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David Larlet 3 years ago
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<title>Les élevages de visons en Chine à l’origine du Covid-19 ? Les indices s’accumulent (archive) — David Larlet</title>
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<article>
<header>
<h1>Les élevages de visons en Chine à l’origine du Covid-19 ? Les indices s’accumulent</h1>
</header>
<nav>
<p class="center">
<a href="/david/" title="Aller à l’accueil">🏠</a> •
<a href="https://reporterre.net/Les-elevages-de-visons-en-Chine-a-l-origine-du-Covid-19-Les-indices-s-accumulent" title="Lien vers le contenu original">Source originale</a>
</p>
</nav>
<hr>
<p><i>La naissance du Covid-19 dans une ferme d’animaux à fourrure chinoise — et notamment de visons — semble de plus en plus plausible, comme le montre cette enquête. Fin décembre 2020, </i>Reporterre<i> avait <a href="EXCLUSIF-Les-elevages-de-visons-sont-ils-la-source-du-Covid-en-Europe" class="spip_in">révélé</a> que les souches responsables des deux vagues épidémiques qui ont ravagé l’Europe étaient apparues à proximité immédiate d’importants élevages de visons.</i> Reporterre<i> a continué l’enquête du côté chinois. Aujourd’hui même, vendredi 8 janvier,</i> Science<i> a publié un article soulignant la nécessité d’étudier le lien entre Covid et visons.</i></p>

