lentement le bouillon du quotidien


Boite aux lettres rouillée
Kamakura, Japon, 28 novembre 2020

Chaque jour apporte sa nouveauté technique et le lot d'obsolescences et de caducités qui l'accompagne inévitablement : obsolescence des techniques existantes ainsi dépassées, caducité des situations sociales qu'elles avaient rendues possibles : hommes, régions, professions, savoirs, patrimoines de toutes natures qui doivent s'adapter ou disparaître.
— La technique et le temps - Bernard Stiegler, urn:isbn:978-2-213-70087-8

David dans Contre-société

Lire de relativement vieux ouvrages a cet inconvénient de donner le sentiment d’être dans un monde qui n’évolue que très lentement. Les espérances et utopies d’aujourd’hui étaient déjà celles d’hier et d’avant-hier. Comment continuer à y croire ?

Thomas répond :

Un jour j’ai arrêté de me dire “mais à quoi bon ?”, quand j’ai arrêté d’avoir “l’attente d’un monde meilleur”. Quand j’ai arrêté de vouloir le changer à un niveau qui me dépasse. Quand je me suis focalisé sur ce que je donne autour de moi (géographiquement parlant), et comment ce bout s’intègre dans d’autres mille-feuilles (administratif, historico-culturel). Quand j’ai commencé à dédier du temps et de l’argent à des choses qui ont trait à la vie, au vivant.

Et il poursuit avec :

Choisir son combat est aussi un truc bourgeois — au sens où j’en ai le choix, que je n’en hérite pas, et qu’y mettre de l’énergie m’emmènera peut-être “plus loin dans ma vie”. Un combat qui n’est pas choisi permet à peine de s’en dépêtrer. C’est celui que je vis avec la catastrophe écologique de notre société.

Devons-nous sentir une forme de découragement face à la lenteur ? Et sans lenteur, et avec le pouvoir d'aligner le monde à nos croyances, nous nous précipitons dans chute autoritaire, celle de la dérive de la pensée rigide, celle du couteau, de la bombe, de la coupe blanche.

Bien sûr, ce n'est pas là le fil de pensée de David.

Changer le monde sans le détruire prend beaucoup de temps.

Le potier dans son geste répété façonne la terre pour lui donner forme. La haie plantée prendra plusieurs années à quelques dizaines d'années pour que les champs soient protégés des vents, que la belette y trouve son espace intime, et que le rouge gorge y définisse un refuge. Et alors la haie est plus grande que nous. Elle n'est plus ce que nous avons créé. Elle devient le témoin de ces générations qu'elle engendre. La haie n'est plus le patrimoine du domaine, mais nous devenons membre de l'écosystème de la haie au même titre que tous les animaux et végétaux qui la cotoîe.

Alors moi-même, je me demande ce qui compte. Est-ce bien de changer le monde ou d'adopter des gestes, de malaxer les moments d'abandon pour y créer non pas du croire, mais pour se donner à la forme du participer en éveillant nos sens au monde. Nous composons avec chaque chose et avec nos propres contraintes individuelles. Nous n'existons pas dans la vacuité mais bien dans le bouillonnement du parfum de l'humus et les trajectoires désordonnées de la pluie.

Et cet ordinateur…

sur le bord du chemin