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Proposer une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA) couplée à un Revenu Maximum Acceptable (RMA) s’inscrit dans la démarche proposant un outil économique, social et d’émancipation, permettant d’initier des modèles de sociétés soutenables mais aussi souhaitables. Cet outil permet ainsi d’échapper aux effets de récessions toujours plus dures supposées nous faire retrouver de la croissance.
Au-delà d’un simple correctif, ce couple de mesures vise à susciter dialogues et débats sur ce qu’est le « vivre ensemble », sur la manière de créer « plus de liens » sans pour autant créer « plus de biens ». Au-delà de permettre à toutes et tous de vivre dans des conditions dignes et sereines, l’instauration d’une Dotation inconditionnelle d’Autonomie couplé à un Revenu Maximum Acceptable est un outil pour imaginer d’autres rapports entre nous, et entre nous et la nature. C’est se donner des limites pour adopter des comportements plus mesurés, pour donner une autre chance à notre humanité.
Cela passe par la réduction des inégalités parce que la Décroissance vise avant tout la Décroissance des inégalités. Certes, en étant reçue par tou-te-s sans plafond de ressources, mais imposable et donc recouvrable entièrement par la fiscalité, la DIA réduit les inégalités. Surtout, elle pourrait les rendre acceptables. En effet, le RMA pourrait paraître obsolète avec une DIA en vigueur, puisque tout le monde disposerait des conditions matérielles pour vivre dignement et décemment. Les inégalités seraient alors moins choquantes. Ce serait réducteur, car le RMA est également un moyen de réduire l’impact écologique insoutenable du mode de vie des plus riches. Il s’agit d’éviter de scandaleux gaspillages et d’outrancières pratiques, qui ne peuvent être généralisables et, surtout, qui ne peuvent plus être considérées comme un idéal à atteindre par le reste de la population.
Le RMA va au-delà des nécessaires bienfaits de mesures de justice sociale et de justice environnementale. En supprimant le mode de vie des plus riches, actuellement à la fois considéré comme quelque chose de normal et surtout comme modèle de vie et de bonheur à suivre et à atteindre(1), un RMA contribuerait à participer à une décolonisation de nos imaginaires consuméristes. Il s’agit aussi de rompre avec les effets pervers de cette rivalité ostentatoire. Vendu par la publicité et les médias, ce modèle a pour effet de faire accepter la présence de telles inégalités, de frustrer toujours plus, et ainsi de nous transformer en consommateurs compulsifs jamais rassasiés, courant après une illusion de bonheur censée passer par toujours plus de consommation. Le RMA s’inscrit totalement dans l’idée de réviser nos comportements, nos choix de vie et nos modèles.
En 2009, en France, dans leurs rôles de casseurs de tabous et afin d’ouvrir un débat, les listes Europe-Décroissance proposaient un rapport de 1 à 4 entre le revenu minimum (avec une DIA équivalent euros) et le RMA. De son côté Europe-Ecologie-Les-Verts a proposé un rapport de 1 à 30 et le Parti de Gauche un rapport de 1 à 20. Cette proposition peut paraître extrême dans une société où l’argent est devenu roi. C’est pourquoi il est important de rappeler que ce type de mesures a déjà existé, notamment après la crise de 1929 et au moment de la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis d’Amérique. En 1942, Franklin Delano Roosevelt déclarait : « Aucun citoyen américain ne doit avoir un revenu (après impôt) supérieur à 25 000 dollars par an ». (2)
Vouloir un revenu maximum n’est pas synonyme de vouloir « casser du riche ». Ce n’est pas non plus faire preuve de populisme envers les populations les plus défavorisées. Même s’il s’agit d’un signal fort de notre volonté de changement, vouloir un revenu maximum, c’est surtout vouloir une autre société pour laquelle le maximum n’est pas uniquement symbolique.
Vouloir un revenu maximum, c’est déjà amorcer un projet de Décroissance.
Vincent Liegey, Stephane Madelaine, Christophe et Anisabel Veillot
Co-auteurs d’Un projet de Décroissance – Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA), Vincent Liegey, Stephane Madelaine, Christophe et Anisabel Veillot, Edition Utopia, janvier 2013.
Ce texte a été commandé par Moins!, le journal romans de l’écologie politique.
(1) Thorstein Veblen Théorie de la « classe de loisirs » (1899), reprise par Hervé Kempf dans son livre Comment les riches détruisent la planète, Seuil, Paris, 2007.