Il est temps de tourner la page


Je ne pars jamais au bon moment. Je n’ai pas le kaïros –l’art du bon moment, je ne sais pas saisir ça. Je pars de la boite de nuit quand on rallume la salle, moi. Je reste jusqu’au bout. C’est très cohérent avec ma nature têtue –je suis très têtue et très fidèle – je ne m’en vais pas, quitte à fermer la marche.

Mais ça me joue des tours, parce que parfois, curieusement, dans l’associatif, il faut partir. C’est très difficile à penser pour moi, qui ai toujours pensé l’engagement militant comme un combat. Tout abandon de poste a des airs de mutinerie.

Je n’ai pas de chance : en sus, partir, dans l’associatif, c’est la tâche la plus difficile. Quelle que soit ta prédisposition à partir. C’est le moment le plus douloureux, le plus difficile, et l’un des moments, à mon sens, les moins documentés. On écrit peu, on se parle peu sur comment on se barre je trouve. Se barrer, sur les trois associations qui ont marqué ma vie, ça a peu fait l’objet de ces moments dans l’associatif où on se passe du savoir sur comment ça marche. Et pourtant j’en ai vu, des gens partir. Mais voilà, voir des gens plus ou moins mal gérer des passations de responsabilités associatives c’est une chose, le faire soi c’est une autre. Personne ne te parlera de comment il faut faire. A part te dire qu’il en chie, parce que guess what, tout le monde en chie. On en chie, mais comme on se barre, on ne laisse pas aux jeunes un post-mortem de nos erreurs, de nos regrets, histoire qu’ils en chient moins. Au mieux ils peuvent nous regarder faire et essayer d’en tirer une conclusion.

En conséquence, ce billet de blog a deux objectifs : expliquer pourquoi je m’en vais, pourquoi j’ai envie de prendre cette curieuse décision, moi qui n’y pense jamais, et puis ce que ça fait. Pour que peut-être quelqu’un qui se pose la même question ait, enfin, un peu de doc. Pour ce que ça vaut, évidemment. 

Un premier départ : l’ouragan

Je suis toujours partie quand il était trop tard, donc. Quand j’ai quitté le MAG –la première association où l’on m’a confié des responsabilités – cela faisait déjà plusieurs semaines voire des mois, je ne sais honnêtement plus combien de temps j’ai flotté comme ça, que je n’étais plus –comment dire – en alignement avec ce que je faisais. J’allais aux permanences avec ce sentiment d’aller faire mon devoir, comme le petit soldat que je suis, mais pas la fleur au fusil. Plutôt comme si c’était le énième matin, et qu’il faut, mais pfff. Je n’avais pas le cœur à quitter cette association qui m’avait tellement fait grandir, à qui je dois mon épine dorsale politique, mes racines militantes. C’était dur, putain. Et en même temps, je dépassais de la boite comme Alice coincée dans sa pièce, et je le savais. La seule méthode que j’ai trouvée pour partir, et donc, que je ne conseille pas, ça a été de trouver un stage de fin d’études à quelques 500 km de là, de rendre les clés, la mort dans l’âme, la veille, et d’effectuer la coupure, comme ça, physiquement, brutalement. Je me suis littéralement foutue dehors à coups de pieds. Et comme il était trop tard, je suis partie quasiment sans prévenir.

Comme il était trop tard, moi qui avais ramé parce que mon prédécesseur au MAG était parti avec environ le même talent (tout le monde en chie, je ne lui en veux pas), je n’ai rien organisé comme passation. Je suis partie avec tous les fichiers de mise en page de la revue (la Magazette) dont j’avais la charge. Mes successeurs ont dû tout reconstruire après moi et quasiment sans aide de ma part. C’est nul. C’est un de mes regrets les plus colossaux de ma carrière associative. Honnêtement : pardon. Du fond du cœur, pardon. J’ai honte, vraiment, d’avoir traité les gens comme ça.

L’enseignement que j’en tire est qu’en fait la passation est quelque chose qu’on ne fait pas dans la semaine où l’on se casse. On devrait presque le préparer dès le premier jour de notre mandat. Idéalement il faudrait toucher cet équilibre : je suis en charge, je fais ce qui est sous ma responsabilité, mais si jamais il arrive quoi que ce soit je peux déclencher les mécanismes A B et C pour que ça continue à rouler sans moi. Vous voyez les entrainements à l’alarme incendie, qu’on fait tous les ans juste pour se rappeler comment faire au cas où ça arrive vraiment ? C’est un peu la même idée.

