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title: Mon problème avec Mastodon url: https://n.survol.fr/n/mon-probleme-avec-mastodon hash_url: e545840313

Certains ont très bien expliqué ce que c’est. Bref, c’est décentralisé. Youpi !

Sauf que bon, je réserve mon jugement définitif pour plus tard mais à vue de nez c’est encore une réponse purement technique qui passe à côté des enjeux.

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Si je veux jouer avec Mastodon il y a toutes les chances que je me retrouve sur mastodon.social et que je créé un compte là bas. Je me retrouve avec un outil similaire à Twitter, quelques bonnes idées en plus, la stabilité et les 150 clients et robots compatibles en moins mais surtout… sans tous les gens qui me suivent ni ceux que je suis.

Comment est-ce que je transitionne si je ne peux pas forcer mes camarades de jeu ? Jabber a échoué face à MSN pour ça. Status.net a échoué face à Twitter pour ça. Je pourrais parler aussi de Google+ et 50 autres.

Status.net avait tenté la synchronisation avec Twitter. Les clients pouvaient se connecter aux deux réseaux, y publier la même chose et interagir avec les résidents des deux côtés. Jabber avait le soutien de poids lourds comme Google, Facebook et des acteurs locaux comme Orange. Google+ a tenté de se rendre essentiel dans l’incontournable Google.

Rien de tout cela ici et je ne vois aucune stratégie qui me permette d’y croire : pas de marketing agressif (on parlerait en dizaines de millions d’euros pour envisager battre twitter), aucun acteur de poids, pas de partenariat important avec des sources incontournables, pas de fonctionnalité importante au point de me faire abandonner le réseau existant… rien.

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Mais « c’est décentralisé ! » vous allez me dire. Outre que c’est un argument qui ne convaincra que les geeks, ma réponse sera surtout « ah bon ? ».

90% des utilisateurs ont créé un compte sur l’instance principale mastodon.social. Autant dire que côté décentralisation… Le pire c’est que leur identifiant est lié à la plateforme donc ils devront abandonner tous leurs contacts et leur historique si d’aventure ils devaient changer d’instance.

Vous pouvez aller voir ailleurs, mais déjà que le réseau est petit, il est bien difficile de se dire qu’une petite instance sera là dans la durée. Si pour migrer je dois tout perdre, même moi je risque d’aller sur l’instance principale et jeter l’idée de décentralisation.

Pour jouer à ce jeu, il faut non seulement un système de délégation ou d’indirection au niveau des identifiants mais aussi aider les 90% des utilisateurs à effectivement l’utiliser (non, implémenter webfinger ne suffit pas).

À défaut il faut prévoir dans le protocole un moyen d’annoncer aux clients qu’un utilisateur a changé d’instance, que les clients se mettent à jour à partir de là et que les serveurs sachent réimporter l’historique d’un utilisateur en migration. C’est toujours possible de l’ajouter après coup mais qu’ils n’y aient pas pensé ne me rend pas optimiste sur la compréhension des enjeux.

* * *

Bref, pour que j’y crois il aurait fallu une stratégie pour faire migrer une masse critique d’utilisateurs, plus une mise en œuvre autrement que théorique de la décentralisation.

Je n’ai aucun des deux aujourd’hui et ce n’est pas faute de l’espérer mais je ne crois pas une seconde que les quelques petites fonctionnalités techniques fassent la différence vis à vis d’un réseau qui est quasiment passé dans le langage courant, soutenu par une entreprise qui peut mettre des dizaines millions sur la table du jour au lendemain.

Il est temps d’arrêter de croire que tous les problèmes sont techniques et peuvent se résoudre avec des lignes de code. Faire un système de publication décentralisé c’est (relativement) simple. D’autres l’ont déjà fait et ce n’est pas ça qui bloque. L’enjeu pour sortir de la centralisation de Twitter se situe ailleurs.