<p><hr class="spip">
<p>Ira, ira pas<small class="fine d-inline"> </small>? Plus personne ne sait à l’heure où nous écrivons ces lignes si la délégation de scientifiques sélectionnés par l’Organisation mondiale de la santé (<span class="caps">OMS</span>) se rendra bel et bien en Chine pour enquêter sur l’origine de la pandémie. Les dix experts internationaux n’ont toujours pas reçu les autorisations nécessaires pour entrer sur le territoire. Des négociations semblent être en cours, mais l’opacité est telle que nul n’en connaît les enjeux.</p>
<p>Il est stupéfiant qu’un an après ce qui s’annonce comme la plus importante pandémie du siècle écoulé, aucun progrès n’ait été réalisé dans la compréhension de comment le Sars-CoV-2 a pu être transmis à l’humain depuis la chauve-souris, son hôte naturel. Une incertitude qui n’est pas due aux limites de la science, mais bel et bien à l’attitude des autorités chinoises, qui depuis un an s’opposent becs et ongles à toute tentative indépendante — quand bien même elle viendrait de l’intérieur du pays — de répondre à cette question. On se demande ce que la Chine veut absolument cacher.</p>
<p>Difficile de ne pas noter, en particulier, qu’aucune enquête n’a été menée pour confirmer ou infirmer une hypothèse aussi évidente que rarement mentionnée : celle d’une origine de la pandémie dans un élevage d’animaux à fourrure. La Chine est en effet à la fois le premier marché et le <a href="https://www.actasia.org/wp-content/uploads/2019/10/China-Fur-Report-7.4-DIGITAL-2.pdf" class="spip_out" rel="external">premier producteur de fourrure mondiaux</a>, et la colossale branche chinoise de cette industrie pèse plus de vingt milliards de dollars annuels, avec plus de cinquante millions de têtes. Or, si les animaux d’élevage traditionnels (bovins, porcins, volailles…) ne semblent pas infectés par le coronavirus, c’est l’inverse pour les animaux à fourrure : les trois principales espèces — vison, renard, et chien viverrin — y sont hautement sensibles.</p>
<p>Tous les spécialistes savent que les épidémies humaines issues d’élevages n’ont rien d’exceptionnel. Ces derniers sont des bouillons de culture microbiens connus : la dernière pandémie grippale de 2009, par exemple, est née dans les élevages porcins américains — d’où son nom de <a href="https://www.who.int/influenza/human_animal_interface/swine_influenza/fr/" class="spip_out" rel="external">grippe porcine</a>. Du reste, le <i>«<small class="fine d-inline"> </small>coronavirologue<small class="fine d-inline"> </small>»</i> Christian Drosten, découvreur du Sars-CoV-1 en 2003, et conseiller scientifique du gouvernement allemand, affirmait dès le mois d’avril 2020 dans une interview au <i><a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/26/virologist-christian-drosten-germany-coronavirus-expert-interview" class="spip_out" rel="external">Guardian</a></i> : <i>«<small class="fine d-inline"> </small>Si quelqu’un me donnait quelques centaines de milliers de dollars et un laissez-passer en Chine pour trouver la source du virus, je chercherais dans les endroits où les chiens viverrins sont élevés.<small class="fine d-inline"> </small>»</i></p>
<p>L’hypothèse émise par Christian Drosten, selon laquelle le chien viverrin pourrait être le chaînon manquant entre la chauve-souris (l’hôte originel de ce coronavirus, selon le consensus scientifique) et l’humain, tombe sous le sens. Les chiens viverrins (<i>Nyctereutes procyonoides</i>) — souvent confondus avec les ratons laveurs auxquels ils ressemblent — sont de petits carnivores de la famille des canidés. Une équipe dirigée par Conrad Freuling, de l’Institut fédéral allemand de recherche sur la santé animale, situé à Riems, a <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.08.19.256800v1" class="spip_out" rel="external">démontré expérimentalement</a> en août 2020 que non seulement ces animaux attrapent le coronavirus humain, mais qu’ils se le transmettent parfaitement.</p>
<dl class="spip_document_33827 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/14947473493_76a942a888_k.jpg" title="En Chine, le nombre de chiens viverrins d'élevage est estimé entre à cinq et dix millions." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/14947473493_76a942a888_k-81c31.jpg?1610124329" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/14947473493_76a942a888_k.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>En Chine, le nombre de chiens viverrins d’élevage est estimé entre à cinq et dix millions.</strong></dt>
</dl>
<p><i>«<small class="fine d-inline"> </small>Nous avons constaté que le virus reste cantonné aux fosses nasales dans cette espèce, et ne gagne pas les poumons<small class="fine d-inline"> </small>»</i>, indique le chercheur, interrogé par <i>Reporterre</i>. Conséquences<small class="fine d-inline"> </small>? «<small class="fine d-inline"> </small><i> Ils ne sont pratiquement pas malades lorsqu’ils sont infectés, et restent asymptomatiques tout en étant contagieux. De plus, ils excrètent </i>a priori<i> suffisamment de virus pour infecter un humain.<small class="fine d-inline"> </small>»</i> Cette propriété les rapproche des visons, <a href="EXCLUSIF-Les-elevages-de-visons-sont-ils-la-source-du-Covid-en-Europe" class="spip_in">comme on a pu le constater dans les élevages du nord de l’Europe</a>. Le chercheur note qu’être très transmissible et peu pathologique est le profil d’un virus très adapté, ce qui est tout à fait compatible avec l’hypothèse selon laquelle ces espèces seraient le <i>«<small class="fine d-inline"> </small>chaînon manquant<small class="fine d-inline"> </small>»</i> entre la chauve-souris et l’humain.</p>
<p>Mais si Christian Drosten soupçonne le chien viverrin, c’est avant tout à cause de la pandémie de <abbr title="syndrome respiratoire aigu sévère">Sras</abbr> de 2003<span class="spip_note_ref"> [<a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="Le Sras est la première maladie grave et transmissible à émerger au XXIe (...)" id="nh1">1</a>]</span>. Car s’il a beaucoup été répété que l’animal qui a propagé cette maladie (dont le Sars-CoV-1 était l’agent) était un viverridé, la civette masquée (<i>Paguma larvata</i>)… les <i>raccoon dogs,</i> ou chiens viverrins, étaient également contaminés et tout autant <a href="https://science.sciencemag.org/content/302/5643/276.full" class="spip_out" rel="external">susceptibles de jouer le rôle de transmetteur à l’être humain</a><small class="fine d-inline"> </small>!</p>
<p>Dans les études scientifiques datant de 2003-2004 portant notamment sur les marchés de Shenzhen, dans le Guandong, il paraît quasiment impossible de départager laquelle des deux espèces a contaminé l’autre ou si une troisième a infecté les deux à la fois. Comme l’indique un article d’avril 2007 paru dans <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168170207001050" class="spip_out" rel="external"><i>Virus Research</i></a>, la civette masquée est considérée comme le dernier hôte intermédiaire le plus probable avant l’humain. L’une des principales raisons évoquées : l’identification de restaurants, proches, où se trouvaient des civettes infectées et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7114516/" class="spip_out" rel="external">où trois clients et une serveuse sont tombés malades</a>. C’est maigre. D’autant plus maigre que les civettes, qui furent pendant plusieurs décennies élevées pour leur fourrure avant de devenir une viande de consommation réputée, ne comptaient plus dans ces années-là que 40.000 têtes dans l’ensemble du pays. Autrement dit, un tout petit réservoir potentiel. Le nombre de chiens viverrins d’élevage est, lui, estimé entre à cinq et dix millions.</p>
<h3 class="spip">En 2003, la Chine semble avoir manœuvré pour incriminer la civette afin de détourner l’attention de son industrie de la fourrure</h3>
<p>À l’hiver 2003-2004, une immense <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1212604/" class="spip_out" rel="external">enquête</a> financée par le ministère chinois des Sciences et Techniques et le National Institute of Health étasunien, portant sur le séquençage d’un échantillon de 1.107 civettes issues de 23 élevages choisis dans douze provinces, a conclu que si, sur le marché de Xinyuan (Guandong), les 91 civettes présentes étaient effectivement porteuses du virus, il n’y avait pas d’infection détectable dans les élevages d’origine des civettes commercialisées. Indice que la contamination avait pu avoir lieu plutôt sur le marché ou durant le transport. Or, sur le même marché de Xinyuan, la totalité des quinze chiens viverrins présents étaient contaminés.</p>
<p>Bien que plusieurs articles aient souligné que ces civettes auraient pu tout simplement avoir été contaminées par les chiens viverrins, aucune étude n’a été lancée pour en savoir davantage sur les <i>raccoon dogs</i>. Plusieurs chercheurs s’en sont étonné, notamment Paul et Martin Chan, qui ont déploré que ceux-ci <i><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3747522/" class="spip_out" rel="external">«<small class="fine d-inline"> </small>ne suscitent pas d’intérêt<small class="fine d-inline"> </small>»</a></i>. Shi Zhengli, sans doute la principale <i>«<small class="fine d-inline"> </small>coronavirologue<small class="fine d-inline"> </small>»</i> chinoise — elle dirige un département du Wuhan Institute of Virology —, regrettait, en 2007 dans l’article de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168170207001050" class="spip_out" rel="external"><i>Virus Research</i></a> déjà mentionné, qu’il ne soit <i>«<small class="fine d-inline"> </small>toujours pas clair si ce sont les chiens viverrins qui ont été infectés par les civettes ou l’inverse<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Et concluait : <i>«<small class="fine d-inline"> </small>Contrairement aux civettes, très peu de recherches ont été conduites pour échantillonner les chiens viverrins sauvages ou d’élevage.<small class="fine d-inline"> </small>»</i></p>
<p>On retrouve ce même étonnement chez Conrad Freuling, qui avoue qu’il a aussi testé les chiens viverrins en Allemagne parce que personne ne l’avait jamais fait en Chine, où sont pourtant situés la quasi-totalité des élevages du monde — on en trouve une poignée en Finlande et en Pologne<span class="spip_note_ref"> [<a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="En 2018, 34,7 millions de visons, 2,7 millions de renards, 166.000 chiens (...)" id="nh2">2</a>]</span></p>
<p>Notons enfin que sur ces marchés, des renards roux et des mustélidés étaient également infectés. Curieusement, l’étude sino-américaine n’échantillonna aucune ferme dans le Shandong, le Liaoning, le Jilin ou le Heilongjiang, les quatre principales provinces d’élevage de visons. Ne pas avoir enquêté dans le Shandong est particulièrement étonnant, puisque c’est la capitale sans rivale de la production de fourrure et que cette province est géographiquement plus proche du Guandong que le Hebei — qui a pourtant été bien prospecté.</p>
<dl class="spip_document_33835 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/carte_chine_e_levages_visons_v_2.jpg" title="Régions chinoises concentrant les élevages d'animaux à fourrure." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L495xH700/carte_chine_e_levages_visons_v_2-f8262.jpg?1610137961" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/carte_chine_e_levages_visons_v_2.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Régions chinoises concentrant les élevages d’animaux à fourrure.</strong></dt>
</dl>
<p>Tout s’est donc passé en 2003 comme si la Chine avait manœuvré pour incriminer la civette, une espèce à l’importance économique marginale, afin de détourner l’attention de son industrie de la fourrure, pour la protéger.</p>
<p>Or, cette même stratégie semble bien avoir été reprise et portée à un niveau supérieur en 2020 — dans un contexte évidemment différent et avec des enjeux colossaux. Cette fois-ci, la Chine a manifestement décidé de contrôler totalement la parole scientifique sur la pandémie, au même titre que la parole citoyenne. Après une phase initiale de confusion en janvier et février 2020, durant laquelle on a vu tant des journalistes que des scientifiques de haut rang publier relativement librement, la répression s’est abattue sur les premiers (avec des <a href="https://www.leparisien.fr/international/coronavirus-ou-sont-passes-les-lanceurs-d-alerte-chinois-12-04-2020-8298426.php" class="spip_out" rel="external">condamnations</a> et même des <a href="https://www.midilibre.fr/2020/04/07/mysterieuse-disparition-du-docteur-ai-fen-celle-qui-a-revele-le-coronavirus,8836353.php" class="spip_out" rel="external">disparitions</a>), et la censure sur les seconds.</p>
<h3 class="spip">L’information est à l’évidence filtrée et façonnée au gré des besoins du pouvoir chinois</h3>
<p>Plus précisément, une <a href="https://apnews.com/article/united-nations-coronavirus-pandemic-china-only-on-ap-bats-24fbadc58cee3a40bca2ddf7a14d2955" class="spip_out" rel="external">enquête</a> récente de l’Associated Press (<span class="caps">AP</span>) révèle que le pouvoir a engagé une vigoureuse reprise en main des publications scientifiques après la parution d’un <a href="https://web.archive.org/web/20200214144447/https:/www.researchgate.net/publication/339070128_The_possible_origins_of_2019-nCoV_coronavirus" class="spip_out" rel="external">article</a> de deux chercheurs en février — article introuvable, désormais, sur internet<span class="spip_note_ref"> [<a href="#nb3" class="spip_note" rel="appendix" title="Le lien vers lequel nous renvoyons est une archive." id="nh3">3</a>]</span> —, suggérant que le virus s’était échappé d’un laboratoire de Wuhan. Conséquences, dès le 24 février : une nouvelle procédure d’approbation des publications par le Centre de contrôle des maladies chinois (<span class="caps">CDC</span>), puis la diffusion d’une note ministérielle confidentielle, datée du 3 mars, qu’<span class="caps">AP</span> s’est procurée et a mise en ligne. Le contenu de celle-ci est saisissant, appelant à <i>«<small class="fine d-inline"> </small>coordonner la publication de la recherche scientifique sur le Covid-19 à travers le pays à la manière d’une partie d’échecs<small class="fine d-inline"> </small>»</i>, sous le contrôle d’un <i>«<small class="fine d-inline"> </small>groupe de recherche scientifique du Conseil d’État<small class="fine d-inline"> </small>»</i> et après avoir notifié l’équipe de <i>«<small class="fine d-inline"> </small>propagande<small class="fine d-inline"> </small>»</i> dudit Conseil. La note interdit toute publication qui ne serait pas validée par ce groupe — et conclut que les contrevenants <i>«<small class="fine d-inline"> </small>seront tenus pour responsables<small class="fine d-inline"> </small>»</i>.</p>
<p>C’est donc à la lumière de cette note qu’il faut aborder les récentes publications scientifiques chinoises : malgré l’excellence d’un grand nombre de chercheurs, l’information est à l’évidence filtrée et façonnée au gré des besoins du pouvoir. Même chose pour la presse : pendant des mois, on n’y trouve aucune mention des renards, des visons et des chiens viverrins dans l’inventaire des animaux présents au marché de Wuhan avant sa fermeture le 31 décembre 2019.</p>
<dl class="spip_document_33828 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/49333662807_dcdcfc845f_k.jpg" title="Au marché de Wuhan se vend une profusion de marchandises, dont des renards, des visons et des chiens viverrins." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/49333662807_dcdcfc845f_k-ba229.jpg?1610124329" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/49333662807_dcdcfc845f_k.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Au marché de Wuhan se vend une profusion de marchandises, dont des renards, des visons et des chiens viverrins.</strong></dt>
</dl>
<p>Pourtant, d’après le <a href="https://www.who.int/publications/m/item/who-convened-global-study-of-the-origins-of-sars-cov-2" class="spip_out" rel="external">dernier rapport de l’<span class="caps">OMS</span></a>, les renards étaient bien présents au <i>«<small class="fine d-inline"> </small>wet market<small class="fine d-inline"> </small>»</i> de la ville. Et d’après une <a href="https://www.cfa-fca.ca/wp-content/uploads/2020/03/covid-19-scientific-assessment-zoonotic-potential.pdf" class="spip_out" rel="external">évaluation des risques</a> publiée en mars par le Centre des maladies infectieuses et l’Agence de santé publique canadienne, les visons aussi figuraient sur la liste des animaux en vente. Enfin, sur des photographies, prises début décembre 2019 à l’intérieur du marché et <a href="https://edition.cnn.com/videos/world/2020/01/20/china-wuhan-origin-of-coronavirus-lu-stout-pkg-vpx.cnn" class="spip_out" rel="external">diffusées en janvier 2020 par <span class="caps">CNN</span></a>, il y avait bien aussi, dans ce fameux marché, des <i>raccoon dogs</i>. Quoi qu’en aient dit les autorités, le trio des carnivores d’élevage était donc au complet sur le marché de Wuhan.</p>
<p>Notons que si ces espèces ont fait l’objet d’un <i>black-out</i> médiatique, le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales n’a pas pour autant oublié leur existence. Lorsqu’il a fallu, sous la pression de l’opinion publique mondiale, interdire le commerce d’animaux sauvages en raison des risques d’émergence virale et de propagation, il les a <a href="https://news.cgtn.com/news/2020-06-01/China-reveals-positive-list-of-livestock-and-poultry-dogs-excluded-QXKgHk6ZdS/index.html" class="spip_out" rel="external">requalifiées en <i>«<small class="fine d-inline"> </small>espèces domestiques<small class="fine d-inline"> </small>»</i></a> afin d’exonérer leur élevage de toute entrave possible.</p>
<p>Évoquons aussi le succès planétaire de la fable du pangolin. Pas moins de quatre articles chinois sont sortis pour incriminer cet animal à écailles. La théorie du pangolin, <a href="Sur-l-origine-Sars-Cov2-on-tente-d-expliquer-les-zones-d-ombre" class="spip_in">désormais abandonnée</a>, puisque le virus trouvé dans cet animal est encore plus éloigné du Sars-CoV-2 que celui de la chauve-souris, a été proposée alors même que le séquençage du gène viral qu’il était censé porter était loin d’être achevé. Juste avant, les autorités chinoises avaient déjà réussi à nourrir la presse de l’hypothèse que le serpent était probablement l’hôte intermédiaire. Dans la foulée, il y a même eu une tentative de jeter la tortue en pâture à l’opinion. Que de fausses pistes<small class="fine d-inline"> </small>! On ne peut s’empêcher de penser que diriger les regards vers trois espèces à écailles ne peut relever tout à fait du hasard, tant de tels suspects éloignent efficacement l’imaginaire du public des producteurs de fourrure.</p>
<h3 class="spip">L’hôte intermédiaire le plus probable d’après une recherche récente<small class="fine d-inline"> </small>? Le vison</h3>
<p>Pourtant, après que l’Université d’agriculture du Sud a communiqué brutalement, sans aucune donnée à l’appui, au sujet du pangolin, une étude contredisant la précédente passait à peu près inaperçue. Le 24 janvier 2020, ainsi qu’on peut le voir sur le site Global Times, qui tient le journal de l’épidémie depuis ses prémices, l’hôte intermédiaire le plus probable d’après une recherche fondée sur une comparaison générale des bases de données (<span class="caps">GISAID</span>) à l’aide d’un logiciel d’intelligence artificielle est… le <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.01.21.914044v2" class="spip_out" rel="external">vison</a>. Il a même <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s15010-020-01401-y" class="spip_out" rel="external">le potentiel d’en être l’hôte d’origine</a>. Or, cette étude qui cible le vison a été initiée avec le soutien de l’Académie chinoise des sciences, du laboratoire virologique de Wuhan et du <span class="caps">CDC</span> chinois. Le travail de l’équipe de Quian Guo offre toutes les garanties de sérieux, et ses résultats n’ont pas été contestés. Mais, excepté à Singapour et en Australie, on s’est juste contenté de ne lui accorder aucune audience. Il a été fait en sorte que le pangolin, en confortant les préjugés et en exacerbant les passions, sature tout l’espace disponible.</p>
<p>Un autre exemple édifiant des publications dilatoires de la communauté scientifique chinoise est l’étude effectuée par l’Université médicale du Shandong, parue le 1<sup class="typo_exposants">er</sup> avril 2020 dans le <i><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jmv.25817" class="spip_out" rel="external">Medical Journal of Virology</a></i>. Les chercheurs ont testé à partir de la structure de leur protéine réceptrice, celle sur laquelle se fixe le virus, 85 espèces de mammifères : humain, chat, chien, porc, cheval, civette, pangolin, macaque, renard, chien viverrin, éléphant africain, suricate, taureau, putois, kangourou, opossum, tortue, lynx, etc. Mais ils ont <i>«<small class="fine d-inline"> </small>oublié<small class="fine d-inline"> </small>»</i> le vison, pourtant particulièrement présent dans la région d’origine des chercheurs, à savoir dans le Shandong, où ils ne sont pas moins de quinze millions<small class="fine d-inline"> </small>! Les scientifiques ont conclu sans rire qu’il serait bon de surveiller attentivement un cétacé, <i>«<small class="fine d-inline"> </small>le marsouin sans nageoire du Yang Tsé, parce qu’il s’en trouve dans les lacs à proximité de Wuhan et qu’il pourrait être infecté par le Sars-CoV-2 ou un coronavirus apparenté<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Il est d’ailleurs amusant de noter que leur étude trouve aux petits carnivores, chats inclus, une affinité nettement moindre pour le Sars-CoV-2 que la vache ou le mouton, alors que l’on sait désormais que c’est l’inverse.</p>
<h3 class="spip">Il y a trois mille élevages de visons chinois, dont certains dépassent les cent mille têtes</h3>
<p>Les visons chinois, et particulièrement ceux du Shandong, méritent pourtant qu’on s’y attarde. On le sait, ces derniers mois ont fait la démonstration scientifique que les visons pouvaient à la fois contracter le virus des humains et les infecter en retour, non sans fréquemment générer des mutations dans le processus. Mais il y a par-delà cette actualité, une longue histoire des maladies du vison, qui montre que cette espèce solitaire — comme tous les carnivores d’élevage, alors que les herbivores sont sociaux —, placée dans les conditions de promiscuité épouvantable des élevages, contracte des maladies multiples qui en font une menace sanitaire. Or, il y a trois mille élevages de visons chinois, dont certains dépassent les cent mille têtes, qui peuvent être à la source de l’actuelle pandémie. Il est donc incompréhensible qu’aucune recherche virale n’ait été publiée concernant ces animaux.</p>
<dl class="spip_document_33829 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/000_hkg10198036.jpg" title="Les visons — ici, chinois — peuvent à la fois contracter le virus des humains et les infecter en retour, non sans fréquemment générer des mutations dans le processus." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/000_hkg10198036-d06f1.jpg?1610124329" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/000_hkg10198036.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Les visons — ici, chinois — peuvent à la fois contracter le virus des humains et les infecter en retour, non sans fréquemment générer des mutations dans le processus.</strong></dt>
</dl>
<p>Quelques exemples du problème<small class="fine d-inline"> </small>? En 2011, un nouveau virus excrété par des visons d’élevage a été génétiquement mis en évidence dans une ferme du Hebei. Il semble être un réassortiment virulent de souches de virus humains et porcins habituellement bénignes. 100<small class="fine d-inline"> </small>% des visons étaient touchés, 5<small class="fine d-inline"> </small>% en mouraient. L’apparition d’encéphalopathie nécrosante chez deux enfants était susceptible d’être attribuée à cette recombinaison, et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3840883/" class="spip_out" rel="external">l’étude publiée par <i>Emerging infectious diseases</i></a> a conclu qu’il fallait se préparer à l’émergence de variantes plus virulentes.</p>
<p>En 2014, les visons d’une ferme du Shandong étaient victimes d’une épidémie de pseudorage d’origine porcine qui aboutit à la mort de 87<small class="fine d-inline"> </small>% des animaux et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5775606/" class="spip_out" rel="external">se propagea à l’ensemble de la province</a>. Les scientifiques qui avaient essayé d’évaluer l’ampleur de l’épidémie dans quatorze localités affirmaient dans leur publication que le virus avait un taux d’infection très élevé dans la région et que <i>«<small class="fine d-inline"> </small>cela pose un défi pour l’industrie de la fourrure<small class="fine d-inline"> </small>»</i>.</p>
<p>En 2015, une équipe (comprenant la virologue chinoise Shi Zhengli) a isolé et identifié des virus de chauve-souris <a href="https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jgv/10.1099/jgv.0.000314" class="spip_out" rel="external">étroitement liés aux virus humains, porcins et visonins</a>. Ce qui suggère des transmissions interspécifiques entre les chauves-souris et les humains ou les animaux.</p>
<p>En octobre 2016, une équipe du collège vétérinaire de Quingdao <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S037811351630565X?via%3Dihub" class="spip_out" rel="external">découvrait</a> que les visons du Shandong étaient contaminés par une grippe aviaire <span class="caps">H5N1</span> hautement pathogène.</p>
<p>En 2019, une autre équipe du même collège vétérinaire de Quindao a repéré dans les élevages de visons du Shandong l’émergence d’une co-infection mortelle du virus de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/maladie_de_Carr%C3%A9" class="spip_glossaire" rel="external">maladie de Carré</a> et de celui de la grippe <span class="caps">H1N1</span> porcine, donnant lieu à une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378113519311095" class="spip_out" rel="external">nouvelle souche <span class="caps">H1N1</span> dans les poumons infectés de ces mustélidés</a>.</p>
<p>Les visons d’élevage sont également des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-48255-5" class="spip_out" rel="external">hôtes intermédiaires possibles pour des variétés de grippe A</a> qui peuvent conduire au développement de souches pandémiques humaines par transmission directe ou indirecte. Ils hébergent parfois de manière épidémique le virus de l’hépatite E, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/tbed.12720" class="spip_out" rel="external">sans qu’on sache encore s’ils peuvent le transmettre aux humains</a>. Ils sont suivis pour l’<span class="caps">ESB</span> (encéphalite spongiforme bovine) en raison de leur régime en partie constitué de farines animales, etc.</p>
<p>Pour limiter les dégâts, les visons sont vaccinés contre les virus qui les affectent le plus couramment, comme le parvovirus de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/maladie_al%C3%A9outienne" class="spip_glossaire" rel="external">maladie aléoutienne</a>, hautement contagieux pour leur espèce et le virus de la maladie de Carré, transmissible depuis les canidés et aux canidés. Mammifères aux poumons fragiles, ils attrapent spontanément des pneumopathies, qu’ils propagent facilement car ils ont la particularité d’éternuer, tout comme les furets, eux aussi des mustélidés. Visons comme furets sont porteurs de coronavirus spécifiques, celui des furets étant appelé <i><a href="https://www.vetstream.com/treat/exotis/ferrets/diseases/ferret-systemic-coronavirus" class="spip_out" rel="external">«<small class="fine d-inline"> </small>systémique<small class="fine d-inline"> </small>»</a></i>, car il touche tous les organes, tandis que celui des visons est appelé <a href="https://europepmc.org/article/PMC/3168282" class="spip_out" rel="external">mink CoV (MCoV)</a> (mink est le mot anglais pour vison).</p>
<h3 class="spip">Les chauves-souris, attirées par les hangars d’élevage, défèquent… sur les cages</h3>
<p>Enfin, pour prendre la mesure du chaudron microbien que représentent ces élevages, notons que les visons chinois sont particulièrement concentrés dans la région du Shandong. Cette terre historique d’élevages pour la fourrure accueille des milliers d’exploitations, parfois en polyactivités. On l’a vu, quinze millions de visons s’y agglutinent (en plus de trois millions de chiens viverrins et de six millions de renards). La plupart se trouvent dans une zone grande comme un département français, qui s’étend vers le sud depuis la commune côtière de Weifang. Les animaux, entassés dans des conditions d’hygiène parfois effrayantes, y sont nourris en partie de poissons frais tirés de la mer Jaune, d’abats de volailles ou de porcs, de farines animales et des charognes de leurs congénères, au gré des dépeçages. La nourriture fraîche fortement protéinée est importante pour améliorer la qualité de leurs peaux. Leur existence, entièrement captive, est plutôt brève : les visons, par exemple, se reproduisent en mars, mettent bas en avril et les portées sont tuées entre la mi-novembre et la mi-décembre. Ne sont épargnés que les <i>«<small class="fine d-inline"> </small>étalons<small class="fine d-inline"> </small>»</i> et les femelles destinés à reproduire la génération suivante. Ces reproducteurs représentent néanmoins environ 12<small class="fine d-inline"> </small>% de l’effectif de chaque élevage, ce qui peut suffire à ce que d’éventuels pathogènes persistent.</p>
<dl class="spip_document_33826 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/png/screenshot_2021-01-08_fur_animals_and_products_beijing_china_-_peoples_republic_of_5-25-2010_pdf.png" title="Vente de fourrures au marché Sunning, dans la province de Hebei." type="image/png"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH534/screenshot_2021-01-08_fur_animals_and_products_beijing_china_-_peoples_republic_of_5-25-2010_pdf-fbf02.png?1610121751" alt=""><noscript><img src="IMG/png/screenshot_2021-01-08_fur_animals_and_products_beijing_china_-_peoples_republic_of_5-25-2010_pdf.png" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Vente de fourrures au marché Sunning, dans la province de Hebei.</strong></dt>
</dl>
<p>Ajoutons que le Shandong, territoire de moyenne montagne et de forêts, connu entre autre pour ses grottes, héberge de nombreuses espèces de chauves-souris, dont certaines, comme <i>Rhinolophus ferrumequinum</i>, <i>Myotis Fimbriatus</i> ou <i>Eptesicus Serotinus</i>, <a href="https://europepmc.org/article/PMC/6466186#B8-viruses-11-00210" class="spip_out" rel="external">sont porteuses de coronavirus</a>. Les chauves-souris sont attirées par les hangars d’élevage, qui leur fournissent un abri potentiel. Elles urinent et défèquent fréquemment sur tout ce qu’elles surplombent. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2018.00702/full" class="spip_out" rel="external">Des cages contenant des animaux par exemple</a>. De fait, on dispose donc dans le Shandong (même si c’est également le cas dans d’autres régions de Chine) de tous les ingrédients pour de formidables rencontres virales, des recombinaisons en tout genre et des émergences fulgurantes.</p>
<p>Un chiffre peu connu attire l’attention : en 2019, la province n’a récolté que 6,5 millions de peaux de visons, contre presque quinze l’année précédente. Quasiment neuf millions de visons volatilisés d’une année sur l’autre<small class="fine d-inline"> </small>! Une baisse de 55<small class="fine d-inline"> </small>%, propre à cette seule province, qui semble ne pouvoir s’expliquer que par une catastrophe ou un fléau brutal. Lequel<small class="fine d-inline"> </small>? Pourrait-il être sanitaire<small class="fine d-inline"> </small>? D’autant que les productions de peaux de renards (5,7 millions) et de chiens viverrins (trois millions) issues du même territoire sont, elles, restées parfaitement stables. Sollicitée à plusieurs reprises par <i>Reporterre</i> pour expliquer cette hécatombe, la China Leather Industry Association a laconiquement invoqué dans un courriel <i>«<small class="fine d-inline"> </small>un marché stagnant et une surproduction de peaux de visons<small class="fine d-inline"> </small>»</i> qui auraient conduit <i>«<small class="fine d-inline"> </small>la plupart des compagnies à quitter l’industrie<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Une explication qui semble insuffisante devant l’ampleur du séisme.</p>
<a name="image33839"></a>
<span class="spip_document_33839 spip_documents spip_documents_center">
<a href="IMG/jpg/visons_production_chine_v_500_pix.jpg" type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L500xH409/visons_production_chine_v_500_pix-c6255.jpg?1610142006" alt="Effondrement de la production de visons en 2019." title="Effondrement de la production de visons en 2019."><noscript><img src="IMG/jpg/visons_production_chine_v_500_pix.jpg" alt="Effondrement de la production de visons en 2019." title="Effondrement de la production de visons en 2019."></noscript></a></span><h3 class="spip">Tous les grands pays producteurs de peaux de visons ont été contaminés… sauf la Chine<small class="fine d-inline"> </small>? </h3>
<p>Quoiqu’il en soit, on peut s’étonner qu’officiellement aucune ferme intensive chinoise de visons n’ait été contaminée alors que l’Europe de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud, les États-Unis et le Canada sont touchés. Ce serait une étonnante anomalie : tous les <a href="https://reporterre.net/Malgre-les-risques-de-Covid-les-Etats-rechignent-a-arreter-l-elevage-de-visons" rel="external">grands pays producteurs auraient été frappés mais le principal ferait exception</a>, malgré <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2004.1492" class="spip_out" rel="external">les nombreux liens commerciaux et professionnels l’unissant à ses partenaires étrangers</a>, notamment l’Amérique, l’Europe du Nord et l’Italie.</p>
<p>En définitive, mustélidés, canidés et viverridés — les mammifères suspects pour tenir le rôle d’intermédiaire — sont les mêmes aujourd’hui que pour l’épidémie de Sars-CoV-1 en 2003-2004. Sauf que les civettes masquées sont désormais mille fois moins nombreuses dans le pays que les renards, les <i>raccoon dogs</i> et les visons élevés pour leur fourrure. Il paraît donc inconcevable pour l’établissement de la vérité et pour prévenir une future nouvelle pandémie que l’<span class="caps">OMS</span> ne commande pas une enquête serrée dans les élevages, au Shandong et ailleurs.</p>
<dl class="spip_document_33831 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/15568372922_77fad3e43c_k.jpg" title="Vente de renards et de chiens viverrins dans la province de Hebei, au marché de fourrures de Shangcun. " type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/15568372922_77fad3e43c_k-c9166.jpg?1610129855" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/15568372922_77fad3e43c_k.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Vente de renards et de chiens viverrins dans la province de Hebei, au marché de fourrures de Shangcun. </strong></dt>
</dl>
<p>On comprend à la lecture du rapport préparatoire, malgré les perceptibles précautions diplomatiques vis-à-vis de la Chine, que l’intention est présente. Il est par exemple indiqué que la commission d’experts envisage notamment de <i>«<small class="fine d-inline"> </small>cartographier les chaînes d’approvisionnement de tous les animaux vendus sur le marché<small class="fine d-inline"> </small>»</i>, sauvages et domestiques, en vue d’identifier <i>«<small class="fine d-inline"> </small>des aires géographiques intéressantes pour effectuer des sérologies animales et humaines<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Exactement, donc, ce qui aurait dû être fait depuis un an : des recherches de virus dans et autour des élevages.</p>
<p>Hélas, l’<span class="caps">OMS</span>, après de multiples concessions à l’égard du régime chinois, a abandonné l’ambition de pratiquer directement le travail de terrain en signant un protocole qui délègue aux chercheurs locaux cette partie de l’enquête. La mission ne devrait même pas sortir de Wuhan et l’un de ses membres déclarait récemment à la revue <i><a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/pandemie-l-equipe-de-l-oms-en-chine-explorera-toutes-les-pistes_150361#xtor=CS2-37-%5BL'%C3%A9quipe%20de%20l'OMS%20sera%20en%20Chine%20en%20janvier%20pour%20explorer%20%22toutes%20les%20pistes%22%20sur%20l'origine%20du%20SARS-CoV-2" class="spip_out" rel="external">Science et Avenir</a></i> qu’il ne faut pas s’attendre <i>«<small class="fine d-inline"> </small>à ce que l’équipe revienne avec des résultats concluants<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Même ainsi désarmée, cette délégation semble continuer à poser problème à Pékin.</p>
<p>Le mur dressé par l’État chinois semble toutefois commencer à se lézarder. Le 8 janvier, <a href="https://science.sciencemag.org/content/371/6525/120" class="spip_out" rel="external">un article signé par des chercheurs chinois éminents</a>, en l’occurrence Zhengli Shi et Peng Zou, reconnaît pour la première fois dans les colonnes de la revue <i>Science</i> que le vison pourrait être l’hôte <i>«<small class="fine d-inline"> </small>du virus qui a engendré le Sars-CoV-2<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Les chercheurs suggèrent même de conduire <i>«<small class="fine d-inline"> </small>des investigations rétrospectives d’échantillons datant d’avant la pandémie chez les visons ou d’autres animaux susceptibles<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Les esprits suspicieux se demanderont pourquoi cette suggestion vient si tard, la sensibilité au Covid des visons étant connue depuis six mois, et si de tels échantillons existent encore. Les autres jugeront sans doute qu’il vaut mieux tard que jamais.</p></p>
</article>


