title: Hypersensibilités chez l'Adulte surdoué : Douance Québec url: http://www.aqdouance.org/hypersensibilites-chez-ladulte-surdoue-douance-quebec/ hash_url: 7047f989532622880fa0659a76d4af42

Adulte à haut potentiel (douance) : Mieux comprendre et mieux vivre avec mes hypersensibilités

On dit des adultes  vivant avec une douance (adultes surdoués) qu’ils sont hypersensibles, qu’ils réagissent fort, trop fort, à tout, à ce qui existe et ce qui n’existe pas, qu’ils sont trop émotifs, trop sensibles, qu’ils doivent bien dramatiser et en inventer un peu parfois … et pourtant. Les adultes qui vivent avec une douance (adultes surdoués) se disent eux-mêmes hypersensibles. Ils absorbent les émotions des autres et perçoivent leurs pensées. Ils sont intensément affectés par l’ambiance d’un lieu. Ils savent intuitivement. Pourtant, les autres ne les croient pas toujours … et pourtant.

Qu’est-ce que l’hypersensibilité ?

En médecine, une hypersensibilité est une réaction d’immunité adaptative, de réponse exagérée ou inappropriée au contact d’une substance, provocant des lésions tissulaires. En d’autres mots : allergie, atopie, intolérance, réaction immunitaire, immunodéficience, réaction auto-immune et réaction auto-inflammatoire sont des hypersensibilités Les auteurs spécialisés en douance définissent l’hypersensibilité (ou hyperexcitabilité) comme une sensibilité biologique aux stimuli de l’environnement, provisoire ou durable, qui est plus élevée que la moyenne des gens et qui engendre donc une réaction émotive et comportementale plus intense pouvant être perçue comme exagérée ou extrême. Les processus physiologiques reliant une intelligence élevée à une meilleure discrimination sensorielle ont déjà été démontrés dans plusieurs études (p.ex. Aron et Aron, 1997 ; Melnick et al., 2013) (Figure 1).

Douance et hypersensibilités - Douance Québec
Figure 1. Douance et hypersensibilités

En fait, les hypersensibilités prennent racine dans les particularités neurophysiologiques des enfants et des adultes qui vivent avec une douance (adultes surdoués et enfants surdoués) (Figure 2).

Douance et hypersensibilités - Douance Québec
Figure 2. Particularités neuropsychologiques des individus qui vivent avec une douance (surdoués)

Dans sa théorie de la désintégration positive (la plus fréquemment utilisée afin de comprendre le développement unique des individus qui vivent avec une douance (surdoués)), Dabrowski définit cinq types d’hyperexcitabilités ou d’hypersensibilités (Figure 3).

Douance et hypersensibilités - Douance Québec
Figure 3. Les hypersensibilités dans la théorie de Dabrowki
Hypersensibilités : handicap ou don ?

Parmi les traits qui caractérisent généralement la douance chez l’adulte et qu’on retrouve dans les écrits scientifiques sur le sujet, les hypersensibilités sont souvent nommées comme source de mal-être ou même de détresse et de souffrance. Tout sentir, tout entendre, tout voir, tout ressentir … le visible et l’invisible, le dit et le non-dit. Être seul à tout percevoir, à ressentir aussi intensément, personne à qui en parler, personne qui peut nous croire. Se sentir différent, bizarre … ou fou ? Et pourtant … sentir vraiment, avoir vraiment mal physiquement et émotivement. On ne doit pas être si fou ? Dans un groupe d’adultes qui consultaient en psychiatrie, l’étude de Lancon et al. (2015) révèle que les adultes vivant avec une douance (adultes surdoués) avaient plus de douleurs chroniques, de plaintes physiques, de migraines, de manque de vitalité ou de maladies auto-immunes que ceux qui n’avaient pas de douance. Leurs résultats indiquaient aussi que la santé mentale des adultes qui vivent avec une douance (adultes surdoués) était plus altérée et limitait davantage leur fonctionnement quotidien ainsi que leur vie sociale. Pourtant, les résultats de Bessou et al. (2003) montrent que 78,6% des adultes vivant avec une douance (adultes surdoués), de 65 ans et plus se disent aussi heureux que lorsqu’ils étaient jeunes malgré le fait que 14% d’entre eux avaient déjà vécu au moins un épisode de dépression majeure (vs 8% chez les non-surdoués).

Hypersensibilités : handicap et don ?

