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- title: Épuiser la pratique
- url: https://www.quaternum.net/2020/02/29/epuiser-la-pratique/
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- <p>Un accident artistique.</p>
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- <p><img src="https://www.quaternum.net/images/2019-epuiser-01.jpg" alt=""></p>
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- <p>L’idée était venue presque par hasard.
- Profiter de deux mois dans une autre ville pour produire quelque chose.
- Avec une contrainte à s’imposer, et une certaine dimension de régularité.
- Le carnet comme support.
- Même si l’exploration de l’intime est souvent attirante l’écriture n’était pas une option viable à ce moment-là.
- Apprendre à dessiner.
- En deux mois
- Chaque jour.
- Projet saugrenu dont il était facile de se détacher, au besoin.</p>
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- <p>L’expérience passe vite.
- Dans la douleur et dans la satisfaction.
- Les progrès sont rapides, le style s’affirme vite, le résultat est palpable.
- Montrable aussi.
- Pourquoi ne pas continuer, comme une opportunité de créer, avec de maigres moyens mais un horizon flamboyant.
- Transcrire un bâtiment, proposer un cadrage, rendre compte de la ville, capter les détails, garder une trace.
- Dessiner dehors, s’appuyer sur le regard.
- L’atelier est le carnet.
- Dessiner sur une table est exclu.</p>
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- <p>Dessiner au moins une fois par jour, remplir le carnet, chercher le trait juste.
- La répétition comme moyen d’aboutir à un moment de félicité : un geste graphique et artistique remarquable, sinon parfait.
- Parfois quelques détours, comme ajouter de la couleur, modifier le rythme du trait, changer de format, trouver une autre technique, mais toujours créer dans un geste continu, sans casser l’intention.
- Pas de crayonné, mais un trait noir indélébile.
- Pas de feuille volante, mais un carnet dont les pages sont reliées.
- Garder la rature si elle advient, conserver les ébauches, archiver les échecs.
- Tout ça, mélangé.</p>
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- <p>Forcément ça implique d’investir sa personne.
- Marcher longtemps avant de trouver le détail qui attire l’œil, ou le modèle qui sera reproductible.
- Et le corps dans tout ça : rester assis presque une heure dans une position inconfortable, négocier avec le froid l’hiver, et parfois entrer en conflit.
- Accroupi près d’une usine, ça surprend.
- Pas d’intérêt pour le tracteur autre que sa représentation.
- Quelques points de suture après avoir dessiné une carcasse de voiture derrière un camp de fortune.
- Non il n’était pas question de voler des enfants, juste dessiner.
- Et les nombreuses sollicitations qui se veulent bienveillantes.
- C’est joli, c’est beau.
- Pourtant le dessin pour le dessin, être son propre lecteur.
- Le reste est autre chose, possible, mais autre chose.</p>
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- <p>Se satisfaire de feuilleter les pages noircies.
- Grimacer souvent, prendre du plaisir à voir les dessins se suivre.
- Les bons comme les moins bons.
- Être le premier à constater que quelque chose se passe.
- Être le créateur, le spectateur, le critique.
- Fabriquer un livre à édition limitée, le seul exemplaire disponible.
- Maîtriser cette chaîne de la création.
- Et pourtant.
- Parfois.
- Dévoiler aux proches l’achèvement, quand tout est figé et seulement bon à montrer.
- Alors qu’au creux de soi le geste n’en finit plus.
- Il y a toujours un dessin à inscrire dans le carnet.
- Toujours un immeuble à dessiner, une usine à représenter, un panneau tordu à conserver.</p>
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- <p>Les carnets se suivent, se multiplient.
- Dessiner n’est pas vital, dessiner était une contrainte et devient une obligation.
- Peut-être par nécessité de produire, quel que soit le résultat et sa qualité.
- Un dessin raté c’est mieux que pas de dessin.
- Avec tous ces carnets il est possible de constater l’ampleur de la tâche.