<hr>

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title: Les élevages de visons en Chine à l’origine du Covid-19 ? Les indices s’accumulent
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<p><i>La naissance du Covid-19 dans une ferme d’animaux à fourrure chinoise — et notamment de visons — semble de plus en plus plausible, comme le montre cette enquête. Fin décembre 2020, </i>Reporterre<i> avait <a href="EXCLUSIF-Les-elevages-de-visons-sont-ils-la-source-du-Covid-en-Europe" class="spip_in">révélé</a> que les souches responsables des deux vagues épidémiques qui ont ravagé l’Europe étaient apparues à proximité immédiate d’importants élevages de visons.</i> Reporterre<i> a continué l’enquête du côté chinois. Aujourd’hui même, vendredi 8 janvier,</i> Science<i> a publié un article soulignant la nécessité d’étudier le lien entre Covid et visons.</i></p>
<hr class="spip">
<p>Ira, ira pas<small class="fine d-inline"> </small>? Plus personne ne sait à l’heure où nous écrivons ces lignes si la délégation de scientifiques sélectionnés par l’Organisation mondiale de la santé (<span class="caps">OMS</span>) se rendra bel et bien en Chine pour enquêter sur l’origine de la pandémie. Les dix experts internationaux n’ont toujours pas reçu les autorisations nécessaires pour entrer sur le territoire. Des négociations semblent être en cours, mais l’opacité est telle que nul n’en connaît les enjeux.</p>
<p>Il est stupéfiant qu’un an après ce qui s’annonce comme la plus importante pandémie du siècle écoulé, aucun progrès n’ait été réalisé dans la compréhension de comment le Sars-CoV-2 a pu être transmis à l’humain depuis la chauve-souris, son hôte naturel. Une incertitude qui n’est pas due aux limites de la science, mais bel et bien à l’attitude des autorités chinoises, qui depuis un an s’opposent becs et ongles à toute tentative indépendante — quand bien même elle viendrait de l’intérieur du pays — de répondre à cette question. On se demande ce que la Chine veut absolument cacher.</p>
<p>Difficile de ne pas noter, en particulier, qu’aucune enquête n’a été menée pour confirmer ou infirmer une hypothèse aussi évidente que rarement mentionnée : celle d’une origine de la pandémie dans un élevage d’animaux à fourrure. La Chine est en effet à la fois le premier marché et le <a href="https://www.actasia.org/wp-content/uploads/2019/10/China-Fur-Report-7.4-DIGITAL-2.pdf" class="spip_out" rel="external">premier producteur de fourrure mondiaux</a>, et la colossale branche chinoise de cette industrie pèse plus de vingt milliards de dollars annuels, avec plus de cinquante millions de têtes. Or, si les animaux d’élevage traditionnels (bovins, porcins, volailles…) ne semblent pas infectés par le coronavirus, c’est l’inverse pour les animaux à fourrure : les trois principales espèces — vison, renard, et chien viverrin — y sont hautement sensibles.</p>
<p>Tous les spécialistes savent que les épidémies humaines issues d’élevages n’ont rien d’exceptionnel. Ces derniers sont des bouillons de culture microbiens connus : la dernière pandémie grippale de 2009, par exemple, est née dans les élevages porcins américains — d’où son nom de <a href="https://www.who.int/influenza/human_animal_interface/swine_influenza/fr/" class="spip_out" rel="external">grippe porcine</a>. Du reste, le <i>«<small class="fine d-inline"> </small>coronavirologue<small class="fine d-inline"> </small>»</i> Christian Drosten, découvreur du Sars-CoV-1 en 2003, et conseiller scientifique du gouvernement allemand, affirmait dès le mois d’avril 2020 dans une interview au <i><a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/26/virologist-christian-drosten-germany-coronavirus-expert-interview" class="spip_out" rel="external">Guardian</a></i> : <i>«<small class="fine d-inline"> </small>Si quelqu’un me donnait quelques centaines de milliers de dollars et un laissez-passer en Chine pour trouver la source du virus, je chercherais dans les endroits où les chiens viverrins sont élevés.<small class="fine d-inline"> </small>»</i></p>
<p>L’hypothèse émise par Christian Drosten, selon laquelle le chien viverrin pourrait être le chaînon manquant entre la chauve-souris (l’hôte originel de ce coronavirus, selon le consensus scientifique) et l’humain, tombe sous le sens. Les chiens viverrins (<i>Nyctereutes procyonoides</i>) — souvent confondus avec les ratons laveurs auxquels ils ressemblent — sont de petits carnivores de la famille des canidés. Une équipe dirigée par Conrad Freuling, de l’Institut fédéral allemand de recherche sur la santé animale, situé à Riems, a <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.08.19.256800v1" class="spip_out" rel="external">démontré expérimentalement</a> en août 2020 que non seulement ces animaux attrapent le coronavirus humain, mais qu’ils se le transmettent parfaitement.</p>
<dl class="spip_document_33827 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/14947473493_76a942a888_k.jpg" title="En Chine, le nombre de chiens viverrins d'élevage est estimé entre à cinq et dix millions." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/14947473493_76a942a888_k-81c31.jpg?1610124329" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/14947473493_76a942a888_k.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>En Chine, le nombre de chiens viverrins d’élevage est estimé entre à cinq et dix millions.</strong></dt>
</dl>
<p><i>«<small class="fine d-inline"> </small>Nous avons constaté que le virus reste cantonné aux fosses nasales dans cette espèce, et ne gagne pas les poumons<small class="fine d-inline"> </small>»</i>, indique le chercheur, interrogé par <i>Reporterre</i>. Conséquences<small class="fine d-inline"> </small>? «<small class="fine d-inline"> </small><i> Ils ne sont pratiquement pas malades lorsqu’ils sont infectés, et restent asymptomatiques tout en étant contagieux. De plus, ils excrètent </i>a priori<i> suffisamment de virus pour infecter un humain.<small class="fine d-inline"> </small>»</i> Cette propriété les rapproche des visons, <a href="EXCLUSIF-Les-elevages-de-visons-sont-ils-la-source-du-Covid-en-Europe" class="spip_in">comme on a pu le constater dans les élevages du nord de l’Europe</a>. Le chercheur note qu’être très transmissible et peu pathologique est le profil d’un virus très adapté, ce qui est tout à fait compatible avec l’hypothèse selon laquelle ces espèces seraient le <i>«<small class="fine d-inline"> </small>chaînon manquant<small class="fine d-inline"> </small>»</i> entre la chauve-souris et l’humain.</p>
<p>Mais si Christian Drosten soupçonne le chien viverrin, c’est avant tout à cause de la pandémie de <abbr title="syndrome respiratoire aigu sévère">Sras</abbr> de 2003<span class="spip_note_ref"> [<a href="#nb1" class="spip_note" rel="appendix" title="Le Sras est la première maladie grave et transmissible à émerger au XXIe (...)" id="nh1">1</a>]</span>. Car s’il a beaucoup été répété que l’animal qui a propagé cette maladie (dont le Sars-CoV-1 était l’agent) était un viverridé, la civette masquée (<i>Paguma larvata</i>)… les <i>raccoon dogs,</i> ou chiens viverrins, étaient également contaminés et tout autant <a href="https://science.sciencemag.org/content/302/5643/276.full" class="spip_out" rel="external">susceptibles de jouer le rôle de transmetteur à l’être humain</a><small class="fine d-inline"> </small>!</p>
<p>Dans les études scientifiques datant de 2003-2004 portant notamment sur les marchés de Shenzhen, dans le Guandong, il paraît quasiment impossible de départager laquelle des deux espèces a contaminé l’autre ou si une troisième a infecté les deux à la fois. Comme l’indique un article d’avril 2007 paru dans <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168170207001050" class="spip_out" rel="external"><i>Virus Research</i></a>, la civette masquée est considérée comme le dernier hôte intermédiaire le plus probable avant l’humain. L’une des principales raisons évoquées : l’identification de restaurants, proches, où se trouvaient des civettes infectées et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7114516/" class="spip_out" rel="external">où trois clients et une serveuse sont tombés malades</a>. C’est maigre. D’autant plus maigre que les civettes, qui furent pendant plusieurs décennies élevées pour leur fourrure avant de devenir une viande de consommation réputée, ne comptaient plus dans ces années-là que 40.000 têtes dans l’ensemble du pays. Autrement dit, un tout petit réservoir potentiel. Le nombre de chiens viverrins d’élevage est, lui, estimé entre à cinq et dix millions.</p>
<h3 class="spip">En 2003, la Chine semble avoir manœuvré pour incriminer la civette afin de détourner l’attention de son industrie de la fourrure</h3>
<p>À l’hiver 2003-2004, une immense <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1212604/" class="spip_out" rel="external">enquête</a> financée par le ministère chinois des Sciences et Techniques et le National Institute of Health étasunien, portant sur le séquençage d’un échantillon de 1.107 civettes issues de 23 élevages choisis dans douze provinces, a conclu que si, sur le marché de Xinyuan (Guandong), les 91 civettes présentes étaient effectivement porteuses du virus, il n’y avait pas d’infection détectable dans les élevages d’origine des civettes commercialisées. Indice que la contamination avait pu avoir lieu plutôt sur le marché ou durant le transport. Or, sur le même marché de Xinyuan, la totalité des quinze chiens viverrins présents étaient contaminés.</p>
<p>Bien que plusieurs articles aient souligné que ces civettes auraient pu tout simplement avoir été contaminées par les chiens viverrins, aucune étude n’a été lancée pour en savoir davantage sur les <i>raccoon dogs</i>. Plusieurs chercheurs s’en sont étonné, notamment Paul et Martin Chan, qui ont déploré que ceux-ci <i><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3747522/" class="spip_out" rel="external">«<small class="fine d-inline"> </small>ne suscitent pas d’intérêt<small class="fine d-inline"> </small>»</a></i>. Shi Zhengli, sans doute la principale <i>«<small class="fine d-inline"> </small>coronavirologue<small class="fine d-inline"> </small>»</i> chinoise — elle dirige un département du Wuhan Institute of Virology —, regrettait, en 2007 dans l’article de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168170207001050" class="spip_out" rel="external"><i>Virus Research</i></a> déjà mentionné, qu’il ne soit <i>«<small class="fine d-inline"> </small>toujours pas clair si ce sont les chiens viverrins qui ont été infectés par les civettes ou l’inverse<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Et concluait : <i>«<small class="fine d-inline"> </small>Contrairement aux civettes, très peu de recherches ont été conduites pour échantillonner les chiens viverrins sauvages ou d’élevage.<small class="fine d-inline"> </small>»</i></p>
<p>On retrouve ce même étonnement chez Conrad Freuling, qui avoue qu’il a aussi testé les chiens viverrins en Allemagne parce que personne ne l’avait jamais fait en Chine, où sont pourtant situés la quasi-totalité des élevages du monde — on en trouve une poignée en Finlande et en Pologne<span class="spip_note_ref"> [<a href="#nb2" class="spip_note" rel="appendix" title="En 2018, 34,7 millions de visons, 2,7 millions de renards, 166.000 chiens (...)" id="nh2">2</a>]</span></p>
<p>Notons enfin que sur ces marchés, des renards roux et des mustélidés étaient également infectés. Curieusement, l’étude sino-américaine n’échantillonna aucune ferme dans le Shandong, le Liaoning, le Jilin ou le Heilongjiang, les quatre principales provinces d’élevage de visons. Ne pas avoir enquêté dans le Shandong est particulièrement étonnant, puisque c’est la capitale sans rivale de la production de fourrure et que cette province est géographiquement plus proche du Guandong que le Hebei — qui a pourtant été bien prospecté.</p>
<dl class="spip_document_33835 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/carte_chine_e_levages_visons_v_2.jpg" title="Régions chinoises concentrant les élevages d'animaux à fourrure." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L495xH700/carte_chine_e_levages_visons_v_2-f8262.jpg?1610137961" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/carte_chine_e_levages_visons_v_2.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Régions chinoises concentrant les élevages d’animaux à fourrure.</strong></dt>
</dl>
<p>Tout s’est donc passé en 2003 comme si la Chine avait manœuvré pour incriminer la civette, une espèce à l’importance économique marginale, afin de détourner l’attention de son industrie de la fourrure, pour la protéger.</p>
<p>Or, cette même stratégie semble bien avoir été reprise et portée à un niveau supérieur en 2020 — dans un contexte évidemment différent et avec des enjeux colossaux. Cette fois-ci, la Chine a manifestement décidé de contrôler totalement la parole scientifique sur la pandémie, au même titre que la parole citoyenne. Après une phase initiale de confusion en janvier et février 2020, durant laquelle on a vu tant des journalistes que des scientifiques de haut rang publier relativement librement, la répression s’est abattue sur les premiers (avec des <a href="https://www.leparisien.fr/international/coronavirus-ou-sont-passes-les-lanceurs-d-alerte-chinois-12-04-2020-8298426.php" class="spip_out" rel="external">condamnations</a> et même des <a href="https://www.midilibre.fr/2020/04/07/mysterieuse-disparition-du-docteur-ai-fen-celle-qui-a-revele-le-coronavirus,8836353.php" class="spip_out" rel="external">disparitions</a>), et la censure sur les seconds.</p>
<h3 class="spip">L’information est à l’évidence filtrée et façonnée au gré des besoins du pouvoir chinois</h3>
<p>Plus précisément, une <a href="https://apnews.com/article/united-nations-coronavirus-pandemic-china-only-on-ap-bats-24fbadc58cee3a40bca2ddf7a14d2955" class="spip_out" rel="external">enquête</a> récente de l’Associated Press (<span class="caps">AP</span>) révèle que le pouvoir a engagé une vigoureuse reprise en main des publications scientifiques après la parution d’un <a href="https://web.archive.org/web/20200214144447/https:/www.researchgate.net/publication/339070128_The_possible_origins_of_2019-nCoV_coronavirus" class="spip_out" rel="external">article</a> de deux chercheurs en février — article introuvable, désormais, sur internet<span class="spip_note_ref"> [<a href="#nb3" class="spip_note" rel="appendix" title="Le lien vers lequel nous renvoyons est une archive." id="nh3">3</a>]</span> —, suggérant que le virus s’était échappé d’un laboratoire de Wuhan. Conséquences, dès le 24 février : une nouvelle procédure d’approbation des publications par le Centre de contrôle des maladies chinois (<span class="caps">CDC</span>), puis la diffusion d’une note ministérielle confidentielle, datée du 3 mars, qu’<span class="caps">AP</span> s’est procurée et a mise en ligne. Le contenu de celle-ci est saisissant, appelant à <i>«<small class="fine d-inline"> </small>coordonner la publication de la recherche scientifique sur le Covid-19 à travers le pays à la manière d’une partie d’échecs<small class="fine d-inline"> </small>»</i>, sous le contrôle d’un <i>«<small class="fine d-inline"> </small>groupe de recherche scientifique du Conseil d’État<small class="fine d-inline"> </small>»</i> et après avoir notifié l’équipe de <i>«<small class="fine d-inline"> </small>propagande<small class="fine d-inline"> </small>»</i> dudit Conseil. La note interdit toute publication qui ne serait pas validée par ce groupe — et conclut que les contrevenants <i>«<small class="fine d-inline"> </small>seront tenus pour responsables<small class="fine d-inline"> </small>»</i>.</p>
<p>C’est donc à la lumière de cette note qu’il faut aborder les récentes publications scientifiques chinoises : malgré l’excellence d’un grand nombre de chercheurs, l’information est à l’évidence filtrée et façonnée au gré des besoins du pouvoir. Même chose pour la presse : pendant des mois, on n’y trouve aucune mention des renards, des visons et des chiens viverrins dans l’inventaire des animaux présents au marché de Wuhan avant sa fermeture le 31 décembre 2019.</p>
<dl class="spip_document_33828 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/49333662807_dcdcfc845f_k.jpg" title="Au marché de Wuhan se vend une profusion de marchandises, dont des renards, des visons et des chiens viverrins." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/49333662807_dcdcfc845f_k-ba229.jpg?1610124329" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/49333662807_dcdcfc845f_k.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Au marché de Wuhan se vend une profusion de marchandises, dont des renards, des visons et des chiens viverrins.</strong></dt>
</dl>
<p>Pourtant, d’après le <a href="https://www.who.int/publications/m/item/who-convened-global-study-of-the-origins-of-sars-cov-2" class="spip_out" rel="external">dernier rapport de l’<span class="caps">OMS</span></a>, les renards étaient bien présents au <i>«<small class="fine d-inline"> </small>wet market<small class="fine d-inline"> </small>»</i> de la ville. Et d’après une <a href="https://www.cfa-fca.ca/wp-content/uploads/2020/03/covid-19-scientific-assessment-zoonotic-potential.pdf" class="spip_out" rel="external">évaluation des risques</a> publiée en mars par le Centre des maladies infectieuses et l’Agence de santé publique canadienne, les visons aussi figuraient sur la liste des animaux en vente. Enfin, sur des photographies, prises début décembre 2019 à l’intérieur du marché et <a href="https://edition.cnn.com/videos/world/2020/01/20/china-wuhan-origin-of-coronavirus-lu-stout-pkg-vpx.cnn" class="spip_out" rel="external">diffusées en janvier 2020 par <span class="caps">CNN</span></a>, il y avait bien aussi, dans ce fameux marché, des <i>raccoon dogs</i>. Quoi qu’en aient dit les autorités, le trio des carnivores d’élevage était donc au complet sur le marché de Wuhan.</p>
<p>Notons que si ces espèces ont fait l’objet d’un <i>black-out</i> médiatique, le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales n’a pas pour autant oublié leur existence. Lorsqu’il a fallu, sous la pression de l’opinion publique mondiale, interdire le commerce d’animaux sauvages en raison des risques d’émergence virale et de propagation, il les a <a href="https://news.cgtn.com/news/2020-06-01/China-reveals-positive-list-of-livestock-and-poultry-dogs-excluded-QXKgHk6ZdS/index.html" class="spip_out" rel="external">requalifiées en <i>«<small class="fine d-inline"> </small>espèces domestiques<small class="fine d-inline"> </small>»</i></a> afin d’exonérer leur élevage de toute entrave possible.</p>
<p>Évoquons aussi le succès planétaire de la fable du pangolin. Pas moins de quatre articles chinois sont sortis pour incriminer cet animal à écailles. La théorie du pangolin, <a href="Sur-l-origine-Sars-Cov2-on-tente-d-expliquer-les-zones-d-ombre" class="spip_in">désormais abandonnée</a>, puisque le virus trouvé dans cet animal est encore plus éloigné du Sars-CoV-2 que celui de la chauve-souris, a été proposée alors même que le séquençage du gène viral qu’il était censé porter était loin d’être achevé. Juste avant, les autorités chinoises avaient déjà réussi à nourrir la presse de l’hypothèse que le serpent était probablement l’hôte intermédiaire. Dans la foulée, il y a même eu une tentative de jeter la tortue en pâture à l’opinion. Que de fausses pistes<small class="fine d-inline"> </small>! On ne peut s’empêcher de penser que diriger les regards vers trois espèces à écailles ne peut relever tout à fait du hasard, tant de tels suspects éloignent efficacement l’imaginaire du public des producteurs de fourrure.</p>