Si vous demandez à un responsable associatif, de rentrer dans ce genre de démarche, il peut avoir une réaction de recul plus ou moins violente. Et c’est assez normal. C’est très contre intuitif, parce que préparer son départ, ça veut dire accepter qu’on va partir un jour et dans l’associatif je crois qu’on postule que c’est impensable : on est engagé, là, c’est pas pour se débiner dès le premier jour de mandat. Imaginez si la personne qui partage votre vie vous parlait divorce à brûle-pourpoint là. Vous prendriez peur : « pourquoi tu me parles de ça ? On est pas bien ensemble ? ». Parfois comme ici, la vie décide pour nous et c’est pour ça qu’il faudrait anticiper. Mais on ne se l’imagine pas. Cet état d’esprit demande une certaine dose de sagesse et de lâcher prise. Comme c’est pas facile de s’y projeter on procrastine, ce que j’ai fait, comme mon prédécesseur. C’est vraiment plus facile à dire qu’à faire, et donc l’autre leçon c’est qu’il faut une petite dose d’indulgence pour la personne que vous encouragez à faire ça. C’est très normal qu’elle commence par avoir peur.

Alors, très curieusement, alors que je cumulais un cursus en classe préparatoire littéraire et le conseil d’administration de l’une des associations LGBT+ les plus vieilles de France, ce n’est pas pas la charge de travail qui m’a fait partir. C’est l’ouragan dans ma tête. On ne peut pas prendre soin des jeunes LGBT et soi-même ne plus savoir très bien où on en est. Ça ne marche juste pas. C’est un peu comme si tu assurais quelqu’un à l’escalade alors que toi-même tu as le vertige. J’étais pas dans la meilleure passe avec ma propre identité sexuelle, je n’avais plus la stabilité nécessaire pour écouter, j’étais une boule de voix discordantes moi-même. Il me fallait du calme, et de l’air nouveau. Ce que je me suis donné, oui, mais plus comme on arrache un pansement d’un coup. Un déchirement.

Le feu de camp

Ma vie s’est recentrée assez vite autour de la Quadrature du Net. L’association de lutte pour les droits et libertés fondamentales à l’ère numérique a accueilli à bras ouverts les torrents d’énergie que j’avais à investir alors, et j’ai accompagné ce qui est devenu une sorte de seconde famille depuis. Cette association a changé assez littéralement ma vie, et je ne parle pas seulement de mon apprentissage des questions liées aux télécoms via la Revue de Presse. Quand l’association de fait est devenue une association loi 1901, j’étais là ; quand cette association loi 1901 a réformé ses statuts pour arriver à peu près à la forme qu’elle a aujourd’hui, j’étais là. J’ai vu des départs extrêmement douloureux –pour tout le monde. J’ai vu une association guérir, doucement (ce n’est probablement pas encore fini) de blessures humaines profondes. J’étais encore là. Partir m’a juste semblé impensable. Je n’allais pas m’en aller alors que bénévoles comme salariés faisaient part de leur blessures et tentaient de les soigner ensemble. Je n’allais pas partir quand on a plus que jamais besoin d’associations qui luttent pour nos droits et libertés, qui analysent les textes, qui font un travail si indispensable dans cette ambiance morose où le moindre acquis social est menacé. Je n’allais pas partir de cet endroit qui m’avait fait grandir parce que j’entendais bien donner l’impulsion, à d’autres, de les aider à grandir comme moi La Quadrature m’a fait pousser. Et pourtant.

J’ai, à la dernière assemblée générale à laquelle j’ai assisté, posé un texte douloureux. Je m’étais effondrée après une énième infection du pied. Et tout avait en fait commencé à vriller avec une violente infection des sinus dont je parle ici. Je faisais un burnout. Mon corps s’est mis à lâcher prise. Pour rappel, un burnout, ça caractérise moins un trop-plein de charge de travail que de charge cognitive et émotionnelle. C’est du stress empilé. Et la pile est si haute que tu ploies dessous. C’est ça qui te plonge dans cette fatigue sans fond dont il est si difficile de ressortir indemne. On s’en sort, hein, je m’en suis sortie. Mais pas indemne.

Quand j’ai écrit ce post, j’avais déjà commencé à entrevoir la place qu’avait pris La Quadrature dans ce qui me pesait (et c’était une pensée fort désagréable). En participant au collège des membres, j’avais pris ma part dans la charge d’une association qui a énormément compté à un moment et on venait de traverser des moments où l’on n’était pas loin du maximum de la charge émotionnelle possible posée sur le plan de travail. Il a fallu encaisser de grosses fractures, dans mon propre camp, et courageusement, essayer de faire perdurer le collectif malgré tout. Et j’y suis allée. J’ai courageusement encaissé. Mais voilà, encaissé. Le souvenir de cette discussion sur Twitter avec un ancien bénévole de la Quadrature ayant des mots incroyablement durs pour l’association reste douloureux. Il l’est moins qu’avant aujourd’hui. Il l’est moins depuis que j’ai fait la paix avec une chose : j’ai pris des balles dans mon propre camp. Toutes les balles prises dans cette période-là, c’était dans mon fucking propre camp. Pour l’essentiel, je pense que ce sont des balles perdues. Ou des giclures d’acide qui débordait, là. Des dégâts collatéraux. C’est un sentiment qui est assez proche, à la réflexion, de ce que vivent les enfants coincés dans un couple dont le divorce se passe mal : il y a une violence qui ne t’est absolument pas destinée, mais que tu vas quand même encaisser dans les tripes parce que tu es là, au milieu, que tu ne peux pas éviter. Tu ne comprends pas très bien ce que tu as fait. Tu as un peu l’impression que c’est contre toi, alors que non, c’est l’histoire de tes parents. Et tu peux mettre du temps à t’en remettre et à pardonner. T’as pris des balles perdues. Tu sais que c’est tes parents qui ont tiré. Tu sais qu’ils savent que tu es sur le champ de bataille, exposé. Mais personne ne peut faire autrement.

