title: Le wifi dans le TGV, une promesse depuis 2003, jamais tenue url: http://transports.blog.lemonde.fr/2015/01/16/la-si-longue-histoire-du-wifi-dans-le-tgv/ hash_url: 5ad8c7fe5544b5e7bbb534af35d4ef8d
Cela fait déjà 12 ans que la SNCF essaie, à grands frais et à grands renforts de communication, de doter ses TGV d’une connexion wifi. Chaque expérimentation a pourtant, jusqu’ici, tourné court. La prochaine tentative, annoncée par la secrétaire d’État Axelle Lemaire le 2 janvier, sera-t-elle la bonne ?
Novembre 2003, Paris-Bordeaux. Les passagers du TGV Paris-Bordeaux-Pau découvrent Internet dans le train. "Ils pourront accéder, via leur ordinateur portable, à un portail de services : dépêches d'actualité, météo, renseignements touristiques, sélection de films, jeux", rapporte, le 20 octobre 2003, le site 01 Net, spécialisé dans l’actualité informatique. La responsable du marketing du TGV veut alors "proposer aux clients de nouvelles façons de se divertir et de valoriser leur temps de voyage".
100 000 € par rame. La SNCF a équipé 15 rames, pour un coût de 100 000 € chacune, mais les services ne sont accessibles que dans cinq voitures : les deux de première classe, deux en deuxième classe et la voiture-bar. Pour pouvoir surfer, c’est un peu le parcours du combattant : il faut d’abord s’adresser à un kiosque, dans la gare, pour récupérer les codes d’accès, et éventuellement louer un ordinateur. Las, l’opération, présentée comme une "expérimentation", fait long feu. Après à peine un mois de fonctionnement, le service est discrètement remisé. Cela fonctionnait mal, ou pas du tout.
En 2005, pas de solution. Toujours selon 01 Net, la compagnie ferroviaire est encore à la recherche de solutions techniques. "Pour l'heure, aucun prestataire ne nous propose une application complète, il y a toujours quelque chose qui manque", reconnaît la directrice du marketing, qui admet que l’équipement posé sur les rames deux ans plus tôt était "semi-professionnel".
Novembre 2007, l'IDBox. Mais la SNCF ne renonce pas. Les voyageurs qui empruntent l’IDTGV entre Paris et Perpignan peuvent connecter leur ordinateur, ou leur téléphone pour les happy few, à une borne wifi appelée IDbox. Mais rien n’a vraiment changé depuis 2003. Située dans la voiture-bar, la borne ne permet pas de surfer, mais propose "des contenus" portant principalement sur "l’actualité de la région d'arrivée, les hôtels, les activités culturelles, les sorties". Une sorte d’Internet promotionnel, en somme.
Un mois plus tard, en décembre 2007, la compagnie ferroviaire, jamais lasse d’annonces époustouflantes, indique que les TGV Est, qui roulent depuis le mois de juin, seront eux aussi équipés de bornes wifi. Nouveauté : les voyageurs pourront accéder à l’ensemble de la toile grâce à une connexion par satellite. Inutile de dire que les tests, qui devaient durer quelques mois, étaient toujours en cours deux ans plus tard.
Janvier 2010, les doutes. "Nous allons être la première grande compagnie ferroviaire à proposer un accès Internet à 300 km/h", fanfaronnait même Guillaume Pepy, PDG de la SNCF, en janvier 2010. A cette époque, 01 Net pose d’ailleurs la bonne question : "la technologie est-elle déjà dépassée ?" En effet, plutôt qu’'Internet embarqué, les usagers pourraient "préférer se connecter directement en 3G ou bientôt en 4G avec le PC portable". En outre, le wifi dans un TGV, un objet métallique roulant à 320 km/h, doit tenir compte "des vibrations, des chocs, des accélérations".
Mais un responsable de la compagnie tient mordicus à son wifi. "La téléphonie mobile ne permet pas de rester connecté à 300 km/h. Et de toute façon, notre service est amené à évoluer afin de répondre au mieux à la demande des usagers". Entretemps, des bornes sont été installées en 2008 dans les Thalys. Mais sept ans plus tard, le service, gratuit en première classe, fonctionne toujours de manière aléatoire. Les habitués du Paris-Bruxelles, tentés par la connexion, perdent parfois une bonne demi-heure à chercher à se connecter, alors qu'ils auraient pu travailler tranquillement.
Fin 2010, la Box TGV. Juré craché, le voilà, le wifi dans le TGV Est ! "Dès le 1er décembre", croit savoir 01 Net, "les voyageurs auront accès à Internet et à un portail d’accès développé pour l’occasion". Décidément, toujours cette obsession du "contenu". Des bornes, cette fois baptisées Box TGV, sont installées dans 52 rames. Le service, toutefois, "ne sera pas compris dans le prix du billet. Il faudra débourser 4,99 euros pour une heure de connexion". Là encore, la belle promesse n’a pas été tenue. En septembre 2012, la SNCF parlait de "déploiement progressif" mais l’"expérimentation" a été interrompue le 1er décembre 2013, apprend-on grâce au site Imagine TGV, créé par la SNCF pour "dialoguer" avec les voyageurs.
Fin 2013, l'aveu. Le député UMP Lionel Tardy demande au ministère des transports quand les TGV seront équipés de wifi. L'administration ne se défile pas et rappelle que l’installation des équipements s'est jusqu’à présent "révélée coûteuse, aussi bien en investissement qu'en maintenance. En l'état, ces coûts ne permettent pas de trouver un modèle économique autorisant un déploiement de cette offre de service sur l'ensemble des liaisons TGV à très court terme", précise le ministère.
Et nous voici en 2015. Avec cette annonce de Madame Lemaire. En février, a-t-elle précisé, "la SNCF lancera un appel d'offres pour installer le Wi-Fi dans ses rames". Chouette. En octobre, la secrétaire d’État avait interpellé la compagnie ferroviaire par un tweet qui a eu son heure de gloire : "Toc toc toc, la SNCF : on peut se voir pour discuter wifi dans le train ? Merci d'avance ! ;)"
Au vu d’une telle odyssée, on est toutefois en droit de se demander s’il faut vraiment persévérer. Outre la 3G et la 4G, les voyageurs disposent déjà, dans le train, de leurs multiples écrans grâce auxquels ils visionnent des films, écrivent des mails, préparent des dossiers. Le wifi permettrait sans doute d’envoyer un document deux heures plus tôt. Mais est-ce bien nécessaire ? La technologie, faut-il rappeler, coûterait 350 000€ par rame. Soit 280 millions pour toute la flotte, a calculé France Info.
N’a-t-on pas besoin plutôt d'installer des prises qui fonctionnent dans tous les trains ? D’améliorer la maintenance de la signalisation pour éviter les retards ? De financer des formations du personnel à la communication de crise ?