Cela peut paraître surprenant, mais ce sont également nos hypersensibilités qui nous rendent aussi créatifs, énergiques, intuitifs et empathiques. Ce sont elles qui nous donnent notre sens de la justice et de la vérité, qui nous poussent à l’authenticité, à vouloir comprendre et savoir et qui permettent à notre pensée d’être aussi rapide, analytique et arborescente. Médecin, psychiatre, psychologue, philosophe, écrivain et poète, Kazimierz Dabrowski est né en Pologne, mais a passé une partie de sa vie au Québec et en Alberta. Il a dévoué sa vie à observer et comprendre la santé mentale et le développement humain, en observant particulièrement les êtres exceptionnels, de ceux capables des pires atrocités à ceux capables des plus grandes réalisations. Selon la théorie de Dabrowski, plus nous avons d’hypersensibilités et de forces d’autonomie (c’est-à-dire les processus dynamiques et autonomes qui nous poussent à nous impliquer, à nous engager, à transformer consciemment nos idéaux en actions, à contrôler notre propre comportement en fonction de nos valeurs) plus notre potentiel de développement sera élevé. Selon lui, les hypersensibilités sont essentielles à l’évolution avancée et émancipée de l’individu. Au dernier (et plus avancé) stade du développement humain, Dabrowski indique que l’individu expérimente l’harmonie et la paix intérieure. Il vit selon sa personnalité idéale et n’expérimente plus de conflit intérieur depuis qu’il a détruit et remplacé ses forces motivationnelles inférieures (biologique et sociale) par des forces de motivation plus élevées (empathie, autonomie, responsabilité, authenticité).

Le «cadeau tragique» selon Dabrowski

Pour Dabrowski, les conflits internes et les émotions négatives comme l’anxiété ou la dépression sont nécessaires à notre développement, à notre croissance et à notre évolution en tant qu’individu et en tant qu’humanité. C’est grâce à nos tensions psychologiques que nous pouvons détruire notre système initial de valeurs (c’est-à-dire les forces qui guident notre comportement) basé sur l’instinct biologique (par ex. l’hérédité, la survie, la reproduction) et la socialisation (par ex. le regard des autres, le conformisme, l’approbation, les valeurs de la société). Ce n’est qu’en désintégrant ce système de valeurs inférieures, dans lequel notre intelligence est au service de notre intérêt personnel, que nous pourrons prendre en main notre développement. Ce processus ne peut s’enclencher qu’au travers nos ambivalences, nos insatisfactions, nos incertitudes face à nous-mêmes, nos expériences de vie négatives, nos questionnements identitaires, nos conflits intérieurs, notre mal-être, notre honte, notre culpabilité et notre mésadaptation face à notre environnement. Si nous avons un potentiel de développement assez élevé (si et seulement si), notre intelligence se focalise dès lors sur le développement volontaire, responsable, autonome et authentique de notre propre psychologie basée sur notre construction de plus en plus claire de l’idéal à atteindre (en regard de nous-mêmes et des autres individus, mais aussi de l’essence sociale et humaine). Nous consacrons alors autant d’efforts à croître nous-mêmes qu’à aider les autres à le faire pour, eux aussi, atteindre cet idéal. Pour y parvenir, il faut absolument avoir assez d’hypersensibilités et de forces d’autonomie pour grandir en traversant nos expériences négatives et nos conflits intérieurs. Selon Dabrowski, la douance est un «cadeau tragique» puisqu’elle nous offre un potentiel de développement immense et nous pousse à rechercher un très de haut niveau d’harmonie intérieure, mais seulement si nous passons par de grandes tragédies. Un chemin intérieur singulier et souvent isolé, qui n’est ni tranquille, ni facile. Et pourtant.

Accepter et aimer

Lorsqu’on accepte et qu’on écoute nos hypersensibilités pour s’en servir, consciemment, comme guides, comme antennes, pour sentir et observer ce qui est le plus important pour nous dans la vie. Lorsque notre besoin viscéral de créer et de comprendre, notre sens de la justice et des valeurs, notre authenticité, notre engagement, notre empathie nous poussent à canaliser notre énergie quasi inépuisable pour agir et nous approcher de ce qui est le plus important pour nous dans la vie. Lorsque nous cherchons consciemment et activement à fusionner moi réel et moi idéal pour créer une identité connue, définie, forte, aimée, confiante, harmonieuse et … en paix. Difficile de ne pas aimer nos hypersensibilités, non ? Et ce, avec la souffrance, les inconforts, le mal-être, la détresse, l’anxiété ou la dépression qu’elles apportent puisqu’au fond, ce sont elles qui nous permettent de savoir par où aller pour être heureux. En général, on prend soin de ce qu’on aime. Voici donc les conseils les plus fréquents que je donne en clinique, selon les particularités de chacun, pour prendre soin de nos hypersensibilités. Elles seront de meilleures antennes si elles ne sont pas trop irritées par les stimuli de notre environnement.