On n’est jamais, dans le travail militant, jamais, préparé à ça. On est préparé à se battre contre le grand Copyright, contre la Silicon Valley, les GAFAM, contre des députés qui n’écoutent pas et qui te votent des machins scélérats tendance Frédérique Vidal mais pas à encaisser ça.

J’ai mis un peu de baume là dessus, je ne sais pas encore combien j’ai pardonné. C’est pas simple de pardonner quelque chose qu’on a d’abord reçu comme une forme de trahison. C’est tout un travail. Mais c’est comme un divorce, c’est plus facile à penser depuis que j’ai aussi cette perspective : hey, personne ne pouvait faire autrement. And it’s better out. Autant vous dire que j’aurais aimé que ça sorte plus tôt, hein, avant que ça fermente à ce point, mais maintenant c'est fait, c'est pas plus mal quelque part.

Je m’éloigne un peu du sujet initial en vous racontant ça, mais je ne peux pas séparer le récit de ces départs successifs avec leur cause. Ça fait partie de la leçon. La leçon ici, c’est que j’ai vu bien tard ce que j’étais en train d’empiler dans mon sac à dos, là. Je collectais des moments à grande charge émotionnelle les uns sur les autres, et je n’ai pas résolu la tension qui était là. J’ai encaissé. Donc heh, elle est restée là où elle était, bien sagement. Et puis dessus, j’ai rajouté la charge mentale incroyable qui constitue en : être membre d’un collectif, qui est responsable d’une association qui n’a pas l’air mais qui est une grosse association, qui demande beaucoup d’attention, de travail, c’est une grosse machine qui a son passé, qui fait plein de frottements à plein d’endroits, qui est très belle et puis en même temps une aventure humaine très complexe, qui est l’employeur de plusieurs personnes (ce qui constitue une responsabilité énorme). Bref j’avais un sac de rando plein à craquer de trucs qui s’empilaient, puis qui n’en finissaient pas de s’empiler. Tu m’étonnes que mon corps ait fini par décider de lâcher. D’abord une belle crise de sinus, puis, coup sur coup, trois infections du pied. La dernière, jusqu’au dernier moment j’étais pas tout à fait certaine que les antibiotiques dose cheval qu’on m’avait prescrit allaient fonctionner. Ça allait bien (non). Encore une histoire de partir trop tard, notez. Ce billet est cohérent.

Normalement, ce qui enlève des choses dans le sac à dos, c’est ce que j’appelle le feu de camp. C’est l’espace, où, dans le travail militant, l’on produit de la chaleur. Dans un travail comme celui de La Quadrature, il y a une ligne de front. Il y a des gens à convaincre, des argumentaires à démonter, des batailles juridiques. Mais il y a aussi une base arrière. Avec un feu de camp, de la bouffe, des matelas pour dormir. On vient se réchauffer à la chaleur du feu, on se raconte des histoires, on se demande des nouvelles. On mange un bout, on se repose. On fait lien. Et on développe une forme de plaisir de lutter ensemble. Quand ça marche bien, il ya toujours un petit groupe de bénévoles qui maintiennent le feu allumé et se reposent, et un autre groupe de bénévoles qui est « au front ». Et on peut observer que les bénévoles se relaient au feu de camp, comme ça. Ce n’est pas toujours les mêmes qui portent la lutte, ce n’est pas toujours les mêmes qui mettent une buche dans le feu, il y a une forme d’équilibre qui s’installe. On se nourrit d’être ensemble. Ça donne de l’énergie pour lutter. Mais lutter fatigue, alors on part se reposer, et on reviendra quand on aura récupéré, au chaud, dans la base arrière.

J’ai traversé une époque où je pense que la gueule du feu dans l’âtre était pas vaillante, et où peu d’énergies étaient disponibles pour remettre une bûche. Peut-être aussi que je cela n’aurait été simplement pas suffisant pour endiguer cet empilement.

J’en tire plusieurs leçons :

J’ai expliqué ces leçons en AG dans mon texte, j’ai expliqué que j’ai compris tout ça trop tard et j’ai demandé à démissioner. Ce départ a été entériné par le reste du collectif, et ça me fait encore bizarre (alors qu’en fait, c’est pas récent du tout…) de voir, qu’après dix ans de chemin commun, mon nom n’est plus sur le site de La Quadrature. Mais ça a a donné un peu d’air d’arrêter de remplir mon sac comme ça. Je pense aujourd’hui que c’était bien de fermer ce chapitre. Triste, mais bien.

