Source originale du contenu
« Nous n’avons pas pris la Bastille pour en faire un opéra« , écrit Antoine Burret dans son livre Tiers-Lieux et plus si affinités. Le 8 avril 2015, s’est tenue à la Cité du Design une conférence sur ces lieux de collaboration, hors des entreprises et hors de la maison. Nombre d’intervenants gravitant autour du sujet ont abordé le fonctionnement des Tiers-Lieux, questionnant notamment leur modèle économique et de création de valeur.
Les Intellectuels aliénés
—
-
Entre-soi et modèle économique
Mais les Tiers-Lieux peuvent être dysfonctionnels. Du fait d’une certaine toxicité, par exemple : penser global, communautaire et collaboratif, savoir s’écouter n’est pas donné à tout le monde. « Parfois, les Tiers-Lieux recréent des fonctionnements en silo et retournent à l’entre-soi, avec peu de transversalité » note Rieul Techer, de la Paillasse Saône, un eco-hacklab installé à Lyon, espace d’expérimentation dédié aux projets citoyens bio-inspirés (biotech, cleantech…). Le problème ? L’absence de documentation systématique sur les projets, ou l’utilisation d’un vocabulaire compliqué et réservé aux initiés, qui ôtent la possibilité de capitaliser sur l’expérience ou de s’ouvrir à un public plus large. « L’outil Movilab, (un wiki, NDLR) est un exemple abouti de documentation, indique Nicolas Loubet, entrepreneur et « vagabond, insatiable de nouveautés » et qui aime dans les Tiers-Lieux la capacité de se mettre en danger des tiers-lieusards, de « foncer » pour créer des projets et des produits. Pour autant, comment exploiter cette masse de documents, se l’approprier et l’utiliser ? » Le modèle économique pêche aussi : problème de rémunération, de financement, de compréhension des pouvoirs publics locaux, et… de la concurrence entre les Tiers-Lieux. La multiplication des appels à projets gouvernementaux (sur les FabLabs, en juin 2013, par exemple), a fini par mettre en concurrence les Tiers-Lieux pour obtenir un label et les subventions publiques assorties laissant de côté les non-labellisés. Quant au partage sans limites, il doit être borné par de la création de valeur ajoutée, pour être économiquement viable.
« Si Proudhon revenait, il dirait que le crowdsourcing c’est du vol, remarque François Élie, philosophe et élu local. D’un point de vue économique, il faut être au clair sur les raisons pour lesquelles on donne ce qu’on fait. Les Tiers-Lieux doivent affronter la question du réinvestissement de la valeur : ceux qui quittent le Tiers-Lieu pour monter leur entreprise, réinvestissent-ils dans ce Tiers-Lieu qui les a aidés à produire leur valeur ? » Selon lui, le monde sort de l’économie de la rente et passe à celle de la valeur ajoutée. Cette valeur se crée dans l’articulation entre les lieux virtuels qu’offre le Web, et les lieux physiques, de proximité, recréés par les Tiers-Lieux. François Élie conclut : « On ne peut travailler ensemble que si on a partagé des bières. » Avis aux amateurs.