitimés.

Inclusif

Rare

Les arbres de la forêt communiale sont potentiellement réplicables à l’infini, ma forêt est localement un bien rare qu’il faut gérer dans le temps.

Abondant

Matériel

Un livre : l’objet est matériel, son contenu est immatériel.

Immatériel

Durable

Les poissons de ma pêcherie sont éphémères, les conditions de multiplication de ces poissons doivent être rendues durables.

Éphémère

Appropriable

Une réserve d’eau naturelle n’est pas appropriable, mais son exploitation locale peut l’être.

Non appropriable

Approprié

Le foncier appartient à une communauté légitimée, l’usufruit est ouvert à tous.

Non approprié

L’utilisation du commun est (faisceau de droits)[23] :

 Droits

Conditions

 Devoirs

Exempt de mention de la communauté ou de l’auteur.e

Vous pouvez ne pas mentionner l’auteur.e si…

Soumise à mention de la communauté ou de l’auteur.e

Commerciale

Vous pouvez faire usage commercial si…

Non commerciale

Modifiable

Vous pouvez modifier uniquement si…

Non modifiable

Partageable dans les mêmes conditions

Vous pouvez modifier les conditions de partage si…

Partageable dans d’autres conditions

Passage autorisé

Passage autorisé si…

Passage interdit

Usage autorisé

Usage autorisé si…

Usage interdit

Gratuit

Gratuit si…

Payant

Accès libre

Accès autorisé si…

Accès interdit

Gestion autorisée

Gestion autorisée si…

Gestion interdite

Aliénation autorisée

Aliénation autorisée si…

Aliénation  interdite

Prélèvement autorisé

Prélèvement autorisé si…

Prélèvement interdit

Les externalités positives du commun sont (faisceau de richesses) :

Les deux

Redistribuables

Redistribuables à partir d’un certain seuil, ou en fonction de leur qualité monétaire/non monétaire, redistribuable uniquement sous forme de gratitude clairement exprimée (bénévolat),…

Non redistribuables

Monétaires

Ratio entre les différents types de richesses

Non monétaires (temps, satisfaction,…)

Taxables

Taxables pour certaines externalités uniquement

Non taxables

Les valeurs à l’intérieur du commun sont (faisceau de valeurs)[24] :

Les deux, exemple

Gouvernance démocratique : représentative, oligarchique, holacratique, etc…

Un despote bienveillant est désigné à vie pour remplir une fonction donnée, les autres fonctions sont remplies par des organes régulièrement légitimés

Gouvernance despotique

Accueil et formation des arrivants

Les arrivants sont libres et autonomes

Rapport à la nature explicité

Rapport à la nature non défini

Rapport à l’art explicité

Rapport à l’art non défini

etc…

Exemples inspirants :

  • Les faisceaux de droits établis par John Commons puis Elinor Ostrom[25] : on y trouve des conceptions variées de la propriété (huit notions juridiques) et des droits associés aux positions des différents intervenants autour du commun ;
  • La notion de #CodeSocial étant présentée par la SAS CHezNous, le sien pourrait également être source d’inspiration pour établir celui d’une Licence Contributive Commons. On y trouve notamment les points suivants : Présentation et histoire, Modèle Social et Humain, Modèle artistique et culturel, Modèle économique, Modèle écologique, Modèle technologique, Modèle juridique et financier ;
  • Un exemple de matrice pour un commun dit “libre” proposé par Unisson et qui pourrait également servir de base de réflexion pour la mise en place d’un type particulier de Licence Contributive Commons mais aussi pour la rédaction d’un #CodeSocial type. L’auteur Simon Sarrazin prend soin d’y définir 6 ingrédients : Gouvernance, Contribution, Partage, Juridique, Financement ;
  • Un exemple de matrice de réciprocité est en fonction sur le site FreePlayMusic : 23 tarifs différents sont proposés pour un même morceau de musique en fonction de l’usage auquel il est destiné, de la gratuité à 500$ ;
  • Un modèle de plateforme rétricontributive modélisé par Julien Cantoni qui propose un moyen concret de redistribution.