<h3 class="spip">L’hôte intermédiaire le plus probable d’après une recherche récente<small class="fine d-inline"> </small>? Le vison</h3>
<p>Pourtant, après que l’Université d’agriculture du Sud a communiqué brutalement, sans aucune donnée à l’appui, au sujet du pangolin, une étude contredisant la précédente passait à peu près inaperçue. Le 24 janvier 2020, ainsi qu’on peut le voir sur le site Global Times, qui tient le journal de l’épidémie depuis ses prémices, l’hôte intermédiaire le plus probable d’après une recherche fondée sur une comparaison générale des bases de données (<span class="caps">GISAID</span>) à l’aide d’un logiciel d’intelligence artificielle est… le <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.01.21.914044v2" class="spip_out" rel="external">vison</a>. Il a même <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s15010-020-01401-y" class="spip_out" rel="external">le potentiel d’en être l’hôte d’origine</a>. Or, cette étude qui cible le vison a été initiée avec le soutien de l’Académie chinoise des sciences, du laboratoire virologique de Wuhan et du <span class="caps">CDC</span> chinois. Le travail de l’équipe de Quian Guo offre toutes les garanties de sérieux, et ses résultats n’ont pas été contestés. Mais, excepté à Singapour et en Australie, on s’est juste contenté de ne lui accorder aucune audience. Il a été fait en sorte que le pangolin, en confortant les préjugés et en exacerbant les passions, sature tout l’espace disponible.</p>
<p>Un autre exemple édifiant des publications dilatoires de la communauté scientifique chinoise est l’étude effectuée par l’Université médicale du Shandong, parue le 1<sup class="typo_exposants">er</sup> avril 2020 dans le <i><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jmv.25817" class="spip_out" rel="external">Medical Journal of Virology</a></i>. Les chercheurs ont testé à partir de la structure de leur protéine réceptrice, celle sur laquelle se fixe le virus, 85 espèces de mammifères : humain, chat, chien, porc, cheval, civette, pangolin, macaque, renard, chien viverrin, éléphant africain, suricate, taureau, putois, kangourou, opossum, tortue, lynx, etc. Mais ils ont <i>«<small class="fine d-inline"> </small>oublié<small class="fine d-inline"> </small>»</i> le vison, pourtant particulièrement présent dans la région d’origine des chercheurs, à savoir dans le Shandong, où ils ne sont pas moins de quinze millions<small class="fine d-inline"> </small>! Les scientifiques ont conclu sans rire qu’il serait bon de surveiller attentivement un cétacé, <i>«<small class="fine d-inline"> </small>le marsouin sans nageoire du Yang Tsé, parce qu’il s’en trouve dans les lacs à proximité de Wuhan et qu’il pourrait être infecté par le Sars-CoV-2 ou un coronavirus apparenté<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Il est d’ailleurs amusant de noter que leur étude trouve aux petits carnivores, chats inclus, une affinité nettement moindre pour le Sars-CoV-2 que la vache ou le mouton, alors que l’on sait désormais que c’est l’inverse.</p>
<h3 class="spip">Il y a trois mille élevages de visons chinois, dont certains dépassent les cent mille têtes</h3>
<p>Les visons chinois, et particulièrement ceux du Shandong, méritent pourtant qu’on s’y attarde. On le sait, ces derniers mois ont fait la démonstration scientifique que les visons pouvaient à la fois contracter le virus des humains et les infecter en retour, non sans fréquemment générer des mutations dans le processus. Mais il y a par-delà cette actualité, une longue histoire des maladies du vison, qui montre que cette espèce solitaire — comme tous les carnivores d’élevage, alors que les herbivores sont sociaux —, placée dans les conditions de promiscuité épouvantable des élevages, contracte des maladies multiples qui en font une menace sanitaire. Or, il y a trois mille élevages de visons chinois, dont certains dépassent les cent mille têtes, qui peuvent être à la source de l’actuelle pandémie. Il est donc incompréhensible qu’aucune recherche virale n’ait été publiée concernant ces animaux.</p>
<dl class="spip_document_33829 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/000_hkg10198036.jpg" title="Les visons — ici, chinois — peuvent à la fois contracter le virus des humains et les infecter en retour, non sans fréquemment générer des mutations dans le processus." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/000_hkg10198036-d06f1.jpg?1610124329" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/000_hkg10198036.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Les visons — ici, chinois — peuvent à la fois contracter le virus des humains et les infecter en retour, non sans fréquemment générer des mutations dans le processus.</strong></dt>
</dl>
<p>Quelques exemples du problème<small class="fine d-inline"> </small>? En 2011, un nouveau virus excrété par des visons d’élevage a été génétiquement mis en évidence dans une ferme du Hebei. Il semble être un réassortiment virulent de souches de virus humains et porcins habituellement bénignes. 100<small class="fine d-inline"> </small>% des visons étaient touchés, 5<small class="fine d-inline"> </small>% en mouraient. L’apparition d’encéphalopathie nécrosante chez deux enfants était susceptible d’être attribuée à cette recombinaison, et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3840883/" class="spip_out" rel="external">l’étude publiée par <i>Emerging infectious diseases</i></a> a conclu qu’il fallait se préparer à l’émergence de variantes plus virulentes.</p>
<p>En 2014, les visons d’une ferme du Shandong étaient victimes d’une épidémie de pseudorage d’origine porcine qui aboutit à la mort de 87<small class="fine d-inline"> </small>% des animaux et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5775606/" class="spip_out" rel="external">se propagea à l’ensemble de la province</a>. Les scientifiques qui avaient essayé d’évaluer l’ampleur de l’épidémie dans quatorze localités affirmaient dans leur publication que le virus avait un taux d’infection très élevé dans la région et que <i>«<small class="fine d-inline"> </small>cela pose un défi pour l’industrie de la fourrure<small class="fine d-inline"> </small>»</i>.</p>
<p>En 2015, une équipe (comprenant la virologue chinoise Shi Zhengli) a isolé et identifié des virus de chauve-souris <a href="https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jgv/10.1099/jgv.0.000314" class="spip_out" rel="external">étroitement liés aux virus humains, porcins et visonins</a>. Ce qui suggère des transmissions interspécifiques entre les chauves-souris et les humains ou les animaux.</p>
<p>En octobre 2016, une équipe du collège vétérinaire de Quingdao <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S037811351630565X?via%3Dihub" class="spip_out" rel="external">découvrait</a> que les visons du Shandong étaient contaminés par une grippe aviaire <span class="caps">H5N1</span> hautement pathogène.</p>
<p>En 2019, une autre équipe du même collège vétérinaire de Quindao a repéré dans les élevages de visons du Shandong l’émergence d’une co-infection mortelle du virus de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/maladie_de_Carr%C3%A9" class="spip_glossaire" rel="external">maladie de Carré</a> et de celui de la grippe <span class="caps">H1N1</span> porcine, donnant lieu à une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378113519311095" class="spip_out" rel="external">nouvelle souche <span class="caps">H1N1</span> dans les poumons infectés de ces mustélidés</a>.</p>
<p>Les visons d’élevage sont également des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-48255-5" class="spip_out" rel="external">hôtes intermédiaires possibles pour des variétés de grippe A</a> qui peuvent conduire au développement de souches pandémiques humaines par transmission directe ou indirecte. Ils hébergent parfois de manière épidémique le virus de l’hépatite E, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/tbed.12720" class="spip_out" rel="external">sans qu’on sache encore s’ils peuvent le transmettre aux humains</a>. Ils sont suivis pour l’<span class="caps">ESB</span> (encéphalite spongiforme bovine) en raison de leur régime en partie constitué de farines animales, etc.</p>
<p>Pour limiter les dégâts, les visons sont vaccinés contre les virus qui les affectent le plus couramment, comme le parvovirus de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/maladie_al%C3%A9outienne" class="spip_glossaire" rel="external">maladie aléoutienne</a>, hautement contagieux pour leur espèce et le virus de la maladie de Carré, transmissible depuis les canidés et aux canidés. Mammifères aux poumons fragiles, ils attrapent spontanément des pneumopathies, qu’ils propagent facilement car ils ont la particularité d’éternuer, tout comme les furets, eux aussi des mustélidés. Visons comme furets sont porteurs de coronavirus spécifiques, celui des furets étant appelé <i><a href="https://www.vetstream.com/treat/exotis/ferrets/diseases/ferret-systemic-coronavirus" class="spip_out" rel="external">«<small class="fine d-inline"> </small>systémique<small class="fine d-inline"> </small>»</a></i>, car il touche tous les organes, tandis que celui des visons est appelé <a href="https://europepmc.org/article/PMC/3168282" class="spip_out" rel="external">mink CoV (MCoV)</a> (mink est le mot anglais pour vison).</p>
<h3 class="spip">Les chauves-souris, attirées par les hangars d’élevage, défèquent… sur les cages</h3>
<p>Enfin, pour prendre la mesure du chaudron microbien que représentent ces élevages, notons que les visons chinois sont particulièrement concentrés dans la région du Shandong. Cette terre historique d’élevages pour la fourrure accueille des milliers d’exploitations, parfois en polyactivités. On l’a vu, quinze millions de visons s’y agglutinent (en plus de trois millions de chiens viverrins et de six millions de renards). La plupart se trouvent dans une zone grande comme un département français, qui s’étend vers le sud depuis la commune côtière de Weifang. Les animaux, entassés dans des conditions d’hygiène parfois effrayantes, y sont nourris en partie de poissons frais tirés de la mer Jaune, d’abats de volailles ou de porcs, de farines animales et des charognes de leurs congénères, au gré des dépeçages. La nourriture fraîche fortement protéinée est importante pour améliorer la qualité de leurs peaux. Leur existence, entièrement captive, est plutôt brève : les visons, par exemple, se reproduisent en mars, mettent bas en avril et les portées sont tuées entre la mi-novembre et la mi-décembre. Ne sont épargnés que les <i>«<small class="fine d-inline"> </small>étalons<small class="fine d-inline"> </small>»</i> et les femelles destinés à reproduire la génération suivante. Ces reproducteurs représentent néanmoins environ 12<small class="fine d-inline"> </small>% de l’effectif de chaque élevage, ce qui peut suffire à ce que d’éventuels pathogènes persistent.</p>
<dl class="spip_document_33826 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/png/screenshot_2021-01-08_fur_animals_and_products_beijing_china_-_peoples_republic_of_5-25-2010_pdf.png" title="Vente de fourrures au marché Sunning, dans la province de Hebei." type="image/png"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH534/screenshot_2021-01-08_fur_animals_and_products_beijing_china_-_peoples_republic_of_5-25-2010_pdf-fbf02.png?1610121751" alt=""><noscript><img src="IMG/png/screenshot_2021-01-08_fur_animals_and_products_beijing_china_-_peoples_republic_of_5-25-2010_pdf.png" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Vente de fourrures au marché Sunning, dans la province de Hebei.</strong></dt>
</dl>
<p>Ajoutons que le Shandong, territoire de moyenne montagne et de forêts, connu entre autre pour ses grottes, héberge de nombreuses espèces de chauves-souris, dont certaines, comme <i>Rhinolophus ferrumequinum</i>, <i>Myotis Fimbriatus</i> ou <i>Eptesicus Serotinus</i>, <a href="https://europepmc.org/article/PMC/6466186#B8-viruses-11-00210" class="spip_out" rel="external">sont porteuses de coronavirus</a>. Les chauves-souris sont attirées par les hangars d’élevage, qui leur fournissent un abri potentiel. Elles urinent et défèquent fréquemment sur tout ce qu’elles surplombent. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2018.00702/full" class="spip_out" rel="external">Des cages contenant des animaux par exemple</a>. De fait, on dispose donc dans le Shandong (même si c’est également le cas dans d’autres régions de Chine) de tous les ingrédients pour de formidables rencontres virales, des recombinaisons en tout genre et des émergences fulgurantes.</p>
<p>Un chiffre peu connu attire l’attention : en 2019, la province n’a récolté que 6,5 millions de peaux de visons, contre presque quinze l’année précédente. Quasiment neuf millions de visons volatilisés d’une année sur l’autre<small class="fine d-inline"> </small>! Une baisse de 55<small class="fine d-inline"> </small>%, propre à cette seule province, qui semble ne pouvoir s’expliquer que par une catastrophe ou un fléau brutal. Lequel<small class="fine d-inline"> </small>? Pourrait-il être sanitaire<small class="fine d-inline"> </small>? D’autant que les productions de peaux de renards (5,7 millions) et de chiens viverrins (trois millions) issues du même territoire sont, elles, restées parfaitement stables. Sollicitée à plusieurs reprises par <i>Reporterre</i> pour expliquer cette hécatombe, la China Leather Industry Association a laconiquement invoqué dans un courriel <i>«<small class="fine d-inline"> </small>un marché stagnant et une surproduction de peaux de visons<small class="fine d-inline"> </small>»</i> qui auraient conduit <i>«<small class="fine d-inline"> </small>la plupart des compagnies à quitter l’industrie<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Une explication qui semble insuffisante devant l’ampleur du séisme.</p>
<a name="image33839"></a>
<span class="spip_document_33839 spip_documents spip_documents_center">
<a href="IMG/jpg/visons_production_chine_v_500_pix.jpg" type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L500xH409/visons_production_chine_v_500_pix-c6255.jpg?1610142006" alt="Effondrement de la production de visons en 2019." title="Effondrement de la production de visons en 2019."><noscript><img src="IMG/jpg/visons_production_chine_v_500_pix.jpg" alt="Effondrement de la production de visons en 2019." title="Effondrement de la production de visons en 2019."></noscript></a></span><h3 class="spip">Tous les grands pays producteurs de peaux de visons ont été contaminés… sauf la Chine<small class="fine d-inline"> </small>? </h3>
<p>Quoiqu’il en soit, on peut s’étonner qu’officiellement aucune ferme intensive chinoise de visons n’ait été contaminée alors que l’Europe de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud, les États-Unis et le Canada sont touchés. Ce serait une étonnante anomalie : tous les <a href="https://reporterre.net/Malgre-les-risques-de-Covid-les-Etats-rechignent-a-arreter-l-elevage-de-visons" rel="external">grands pays producteurs auraient été frappés mais le principal ferait exception</a>, malgré <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2004.1492" class="spip_out" rel="external">les nombreux liens commerciaux et professionnels l’unissant à ses partenaires étrangers</a>, notamment l’Amérique, l’Europe du Nord et l’Italie.</p>
<p>En définitive, mustélidés, canidés et viverridés — les mammifères suspects pour tenir le rôle d’intermédiaire — sont les mêmes aujourd’hui que pour l’épidémie de Sars-CoV-1 en 2003-2004. Sauf que les civettes masquées sont désormais mille fois moins nombreuses dans le pays que les renards, les <i>raccoon dogs</i> et les visons élevés pour leur fourrure. Il paraît donc inconcevable pour l’établissement de la vérité et pour prévenir une future nouvelle pandémie que l’<span class="caps">OMS</span> ne commande pas une enquête serrée dans les élevages, au Shandong et ailleurs.</p>
<dl class="spip_document_33831 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/15568372922_77fad3e43c_k.jpg" title="Vente de renards et de chiens viverrins dans la province de Hebei, au marché de fourrures de Shangcun. " type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L720xH480/15568372922_77fad3e43c_k-c9166.jpg?1610129855" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/15568372922_77fad3e43c_k.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Vente de renards et de chiens viverrins dans la province de Hebei, au marché de fourrures de Shangcun. </strong></dt>
</dl>
<p>On comprend à la lecture du rapport préparatoire, malgré les perceptibles précautions diplomatiques vis-à-vis de la Chine, que l’intention est présente. Il est par exemple indiqué que la commission d’experts envisage notamment de <i>«<small class="fine d-inline"> </small>cartographier les chaînes d’approvisionnement de tous les animaux vendus sur le marché<small class="fine d-inline"> </small>»</i>, sauvages et domestiques, en vue d’identifier <i>«<small class="fine d-inline"> </small>des aires géographiques intéressantes pour effectuer des sérologies animales et humaines<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Exactement, donc, ce qui aurait dû être fait depuis un an : des recherches de virus dans et autour des élevages.</p>
<p>Hélas, l’<span class="caps">OMS</span>, après de multiples concessions à l’égard du régime chinois, a abandonné l’ambition de pratiquer directement le travail de terrain en signant un protocole qui délègue aux chercheurs locaux cette partie de l’enquête. La mission ne devrait même pas sortir de Wuhan et l’un de ses membres déclarait récemment à la revue <i><a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/pandemie-l-equipe-de-l-oms-en-chine-explorera-toutes-les-pistes_150361#xtor=CS2-37-%5BL'%C3%A9quipe%20de%20l'OMS%20sera%20en%20Chine%20en%20janvier%20pour%20explorer%20%22toutes%20les%20pistes%22%20sur%20l'origine%20du%20SARS-CoV-2" class="spip_out" rel="external">Science et Avenir</a></i> qu’il ne faut pas s’attendre <i>«<small class="fine d-inline"> </small>à ce que l’équipe revienne avec des résultats concluants<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Même ainsi désarmée, cette délégation semble continuer à poser problème à Pékin.</p>
<p>Le mur dressé par l’État chinois semble toutefois commencer à se lézarder. Le 8 janvier, <a href="https://science.sciencemag.org/content/371/6525/120" class="spip_out" rel="external">un article signé par des chercheurs chinois éminents</a>, en l’occurrence Zhengli Shi et Peng Zou, reconnaît pour la première fois dans les colonnes de la revue <i>Science</i> que le vison pourrait être l’hôte <i>«<small class="fine d-inline"> </small>du virus qui a engendré le Sars-CoV-2<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Les chercheurs suggèrent même de conduire <i>«<small class="fine d-inline"> </small>des investigations rétrospectives d’échantillons datant d’avant la pandémie chez les visons ou d’autres animaux susceptibles<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Les esprits suspicieux se demanderont pourquoi cette suggestion vient si tard, la sensibilité au Covid des visons étant connue depuis six mois, et si de tels échantillons existent encore. Les autres jugeront sans doute qu’il vaut mieux tard que jamais.</p>

