Les pas perdus | nota-bene.org
Quand on est en transit, quand on attend son train, ou son avion (le moins possible), vient un moment où on s’assoit. Pour bon nombre de gens, c’est un moment de stress : vais-je rater ma correspondance ?, ai-je bien relu vingt fois le numéro du quai ?, serai-je face à la bonne rame de TGV, où il faudra monter vite ?
J’ai beaucoup voyagé, pour le boulot et pour le plaisir, et j’en ai tiré quelques habitudes, comme celle d’apprendre par cœur malgré moi le numéro de la voiture et du siège avant d’y monter (alors qui serais-je si je me moquais du stress des autres) ; et surtout, celle de me poser et de regarder. J’ai toujours beaucoup regardé, et là on n’a que ça à faire.
Les gens. Ceux qui courent et ceux qui s’ennuient, ceux qui stressent et ceux qui se la jouent cool. Ceux qui ont tout l’attirail du hipster (les airpods plantés dans les oreilles, l’iphone sorti, le scroll frénétique), ceux qui font de l’endroit un deuxième bureau (je tape cet article tandis qu’à côté de moi un type fait une réunion, le casque téléphonique, le PC ouvert devant lui, les mains croisées derrière la nuque ; il est chez lui, quoi), ceux qui en profitent pour boire un café en papotant tranquillement, comme en terrasse, en vacances au soleil à l’heure de l’apéro. Ceux qui travaillent là, les invisibles avec l’uniforme de la société de nettoyage, le badge, les accès aux endroits secrets qu’on ne voit que dans les films de course-poursuite, et les autres, qui servent les cafés et vous ne voulez pas une petite viennoiserie avec ça ?
Et celui qui a une casquette, une écharpe, un ordinateur sur les genoux ? Ah mais c’est moi !
De toutes les couleurs, de toutes les formes, l’humanité de tous ces gens me frappe à chaque fois et me ravit indéfiniment. Même quand le train a une demie-heure de retard, au moment où j’écris ces lignes.