Les conséquences d’une réciprocité réelle

Une licence qui demande à structurer une communauté autour d’elle

Dans ce cadre, il est évident que cette proposition de licence gérée collectivement implique de lâcher prise sur l’idée d’une licence universelle qui s’auto-dissémine sans effort. La Licence Contributive Commons est, par essence, et comme son nom l’indique, une licence qui demande une contribution, c’est à dire une implication relationnelle fondée sur le pair à pair, notion qu’il ne faut pas confondre avec la résurgence d’un égalitarisme qui serait issu de la pensée anarchiste. Est localement et ponctuellement mon pair toute personne physique ou morale qui accepte une transaction relationnelle dont les règles du jeu sont explicitement fixées à l’avance, quelle que soit la nature, les compétences ou les qualités intrinsèques de ce pair dont j’accepte et respecte par ailleurs l’irréductible altérité.

Une rédaction des faisceaux dévolue avec confiance à la communauté en charge du commun

Chaque communauté sera en charge d’élaborer ses matrices (qualités, valeurs, droits, richesses), par exemple :

  • C’est à chaque communauté de déterminer quel degré d’implication elle trouve nécessaire pour désigner explicitement un utilisateur comme contributeur non financier et quelle grille tarifaire elle applique aux contributeurs financiers.
  • C’est également à elle de définir clairement ses valeurs, celles qui seront accolées à l’objet de la transaction y compris quand cet objet sera sorti du commun.
  • C’est à la communauté toujours de déterminer les conditions dans lesquelles elle souhaite recevoir les contributions, par exemple sous la forme d’une matrice de réciprocité explicite (incluse dans le #CodeSocial) dont le contributeur ainsi éclairé peut s’emparer en toute connaissance de cause. C’est dans cette matrice (qui n’est rien d’autre qu’un grille tarifaire claire et éventuellement conditionnelle) que la communauté peut préciser les modalités pratiques du versement d’une contribution (compte Gratipay, Liberapay, RIB, plateforme, etc…).
  • C’est à elle enfin de déterminer les conditions d’une redistribution éventuelle des richesses composant le commun.

Une conséquence intéressante de cette licence est par exemple que même si un.e auteur.e décide de ne pas imposer de mention nominative, ille peut tout de même définir une relation de son œuvre à un faisceau de valeurs ou un contexte historique dont ille souhaite favoriser la dissémination. Sans imposer cette philosophie au contributeur financier faisant usage de l‘oeuvre, l’auteur.e permet néanmoins à l’utilisateur final de connaître la filiation philosophique de l’objet. Charge à l’intermédiaire d’expliquer à un utilisateur final pourquoi il y a éventuellement incohérence entre les valeurs véhiculées et son propre comportement…

L’auteur.e a également tout loisir de fixer un montant de contribution nulle s’ille le souhaite (ou sous la forme d’une bière comme dans la licence Beerware[26], d’un don à une oeuvre caritative comme dans la licence Careware[27], etc…). Cette licence permet donc d’ouvrir un champ beaucoup plus riche de possibilités, adaptables à toutes les situations, et qui ne cherche pas à imposer telle ou telle manière de procéder. Une fois encore, c’est l’usage, éventuellement couplé à une évaluation par les pairs, qui feraient émerger les structures les plus efficaces.

C’est là où nous pensons que les promoteurs d’une telle licence doivent probablement d’ores et déjà accepter qu’il est possible, à la toute fin du processus, que l’on s’aperçoive que ce ne sont pas les pratiques les plus vertueuses qui perdurent, même et y compris dans un système pair à pair et contributif… Un fonctionnement qui respecte le pair y compris lorsque l’identité de celui-ci va à l’encontre de toutes ses valeurs, c’est faire le pari d’une intelligence collective développée sur le long terme grâce à une structure pensée comme inconditionnellement bienveillante a priori et qui exprime explicitement ses valeurs sans jamais les rendre coercitives dans la transaction. Respecter ne signifie pas entrer en relation bien entendu. A tout moment, une communauté garde le droit inaliénable d’autoriser ou de ne pas autoriser la transaction selon des critères qui lui sont propres (arbitraires vus de l’extérieur donc), qui ne sont pas imposés par une structure extérieure, et qu’il conviendra d’expliciter clairement également.

Un fonctionnement de pair à pair entre les communs eux-mêmes

Pour pouvoir utiliser cette licence, la communauté en charge du commun doit avoir une maturité qui lui permet d’appliquer ces règles du jeu en interne. En effet, pour produire un #CodeSocial ou une matrice de réciprocité, une communauté doit nécessairement passer par un processus garantissant la légitimité de ces textes à l’intérieur de sa communauté, dans le lieu de la transaction, mais aussi aux yeux du législateur si un appel à la loi devait se faire.

