Source originale du contenu
Les changements climatiques ont trop souvent quelque chose d’abstrait. Bien sûr qu’on sait que les ours polaires sont menacés. Que la glace fond trop rapidement au pôle Nord. Que des habitants des îles Fidji risquent fort de devenir des réfugiés.
Mais la semaine dernière, l’impact à Montréal du dérèglement climatique a été très concret. Luc Ferrandez a annoncé – de façon quelque peu cavalière – la fermeture définitive de la patinoire naturelle du lac aux Castors. Le nouveau responsable des grands parcs au comité exécutif a indiqué que cette patinoire n’a été ouverte que 37 jours l’an dernier, comparativement à une centaine jadis. Par ailleurs, les récents travaux de réaménagement compliquent la vie aux autorités municipales quant à son entretien.
Les ennuis de cette populaire patinoire sont le reflet d’une tendance lourde et préoccupante.
Elle a été entre autres confirmée il y a une demi-douzaine d’années par des chercheurs des universités McGill et Concordia, qui estimaient que les patinoires extérieures étaient menacées de disparition.
Ces prédictions déprimantes ont malheureusement été corroborées par des professeurs de l’Université Wilfrid Laurier en Ontario avec un projet particulièrement original. Rink Watch est une initiative citoyenne qui permet de recueillir les informations sur près de 1500 patinoires au Canada et dans certains États américains.
Robert McLeman, qui enseigne la géographie à l’Université Wilfrid Laurier en Ontario, estime qu’au cours des prochaines décennies, la saison de patinage à l’extérieur sera raccourcie de 30 à 40 % au Canada. « Si on dispose actuellement de huit ou dix semaines pour créer une patinoire, dans les prochaines années, on en aura plutôt entre quatre et six », dit-il.
C’est loin d’être anodin. On aurait tout avantage à considérer les patinoires comme les canaris dans la mine du dérèglement climatique. Ces oiseaux dont la mort, jadis, prévenait les mineurs qu’ils étaient en danger.
S’il y a une lueur d’espoir, c’est que la Ville de Montréal a compris il y a quelques années qu’elle ne doit pas uniquement lutter contre les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Elle doit aussi, avec empressement, chercher à s’y adapter.
Chaleur accablante, pluies abondantes, inondations… L’administration de Denis Coderre avait pris le taureau par les cornes, publié un plan d’adaptation pour les années 2015-2020 et commencé à agir.
Dans le cas spécifique des patinoires, elle avait même annoncé en novembre dernier l’investissement de 7,3 millions sur trois ans pour l’ajout d’une poignée de patinoires réfrigérées à Montréal.
L’administration Plante semble elle aussi prendre l’adaptation aux changements climatiques au sérieux. La semaine dernière, elle a discuté de ce dossier crucial avec Alain Bourque, directeur général d’Ouranos – consortium dont c’est la spécialisation –, avec qui la Ville collabore déjà.
Tenir compte des impacts à venir des changements climatiques sur ses infrastructures, ses initiatives et ses services aux citoyens est fondamental pour une ville.
L’autorisation de nouveaux projets ne devrait-elle pas être conditionnelle à une évaluation des facteurs de risque liés aux changements climatiques ?
La question mérite d’être débattue plus tôt que tard.
Parce que planifier en tenant compte du fait que le climat se dérègle permet de limiter « les perturbations des milieux de vie et des activités économiques », soulignait Ouranos dans un rapport rédigé pour les municipalités du Québec il y a quelques années.
Parlant de limiter les perturbations, plutôt que de faire une croix sur la patinoire naturelle du lac aux Castors (et d’y laisser uniquement la petite patinoire réfrigérée, diminuant de beaucoup la capacité d’accueil), n’y aurait-il pas un moyen de… l’adapter ? Cette question-là aussi mérite d’être débattue.