La présidence : la grosse arnaque

Plot twist : j’avais une autre source de cailloux-qui-finissent-dans-le-sac-de-rando. Haha. Alors celle là c’est le truc qui était caché juste devant mon pif. Haha. Ha. Hrem.

Je suis devenue en 2017 présidente d’une association (co-présidente, techniquement). J’en parle à plusieurs reprises sur ce blog. En réalité je suis arrivée dans l’aventure de la Fédération FDN à peu près à la même époque qu’à la Quadrature, et beaucoup de choses ont été concommitantes ou pas loin, typiquement le changement des statuts de la Quadrature vers la création d’un Collège responsable de membres et mon élection à la Fédération sont arrivés dans des temporalités très proches ; mais pour des raisons de clarté du propos, j’ai séquencé. Mais voilà c’est ça qu’est drôle, si on veut. Pendant, littéralement pendant que j’étais en train de gérer les cailloux qu’arrivaient dans mon sac d’un côté, de l’autre on m’en balançait des kilos.

Je m’explique. Je ne veux pas qu’on comprenne ça comme « on m’a prise par surprise et je me suis retrouvée présidente ». J’ai accepté de prendre en charge la responsabilité de la présidence en conscience, quand même. Evidemment que j’étais au courant du fait que cela constituerait une charge supplémentaire. Evidemmment que j’étais consciente de ce que je faisais et que je m’y suis préparée, un peu. Je pense même que j’ai jamais été aussi prête pour endosser une responsabilité associative.

J’ai beaucoup retourné la question dans ma tête, parce que je suis toujours scandalisée par cette partie-là de mon burnout et de sa guérison. Comment ça se fait que j’aie ployé aussi vite sous une charge que j’étais globalement prête (et légitime) à recevoir ? Parce que j’ai ployé, j’ai littéralement ployé, comme le roseau, là, crouiiiiic. J’ai été élue en 2017. En 2018, les signes du burnout ont commencé à poindre. En 2019 je lâchais tout. Deux ans. C’est allé très vite. J’ai passé dix ans à la Quadrature, j’y ai littéralement vécu le Vietnam, avant de prendre la décision de m’en aller et là en deux ans je me retrouve incapable d’assurer. C’est quoi ce truc. Vous vous imaginez pas la frustration, la déception. C’est quoi ce truc. Je veux dire, que je m’épuise après dix ans de lutte à LQDN est normal, et c’est même plutôt un bon score de longévité, dix ans. Mais deux ans. Je n’arrive pas à m’y faire.

Vous allez me dire : « facile ». Oui, avec ce que je ramaisssais comme cailloux à La Quadrature ça suffisait bien, oui. Je suis arrivée à cette conclusion toute seule, j’ai aussi démissionné de LQDN en me disant que ça protégerait l’engagement militant qui restait et que ça me permettrait de recentrer mon énergie. Ça a certainement sauvé ma santé. Accepter de lâcher ma responsabilité à LQDN a été l’une des décisions les plus tristes de ma vie associative mais ça a soulevé l’énorme couvercle de marmite sous lequel j’étais coincée et heureusement. En juin 2020, voyant la bouffée d’air qu’entériner cette difficile rupture m’avait donné, quand j’ai pris le temps de poser un mail aux fédérés à propos de l’AG de la Fédération, empêchée à cause de la pandémie comme beaucoup d’autres rassemblements, j’ai en substance dit que j’avais pas un bilan grandiose (wesh, burnout) mais que je pouvais sans doute repartir pour un an à marche diminuée. Je comptais beaucoup sur le fait que j’allais trouver un équilibre entre l’associatif et le reste avec UNE SEULE responsabilité associative, qu’avec le temps la fatigue et la douleur allaient se tasser un peu et que je pourrais continuer. La Quadrature plus la présidence, ça faisait trop, c’est évident. Mais ça tout seul, ça devrait marcher. Non ?

Ce n’est pas ce qu’il s’est passé dans les douze derniers mois. On est en juin 2021. J’ai quitté LQDN en juin 2020 en gros, en prenant acte des leçons du burnout qui m’a occupé une partie de l’année 2019. Ça fait un an que je suis à peu près à flot (heureusement, ma santé mentale n’aurait pas survécu à la pandémie sans ça). C’est clairement dû au fait que depuis que j’ai tout lâché en urgence je n’ai quasiment rien repris comme charge mentale nulle part. Je suis en arrêt maladie, vis à vis de ma fonction. Donc ça va. Mais je suis en arrêt maladie, ce qui veut dire que je ne peux pas dire que j’occupe ça pleinement. Je n’ai pas repris, comme je pensais en être capable alors, ce que j’avais planté là comme charge l’année avant because burnout. Je n’ai pas rouvert de consultations de l’Arcep. Je ne lis plus mes mails. Il y a quelque chose de cassé, j’ai du mal à formuler ça autrement. Et le scandale c’est pourquoi ?

J’ai en gros deux éléments de réponse et ça ne me fait pas plaisir de les écrire (c’est aussi pour ça que j’ai repoussé l’écriture de ce billet, c’est pas agréable).