On peut très bien envisager alors que la communauté en charge de la gestion et de la protection de la Licence Contributive Commons propose de l’aide aux communs qui en feraient la demande, dans un fonctionnement de pair à pair applicable aux structures et non plus seulement aux individus, et selon un mode de croissance organique.

Un commun candidat à l’utilisation de la licence (c’est à dire qui souhaite faire valider son  #CodeSocial) pourrait bénéficier :

  • de préconisations quand au choix d’une licence existante
  • d’une aide à la rédaction des matrices
  • d’une aide juridique en cas de litige
  • d’un accès à une plateforme de récolte des contributions monétaires mettant à disposition des communs qui souhaitent l’utiliser une matrice de choix possibles relatifs à la gestion de ces contributions (égalitariste, dividende contributif, ou toute autre forme de redistribution restant peut-être à inventer)[28].
  • Et pourquoi pas, à plus longue échéance, d’un système de redistribution entre les différents communs affiliés pour mettre en place un revenu contributif[29], un revenu stable régulier ou une protection sociale complémentaire…

Quand on y réfléchit, les chambres des communs seraient bien placées pour assurer localement ces missions d’accompagnement, dans un système distribué qui pourrait être holacratique en lien avec la communauté-racine et les assemblées des communs.

Pour mémoire : l’holacratie est un système d’organisation de la gouvernance, basé sur la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective. Opérationnellement, elle permet de disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d’une organisation fractale d’équipes auto-organisées[30]. Ceci étant, la plupart des représentations graphiques de ce système d’organisation “aplatissent” les spécificités individuelles en représentant souvent les différents niveaux par des cercles de plus ou moins grande taille. Ce que nous tentons de faire comprendre ici, c’est l’infinie richesse d’un pair à pair socialisé dans la reconnaissance des spécificités individuelles à toutes les échelles.

 licence-contributive-commons

Une monnaie décentralisée et basée sur une abondance mesurable

Proposer une Licence Contributive Commons ne peut sans doute pas se faire sans évoquer la question de la monnaie. Faire société, ce n’est pas seulement établir une gouvernance, c’est également trouver le moyen de quantifier la transaction de manière à ce que les deux parties se sentent satisfaites. A l’instar des monnaies locales, c’est également un moyen de protéger l’espace de transaction des communs et de favoriser la consommation à l’intérieur de cet espace.

Nous dépassons là largement le champ d’expertise de l’auteure, mais nous aimerions tout de même soulever quelques questions de néophyte pour les porter à la réflexion.

Si l’on porte un bref regard à l’histoire de la monnaie[31], on est frappé par plusieurs points :

  • avant l’invention de la monnaie, lorsque les échanges de biens se suffisaient à eux-mêmes dans de petites communautés, et lorsque le bien matériel venait à manquer, il était possible d’échanger du temps de travail pour rendre la transaction équitable. Dans l’histoire de la monnaie, on a fini par confondre les échanges de monnaie avec des échanges de droits de propriété, mais cela n’a rien d’intrinsèque au medium et cela peut être questionné. On pourrait très bien considérer la monnaie comme un échange de temps ;
  • un medium tel que la monnaie sert essentiellement à déporter temporellement le troc. On ne troque plus directement deux biens, mais un bien contre sa valeur estimée d’un commun accord (celui-ci pouvant être tacite : au moment même où la transaction a lieu, j’accepte le prix que tu as posé sur l’étiquette). La monnaie en circulation représenterait en quelque sorte l’ensemble des transactions de troc de biens non terminées ;
  • il est important de noter la distinction entre un système d’historisation décentralisé basé sur la confiance que se font mutuellement deux individus (avant l’invention de la monnaie, la mémoire de la valeur troquée déportée se trouvait dans la tête de chaque individu), et un système d’historisation centralisé (la mémoire de cette dette se trouve sur des documents écrits dont la légitimité est assurée par un tiers de confiance) ;
  • il a existé des monnaies efficientes qui n’étaient pas basées sur un principe de rareté (grain de blé, graine de cacao, grain de poivre, feuille de tabac, peau de bêtes, morue séchée, feuilles de thé, etc). Ce qui importait c’était que l’étalon soit susceptible d’être crédible et accepté par tous. Curieusement, « les crypto-monnaies cherchent à imiter la rareté (et la valeur) des métaux précieux« [32]: pour quelle raison ?

