Source originale du contenu
Anita Wooley, spécialiste de l’étude des comportements de groupes, Thomas Malone, directeur du Centre pour l’intelligence collective du MIT et le psychologue Christopher Chabris, nous expliquent dans une tribune pour le New York Times ce qui fait la qualité d’un groupe sur un autre.
Pour cela, ils convoquent une étude de 2010 menée par Alex Pentland du MIT (cf. “Big Data : vers l’ingénierie sociale ?”) qui montrait que certaines équipes réussissaient mieux que d’autres, même si elles n’étaient pas spécialistes des sujets qu’elles devaient traiter. La qualité d’une équipe ne repose donc pas tant sur l’intelligence de chacun de ses membres que sur sa capacité à faire équipe (enfin, pour autant que la tâche à réaliser nécessite une collaboration profonde pas seulement de résoudre un problème précis : si vous demandez à un groupe de résoudre un calcul différentiel, il vaudrait mieux qu’il y a ait des mathématiciens autour de la table !).
Les chercheurs ont ensuite tenté d’en comprendre les raisons. Le niveau de QI n’a rien expliqué. L’extraversion ou l’introversion des participants non plus, pas plus que la motivation des participants à faire réussir leur équipe. En fait, les équipes les plus intelligentes étaient distinguées par trois caractéristiques :
- Leurs membres ont contribué de façon plus équitable aux discussions de l’équipe, plutôt que de laisser une ou deux personnes dominer le groupe.
- Leurs membres ont obtenu de meilleurs résultats à un test de lecture de “l’esprit dans les yeux”, un test qui mesure la façon dont les gens peuvent décrypter les états émotionnels complexes à partir d’images de visages où seuls les yeux sont visibles (comme celui-ci) !
- enfin, les équipes avec plus de femmes ont surclassé les équipes avec plus d’hommes. Ce n’est pas la diversité (un nombre égal d’hommes et de femmes) qui comptait, mais le fait qu’il y ait plus de femmes, notamment parce qu’en moyenne elles ont tendance à être plus capables de lire l’esprit des autres.
Une nouvelle étude vient de reproduire ces conclusions, mais en la précisant, notamment en faisant travailler les équipes pour moitié en face à face et pour l’autre en ligne. Le but, voir si les groupes travaillant en ligne étaient capables d’intelligence collective et si la capacité sociale, l’empathie, importerait autant quand les gens communiquaient par messagerie électronique. En fait, l’étude a confirmé les apprentissages de la première. Les ingrédients les plus importants (l’équité de parole, l’empathie, la sur-représentation féminine) sont demeurés les facteurs décisifs (sur tous les autres) indépendamment du mode d’interaction employé. Les meilleures équipes étaient celles qui communiquaient beaucoup, d’une manière équitable et qui possédaient de bonnes compétences en compréhension des émotions des autres. Ce dernier constat a été plutôt une surprise, soulignent les chercheurs. La capacité à comprendre les émotions des autres était aussi importante pour ceux qui devaient lire entre les lignes que pour ceux qui devaient travailler en face à face. “Ce qui rend les équipes plus intelligentes est non seulement la capacité à lire les expressions faciales, qu’une capacité plus générale, connue comme la “théorie de l’esprit”, de savoir examiner et garder trace de ce que les autres pensent, connaissent, croient…”
Comme le souligne Derek Thompson pour The Atlantic, ces études battent en brèche bien des attributs qu’on accorde généralement aux collectifs. Notamment le fait que la cohésion, “la motivation” ou la “satisfaction” n’ont pas un grand rôle dans l’intelligence et l’efficacité d’un groupe. Le rôle de l’intelligence sociale, de l’empathie, semble plus importants. Tant mieux !