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<title>Des chasseurs massacrent sadiquement des sangliers à l’arme blanche (archive) — David Larlet</title>
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<article>
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<h1>Des chasseurs massacrent sadiquement des sangliers à l’arme blanche</h1>
</header>
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</p>
</nav>
<hr>
<div class="texte">
<p><i>Pierre Rigaux est naturaliste, spécialiste des mammifères, et membre de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (<span class="caps">SFEPM</span>) et de Cap loup.</i></p>
<dl class="spip_document_33793 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="IMG/jpg/pierre_rigaux.jpg" title="Pierre Rigaux." type="image/jpeg"><img class="lazy" data-original="local/cache-vignettes/L450xH300/pierre_rigaux-6fd31.jpg?1609951691" alt=""><noscript><img src="IMG/jpg/pierre_rigaux.jpg" alt=""></noscript></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Pierre Rigaux.</strong></dt>
</dl><hr class="spip">
<p>Des sangliers traversés par des épieux, lacérés par des coups de dagues et autres couteaux, déchiquetés vivants par des chiens et agonisant lentement en hurlant : c’est ce qu’on peut voir dans les images que nous avons pu obtenir grâce à un lanceur d’alerte infiltré dans le milieu de la chasse. Ce sont le plus souvent les chasseurs eux-mêmes qui ont filmé leurs exploits et en ont fait profiter leurs amis. Ces images datent de 2018 à 2020 et proviennent de Nouvelle-Aquitaine, d’Occitanie, de Bourgogne-Franche-Comté, des Hauts-de-France, de Corse… La vidéo de douze minutes que nous diffusons <i>(voir ci-dessous)</i> enchaîne, les uns après les autres, vingt-deux actes de sévices et cruauté pratiqués par des chasseurs différents, de tous âges, montrant qu’il ne s’agit pas de cas isolés mais d’une pratique banale dans le milieu de la chasse aux sangliers.</p>
<p>Les chasseurs qu’on y voit ne se contentent pas de faire souffrir longuement les animaux. Ils s’en amusent. Ils rient, plaisantent, encouragent leurs chiens à infliger des dizaines ou des centaines de morsures aux sangliers en sang. Les épieux, ces lames montées au bout de longs manches métalliques, sont enfoncés de bon cœur. Une vraie corrida. Un sanglier crache du sang, comme un taureau dans l’arène. Ici, un chasseur laisse un couteau planté dans l’animal vivant<small class="fine d-inline"> </small>; là, un autre fait une blague douteuse sur le sanglier <i>«<small class="fine d-inline"> </small>aussi coriace que</i> [sa] <i>belle-mère<small class="fine d-inline"> </small>»,</i> car l’agonie de l’animal sous la dague fut, comme presque toujours, très longue.</p>
<h3 class="spip">Avant que le chasseur dégaine sa lame, le sanglier n’a déjà plus aucune chance de s’en sortir </h3>
<p>Cette forme de chasse repose sur ce que les chasseurs appellent <i>«<small class="fine d-inline"> </small>le ferme<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Ce terme désigne le moment où l’animal acculé ne peut plus s’enfuir et fait face pour tenter de sauver sa vie. C’est là qu’il y a subtilité réglementaire. L’utilisation des armes blanches n’est pas considérée par la loi comme un acte de chasse — entre parenthèses, elle ne nécessite donc pas de posséder le permis. Il s’agit officiellement d’un moyen d’achever un animal déjà mortellement blessé par un tir ou <i>«<small class="fine d-inline"> </small>aux abois<small class="fine d-inline"> </small>»,</i> qui ne peut plus s’enfuir.</p>
<p>Comme à la chasse à courre<small class="fine d-inline"> </small>? À la différence près que celle-ci se fait sans fusil avant l’hallali — le nom folklorique du <i>«<small class="fine d-inline"> </small>ferme<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Dans la chasse ordinaire, l’animal peut recevoir des balles tout au long de la partie. Les chasseurs n’étant pas des tireurs d’élite, car la très succincte formation au permis de chasse ne leur apporte pas de compétence en la matière, nombreux sont les animaux seulement blessés. Alors le législateur prévoit qu’on puisse utiliser des armes blanches en dernier recours si les malheureux sont rattrapés, <a href="La-proliferation-des-sangliers-un-casse-tete-ecologique" class="spip_in">pour qu’ils ne souffrent pas trop longtemps</a>.</p>

<ul class="spip"><li> <strong>La chasse à l’épieu (attention, certaines de ces images sont insoutenables)</strong></li></ul><p></p>

<p>Dans les faits, l’utilisation des épieux, dagues et couteaux est recherchée par une partie des chasseurs, amateurs de <a href="Le-naturaliste-Pierre-Rigaux-publie-des-nouvelles-images-de-deterrage-de-blaireaux" class="spip_in">meutes de chiens spécialisés, de sensations fortes et de corps à corps avec la bête</a>. Un rapprochement sans trop de risque pour l’homme, dans la mesure où la proie est le plus souvent déjà blessée et très affaiblie par une longue poursuite, par un ou plusieurs tirs et par les crocs d’une dizaine de chiens. Avant que le chasseur dégaine sa lame, le sanglier n’a déjà plus aucune chance de s’en sortir. Les pratiquants organisent leurs parties pour aboutir à ce moment considéré de bravoure pour les héros d’un jour, félicités par leurs camarades pour avoir terrassé l’animal.</p>
<h3 class="spip">Les scènes d’horreur absolue sont l’ordinaire de la chasse en France </h3>
<p><a href="https://www.franceinter.fr/emissions/camille-passe-au-vert/camille-passe-au-vert-05-janvier-2021" class="spip_out" rel="external">Interrogé par France Inter en réaction à ces images</a>, le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, considère que les pratiques en question sont <i>«<small class="fine d-inline"> </small>dans l’éthique normale de la chasse et du respect du vivant<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Il veut dire par là que, dans leur grandeur d’âme, les chasseurs abrègent les souffrances d’animaux blessés. Sans se demander pourquoi ils sont si nombreux. La réponse lui serait déplaisante : parce que les chasseurs sont incompétents et qu’en autorisant un million d’amateurs très mal formés à pratiquer un jeu basé sur la mise à mort dans la nature avec une arme à feu, les dommages collatéraux sont nécessairement gigantesques. Et l’autorisation des armes blanches dans les sous-bois, en toute discrétion, là où aucun agent de l’État n’ira vérifier pourquoi untel sort son épieu, permet la satisfaction de tous les sadismes ailleurs réprimés.</p>
<p>En reconnaissant la normalité des images que nous diffusons, le président des chasseurs confirme surtout que les scènes d’horreur absolue sont l’ordinaire de la chasse en France — c’est mon seul point d’accord avec lui<small class="fine d-inline"> </small>; pour le respect du vivant, on repassera… quand respecter ne sera plus confondu avec torturer, quand notre société n’acceptera plus qu’on puisse infliger des sévices à des animaux. Elle ne l’accepte théoriquement pas, s’agissant de certains d’entre eux. L’article 521-1 du Code pénal punit en effet de deux ans de prison et 30.000 € d’amende le fait d’exercer des sévices graves ou des actes de cruauté, mais ceci ne concerne que les <i>«<small class="fine d-inline"> </small>animaux domestiques ou apprivoisés ou tenus en captivité<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Nous proposons que ce délit soit élargi à l’ensemble des animaux dits <i>sentients,</i> qu’ils soient sauvages ou domestiques, libres ou non. Tous ressentent également la souffrance et rien n’impose de leur infliger gratuitement des sévices, en plus de les tuer.</p>

<p id="appeldon"></p>


<span class="bloc_lireaussi"><hr size="1"><b>Lire aussi : </b><a href="L-etre-humain-ne-devrait-pas-etre-l-alpha-et-l-omega-de-la-reflexion-sur-l" class="lireaussi">«<small class="fine d-inline"> </small>L’être humain ne devrait pas être l’alpha et l’oméga de la réflexion sur l’avenir de la planète<small class="fine d-inline"> </small>»</a></span>
<hr size="1"><p><strong>Source :</strong> Courriel à <i>Reporterre</i></p>
<p><strong>Photos :</strong> <br class="autobr">
. portrait : © <a href="https://mathieugenon.net/" class="spip_out" rel="external">Mathieu Génon/Hans Lucas</a>/<i>Reporterre</i></p>
<p><i>- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.<br class="autobr">
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.</i></p>
</div>
</article>


<hr>

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<div class="texte">
<p><i>Pierre Rigaux est naturaliste, spécialiste des mammifères, et membre de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (<span class="caps">SFEPM</span>) et de Cap loup.</i></p>
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<dt class="spip_doc_titre"><strong>Pierre Rigaux.</strong></dt>
</dl><hr class="spip">
<p>Des sangliers traversés par des épieux, lacérés par des coups de dagues et autres couteaux, déchiquetés vivants par des chiens et agonisant lentement en hurlant : c’est ce qu’on peut voir dans les images que nous avons pu obtenir grâce à un lanceur d’alerte infiltré dans le milieu de la chasse. Ce sont le plus souvent les chasseurs eux-mêmes qui ont filmé leurs exploits et en ont fait profiter leurs amis. Ces images datent de 2018 à 2020 et proviennent de Nouvelle-Aquitaine, d’Occitanie, de Bourgogne-Franche-Comté, des Hauts-de-France, de Corse… La vidéo de douze minutes que nous diffusons <i>(voir ci-dessous)</i> enchaîne, les uns après les autres, vingt-deux actes de sévices et cruauté pratiqués par des chasseurs différents, de tous âges, montrant qu’il ne s’agit pas de cas isolés mais d’une pratique banale dans le milieu de la chasse aux sangliers.</p>
<p>Les chasseurs qu’on y voit ne se contentent pas de faire souffrir longuement les animaux. Ils s’en amusent. Ils rient, plaisantent, encouragent leurs chiens à infliger des dizaines ou des centaines de morsures aux sangliers en sang. Les épieux, ces lames montées au bout de longs manches métalliques, sont enfoncés de bon cœur. Une vraie corrida. Un sanglier crache du sang, comme un taureau dans l’arène. Ici, un chasseur laisse un couteau planté dans l’animal vivant<small class="fine d-inline"> </small>; là, un autre fait une blague douteuse sur le sanglier <i>«<small class="fine d-inline"> </small>aussi coriace que</i> [sa] <i>belle-mère<small class="fine d-inline"> </small>»,</i> car l’agonie de l’animal sous la dague fut, comme presque toujours, très longue.</p>
<h3 class="spip">Avant que le chasseur dégaine sa lame, le sanglier n’a déjà plus aucune chance de s’en sortir </h3>
<p>Cette forme de chasse repose sur ce que les chasseurs appellent <i>«<small class="fine d-inline"> </small>le ferme<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Ce terme désigne le moment où l’animal acculé ne peut plus s’enfuir et fait face pour tenter de sauver sa vie. C’est là qu’il y a subtilité réglementaire. L’utilisation des armes blanches n’est pas considérée par la loi comme un acte de chasse — entre parenthèses, elle ne nécessite donc pas de posséder le permis. Il s’agit officiellement d’un moyen d’achever un animal déjà mortellement blessé par un tir ou <i>«<small class="fine d-inline"> </small>aux abois<small class="fine d-inline"> </small>»,</i> qui ne peut plus s’enfuir.</p>
<p>Comme à la chasse à courre<small class="fine d-inline"> </small>? À la différence près que celle-ci se fait sans fusil avant l’hallali — le nom folklorique du <i>«<small class="fine d-inline"> </small>ferme<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Dans la chasse ordinaire, l’animal peut recevoir des balles tout au long de la partie. Les chasseurs n’étant pas des tireurs d’élite, car la très succincte formation au permis de chasse ne leur apporte pas de compétence en la matière, nombreux sont les animaux seulement blessés. Alors le législateur prévoit qu’on puisse utiliser des armes blanches en dernier recours si les malheureux sont rattrapés, <a href="La-proliferation-des-sangliers-un-casse-tete-ecologique" class="spip_in">pour qu’ils ne souffrent pas trop longtemps</a>.</p>