Sans aller plus loin dans la réflexion, nous proposons donc que la communauté en charge de la gestion et de la protection de la Licence Contributive Commons adopte en interne une monnaie décentralisée, abondante, basée sur le temps, en prenant soin d’expliciter la pluralité des valeurs (notamment humaines) qui s’échangent au moment de la transaction par une re-contextualisation des échanges via le #CodeSocial notamment. On pourra sans doute s’inspirer valablement d’une démarche comme celle de la proposition de monnaie temporelle Kronos ou de l’idée de « jobcoin » évoquée dans cette histoire prospective.


Conclusion

La Licence Contributive Commons vise explicitement à diffuser largement (y compris, pourquoi pas, au-delà des communs) une vision de l’économie politique qui soit porteuse d’espoir. Le monde vit en ce moment même une transition de phase majeure[34] : cette proposition de licence vient simplement tenter de formaliser une intelligence collective et un mode d’auto-organisation tendant vers une nouvelle homéostasie qui sont déjà en train de se déployer massivement dans les faits.

La Licence Contributive Commons n’impose aucun mode de fonctionnement, elle tente de s’affranchir de tout positionnement arbitraire et propose avant tout un cadre de fonctionnement général visant à protéger les communs et à favoriser leur développement. La seule chose qu’il lui faudra définir collectivement avec précision c’est ce qui rentre dans son champ d’action avec une définition a minima de ce qu’est un (bien) commun, ce qui lui permettra de se poser en garant de l’acceptation d’un #CodeSocial dans le pot commun.

Cette licence porte cependant en elle une valeur forte qui, elle, est non négociable : celle de considérer le commerce comme non réductible à un échange monétaire[35] mais comme le soin donné à la pérennisation d’un flux de richesses renouvelables entre des pairs. Outre le respect que l’on porte à nos pairs humains dans nos interactions avec eux via une socialisation explicite de ces interactions, cette philosophie nous ouvre également la voie vers la possibilité de considérer la nature et la vie comme des pairs à part entière[36]. La communauté en charge de leur préservation deviendrait alors le porte-parole de ce pair à l’intérieur d’une économie globale de la fécondité dans un faisceau permaculturel complexe d’interdépendances symbiotiques[37] où toute contribution devient fertilisante pour peu qu’on s’accorde à l’accueillir comme telle.

Maïa Dereva avec les contributions précieuses de Christian Dupuy, Julien Cantoni, Pierre Trendel, Nicolas Brun, Valérie Lafont.

A quoi ressemblerait une mention de cette licence :

Le présent texte est sous Licence Contributive Common BY CO SA. Vous êtes autorisé à en faire usage en tant que contributeur dans le cadre d’un #CodeSocial muni d’une matrice de réciprocité.

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[6] Rappelons ici qu’il s’agit de la définition même du P2P dans son acception originale

[7] John Magyar, B.A., J.D. et Dmytri Kleiner – Peer Production License

[12] Voir aussi les « matrices des richesses » selon ChezNous et le « 7D value » de Michel de Kemetter

[15] Elinor Ostrom, “prix Nobel d’économie” 2009

[17] Roland Gori – « La Fabrique des Imposteurs »

[18] François Roddier – Billet de blog “La tragédie des biens communs

[19] Concept introduit par Mathieu Coste et utilisé notamment dans la SAS ChezNous

[20] Voir l’exemple de B Corp

[21] Voir les notions de phyles et de guildes qui sont des entités à la fois autonomes et reliées par des valeurs

[22] Voir la notion de stigmergie sur le blog de Lilian Ricaud

[23] « le pouvoir de concevoir le droit au niveau opérationnel est ce qui rend les droits de choix collectifs si puissants » – Elinor Ostrom citée par Fabienne Orsi

[24] Tous les projets entre pairs ne sont pas gérés de la même manière. C’est l’objectif du projet qui va déterminer le type de gouvernance et les règles du groupe. Dans les projets entre pairs, les formes d’autorité sont souples et adaptées. Solange St-Pierre – La théorie du pair à pair en bref

[28] Part exemple une plateforme inspirée de Liberapay mais avec des choix de gestion plus ouverts