Le président de Shrödinger

Le premier, que j’ai expliqué en long et en large dans ce long mail (je suis spécialiste des mails fleuves, well, you’re reading this, you know why) aux fédérés il y a dix mois donc, tient simplement en ce en quoi la présidence est une arnaque.

La présidence, c’est un poste où l’essentiel du travail est invisible. L’arnaque est là.

On attend plein de choses différentes des présidents d’association, ça c’est variable en fonction des collectifs. Il y a des associations qui ont des traditions de présidence très descendante, d’autres au contraire où le président est un peu comme le président allemand, là mais pour garantir l’unité, il y en a où la présidence est un exercice qui ne change rien, il fallait juste un nom pour la préfecture. Il y a de tout.

Je trouve qu’il y a quelque chose qui revient quand même assez souvent. Quand je discute avec d’autres présidents et présidentes d’assos, souvent, on se rend compte que ce qu’on avait en commun malgré les styles de « direction » différents, c’est faire l’état de l’union. Comme c’est la seule chose qui était claire dans ma tête sur ce qu’on attendait de moi, j’en ai fait le centre de mon activité de présidente de la Fédération.

Faire l’état de l’union, ça se matérialise pour moi dans quelque chose que j’ai introduit, d’ailleurs, dans toutes les assos que j’ai codirigé : les bilans. C’est un document qu’on formalise en général un peu avant l’AG, et qui résume les accomplissements de l’association en un an. Ce sont ces bilans qui sont (quand tout se passe bien), soumis à l’approbation de l’AG. Ils contiennent en réalité trois parties, l’introduction, les bilans proprement dits (ce qu’on a fait cette année), les projets (ce qu’on aimerait faire l’année prochaine et qui constitue un programme d’action minimal qu’approuve l’AG).

Hé bien l’état de l’union c’est l’introduction de ce document. C’est un texte qui vient dessiner la cohérence, les lignes de force, dans tout ce que fait l’association, dans sa diversité. Dans le cas de la direction d’une fédération, qui est par essence diverse (comme celle que je présidais), je trouve que c’est un exercice essentiel. On fait le point, on montre en quoi il y a un lien entre toutes ces actions qui ont l’air disparates, au besoin on recentre aussi, quand l’exploration de toutes les pistes semble perdre de vue l’épine dorsale de valeurs qui sont la raison d’être de l’association. C’est un exercice qui mélange, tous les ans, le passé (ce que l’asso a été, ce pour quoi elle a été fondée), le présent (ce que nous faisons et ce en quoi ce présent est bien un héritage du geste fondateur) et le futur (ce que nous avons collectivement envie/besoin de faire).

Souvent, je n’arrivais pas à tenir assez bien le rythme d’écriture (j’ai écrit la plupart des bilans que j’ai présentés seule, et dans des conditions iniques, le bilan 2017 je l’ai écrit quasi intégralement sur mon téléphone) et en fait l’état de l’union était présenté à l’AG sous la forme d’un laïus d’ouverture parce que le document était à peine sec. Un discours d’état de l’union, quoi.

Pour faire correctement l’état de l’union, il faut accepter de prendre énormément de charge mentale. On ne réfléchit pas uniquement la semaine avant l’AG à ce que ça veut dire, cette asso, on y réfléchit sous la douche, à 2h du mat quand on n’arrive pas à dormir. On y réfléchit en préparant la bouffe. On devient un peu monomaniaque. Mais c’est ce travail constant qui produit la profondeur, l’épaisseur de la réflexion au moment des bilans.

Et puis, en fait, c’est aussi un travail quotidien parce que dans la pratique, il y a besoin de prendre des décisions ou de donner son avis un peu plus qu’une fois par an. Parfois il y a des crises et c’est ce matériau de réflexion qui sert, en partie, pour les démêler. Tu passes ton temps à refaire les coutures du patchwork (pas celles qui relient les pièces entre elles, les coutures qu’on fait en plus, sur toute la couverture, pour que l’ensemble se tienne bien). Dès qu’il y a une nouvelle pièce de couleur, hop, tu viens t’assurer qu’elle est bien reliée au reste et que la couverture est toujours harmonieuse.

Pourquoi un·e président·e de fédération a l’air de ne pas en foutre une ? Parce que ça, ça mange déjà assez de charge mentale, merci. C’est complètement invisible. Mais c’est ça, le taf. Ton taf, c’est de méta touiller en permanence le bordel pour qu’il ait l’air cohérent pour les gens à l’intérieur comme à l’extérieur. Plus c’est le bordel, plus tu as du travail. Pour reprendre la très belle image de Koolfy si celle du patchwork ne vous parle pas, tu passes ton temps à parcourir la toile pour voir si tous les fils sont bien reliés, et à essayer de renouer les fils qui sont cassés si c’est le cas. D’autres gens nouent des fils. Tu n’es jamais seul à réparer. Mais t’as ce privilège (un peu empoisonné, mais privilège) d’avoir en tête l’inventaire exact des endroits où il faut faire de la maintenance.