<ul class="spip"><li> <strong>La chasse à l’épieu (attention, certaines de ces images sont insoutenables)</strong></li></ul><p></p>

<p>Dans les faits, l’utilisation des épieux, dagues et couteaux est recherchée par une partie des chasseurs, amateurs de <a href="Le-naturaliste-Pierre-Rigaux-publie-des-nouvelles-images-de-deterrage-de-blaireaux" class="spip_in">meutes de chiens spécialisés, de sensations fortes et de corps à corps avec la bête</a>. Un rapprochement sans trop de risque pour l’homme, dans la mesure où la proie est le plus souvent déjà blessée et très affaiblie par une longue poursuite, par un ou plusieurs tirs et par les crocs d’une dizaine de chiens. Avant que le chasseur dégaine sa lame, le sanglier n’a déjà plus aucune chance de s’en sortir. Les pratiquants organisent leurs parties pour aboutir à ce moment considéré de bravoure pour les héros d’un jour, félicités par leurs camarades pour avoir terrassé l’animal.</p>
<h3 class="spip">Les scènes d’horreur absolue sont l’ordinaire de la chasse en France </h3>
<p><a href="https://www.franceinter.fr/emissions/camille-passe-au-vert/camille-passe-au-vert-05-janvier-2021" class="spip_out" rel="external">Interrogé par France Inter en réaction à ces images</a>, le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, considère que les pratiques en question sont <i>«<small class="fine d-inline"> </small>dans l’éthique normale de la chasse et du respect du vivant<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Il veut dire par là que, dans leur grandeur d’âme, les chasseurs abrègent les souffrances d’animaux blessés. Sans se demander pourquoi ils sont si nombreux. La réponse lui serait déplaisante : parce que les chasseurs sont incompétents et qu’en autorisant un million d’amateurs très mal formés à pratiquer un jeu basé sur la mise à mort dans la nature avec une arme à feu, les dommages collatéraux sont nécessairement gigantesques. Et l’autorisation des armes blanches dans les sous-bois, en toute discrétion, là où aucun agent de l’État n’ira vérifier pourquoi untel sort son épieu, permet la satisfaction de tous les sadismes ailleurs réprimés.</p>
<p>En reconnaissant la normalité des images que nous diffusons, le président des chasseurs confirme surtout que les scènes d’horreur absolue sont l’ordinaire de la chasse en France — c’est mon seul point d’accord avec lui<small class="fine d-inline"> </small>; pour le respect du vivant, on repassera… quand respecter ne sera plus confondu avec torturer, quand notre société n’acceptera plus qu’on puisse infliger des sévices à des animaux. Elle ne l’accepte théoriquement pas, s’agissant de certains d’entre eux. L’article 521-1 du Code pénal punit en effet de deux ans de prison et 30.000 € d’amende le fait d’exercer des sévices graves ou des actes de cruauté, mais ceci ne concerne que les <i>«<small class="fine d-inline"> </small>animaux domestiques ou apprivoisés ou tenus en captivité<small class="fine d-inline"> </small>»</i>. Nous proposons que ce délit soit élargi à l’ensemble des animaux dits <i>sentients,</i> qu’ils soient sauvages ou domestiques, libres ou non. Tous ressentent également la souffrance et rien n’impose de leur infliger gratuitement des sévices, en plus de les tuer.</p>

<p id="appeldon"></p>


<span class="bloc_lireaussi"><hr size="1"><b>Lire aussi : </b><a href="L-etre-humain-ne-devrait-pas-etre-l-alpha-et-l-omega-de-la-reflexion-sur-l" class="lireaussi">«<small class="fine d-inline"> </small>L’être humain ne devrait pas être l’alpha et l’oméga de la réflexion sur l’avenir de la planète<small class="fine d-inline"> </small>»</a></span>
<hr size="1"><p><strong>Source :</strong> Courriel à <i>Reporterre</i></p>
<p><strong>Photos :</strong> <br class="autobr">
. portrait : © <a href="https://mathieugenon.net/" class="spip_out" rel="external">Mathieu Génon/Hans Lucas</a>/<i>Reporterre</i></p>
<p><i>- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas nécessairement celui de la rédaction.<br class="autobr">
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.</i></p>
</div>

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<title>Qui sont les dix auteurs de SF de la « Red Team » du ministère des Armées ? (archive) — David Larlet</title>
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<h1>Qui sont les dix auteurs de SF de la « Red Team » du ministère des Armées ?</h1>
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</p>
</nav>
<hr>
<p><span>Après une sélection draconienne parmi 600 candidatures, et plusieurs mois de réflexions, la grande muette va enfin s'envoler vers les étoiles ! La ministre des Armées Florence Parly a profité du Forum innovation défense vendredi 4 décembre pour lancer officiellement la Red Team. Derrière ce nom anglais, dix auteurs de science-fiction qui ont été recrutés pour imaginer les futures crises géopolitiques et ruptures technologiques impliquant les militaires. Des centaines de candidatures issues du monde culturel, scientifique et universitaire ont postulé pour rejoindre cette équipe d'une dizaine de personnes. Ce projet très médiatique a été lancé en 2019 par Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence d'innovation Défense (AID), affiliée à la Direction générale de l'armement (DGA).</span></p>

<p></p>

<p class="videoWrapper"><iframe src="https://www.youtube.com/embed/jRfp37FYVNc?info=1">VIDEO</iframe></p>

<p><span><span>D'après les scénarios, que nous avons lus en exclusivité (</span>et dont nous publierons les bonnes feuilles sur notre site Internet<span>), l'idée est d'anticiper des situations permettant à la <a href="/tags/france" class="surligner">France</a> de conserver une autonomie stratégique et opérationnelle aux horizons 2030 et 2060.</span> Ascenseur spatial, nation pirate ou encore réchauffement climatique se mêlent dans les textes produits lors de cette « saison zéro » (pilote du projet), qui seront prochainement publiés sur le site Internet dédié <a class="underline" href="https://redteamdefense.org" target="_blank" title="">redteamdefense.org</a>, contrairement aux textes des saisons suivantes qui devraient être classifiés.</span></p>

<p><span>C'est l'Université PSL (composée notamment de Mine <a href="/tags/paris" class="surligner">Paris</a>, l'Ecole normale supérieure, <span>l'Observatoire de Paris, </span>la Femis et l'université Paris-Dauphine) qui a la lourde tâche d'animer et de nourrir cette équipe sous la responsabilité de Cédric Denis-Remis, tout en faisant de la recherche sur la question. Le groupe est piloté par l'AID, l'état-major des armées (EMA), la DGA et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).</span></p>

<p><span><strong>Un casting 5 étoiles</strong></span></p>

<p><span>Les amoureux de science-fiction auront le plaisir ou la surprise de retrouver des noms qu'ils connaissent bien. Deux maîtres du space opera sont en tête du cortège : Laurent Genefort, très apprécié pour son cycle d'<em>Omale</em> ou sa trilogie <em>Spire</em>, et Romain Lucazeau, qui dans sa vie quotidienne est associé au cabinet Roland Berger. Il a récemment marqué les esprits grâce à son excellent diptyque <em>Latium</em> (plus de 50 000 exemplaires vendus, qui narrait la <span>geste de gigantesques vaisseaux conscients à la recherche de l'humanité perdue, à coups</span> de <span>scènes de batailles épiques et de réflexions philosophiques).</span></span></p>

<p><span>L'auteur de polar DOA (<em>Le Cycle clandestin</em>, <em>L'Honorable Société</em>), le scénariste de BD Xavier Dorison (<em>Troisième Testament, Le Château des animaux) </em>ou le romancier Xavier Mauméjean, qui vient de publier une impressionnante biographie sur Henry Darger, sont eux aussi de la partie. Impossible de ne pas évoquer le génial dessinateur du neuvième art <a href="/tags/francois-schuiten" class="surligner">François Schuiten</a> (Les Cités obscures), qui illustrera l'ensemble avec la jeune designeuse Jeanne </span>Bregeon<span>.</span></p>

<h3><strong><span>Polémique en ligne</span></strong></h3>

<p><span>L'université répond présente avec la participation de la sociologue Virginie Tournay, directrice de recherche et médaillée de bronze du CNRS. Membre de l'office parlementaire de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, elle avait écrit de la prospective avec <em>Civilisation 0.0</em> en 2019. Deux autres écrivains ont préféré garder l'anonymat en signant <a href="/tags/hermes" class="surligner">Hermes</a> et Capitaine Numericus afin d'éviter le harcèlement en ligne, les insultes ou les représailles pendant les salons. Largement antimilitariste, le milieu de la science-fiction, plutôt orienté à gauche, peut parfois se montrer féroce envers ce genre d'initiatives, par l'intermédiaire des forums ou des réseaux sociaux.</span></p>

<p class="BeOpWidget"></p>

<p><span>L'idée d'une Red Team est pourtant loin d'être nouvelle. L'administration Reagan, dans les années 1980, avait déjà fait appel à des plumes comme Robert A. Henlein (<em>Starship Troopers</em>), Poul Anderson (<em>La Patrouille du temps</em>) ou encore Larry Niven (<em>L'Anneau-Monde</em>). Leur travail est aujourd'hui encore classifié.</span></p>
</article>


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// in a infinite loop…
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</html>

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<p><span>Après une sélection draconienne parmi 600 candidatures, et plusieurs mois de réflexions, la grande muette va enfin s'envoler vers les étoiles ! La ministre des Armées Florence Parly a profité du Forum innovation défense vendredi 4 décembre pour lancer officiellement la Red Team. Derrière ce nom anglais, dix auteurs de science-fiction qui ont été recrutés pour imaginer les futures crises géopolitiques et ruptures technologiques impliquant les militaires. Des centaines de candidatures issues du monde culturel, scientifique et universitaire ont postulé pour rejoindre cette équipe d'une dizaine de personnes. Ce projet très médiatique a été lancé en 2019 par Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence d'innovation Défense (AID), affiliée à la Direction générale de l'armement (DGA).</span></p><p></p><p class="videoWrapper"><iframe src="https://www.youtube.com/embed/jRfp37FYVNc?info=1">VIDEO</iframe></p><p><span><span>D'après les scénarios, que nous avons lus en exclusivité (</span>et dont nous publierons les bonnes feuilles sur notre site Internet<span>), l'idée est d'anticiper des situations permettant à la <a href="/tags/france" class="surligner">France</a> de conserver une autonomie stratégique et opérationnelle aux horizons 2030 et 2060.</span> Ascenseur spatial, nation pirate ou encore réchauffement climatique se mêlent dans les textes produits lors de cette « saison zéro » (pilote du projet), qui seront prochainement publiés sur le site Internet dédié <a class="underline" href="https://redteamdefense.org" target="_blank" title="">redteamdefense.org</a>, contrairement aux textes des saisons suivantes qui devraient être classifiés.</span></p><p><span>C'est l'Université PSL (composée notamment de Mine <a href="/tags/paris" class="surligner">Paris</a>, l'Ecole normale supérieure, <span>l'Observatoire de Paris, </span>la Femis et l'université Paris-Dauphine) qui a la lourde tâche d'animer et de nourrir cette équipe sous la responsabilité de Cédric Denis-Remis, tout en faisant de la recherche sur la question. Le groupe est piloté par l'AID, l'état-major des armées (EMA), la DGA et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).</span></p><p><span><strong>Un casting 5 étoiles</strong></span></p><p><span>Les amoureux de science-fiction auront le plaisir ou la surprise de retrouver des noms qu'ils connaissent bien. Deux maîtres du space opera sont en tête du cortège : Laurent Genefort, très apprécié pour son cycle d'<em>Omale</em> ou sa trilogie <em>Spire</em>, et Romain Lucazeau, qui dans sa vie quotidienne est associé au cabinet Roland Berger. Il a récemment marqué les esprits grâce à son excellent diptyque <em>Latium</em> (plus de 50 000 exemplaires vendus, qui narrait la <span>geste de gigantesques vaisseaux conscients à la recherche de l'humanité perdue, à coups</span> de <span>scènes de batailles épiques et de réflexions philosophiques).</span></span></p><p><span>L'auteur de polar DOA (<em>Le Cycle clandestin</em>, <em>L'Honorable Société</em>), le scénariste de BD Xavier Dorison (<em>Troisième Testament, Le Château des animaux) </em>ou le romancier Xavier Mauméjean, qui vient de publier une impressionnante biographie sur Henry Darger, sont eux aussi de la partie. Impossible de ne pas évoquer le génial dessinateur du neuvième art <a href="/tags/francois-schuiten" class="surligner">François Schuiten</a> (Les Cités obscures), qui illustrera l'ensemble avec la jeune designeuse Jeanne </span>Bregeon<span>.</span></p><h3><strong><span>Polémique en ligne</span></strong></h3><p><span>L'université répond présente avec la participation de la sociologue Virginie Tournay, directrice de recherche et médaillée de bronze du CNRS. Membre de l'office parlementaire de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, elle avait écrit de la prospective avec <em>Civilisation 0.0</em> en 2019. Deux autres écrivains ont préféré garder l'anonymat en signant <a href="/tags/hermes" class="surligner">Hermes</a> et Capitaine Numericus afin d'éviter le harcèlement en ligne, les insultes ou les représailles pendant les salons. Largement antimilitariste, le milieu de la science-fiction, plutôt orienté à gauche, peut parfois se montrer féroce envers ce genre d'initiatives, par l'intermédiaire des forums ou des réseaux sociaux.</span></p><p class="BeOpWidget"></p><p><span>L'idée d'une Red Team est pourtant loin d'être nouvelle. L'administration Reagan, dans les années 1980, avait déjà fait appel à des plumes comme Robert A. Henlein (<em>Starship Troopers</em>), Poul Anderson (<em>La Patrouille du temps</em>) ou encore Larry Niven (<em>L'Anneau-Monde</em>). Leur travail est aujourd'hui encore classifié.</span></p>

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<title>L’emprise de la machine : une critique décroissanciste de la domination technique (archive) — David Larlet</title>
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<article>
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<h1>L’emprise de la machine : une critique décroissanciste de la domination technique</h1>
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<hr>
<p>Indépendamment de leurs allégeances politiques, beaucoup croient que la technique peut encore arranger les choses, nous sauver de la dévastation en cours.</p>

<p>Du côté de la droite conservatrice, nous retrouvons la croyance économique qu’un peu de croissance c’est polluant, mais beaucoup de croissance c’est propre. Le développement économique va permettre des innovations peu polluantes. L’argent des pipelines qu’on construit va finalement servir à sauver la nature.</p>

<p>Chez les progressistes, nous retrouvons plutôt l’opinion qui consiste à croire qu’il suffirait d’abolir le capitalisme pour abolir la mauvaise technique, c’est-à-dire celle qui est source d’exploitation, d’oppression, de misère et d’injustice. En somme, sans domination capitaliste, il serait possible d’orienter la technique vers le bien. Vers des idéaux de justice, d’équité et de solidarité.</p>

<p>Mais de quelle technique parlons-nous ici? De celle réellement existante, nécessitant la technoscience? De celle fantasmée, qui serait sans effet secondaire ou dommages collatéraux, mais qui malheureusement appartient à la science-fiction et est impossible à produire? Ou, plus humblement, de technique plus artisanale et de low tech? Quoi qu’il en soit, peu importe le régime politique, il y a des conséquences aux choix techniques. Les téléphones « intelligents » qui ont besoin de métaux rares et difficiles à recycler ne seront pas plus verts sous le socialisme.</p>

<h3><strong>Qu’est-ce que la technique?</strong></h3>

<p>La technique, c’est avant tout une dimension de l’action des êtres vivants en tant qu’adaptés aux contraintes empiriques de la réalité. Pour attraper des mouches, l’araignée fabrique sa toile. Elle possède une bonne technique de tissage. La technique ne s’oppose pas à la nature. La technique, c’est la ruse de l’animal. Certains animaux utilisent en effet des outils et se servent de techniques. Il s’agit donc essentiellement d’un phénomène non spécifique aux êtres humains. Certaines fourmis ont des techniques de culture de champignons, mais l’araignée et les fourmis ne possèdent pas de machines pour tisser et cultiver. Se servir d’outils et utiliser des machines, ce n’est pas du tout la même chose.</p>

