L’ombre d’une lampe


fenêtre et mur brisé

Les vieilles villes de province ont des lisières délabrées. On voit s’y installer des gens tout droits sortis de la nature. Voici qu’apparaît un homme au visage incisif, émacié jusqu’à la tristesse, qui peut tout réparer, tout ajuster, mais dont la vie, jusqu’ici, fut mal ajustée. Pas d’objet fabriqué, depuis la poêle jusqu’au réveille-matin, qui, en son temps, ait échappé aux mains de cet homme. — Tchevengour - Andreï Platonov, urn:isbn:978-2221081440

Hier soir, après avoir lu la préface, j’ai commencé la lecture de Tchevengour par Andreï Platonov. Juste quelques lignes, le temps d’une infusion. Je vais aimer. Les premiers mots, je les répète plusieurs fois. Inlassable. La phrase prend sa place dans la diction. À voix haute, je me délecte. J’ai découvert l’auteur dans le livre Espace et labyrinthes de Vassili Golovanov. Certains livres se révèlent par les lectures extasiées d’un roman, défilant la continuité d’histoires prises dans les lices d’une autre trame.

5h00. Ce matin la pluie opacifie le réveil dans de vagues mouvements, hordes équines au galop à la recherche d’une chute. Je prépare le café dans ce brouhaha. J’imagine que la journée se vivra profonde, de l’intérieur, patiente et sans le jardin.

graphe de la météo

Je relis quelques lignes de Tchevengour ; le récit se noircit, très vite, la Révolution et la famine. L’averse et l’aube étouffée dressent la toile dramatique de la lecture.

La maison dort encore. J’écris dans l’ombre de ma lampe.

5h30. Le galop s’est interrompu. Probablement une pause au bord de la rivière, les sabots plantés dans la boue, pour se désaltérer avant de reprendre la chevauchée.

5h37. Quelques pas, elles ont redressé leurs têtes, alertes et rassasiées, l’onde reprend le chemin de la pente. Elles n’attendent plus que la bourrasque océane pour s’écheveler sur les terres grasses et noires. Là ! Je la perçois.

7h59. Les avalanches rocailleuses joignent la cavalcade. les pins submergés frissonnent à chaque roulement. Le tremblement du monde est aérien.

sur le bord du chemin