- De mesurer l’effort, le temps passé, la réussite, l’évolution, la chute.
- Le dessin est-il là pour autre chose ?
- Passer des heures à traverser une ville, à se perdre dans ses recoins ?
- Être le touriste de son propre quotidien atteint vite une limite.
- La discipline devient pesante.</p>
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- <p>La création en voyage est un moyen, pas une fin.
- Ne pas tomber dans les clichés des vues attendues.
- Ça aurait pu être au coin de la rue, mais ce fut dans cette capitale européenne facile à dessiner.
- Ne pas rendre reconnaissable ce bâtiment.
- Proposer une autre interprétation, jouer avec les préjugés.
- Les carnets deviennent des boussoles.
- Là, à ce moment, il s’est passé autre chose que le dessin.
- Les amis, les amours, les sentiments, les émotions.
- À côté, autour, dedans.
- Plus dedans que ce qui était prévu.</p>
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- <p><img src="https://www.quaternum.net/images/2019-epuiser-03.jpg" alt=""></p>
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- <p>C’est un univers qui prend forme.
- Plus seulement les pages remplies ou la tentation de la perfection.
- Noter les signaux faibles.
- De ceux qui sont d’habitude écartés.
- Plutôt que de regarder les photos pour se souvenir, feuilleter les carnets.
- La maîtrise est une supercherie.
- C’est le stylo qui tient tout, qui dirige.
- Chaque périple est anticipé dans l’objectif d’une nouvelle création.
- À l’occasion d’un déplacement trouver quelques heures pour s’échapper.
- Se plaindre des jours de pluie.
- Attendre le printemps.
- Guetter les prochains voyages.</p>
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- <p>L’anticipation de la création devient pollution, ça prend toute la place.
- Partir à la chasse au dessin.
- Le pas lourd, la main hésitante.
- Les dessins se font plus rares.
- C’était pourtant un moyen de se retrouver.
- Une ascèse vers l’extérieur, une retraite à l’intérieur du monde, un <em>break</em>.
- D’autres pratiques pointent.
- Tester l’écriture, le journal.
- La pire contrainte, abandonnée plus tard.
- Le texte fait son chemin.
- Aussi froid que le dessin d’observation.
- Rien dire de soi, en apparence.</p>
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- <p>Le dessin brûlait les doigts d’excitation.
- Il est devenu un poids, une charge mentale.
- Quelque chose s’est usé en chemin.
- La recette devenait trop prévisible, le résultat moins aléatoire.
- Les ratures rares.
- Celles qui subsistent ont comme origine l’hésitation, pas la tentative.
- Est-ce que c’est triste ?
- Regrettable ?
- Dommage ?</p>
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- <p>Ça se passerait ailleurs.
- Si tant est que la création soit une quantité d’énergie disponible.
- Alors allons voir ailleurs plutôt que rien du tout.
- Hésiter, c’est vraiment rater.
- L’échec est un bel essai.
- Il faut négocier avec l’univers créé.
- Celui-ci n’est pas détaché du reste.
- S’il y a un reste.
- Tout se réagençait déjà.
- Les carnets cachaient les métamorphoses à l’œuvre.
- L’urgence de s’écouter.</p>
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- <p>Le dessin n’est pas un vieux copain.
- Il n’y a pas eu d’amitié.
- Une porte ouverte, d’autre couloirs empruntés.
- Regretter c’est croire que le chemin est balisé.
- Tout le monde est perdu mais personne ne le sait.
- Les carnets étaient une boussole.
- Il y a en d’autres, des boussoles.
- Aussi des phares, des lumières dans la nuit.
- Tout se superpose, s’entrechoque.
- C’est beau.</p>
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- <p><img src="https://www.quaternum.net/images/2019-epuiser-02.jpg" alt=""></p>
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- <p><em>Texte de création rédigé dans le cadre du séminaire de Jean-Simon Desrochers, Département des littératures de langues française, Université de Montréal, novembre 2019.</em></p>
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