<p>En fait, la technique ne devient un problème qu’à partir de l’ère industrielle et du moteur thermique; qu’à partir du moment où, au nom du progrès et de la raison, les machines ont remplacé les outils.</p>

<p>Il ne s’agit pas d’être technophobe. Il serait absurde de remettre en question les moyens que les animaux se donnent pour vivre. Il s’agit plutôt de distinguer entre la technique, entendue comme phénomène naturel, comme moyen au sens large, et la technique entendue comme phénomène associé à l’époque industrielle : la technique objectivée en tant que machine, la machine thermique, la machine à vapeur comme synthèse de la science et de la technique.</p>

<p>L’outil est une extension de la main, alors que la machine est, quant à elle, « émancipée de la limite organique que ne pouvait dépasser l’outil manuel » . La machine permet de dépasser en quelque sorte les limites du corps.</p>

<p>Le monde préindustriel était lui aussi un milieu technique pour l’humain, mais qui ne tendait pas à se substituer à la nature. Auparavant, comme le dit Mandosio « [l]e système des artefacts ne s’était pas encore imposé comme une seconde nature ». L’humanité avait d’autres projets que celui de remplacer la nature par un monde totalement artificiel. Mais aujourd’hui, « bien rares sont les activités [quotidiennes] qui n’ont pas besoin d’une machine » quelque part pour exister concrètement. Nous sommes devenus des créatures de la technique de plus en plus dépendantes de cette seconde nature.</p>

<h3><strong>Critique de la neutralité de la technique</strong></h3>

<p>Un des arguments philosophiques importants de la critique décroissanciste du machinisme et de la place croissante du high-tech concerne l’identification erronée de la technique moderne à un moyen neutre.</p>

<p>En effet, on entend souvent à propos des conséquences de telles ou telles techniques : le problème, ce n’est pas la technique, le problème c’est l’usage humain de la technique. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Bien entendu, un marteau peut servir à tuer quelqu’un ou à construire un hôpital. Ce n’est pas le fusil qui est dangereux, c’est l’homme derrière.</p>

<p>Mais malheureusement pour ceux qui la défendent, cette thèse ne tient pas la route. Nous ne sommes plus à l’époque des marteaux, à l’époque des outils qui ne se meuvent pas eux-mêmes (Aristote). Nous sommes à l’époque de machines produisant d’autres machines.</p>

<p>Les éléments et artefacts qui composent aujourd’hui notre environnement sont interdépendants. C’est pourquoi l’on ne peut plus considérer la technique comme un moyen. « Ce système des instruments est notre monde ». Les artefacts techniques qui composent ce monde ne sont pas des îles isolées. Votre téléphone cellulaire a besoin d’antennes, de satellites et de bien d’autres choses pour fonctionner.</p>

<p>La technique moderne est insécable; il est devenu impossible de parler de bonnes ou de mauvaises techniques, puisque qu’il existe une interdépendance entre les différents processus qui rendent possible l’existence des objets qui nous entourent.</p>

<p>C’est pourquoi il nous est désormais impossible de considérer les objets techniques, les machines produites par l’industrie comme des moyens. À vrai dire, aucune d’entre elles ne peut être isolée et détachée de l’ensemble du système des machines produites de manière industrielle. On a toujours affaire à des produits et à des objets techniques qui n’ont aucune existence indépendante, qui ne sont pas des objets insulaires, ni des outils neutres. « Acheter une voiture c’est, plutôt que d’acheter un objet, acheter une civilisation, c’est acheter aussi la route, le stationnement, les bétonnières et les règlements de la circulation ». Il faut sortir du mythe qui affirme que la technique ne vaut que par l’usage que l’on en fait, comme s’il y avait une bonne et une mauvaise utilisation de la voiture. Au contraire, la technique a des conséquences positives et négatives indépendamment de l’usage. Que je conduise ma voiture en ville ou en campagne, je pollue quand même.</p>

<h3><strong>Les limites du progrès technique</strong></h3>

<p>Selon Ellul, « Tout progrès technique implique aussi une perte, un coût ». Par exemple, la chimie de l’agriculture industrielle permet d’augmenter la production, mais détruit le sol. Les antennes relais sont un progrès dans les moyens de communication, mais ruinent le paysage. Sans compter que d’une manière générale, avec les machines, « nous devons payer en contraintes de fonctionnement ce que nos sociétés gagnent en liberté apparente au niveau de leurs objectifs. Plus la société est apparemment maîtresse de ses objectifs moins elle l’est de ses processus ». Les choix techniques d’une société ont des conséquences sur la contrainte sociale et l’assujettissement des individus.</p>

<p>« Le progrès technique soulève des problèmes plus difficiles que ceux qu’il résout ». L’aliénation des travailleurs en est un bon exemple : « Marx a parfaitement montré que la transformation des ouvriers en prolétariat est non seulement le fait de capitalistes qui veulent absolument augmenter leur profit, mais avant tout le résultat de la mécanisation et de la division du travail. C’est-à-dire deux progrès techniques ».</p>

<p>La crise écologique, démographique, sociale est également une conséquence du progrès technique et pas seulement du capitalisme. Et une émancipation éventuelle vis-à-vis de ce dernier n’est pas synonyme d’une libération de notre dépendance à la puissance que nous  procurent les machines.</p>

<p>« Les effets néfastes d’une technologie sont inséparables de ses effets positifs ». Il est plus facile d’illuminer les villes que de protéger ses habitants contre la pollution lumineuse.</p>

<p>Les solutions techniques produisent en général d’autres problèmes (ailleurs sur la planète ou plus tard dans le temps) qui conditionnent encore davantage d’interventions techniques, nous installant ainsi, de force, toujours un peu plus sur les rails d’une trajectoire technologique au destin catastrophique.</p>

<p>L’illusion d’un contrôle du monde par la technique crée toujours plus de nécessité de contrôle sur le monde. En tentant de résoudre les dégâts technologiques par d’autres innovations technologiques, on s’enfonce davantage dans la domination. La technique « n’est [alors] plus un simple moyen au service des objectifs et des valeurs de la collectivité, mais devient l’horizon indépassable du système ».</p>

<p>Si Kant « trouvait inconcevable que la marche de l’humanité pût ressembler à la construction d’une demeure que seule la dernière génération aurait le loisir d’habiter », de nos jours, cette ruse de l’histoire s’est inversée et ce sont plutôt les générations futures qui se destinent à ne pas pouvoir jouir autant que nous des bienfaits de la marche de la raison et du progrès.</p>

<p>Aujourd’hui, la célèbre formule de Marx, « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe, c’est de le transformer » est dépassée. Nous avons tellement transformé le monde par la technique et l’économie que nous pouvons de moins en moins y vivre humainement. Désormais, il ne s’agit plus de le transformer, mais de le conserver.</p>

<p>La technologie permet d’augmenter l’accès aux ressources et donc de faciliter le pillage. Elle permet de produire plus; plus vite, et d’accélérer la destruction. Avec les technologies de pointe nous pouvons vider les mers plus rapidement de leur poisson ou couper plus de bois dans une forêt. Malheureusement, il est plus facile de produire des satellites qui peuvent détecter les continents de plastique dans l’océan que de nettoyer l’océan de son plastique.</p>

<p>Déconstruisons notre imaginaire progressiste, car il y a beaucoup de problèmes qui ne peuvent pas et ne pourront jamais être résolus dans le cadre du développement technique. La nature est notamment constituée d’éléments (l’eau, un paysage…) qui ne peuvent être remplacés de façon satisfaisante par aucune avancée technologique.</p>

<p>C’est une illusion de croire, par exemple, que les énergies renouvelables de type solaire ou éolien peuvent remplacer les énergies fossiles sans diminuer radicalement notre consommation globale d’énergie, sans changer notre mode de vie, sans changer notre mode de production et de consommation. L’Anthropocène dévoile les limites de Prométhée.</p>

<h3><strong>Responsabilité et aliénation à l’ère de la machine</strong></h3>

<p>Marx avait déjà constaté que « la machine n’a plus rien de commun avec l’instrument du travailleur individuel. Elle se distingue tout à fait de l’outil qui transmet l’activité du travailleur à l’objet. En effet, l’activité se manifeste bien plutôt comme le seul fait de la machine, l’ouvrier surveillant l’action transmise par la machine aux matières premières et la protégeant contre les dérèglements ».</p>

<p>Si l’activité se manifeste comme le seul fait de la machine, ce n’est donc plus le travailleur qui agit. Ce point est capital. Car agir veut dire: être le sujet de son action. Être soi-même l’origine de son action. Obéir ou collaborer, ce n’est pas agir volontairement.</p>

<p>On voit donc ici que la machine implique une possession de l’activité. L’ouvrier est soumis au capital par la machine, car la machine qui est du travail humain passé, matérialisé, du travail mort, du capital, permet la soumission du travail concret, du travail vivant au travail abstrait au service de la valeur. Avec la machinerie, « le travail vivant se trouve subordonné au travail matérialisé, qui agit de manière autonome. Dès lors l’ouvrier est superflu », nous dit Marx.</p>

<p>Superflu n’a pas ici le sens de la disparition de l’ouvrier comme travailleur relégué au chômage, quoique ce ne soit pas incompatible, mais plutôt le sens de l’effacement du sujet responsable de son action. Superflu signifie dans cette situation, une perte d’autonomie du travailleur au profit des machines, de la technique.</p>

<p>Traditionnellement, agir ce n’est pas seulement collaborer ou être complice d’un déclenchement automatique. Comparativement, les machines semblent dissoudre l’action autonome, ou du moins, changer son lieu d’origine. C’est la technique qui devient autonome au sens où c’est elle qui recueille l’autonomie humaine. Autonomie veut dire ici que ce sont des machines qui produisent d’autres machines et les humains deviennent des appendices des machines, servent les machines et ne peuvent plus de ce fait agir dans un sens classique. Comme dit Freitag « c’est le système qui produit, alors que les êtres humains produisent le système de l’intérieur en en faisant immédiatement partie, en s’intégrant à son fonctionnement. On passe ainsi de l’activité humaine assistée par ordinateur, aux systèmes informatisés assistés par des êtres humains ».</p>

<p>Cette situation a des conséquences normatives importantes. L’éthique traditionnelle portant sur la moralité des actions devient obsolète puisque les actions sous le règne des machines se font de plus en plus rares, remplacées par une collaboration, un travail au service de la machine. Nous nous retrouvons en déficit d’éthique par cause d’actes qui n’en sont pas vraiment et d’impacts,  plus grands que leurs causes. Par exemple, allumer l’interrupteur participe de l’écocide. Quelle est la différence alors entre allumer l’interrupteur et être complice de l’industrie? Le crime contre le climat n’est que l’effet de notre consommation quotidienne à l’échelle globale, une externalité, en somme, de l’utilisation des machines.</p>

<p>La médiation des machines ne nous permet plus de savoir ce que l’on fait. Il existe un abîme entre ce que nous pouvons faire et ressentir, une distance entre ce que nous pouvons modifier et ce dont nous pouvons prendre conscience. Nous ne pouvons assumer les conséquences de nos actions. Se procurer un cellulaire c’est aussi en toute innocence « exploiter des mineurs au Congo, détruire des forêts primaires de Papouasie, enrichir des oligarques russes, polluer des nappes phréatiques chinoises ».<strong> </strong>La technique et la division du travail diluent la responsabilité. « Divisée par mille la saleté est propre ».</p>

<p>Nous ne pouvons plus penser ce que nous pouvons faire avec un clic de souris. Nul besoin de haine pour faire du mal, le négatif s’introduit par les réseaux. Par exemple, écouter une émission, taper des mots sur Google, bref, n’importe quoi d’accompli dans le temps libre dans le monde virtuel aujourd’hui peut être potentiellement une information vendue pour de la publicité ciblée au bénéfice de la reproduction du capitalisme cybernétique. La vie humaine devenant ainsi instrumentalisée par la machine.</p>

<p>Un des aspects déterminants des machines c’est que leur fonctionnement nécessite des soins qui transforment la société tout entière. Il faut les approvisionner grâce à des réseaux de plus en plus complexes. La rationalisation et le contrôle social suivent la production des machines. Comme le résume Anders « le bon fonctionnement d’une machine requiert irrévocablement le devenir machine de son contexte de production » c’est-à-dire de la société.</p>

<p>Au nom de l’efficacité, la machine transforme la société à son image et dissout l’altérité. Il n’y a plus partout que des miroirs de cette seconde nature technique de nous-mêmes. La puissance du rationnel se retourne dangereusement en rationalité de la puissance au service de procès sans sujet, sans paroles et sans légitimité. Un danger d’enfermement et de solipsisme technologique nous guette.</p>

<p>Bien que la parole humaine et la vie politique aient encore un sens dans la société technocratique, celui-ci est de moins en moins utile et nécessaire à la reproduction d’ensemble de la société puisque nous pouvons « produire des instruments à travers le fonctionnement desquels nous nous rendons superflus, nous nous éliminons, nous nous  « liquidons » ».</p>

<p>Les algorithmes qui cadencent les marchés et les robots qui s’appliquent à la bourse impliquent une reproduction de la société qui s’effectue « sans nous ». Par ces machines interconnectées, le monde se reproduit au-dessus de nos têtes.</p>

<p>Dans l’état actuel « le développement du système des machines échappe à tout contrôle direct de notre volonté, à toute expression de notre désir, à tout engagement de notre responsabilité ». Pour leur mise en place, les machines préfèrent l’extériorité brutale des régulations de la technique et de l’économie autonomisées aux délibérations démocratiques.</p>

<p>Pourtant la technique, comme l’économie, c’est aussi une affaire politique qui concerne la cité. Les questions d’intérêts publics ne doivent plus être liées seulement (comme dans la gauche progressiste traditionnelle) à qui produit (rapport de classes) et comment on produit (rapport de production). On doit aussi interroger la légitimité de ce que l’on produit matériellement dans nos sociétés thermo-industrielles.</p>

<h3><strong>L’alternative à l’hégémonie sociale du machinisme : les low-tech</strong></h3>

<p>Parmi les propositions que la décroissance avance pour réduire notre empreinte écologique, les inégalités sociales, et notre aliénation il y a le développement des low tech ou basse technologie. Le high-tech et ses effets délétères sur la nature et la société ne sont pas un destin. Il faut concevoir qu’il est possible de se déplacer sans pétrole, de se loger sans ciment, de se nourrir sans agriculture industrielle, et de s’instruire avec un livre.</p>

<p>Les critères pour définir une basse technologie sont le respect des valeurs de la décroissance : une technique qui a peu d’impact sur le système terre; une technique conviviale et égalitaire non dominatrice et une technique favorisant notre autonomie, favorisant l’autoproduction.</p>

<p>Le low tech se doit d’être soutenable pour l’environnement. Une technique soutenable, c’est une technique qui n’utilise pas de ressources non renouvelables ou non recyclables et qui ne produit pas de déchets non absorbables ou récupérables. C’est une technique qui ne produit pas d’externalités négatives. C’est-à-dire que son utilisation par certains ne nuit pas aux autres. Par exemple, en me déplaçant à bicyclette, je n’inflige pas aux autres les conséquences négatives de la pollution atmosphérique puisque ce moyen de déplacement n’en produit pas à l’usage. Par contre, en utilisant une voiture je nuis à tout le monde. André Gorz résume bien ce qui doit orienter la production et la technique : « Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d’être produit ce qui ne privilégie ni n’abaisse personne ». Mais même si elles sont soutenables et ne provoquent pas d’injustice, pour ne pas être qualifiées d’aliénantes et respecter les critères de la décroissance, il importe que ces techniques ne nous remplacent pas, ne travaillent pas à notre place, et ne prennent pas toute la place. Développées avec des moyens locaux, elles sont simples, recyclables, réparables; modulables, contrôlables, conviviales, sobres en ressources et économes en énergie. Ce sont des outils permettant de développer l’autoproduction et l’autonomie de leurs utilisateurs, bref, de favoriser une liberté nouvelle, indépendante de la propriété et de la puissance.</p>
</article>


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<p>Indépendamment de leurs allégeances politiques, beaucoup croient que la technique peut encore arranger les choses, nous sauver de la dévastation en cours.</p>



<p>Du côté de la droite conservatrice, nous retrouvons la croyance économique qu’un peu de croissance c’est polluant, mais beaucoup de croissance c’est propre. Le développement économique va permettre des innovations peu polluantes. L’argent des pipelines qu’on construit va finalement servir à sauver la nature.</p>



<p>Chez les progressistes, nous retrouvons plutôt l’opinion qui consiste à croire qu’il suffirait d’abolir le capitalisme pour abolir la mauvaise technique, c’est-à-dire celle qui est source d’exploitation, d’oppression, de misère et d’injustice. En somme, sans domination capitaliste, il serait possible d’orienter la technique vers le bien. Vers des idéaux de justice, d’équité et de solidarité.</p>



