N’ayez pas peur des mots


Les mots ont un impact et pourtant ils ne sont pas utilisés en tant que tels.

Le mot « handicapé·e » n’est pas un gros mot, pas plus que les mots « sourd·e » et « aveugle ». Malheureusement, certaines personnes n’osent pas les dire par peur de vexer ou pensent que ça ne se dit pas. Cependant, en ne les disant pas, vous créez un tabou.

Or, il ne faut pas que les noms communs liés au handicap soient un tabou.

En ne nommant pas proprement le handicap de la personne, vous minimisez son handicap.

Voici un exemple :

Laquelle de ces phrases est la bonne ?

Aucune.

Je vous explique.

Je ne suis pas atteinte de surdité et je ne souffre pas de surdité. La surdité n’est pas une maladie mais bien un handicap. Je ne suis pas malheureuse, je ne souffre pas puisque j’ai totalement accepté ma surdité. Ma surdité fait totalement partie de moi et de mon identité.

Certaines personnes peuvent souffrir de leur handicap car elles n’ont pas accepté leur handicap ou la situation dans laquelle elles vivent puisqu'elles viennent de le découvrir. Avec le temps, généralement, elles acceptent et apprennent à vivre avec leur handicap.

Je n'ai pas « quelques problèmes d'audition ». Cela voudrait dire que je ne suis sourde ni malentendante. Les problèmes d'audition sont souvent liés aux bouchons qui empêchent de bien entendre. En revanche, j'ai bien quelques problèmes de vue et je porte des lunettes mais je ne suis pas malvoyante et encore moins aveugle. Vous saisissez la différence ?

Et enfin, je ne suis pas malentendante mais sourde. Il existe plusieurs types de surdité . Sans implants cochléaires, je suis totalement sourde, sourde comme un pot et je n’entends absolument rien. Un avion peut passer à côté de moi, je ne l’entendrai pas. Par contre, je peux sentir les vibrations générées par l’avion. La nuit, vous pouvez faire autant de bruits que vous voulez, ça ne me réveillera pas.

Si vous dites que je suis malentendante, vous allez penser que j’entends bien avec mes implants cochléaires. Mais, en pensant ça, vous sous-estimez ma surdité. Vous penserez que je n’ai pas besoin d’aide, d’aménagement et que vous pouvez m’appeler au téléphone ou m'envoyer des messages vocaux parce que j'ai des implants cochléaires.

Absolument pas. Je ne comprends rien au téléphone et je ne comprends pas les messages vocaux. Si vous ne mettez pas la caméra en visio, je ne pourrais pas lire sur vos lèvres. Si vous parlez trop vite ou si vous mettez la main devant votre bouche, je ne vous comprendrais pas non plus.

Il y a une différence entre « entendre » et « comprendre ». J'entends certes grâce à mes appareils mais ça ne veut pas dire que je vous comprends forcément.

Les mots ont un impact et, inconsciemment, quand vous ne les utilisez pas dans la bonne manière, vous minimisez mon handicap et donc vous faites moins d'effort que nécessaire.

Autre point, dit-on « personne en situation en handicap » ou « personne handicapée ? »

Là, encore, il y a une subtilité.

Je vais à un événement tech où les conférences ne sont pas sous-titrées. Je suis en situation de handicap puisque les conférences ne me sont pas du tout accessibles.

Je vais à un événement tech où les conférences sont toutes sous-titrées. Je ne suis pas en situation de handicap puisque les conférences me sont totalement accessibles.

Voici la différence. Être en situation de handicap, c’est subir la situation faute d’accessibilité.

Je vous invite à lire ces deux articles qui l'expliquent très bien : Infirme à personne en situation de handicap : combat de mots et Définition du terme Personne handicapée au Québec

Je vous invite également à consulter une vidéo de CommonAccess sur Instagram qui dénonce aussi le terme « personne en situation de handicap ». D'ailleurs, Cécile illustre bien son exemple avec « est-ce que je suis maman ou je suis une personne en situation de maternité ? ».

Bien évidemment, si vous avez un handicap et que vous préférez vous définir par les termes « personne en situation de handicap », c'est votre droit et je le respecte. Mon choix est de dire que je suis handicapée.

Oui, je suis une personne handicapée puisque la surdité fait partie de la famille du handicap. Pendant longtemps, je disais que je n'étais pas handicapée mais sourde parce que, pour moi, être handicapée, c’était une personne en fauteuil roulant ou une personne qui ne pouvait pas marcher. Malgré moi, j’avais ce biais jusqu’à ce que je comprenne que dire le mot handicap n’était pas un gros mot et que c’était OK de l’utiliser.

Je suis sourde. Je suis également handicapée puisque je suis handicapée de mes oreilles.

Quand je me présente, je dis toujours que je suis sourde. Je n'ai pas d'autres termes. Ce n'est pas à vous de me présenter autrement. Si vous ne savez pas, demandez moi. Demandez à la personne concernée comment elle souhaite qu'on la présente.

Ces mots n’ont pas de connotation négative. Quand une personne est handicapée, cela ne signifie pas qu’elle est forcément malheureuse. Il ne faut pas la plaindre parce qu’elle a un handicap. Ce n’est pas pour autant qu'elle est bien dans sa peau qu’il faut aussi minimiser son handicap.

Il faut donc apprendre à banaliser ces mots et de ne pas en avoir peur. Ne pas avoir peur de les utiliser. Je vous invite à visionner l’interview sur France Inter (qui est sous-titré) d’Elisa Rojas, avocate en droit et militante pour les droits des personnes handicapées, qui explique bien cette problématique.

En conclusion, n'ayez pas peur d'utiliser les mots.