Le revers de la médaille, c’est que s’il y a eu des problèmes –et alors, en matière de problèmes, je ne vous remercie pas les gens, hein, j’ai été servie-- hé bien ça devient aussi tes problèmes. Tu te fais du soucis en permanence. Tu dors moins bien. Tu tournes ça dans ta tête dans tous les sens : 1) sérieux il est 3h du mat, j’ai cours demain, ce serait bien que ça cesse ce problème 2) bordel ça craint il faut une solution. Cette ambiance, je l’ai connue à plusieurs moments dans mon mandat de présidente.

Je ne suis pas salariée de mon association. A côté de cette bagatelle, je faisais aussi de la régulation des télécoms, j’écrivais (j'écris toujours) une thèse (qui n’a rien à voir), je me prenais des giclures d’acide dans la gueule parce que la souffrance de bénévole fermentée c’est plutôt dégueu à brasser. Pour situer. Oui, vu d’ici l’aspect burnout paraît très logique. Quand on nage la brasse coulée dans tout ça, on ne voit rien, il faut sortir la tête de l’eau pour ça.

Il se trouve, je résume parce que la tambouille interne fédérale ne vous intéresse pas ici, mais il se trouve que dans la Fédération FDN spécifiquement il y a, j’ai l’impression, des envies très divergentes concernant la présidence. A la fois des envies de direction très ferme, parce que ça permet de savoir par où aller sans forcément y investir de la réflexion parce qu’on est sur des problématiques de terrain et qu’on peut pas être partout. Et d’autonomie, parce que la fédé est quand même une aventure fondée sur le principe de la décentralisation (du coup une tête centrale ça dénote dans le paysage). C’est très intéressant, parce c’est inconciliable. Mais ça fonctionne à peu près quand même.

Et y’a pas une putain de fiche de poste. Ce que je viens de vous expliquer sur le métier de président·e d’asso, c’est un mélange entre ce qu’on m’a expliqué et ce que j’ai fini par tracer comme ligne faute d’y comprendre quelque chose à ce qu’on attendait de moi. Non mais parce que, cette histoire de rendre compte aux gens qui nous ont élu, j’y tiens. Mais j’aimerais savoir sur quoi du coup. Je suis ce genre de personne qui a besoin d’avoir une idée très claire de ce qu’on attend d'elle J’ai jamais vraiment su. J’ai passé mon mandat à essayer de comprendre, ça m’a épuisée. Et comme j’étais en plus partie sur des bases pas si saines que ça, ça a vrillé.

J’ai appris, plus tard, en lisant, que les attentes contradictoires et l’absence de fiche de poste, c’était un bon gros red flag à burnout.

De mauvaises bases

Le deuxième élément de réponse que j’ai, c’est donc que je suis partie sur de mauvaises bases. Déjà probablement que j’aurais dû démissionner à LQDN avant en fait, pour protéger mon énergie. Je serais certainement partie avec un sac à dos moins plein et j’aurais probablement mieux géré les différents aléas qui ont secoué mes trois dernières années de mandat.

En plus de ça, je pense que j’ai traîné une partie –peut-être la majeure partie de ma mandature– le traumatisme de l'AG 2016 de la Fédération FDN. Alors à partir de là si mentionner cet épisode te rappelle des mauvais souvenirs, tu as ma bénédiction pour passer à la suite. Content warning, comme on dit. Je vais être obligée de brasser des trucs pas drôles. Si t’es OK, la suite s’affiche si tu cliques .

C’est un épisode qui m’a traumatisée, vraiment, parce que d’une part j’ai été directement témoin de la souffrance d’une personne en particulier, et d’autre part parce que oui j’ai vécu la réaction –en fait inévitable– du collectif comme violente. J’ai jamais vu un truc aussi violent dans ma vie associative. J’ai rarement eu aussi peur du collectif auquel j’appartenais.

Parce que je vais vous faire une confidence. Ce que Benjamin a fait ce soir là, je l’ai compris parce que j’aurais fait pareil. Je suis allée le voir parce que après d’une bouffée d’émotions, j’aurais aimé qu’on soit venu me voir. Ça m’est arrivé aussi de claquer la porte après avoir insulté tout le monde et croyez bien que je me souviens de chaque seconde de chaque fois où c’est arrivé, parce que je regrette chaque putain de seconde. J’étais pas en état de faire autre chose que péter une durite, mais si vous saviez comme je ne pensais pas un mot de ce que j’ai dit. Comme je m’en veux. J’aurais aimé que quelqu’un soit venu juste pour me dire que c’était OK d’être très triste/très énervé/rayez la mention inutile, et que c’est mieux dehors que dedans. Alors c’est ce que j’ai fait. Pour toutes les fois où moi ça m’est arrivé et où personne n’est venu.