Prendre soin de mes hypersensibilités sensitives
Figure 4

 

Prendre soin de mes hypersensibilités imaginatives et intellectuelles :

-Cécile Bost Surdoués : S’intégrer et s’épanouir dans le monde du travail. Vuibert. 2016. -Arielle Adda et Thierry Brunel. Adultes sensibles et surdoués : Trouver sa place au travail et s’épanouir. Odile Jacob. 2015.

Prendre soin de mes hypersensibilités émotionnelles

– Nous nous sentons coupables lorsque nous avons causé un dommage réel, fait un réel tord à quelqu’un, avons réellement fait quelque chose de mal ou d’incorrect. La culpabilité est alors très utile à notre bienêtre et à notre estime de soi puisqu’elle nous permet d’agir pour réparer notre geste ou pour rétablir notre relation avec l’autre. – Nous avons honte lorsque nous nous sentons humiliés, inférieurs aux autres, non conformes, inadéquats en regard des normes sociales que nous ne parvenons pas à atteindre. La honte est plus destructrice puisqu’elle atteint notre estime de soi, fragilise notre personnalité, consomme beaucoup de notre énergie et nous pousse à fuir le regard des autres. La honte peut être utile lorsqu’elle attire la sympathie et l’indulgence des autres, mais il est risqué pour notre identité de vivre dans la honte. Une psychothérapie peut être utile, ou même nécessaire, pour se sortir de la honte. Pour investiguer le sujet, n’hésitez pas à consulter le livre de Boris Cyrulnik (2010) Mourir de dire chez Odile Jacob, ou celui de John Bradshaw (2004) S’affranchir de la honte chez Les Éditions de l’Homme.

– Si non, à qui peuvent-elles être ? Et que puis-je faire pour ne plus les absorber (p.ex. m’éloigner, les nommer, aller marcher, me détendre, écrire, dessiner, poursuivre un projet important pour moi). – Si oui, les accepter, comme une vague, avec un haut et un bas, qui va et vient, qui finit par disparaître pour être remplacée par une autre, différente celle-là. Me demander ce que je peux faire pour mieux tolérer l’intensité de cette émotion le temps qu’elle passe ? (par ex. en parler à quelqu’un, l’écrire, aller dehors, faire une activité, bouger, etc.).

➡Prendre soin de mes hypersensibilités psychomotrices

 

Pour prendre soin de nos hypersensibilités, c’est l’accumulation de petites actions conscientes, constantes, et maintenues à long terme qui donne de grands résultats.

Dre Marianne Bélanger, Psy.D., Ph.D., psychologue, neuropsychologue, cofondatrice Clinique Douance-Haut-Potentiel (www.tdahmonteregie.com).  Références Aron, E., Aron, A. (1997). Sensory-processing sensitivity and its relation to introversion and emotionality. Journal of Personality and Social Psychology, 73,‎ 345-368. Bessou, A., Tyrell, J., Yziquel, M., Bosson, J.0L., Montani, C., Franco, A. (2003). Satisfaction de vie de 28 surdoués parvenus à l’âge de 65 ans et plus. La Presse Médicale, 32 : 734-9. Dąbrowski, K., Piechowski, M., Kawczak, A. (1970) Mental growth : through positive disintegration, London : Gryf Publications, trad. française, La croissance mentale par la désintégration positive, Ste-Foy, Éditions Saint-Yves, 1972, 166p. Lancon, C., Martinelli, M., Michel, P., Debals, M., Auquier, P., Guedj, E., & Boyer, L. (2015). Comorbidités psychiatriques et qualité de vie chez les sujets à haut potentiel intellectuel : relations avec l’estime de soi. Presse Med. 44, e177-e184. Melnick, M.D., Harrison, B.R., Park, S., Bennetto, L., Tadin, D., (2013). A strong interactive link between sensory discrimination and intelligence. Curr. Biol. 23, 1013-1017.