<p>Mais de quelle technique parlons-nous ici? De celle réellement existante, nécessitant la technoscience? De celle fantasmée, qui serait sans effet secondaire ou dommages collatéraux, mais qui malheureusement appartient à la science-fiction et est impossible à produire? Ou, plus humblement, de technique plus artisanale et de low tech? Quoi qu’il en soit, peu importe le régime politique, il y a des conséquences aux choix techniques. Les téléphones « intelligents » qui ont besoin de métaux rares et difficiles à recycler ne seront pas plus verts sous le socialisme.</p>



<h3><strong>Qu’est-ce que la technique?</strong></h3>



<p>La technique, c’est avant tout une dimension de l’action des êtres vivants en tant qu’adaptés aux contraintes empiriques de la réalité. Pour attraper des mouches, l’araignée fabrique sa toile. Elle possède une bonne technique de tissage. La technique ne s’oppose pas à la nature. La technique, c’est la ruse de l’animal. Certains animaux utilisent en effet des outils et se servent de techniques. Il s’agit donc essentiellement d’un phénomène non spécifique aux êtres humains. Certaines fourmis ont des techniques de culture de champignons, mais l’araignée et les fourmis ne possèdent pas de machines pour tisser et cultiver. Se servir d’outils et utiliser des machines, ce n’est pas du tout la même chose.</p>



<p>En fait, la technique ne devient un problème qu’à partir de l’ère industrielle et du moteur thermique; qu’à partir du moment où, au nom du progrès et de la raison, les machines ont remplacé les outils.</p>



<p>Il ne s’agit pas d’être technophobe. Il serait absurde de remettre en question les moyens que les animaux se donnent pour vivre. Il s’agit plutôt de distinguer entre la technique, entendue comme phénomène naturel, comme moyen au sens large, et la technique entendue comme phénomène associé à l’époque industrielle : la technique objectivée en tant que machine, la machine thermique, la machine à vapeur comme synthèse de la science et de la technique.</p>



<p>L’outil est une extension de la main, alors que la machine est, quant à elle, « émancipée de la limite organique que ne pouvait dépasser l’outil manuel » . La machine permet de dépasser en quelque sorte les limites du corps.</p>



<p>Le monde préindustriel était lui aussi un milieu technique pour l’humain, mais qui ne tendait pas à se substituer à la nature. Auparavant, comme le dit Mandosio « [l]e système des artefacts ne s’était pas encore imposé comme une seconde nature ». L’humanité avait d’autres projets que celui de remplacer la nature par un monde totalement artificiel. Mais aujourd’hui, « bien rares sont les activités [quotidiennes] qui n’ont pas besoin d’une machine » quelque part pour exister concrètement. Nous sommes devenus des créatures de la technique de plus en plus dépendantes de cette seconde nature.</p>



<h3><strong>Critique de la neutralité de la technique</strong></h3>



<p>Un des arguments philosophiques importants de la critique décroissanciste du machinisme et de la place croissante du high-tech concerne l’identification erronée de la technique moderne à un moyen neutre.</p>



<p>En effet, on entend souvent à propos des conséquences de telles ou telles techniques : le problème, ce n’est pas la technique, le problème c’est l’usage humain de la technique. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Bien entendu, un marteau peut servir à tuer quelqu’un ou à construire un hôpital. Ce n’est pas le fusil qui est dangereux, c’est l’homme derrière.</p>



<p>Mais malheureusement pour ceux qui la défendent, cette thèse ne tient pas la route. Nous ne sommes plus à l’époque des marteaux, à l’époque des outils qui ne se meuvent pas eux-mêmes (Aristote). Nous sommes à l’époque de machines produisant d’autres machines.</p>



<p>Les éléments et artefacts qui composent aujourd’hui notre environnement sont interdépendants. C’est pourquoi l’on ne peut plus considérer la technique comme un moyen. « Ce système des instruments est notre monde ». Les artefacts techniques qui composent ce monde ne sont pas des îles isolées. Votre téléphone cellulaire a besoin d’antennes, de satellites et de bien d’autres choses pour fonctionner.</p>



<p>La technique moderne est insécable; il est devenu impossible de parler de bonnes ou de mauvaises techniques, puisque qu’il existe une interdépendance entre les différents processus qui rendent possible l’existence des objets qui nous entourent.</p>



<p>C’est pourquoi il nous est désormais impossible de considérer les objets techniques, les machines produites par l’industrie comme des moyens. À vrai dire, aucune d’entre elles ne peut être isolée et détachée de l’ensemble du système des machines produites de manière industrielle. On a toujours affaire à des produits et à des objets techniques qui n’ont aucune existence indépendante, qui ne sont pas des objets insulaires, ni des outils neutres. « Acheter une voiture c’est, plutôt que d’acheter un objet, acheter une civilisation, c’est acheter aussi la route, le stationnement, les bétonnières et les règlements de la circulation ». Il faut sortir du mythe qui affirme que la technique ne vaut que par l’usage que l’on en fait, comme s’il y avait une bonne et une mauvaise utilisation de la voiture. Au contraire, la technique a des conséquences positives et négatives indépendamment de l’usage. Que je conduise ma voiture en ville ou en campagne, je pollue quand même.</p>



<h3><strong>Les limites du progrès technique</strong></h3>



<p>Selon Ellul, « Tout progrès technique implique aussi une perte, un coût ». Par exemple, la chimie de l’agriculture industrielle permet d’augmenter la production, mais détruit le sol. Les antennes relais sont un progrès dans les moyens de communication, mais ruinent le paysage. Sans compter que d’une manière générale, avec les machines, « nous devons payer en contraintes de fonctionnement ce que nos sociétés gagnent en liberté apparente au niveau de leurs objectifs. Plus la société est apparemment maîtresse de ses objectifs moins elle l’est de ses processus ». Les choix techniques d’une société ont des conséquences sur la contrainte sociale et l’assujettissement des individus.</p>



<p>« Le progrès technique soulève des problèmes plus difficiles que ceux qu’il résout ». L’aliénation des travailleurs en est un bon exemple : « Marx a parfaitement montré que la transformation des ouvriers en prolétariat est non seulement le fait de capitalistes qui veulent absolument augmenter leur profit, mais avant tout le résultat de la mécanisation et de la division du travail. C’est-à-dire deux progrès techniques ».</p>



<p>La crise écologique, démographique, sociale est également une conséquence du progrès technique et pas seulement du capitalisme. Et une émancipation éventuelle vis-à-vis de ce dernier n’est pas synonyme d’une libération de notre dépendance à la puissance que nous  procurent les machines.</p>



<p>« Les effets néfastes d’une technologie sont inséparables de ses effets positifs ». Il est plus facile d’illuminer les villes que de protéger ses habitants contre la pollution lumineuse.</p>



<p>Les solutions techniques produisent en général d’autres problèmes (ailleurs sur la planète ou plus tard dans le temps) qui conditionnent encore davantage d’interventions techniques, nous installant ainsi, de force, toujours un peu plus sur les rails d’une trajectoire technologique au destin catastrophique.</p>



<p>L’illusion d’un contrôle du monde par la technique crée toujours plus de nécessité de contrôle sur le monde. En tentant de résoudre les dégâts technologiques par d’autres innovations technologiques, on s’enfonce davantage dans la domination. La technique « n’est [alors] plus un simple moyen au service des objectifs et des valeurs de la collectivité, mais devient l’horizon indépassable du système ».</p>



<p>Si Kant « trouvait inconcevable que la marche de l’humanité pût ressembler à la construction d’une demeure que seule la dernière génération aurait le loisir d’habiter », de nos jours, cette ruse de l’histoire s’est inversée et ce sont plutôt les générations futures qui se destinent à ne pas pouvoir jouir autant que nous des bienfaits de la marche de la raison et du progrès.</p>



<p>Aujourd’hui, la célèbre formule de Marx, « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe, c’est de le transformer » est dépassée. Nous avons tellement transformé le monde par la technique et l’économie que nous pouvons de moins en moins y vivre humainement. Désormais, il ne s’agit plus de le transformer, mais de le conserver.</p>



<p>La technologie permet d’augmenter l’accès aux ressources et donc de faciliter le pillage. Elle permet de produire plus; plus vite, et d’accélérer la destruction. Avec les technologies de pointe nous pouvons vider les mers plus rapidement de leur poisson ou couper plus de bois dans une forêt. Malheureusement, il est plus facile de produire des satellites qui peuvent détecter les continents de plastique dans l’océan que de nettoyer l’océan de son plastique.</p>



<p>Déconstruisons notre imaginaire progressiste, car il y a beaucoup de problèmes qui ne peuvent pas et ne pourront jamais être résolus dans le cadre du développement technique. La nature est notamment constituée d’éléments (l’eau, un paysage…) qui ne peuvent être remplacés de façon satisfaisante par aucune avancée technologique.</p>



<p>C’est une illusion de croire, par exemple, que les énergies renouvelables de type solaire ou éolien peuvent remplacer les énergies fossiles sans diminuer radicalement notre consommation globale d’énergie, sans changer notre mode de vie, sans changer notre mode de production et de consommation. L’Anthropocène dévoile les limites de Prométhée.</p>



<h3><strong>Responsabilité et aliénation à l’ère de la machine</strong></h3>



<p>Marx avait déjà constaté que « la machine n’a plus rien de commun avec l’instrument du travailleur individuel. Elle se distingue tout à fait de l’outil qui transmet l’activité du travailleur à l’objet. En effet, l’activité se manifeste bien plutôt comme le seul fait de la machine, l’ouvrier surveillant l’action transmise par la machine aux matières premières et la protégeant contre les dérèglements ».</p>



<p>Si l’activité se manifeste comme le seul fait de la machine, ce n’est donc plus le travailleur qui agit. Ce point est capital. Car agir veut dire: être le sujet de son action. Être soi-même l’origine de son action. Obéir ou collaborer, ce n’est pas agir volontairement.</p>



<p>On voit donc ici que la machine implique une possession de l’activité. L’ouvrier est soumis au capital par la machine, car la machine qui est du travail humain passé, matérialisé, du travail mort, du capital, permet la soumission du travail concret, du travail vivant au travail abstrait au service de la valeur. Avec la machinerie, « le travail vivant se trouve subordonné au travail matérialisé, qui agit de manière autonome. Dès lors l’ouvrier est superflu », nous dit Marx.</p>



<p>Superflu n’a pas ici le sens de la disparition de l’ouvrier comme travailleur relégué au chômage, quoique ce ne soit pas incompatible, mais plutôt le sens de l’effacement du sujet responsable de son action. Superflu signifie dans cette situation, une perte d’autonomie du travailleur au profit des machines, de la technique.</p>



<p>Traditionnellement, agir ce n’est pas seulement collaborer ou être complice d’un déclenchement automatique. Comparativement, les machines semblent dissoudre l’action autonome, ou du moins, changer son lieu d’origine. C’est la technique qui devient autonome au sens où c’est elle qui recueille l’autonomie humaine. Autonomie veut dire ici que ce sont des machines qui produisent d’autres machines et les humains deviennent des appendices des machines, servent les machines et ne peuvent plus de ce fait agir dans un sens classique. Comme dit Freitag « c’est le système qui produit, alors que les êtres humains produisent le système de l’intérieur en en faisant immédiatement partie, en s’intégrant à son fonctionnement. On passe ainsi de l’activité humaine assistée par ordinateur, aux systèmes informatisés assistés par des êtres humains ».</p>



<p>Cette situation a des conséquences normatives importantes. L’éthique traditionnelle portant sur la moralité des actions devient obsolète puisque les actions sous le règne des machines se font de plus en plus rares, remplacées par une collaboration, un travail au service de la machine. Nous nous retrouvons en déficit d’éthique par cause d’actes qui n’en sont pas vraiment et d’impacts,  plus grands que leurs causes. Par exemple, allumer l’interrupteur participe de l’écocide. Quelle est la différence alors entre allumer l’interrupteur et être complice de l’industrie? Le crime contre le climat n’est que l’effet de notre consommation quotidienne à l’échelle globale, une externalité, en somme, de l’utilisation des machines.</p>



<p>La médiation des machines ne nous permet plus de savoir ce que l’on fait. Il existe un abîme entre ce que nous pouvons faire et ressentir, une distance entre ce que nous pouvons modifier et ce dont nous pouvons prendre conscience. Nous ne pouvons assumer les conséquences de nos actions. Se procurer un cellulaire c’est aussi en toute innocence « exploiter des mineurs au Congo, détruire des forêts primaires de Papouasie, enrichir des oligarques russes, polluer des nappes phréatiques chinoises ».<strong> </strong>La technique et la division du travail diluent la responsabilité. « Divisée par mille la saleté est propre ».</p>



<p>Nous ne pouvons plus penser ce que nous pouvons faire avec un clic de souris. Nul besoin de haine pour faire du mal, le négatif s’introduit par les réseaux. Par exemple, écouter une émission, taper des mots sur Google, bref, n’importe quoi d’accompli dans le temps libre dans le monde virtuel aujourd’hui peut être potentiellement une information vendue pour de la publicité ciblée au bénéfice de la reproduction du capitalisme cybernétique. La vie humaine devenant ainsi instrumentalisée par la machine.</p>



<p>Un des aspects déterminants des machines c’est que leur fonctionnement nécessite des soins qui transforment la société tout entière. Il faut les approvisionner grâce à des réseaux de plus en plus complexes. La rationalisation et le contrôle social suivent la production des machines. Comme le résume Anders « le bon fonctionnement d’une machine requiert irrévocablement le devenir machine de son contexte de production » c’est-à-dire de la société.</p>



<p>Au nom de l’efficacité, la machine transforme la société à son image et dissout l’altérité. Il n’y a plus partout que des miroirs de cette seconde nature technique de nous-mêmes. La puissance du rationnel se retourne dangereusement en rationalité de la puissance au service de procès sans sujet, sans paroles et sans légitimité. Un danger d’enfermement et de solipsisme technologique nous guette.</p>



<p>Bien que la parole humaine et la vie politique aient encore un sens dans la société technocratique, celui-ci est de moins en moins utile et nécessaire à la reproduction d’ensemble de la société puisque nous pouvons « produire des instruments à travers le fonctionnement desquels nous nous rendons superflus, nous nous éliminons, nous nous  « liquidons » ».</p>



<p>Les algorithmes qui cadencent les marchés et les robots qui s’appliquent à la bourse impliquent une reproduction de la société qui s’effectue « sans nous ». Par ces machines interconnectées, le monde se reproduit au-dessus de nos têtes.</p>



<p>Dans l’état actuel « le développement du système des machines échappe à tout contrôle direct de notre volonté, à toute expression de notre désir, à tout engagement de notre responsabilité ». Pour leur mise en place, les machines préfèrent l’extériorité brutale des régulations de la technique et de l’économie autonomisées aux délibérations démocratiques.</p>



<p>Pourtant la technique, comme l’économie, c’est aussi une affaire politique qui concerne la cité. Les questions d’intérêts publics ne doivent plus être liées seulement (comme dans la gauche progressiste traditionnelle) à qui produit (rapport de classes) et comment on produit (rapport de production). On doit aussi interroger la légitimité de ce que l’on produit matériellement dans nos sociétés thermo-industrielles.</p>



<h3><strong>L’alternative à l’hégémonie sociale du machinisme : les low-tech</strong></h3>



<p>Parmi les propositions que la décroissance avance pour réduire notre empreinte écologique, les inégalités sociales, et notre aliénation il y a le développement des low tech ou basse technologie. Le high-tech et ses effets délétères sur la nature et la société ne sont pas un destin. Il faut concevoir qu’il est possible de se déplacer sans pétrole, de se loger sans ciment, de se nourrir sans agriculture industrielle, et de s’instruire avec un livre.</p>



<p>Les critères pour définir une basse technologie sont le respect des valeurs de la décroissance : une technique qui a peu d’impact sur le système terre; une technique conviviale et égalitaire non dominatrice et une technique favorisant notre autonomie, favorisant l’autoproduction.</p>



<p>Le low tech se doit d’être soutenable pour l’environnement. Une technique soutenable, c’est une technique qui n’utilise pas de ressources non renouvelables ou non recyclables et qui ne produit pas de déchets non absorbables ou récupérables. C’est une technique qui ne produit pas d’externalités négatives. C’est-à-dire que son utilisation par certains ne nuit pas aux autres. Par exemple, en me déplaçant à bicyclette, je n’inflige pas aux autres les conséquences négatives de la pollution atmosphérique puisque ce moyen de déplacement n’en produit pas à l’usage. Par contre, en utilisant une voiture je nuis à tout le monde. André Gorz résume bien ce qui doit orienter la production et la technique : « Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d’être produit ce qui ne privilégie ni n’abaisse personne ». Mais même si elles sont soutenables et ne provoquent pas d’injustice, pour ne pas être qualifiées d’aliénantes et respecter les critères de la décroissance, il importe que ces techniques ne nous remplacent pas, ne travaillent pas à notre place, et ne prennent pas toute la place. Développées avec des moyens locaux, elles sont simples, recyclables, réparables; modulables, contrôlables, conviviales, sobres en ressources et économes en énergie. Ce sont des outils permettant de développer l’autoproduction et l’autonomie de leurs utilisateurs, bref, de favoriser une liberté nouvelle, indépendante de la propriété et de la puissance.</p>

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