J’ai pas passé un bon weekend. La réponse du collectif ça a été d’être très violent envers Benjamin, et par transitivité, moi, parce que en fait voilà, je me mettais un tout petit peu à sa place voyez. Et ça c’est le deuxième traumatisme. Une fois que j’ai arrêté de péter des crises d’angoisses en pensant à cette épisode (non parce que même deux ans après je tremblais quand j’en parlais, hein) j’ai pu un peu mieux comprendre en quoi cette violence était inévitable. J’ai pu comprendre aussi en quoi le collectif avait été blessé, en quoi il était aussi légitime à demander des excuses. J’ai pu un peu me mettre à la place de tous les autres et les pardonner pour tous ces mots très très très durs. Donc maintenant ça va. Je ne tremble pas, je n’ai même pas le coeur qui s’emballe quand j’écris ça.

J’ai été élue, à l’été 2017, un an après cet épisode, dans des circonstances liés directement à ce dernier. L’AG a été organisée sur le tard, parce que personne n’avait envie de revivre ça, c’était très frais dans les esprits. J’ai déplacé des montagnes d’énergie (je ne sais pas d’où je les sortais, btw) pour que cette AG ait quand même lieu. On était moitié moins que d’habitude. Alors, se retrouver a fait du bien, assurément. Mais j’ai été élue dans cette ambiance-là.

Et ce traumatisme est resté tout ce temps. Faire la paix avec ça c’est tout récent. Ça a posé un prémisse affreuse à mon mandat, celle que peut-être que le collectif allait se retourner aussi contre moi. Que cette violence-là était possible. Et donc, toutes les fois où il y a eu des balles perdues, à La Quadrature, au sein de la Fédé, après cet épisode, ça remuait le couteau dans la plaie et ça me confirmait juste dans cette idée qu’en fait les gens sont violents. Ça a mis des graines de méfiance. Je me suis mise à avoir peur d’aller aux AG et à en faire des cauchemars.

C’est idiot, évidemment. Objectivement ça n’a aucun sens. Personne n’a envie de revivre ça, je veux dire. Mais un traumatisme est ce qu’il est, c’est pas une réaction très réfléchie aux choses hein. Reste qu’on ne peut pas présider si on a peur du collectif, ça mène forcément à un exercice déraisonnable du pouvoir. On s’y accroche. Je suis pas exactement étouffée par l’ambition, mais oui, j’ai eu –surtout vers la fin-- des réflexes défensifs complètement pourris. Je pense, dus à la forme de paranoïa causée par ce traumatisme-là. Plus je vivais un truc qui ressemblait (et dans les deux ans qui ont suivi, je ne sais pas, on a décidé de sortir tous les cadavres du placard, du coup c’est arrivé assez souvent au final) plus cet état d’esprit se confirmait : « tu voiiiis les gens en fait ils te veulent du mal à toiiii ». Non, personne je pense ne me voulait directement du mal, à moi, personnellement. J’étais en train d’essayer d’échapper à une situation que j’avais vécue il y a trois ans, j’adressais pas le problème actuel, et puis d’abord c’était pas à mon propos. J’ai commencé à comprendre ça à la dernière AG à laquelle j'ai été, très mouvementée –décidément– quand j’ai vu que malgré tout ce bordel les fédérés m’avaient réélue. Je me suis dit, wow, ils m’en veulent pas finalement. Quota, évidemment.

Merci pour ça.

Donc j’ai essentiellement guéri de ce traumatisme, il est largement derrière moi aujourd’hui, je pense. En tout cas je prends pour signe de guérison relative le fait d’y penser en paix. Je ne sais pas dans combien de temps la blessure que ça a causé va suffisamment cicatriser pour que ça soit disons faisable de revenir dans le collectif. C’est une chose de faire la paix, c’est une autre, haha, ensuite, de naviguer la présidence en portant ce type de blessure : c’est pas parce que ça cicatrise que ça n’existe plus. Et j’en suis là. J’ai été blessée, ça a rompu quelque chose, et je ne sais pas encore réparer ça.

C’étaient de bien mauvaises bases. Ma vision des choses était biaisée, d’entrée de jeu, dans un sens pas sain, je crois. A certains égards elle a été un peu encouragée dans cette direction et ce n’était pas une super influence à la réflexion. Je regrette un peu d’avoir écouté, honnêtement.

Après avoir pris de la distance, je ne vois pas bien comment on peut se sortir de ce mélange de choses indemne de toute manière. Le trop plein de charge émotionnelle, au dessus d’un bon vieux trauma des familles, avec des attentes contradictoires on top of that. Oh et une pandémie mondiale. Où j’ai passé douze mois à me dire ho je ne fous plus rien (because la guérison de tout ceci, hein, puis gérer vivre dans une pandémie mondiale which is enough anyway), suis-je encore légitime de toutes façons ? Etre reconduite à son poste par la force des choses est-il une marque de légitimité ? Pourquoi personne ne vient m’en parler ou s’en inquiéter en fait ? En fait on m’a foutue dans une partie de jeu vidéo en mode ultra hard dans me prévenir, il y avait trois ans où être présidente de la fédé ça allait être méga dur, j’ai bien choisi mon moment moi en fait.

Donc oui j’ai ployé. Indéniablement. Mais en observant les choses posément, peut-être n’importe qui aurait explosé en vol. Alors, oui : en sautant l’option traumatisme de 2016, que mon histoire personnelle n’a pas rendu simple à gérer (je sais que d’autres gens s’en sont beaucoup mieux sortis), prut-être que l’on durait un peu plus. Mais les différentes tensions dans le collectif, les attentes contradictoires, l’absence de fiche de poste, la passation qui a été saine par endroits et pas du tout par d’autres, ça formait tout seul un cocktail suffisant qui menait au burnout.

Et ceci, malgré, encore une fois, ce qui fonde ma légitimité à occuper cette place, le fait que je pense que ce que j’apportais au collectif, en faisant l’état de l’union, était utile. Juste, voilà j’ai probablement joué une partie en mode ultra hard sans avoir conscience du niveau. L’arnaque.

Et voilà, partir, c’est dur.

Je sais que tout le monde a compris. Aujourd’hui je crois que tout le monde sait que cette rupture est consommée. Mais j’ai pris mon temps pour l’écrire. Parce que le plus important finalement, c’est que je fasse la paix avec ça. Que je fasse la paix avec, somme toute, l’impression d’échec personnel que ça me laisse. Je sais que j’ai contribué à construire des choses. Je sais que ce ne sont pas trois-quatre ans de mauvais mandat. Mais sur mes standards, c’est un échec. Parce que je pensais avoir pris les leçons de tous ces départs. Je pensais pouvoir rebondir beaucoup plus facilement, même après avoir ployé.

Accepter ces points, les regarder en face, ça m’a aidé à faire la paix avec l’impression d’avoir été au final assez mauvaise. Le fait d’avoir ployé aussi vite et encore davantage, le fait de ne pas être foutue de repartir parce que quelque chose est brisé, c’est extrêmement frustrant. J’essaye de faire la paix avec ça.

Objectivement, rebondir après une grosse rupture associative, passer du baume sur du trauma, traverser une pandémie en plus de ça, et être encore là, c’est un bilan très honorable. Ne pas en sortir indemme, c’est…presque attendu. Personne n’est surhumain.

Mais quand on avait envie de continuer à s’investir, c’est très frustrant. Je suis un peu triste, je vis malgré tout partiellement comme un échec le fait de devoir cesser, là, de faire ce que j’avais commencé, en ne finissant même pas les projets que j’avais démarrés. Je vois bien que c’est ridicule, un peu comme quelqu’un qui le pied dans le plâtre après un accident du travail, ne parlerait que de retourner au bureau. Ben non. Manifestement tu ne peux pas retourner au bureau. Lâche.

Le sentiment avec lequel j’ai le plus lutté (et avec lequel je lutte toujours, en fait), est l’impression d’abandon de poste. C’est compliqué de cesser de s’occuper de quelque chose 1) qui importe 2) dans lequel je pense que je suis bonne. Et c’est pour ça que, à l’aube de ce qui devait être l’AG 2020 de la Fédération FDN, j’ai hésité. Je n’ai pas présenté formellement ma démission. En fait une bonne partie de ce que je viens d’écrire était déjà très clair. Mais voilà, j’avais aussi envie de ne pas abandonner le poste. J’ai vraiment l’impression de trahir la confiance qu’on m’a fait et c’est pas agréable du tout.

Je suis bonne à prendre cette hauteur pour comprendre les dynamiques qui traversent divers groupes de travail, diverses associations, diverses personnes. Ça, c’est l’état de l’union. C’est je pense l’une des choses, voire la seule pour laquelle je pense qu’une fédération comme celle-ci a besoin de présidence. Parce qu’il faut pouvoir être en position de discuter avec tout le monde, de mettre un peu la main à la patte partout, sans vraiment faire, pour faire ça bien. Je pense que ça, je le faisais bien.

J’aurais aimé faire l’état de l’Union encore un moment, continuer à aider les gens à voir dans le grand patchwork qu’est la Fédé les lignes de couture qui donnent sa cohérence au plaid. Parce que c’est utile, que je suis bonne à ça, et que je tiens à cette cause et à ces gens. Mais on ne fait pas ce qu’on veut. La rupture qui s’est faite là est probablement irréparable en l’état. Il va me falloir du temps. Pour une fois dans ma vie, je ne vais pas remonter en selle après être tombée de mon cheval. Je ne sais pas dire si c’est de l’humilité ou du défaitisme. D’où l’impression d’échec assez douloureuse. J’en chie un peu, en vrai. Ça va de mieux en mieux, j’apprends à faire la paix, mais pfiou.

C’est possible que je ne remonte plus jamais un cheval. Je ne sais pas. En tout cas ma vie ne tourne plus autour de la lutte, et c’est bien aussi. Ça ouvre d’autres possibles. Ça me permet d’explorer d’autres aspects de ma vie, où l’équilibre entre ce que je donne et ce de quoi je me nourris est meilleur.

Et c’est important, ça, parce que, et je finirai par là, dans l’associatif, on court le marathon. Il faut rester, toujours, dans cet équilibre. Mais je ferme un chapitre, aussi, et ça me rend triste de l’écrire.